Pigalle

Réécouter Pigalle c'est se replonger dans une période. La fin des années 80. Quand la scène française gargouille de groupes alternatifs qui mélangent tout sans vergogne. Le gros François est sur tous les fronts. Los Carayos. Les Garçons bouchers. En parallèle de son activité sur le fameux label Boucherie Production. Dans ce contexte d'hyper-créativité il nous pond cette chose invraisemblable:

Regards Affligés Sur La Morne Et Pitoyable Existence De Benjamin Tremblay, Personnage Falot Mais ô Combien Attachant.

Oui, ceci est bel et bien le titre de cet album ! Même si, souvent réduit plus simplement à un bien triste... Pigalle. Pourtant ce titre a son importance, donnant un sens à un sorte de concept-album autour de la plutôt pitoyable vie d'un dénommé Benjamin Tremblay. Cependant à l'écoute, le concept est très secondaire vu que les enchainements entre les chansons ne sont pas si évidents et qu'elles peuvent être prises indépendamment sans souci. Ces chansons sont des tranches de vie d'un ouvrier exilé de sa lorraine natale pour construire 400 kilomètres d'autoroute et trainant de bars en bordels dans un bien noir Paris. Un Paris d'abord vu comme un paradis mais qui emmènera Benjamin Tremblay dans la folie de l'alcool jusqu'à la prison. En fond de cette crasse il y a toujours de l'humain : la mère "Marie la Rouquine", le premier amour "Angèle", l'amour destructeur "Sophie de Nantes". C'est le grand tourbillon de la vie. Cet album est avant tout une œuvre littéraire s'inscrivant dans la lignée de la chansons française réaliste. L'aspect musical n'est pas négligé, chaque morceau ayant son ambiance et son style propre. C'est triste et beau. Comme la pochette de Tardi. Enfin comment ne pas citer le très nostalgique "Chez Rascal et Ronan", chanson un peu déconnectée du reste de l'album, où FHL déplore déjà la fin du rock alternatif. Les salles ferment, les groupes signent sur des majors. Fin d'une période.

Véritable réussite artistique Regards Affligés Sur La Morne Et Pitoyable Existence De Benjamin Tremblay, Personnage Falot Mais ô Combien Attachant est aussi un succès public avec son fameux "Bar tabac de la rue des martyrs" qui tournera beaucoup en radio à sa sortie. On peut le considérer comme un album emblématique de la scène alternative. Une œuvre représentative de son époque mais aussi une œuvre toujours étonnante. Alors que beaucoup d'autres disques de la scène alternative, ceux des garçons bouchers y compris, passent aujourd'hui beaucoup moins bien. Incontournable.