Teenage Fanclub

En voilà un qui s'est fait attendre. Prévu à l'origine pour le mois d'octobre 2020, Endless Arcade, le onzième album de Teenage Fanclub, est finalement sorti en avril dernier, après plusieurs reports dus à la situation sanitaire mondiale. Il est le premier que le groupe enregistre sans le bassiste et chanteur Gerard Love, qui a quitté la formation écossaise en 2018. Dave McGowan et Euros Childs (le leader de Gorky's Zygotic Mynci) sont venus la renforcer, quoique McGowan est dans les parages depuis un long moment maintenant.

Perdre un membre de son groupe n'est pas toujours un évènement heureux (même si c'est le bassiste qui part) et dans le cas de Teenage Fanclub, c'est même assez problématique. Depuis Bandwagonesque en 1991, la bande de Bellshill fonctionnait comme une démocratie assez aboutie, les trois compositeurs (Love, Norman Blake et Raymond McGinley) se répartissant à peu près équitablement l'écriture des morceaux sur tous les disques. Et Love ne s'était jamais caché, en lui offrant quelques-unes de ses plus belles réussites ("Sparky's Dream", "Don't Look Back", "Ain't That Enough", "Take the Long Way Round", "Mount Everest", "The Town and the City"). La perte est donc immense pour les Fannies.

La principale question à laquelle devait répondre Endless Arcade était donc de savoir si le départ de Love avait bien été digéré par ses anciens partenaires, et ceci d'un strict point de vue musical. McGinley et Blake s'y partagent l'écriture, six chansons chacun, et, il faut bien le dire, l'absence de Love se ressent dès les premières écoutes. Il manque sa voix évidemment, mais aussi, et cela est plus ennuyeux, la variété et les nuances qu'apportaient ses chansons aux albums précédents de Teenage Fanclub, véritables modèles d'équilibre entre les différentes sensibilités de ses membres. Endless Arcade s'en trouve par conséquent plus monolithique, moins surprenant et enthousiasmant que ses devanciers.

Mais Blake et McGinley n'en ont pas pour autant perdu leur talent pour composer de très belles chansons. "The Sun Won't Shine on Me" est assez remarquable à cet égard, c'est le Teenage Fanclub intemporel et intouchable qui est ici à l'œuvre. La deuxième moitié du disque est particulièrement réussie, avec des morceaux comme "I'm More Inclined" et "Living with You", qui apportent du punch à un ensemble qui ronronne un peu, la superbe "Back in the Day", délicieusement nostalgique, ou encore "The Future" et l'ultime "Silent Song", conclusion lente et douce à cet album d'un groupe néanmoins indéniablement impacté par le départ de l'une de ses forces créatrices.

Teenage Fanclub relève pourtant le défi de surmonter cette défection et y parvient par moments avec un certain panache et un talent toujours immaculé pour composer des titres d'une beauté saisissante. Toutefois, il est difficile de ne pas amèrement regretter le départ de Gerard Love, que l'exploration d'autres horizons musicaux et l'apport de nouveaux membres ne comblent pas totalement, et de voir le verre à moitié plein à l'écoute de cet Endless Arcade (allez, aux trois quarts plein, je suis un gentil !). Mais Teenage Fanclub restant Teenage Fanclub, on y trouve tout de même ce qu'on est venu y chercher et il va sans dire que la suite de leurs aventures sera scrutée avec attention, c'est bien le moins que l'on puisse faire pour ce groupe formidable.