Blur
Londres [Hyde Park] - dimanche 12 août 2012 |
Celebrate British Summer!
A l'époque, ce slogan sur une devanture de magasin à Oxford Street m'avait bien fait marrer, moi qui ai grandi sur la Côte d'Azur. C'est ça le British Summer? Le gris, la pluie, pas de plage, pas de cigales, are you serious mate? Et pourtant je m'apprêtais à vivre le greatest British summer ever.
On est en 2012, cela fait déjà un an que je vis à Londres. Après 4 ans à me faire chie* en Ecole, je réalise enfin mon rêve d'ado. Diplôme en poche, fini les études et le parcours fléché de fils modèle, je suis mes envies et m'installe dans cette ville qui nourrit mon imaginaire depuis que j'écoute de la musique. Pas facile le passage de la vie d'étudiant à celui de jeune adulte : le salaire de misère dans une ville aussi chère, l'isolement dans une ville hyper-compétitive, la barrière de la langue - ou plutôt de l'accent - à laquelle les cours d'anglais ne peuvent pas préparer, obligé d'être au boulot à 9h après un dérapage au pub la veille - et oui, les copains peuvent plus signer pour toi le lendemain dans l'amphi!... Mais à côté de ça, la ville est à la hauteur de sa réputation, excitante, branchée et bouillonnante. Le passage piéton d'Abbey Road, les pubs et les boîtes de Camden, les boutiques de Carnaby Street, un concert de Pulp à Hyde Park, The Black Keys à Alexandra Palace, la plaque hommage à Ziggy Startdust sur Heddon Street, les nuits alcoolisées à Hoxton et Dalston...Tout y passe pendant une première année où je me vautre avec délectation dans les clichés d'une sorte de Disneyland rock fantasmé. Je me sens donc comme un poisson dans l'eau au début de l'été 2012, qui se révèlera mémorable. 'It was such a great time to be in London'
2012, c'est l'été de l'Euro avec un match France-Angleterre en phase de poule, visionné au pub avec mes collègues anglais. 1-1 score final, on se quitte bons amis et le boss paye sa tournée. C'est aussi l'année du Diamond Jubilee de la Reine, 60 ans de règne! Avec mes amis on était allés voir le grand défilé fluvial sur la Tamise, le plus grand défilé depuis des siècles, et on avait pu apercevoir de loin Sa Majesté et Kate Middleton dans son ensemble rouge. Pas très punk j'en conviens...on est loin du 'God Save The Queen' des Sex Pistols pour le Silver Jubilee! Puis on avait enchaîné sur une fête de quartier dans notre neighborhood, où l'on avait pu apprécier tout l'esprit loufoque et bon-enfant des brits, avec leurs tenues grotesques aux couleurs de l'Union Jack et le Tea-time qui allait rapidement laisser place au Pim's time et Pints time. Enfin, c'était évidemment l'été des JO à Londres. Toute la ville était imprégnée d'une ambiance électrique, avec bien sûr les épreuves, le décompte des médailles qui rythmaient ces deux semaines mais également une ambiance festive, de très nombreux concerts et évènements, notamment dans les hospitality houses de chaque nation, dont la France à Tower Hill.
Le clou du spectacle était le concert de clôture des JO à Hyde Park avec une affiche d'enfer et so British. Jugez plutôt : New Order, The Specials et Blur, classe! Veuillez excuser votre humble serviteur mais j'étais tellement à fond dans mon délire que j'y suis allé avec un Union Jack plutôt qu'un drapeau français...
On arrive à la moitié de New Order, juste le temps de profiter de ‘Crystal', 'Bizarre love triangle' et 'Love will tear us appart', de loin vu que Hyde Park est gigantesque et déjà pas mal rempli! The Specials arrivent un peu plus tard alors que le soleil commence à se coucher. Pour moi ce n'est qu'un obscur groupe de ska des 80s, je suis étonné de voir à quel point le public les adule et notamment Terry Hall. Supers moments pendant 'A message to you Rudy', 'Too much too young' et 'Friday night Saturday night', les seules que je connais, évidemment. Fin du concert, on a pas mal de temps avant Blur, c'est le moment d'aller manger un Fish & Chips (of course...). Je me rappelle avoir fait la queue derrière une armoire à glace au crâne rasé, avec un short laissant apparaître un tatouage sur le mollet qui célébrait le titre de Chelsea en Champion's league. Sacrés anglais...!
Une fois rassasiés, on se positionne, on regarde la cérémonie de clôture des JO sur les écrans géants, Boris Johnson le maire sympa et marrant de Londres fait le pitre au micro de la BBC. Et d'un coup, l'image s'estompe, un bleu fluorescent du plus bel effet apparaît suivi par le logo de Blur. Enorme clameur de Hyde Park!
Le groupe n'y va pas par 4 chemins et commence direct sur un 'Girls & Boys' qui fait sauter dans tous les sens les dizaines de milliers de personnes du public. On enchaîne, Damon Albarn annonce au micro "This is called 'London loves'....And we love London!". Evidemment je hurle comme un goret Yeaaaaaaaah avec tout le monde. Le groupe est en plein forme et va livrer une superbe prestation pendant 2 heures, avec un public festif et tout acquis à sa cause. La setlist, bien équilibrée, revisite leur belle discographie (je triche un peu parce que j'ai revu le concert sur YouTube depuis...). On passe avec plaisir des pops songs réjouissantes des débuts ('Tracy Jacks', 'Sunday Sunday') aux méga-tubes tels que 'Country house' ou ‘Parklife', avec en guest sur scène un Phil Daniels plein de gouaille, et bien sûr 'Song 2', jouissif et régressif à souhait. Je me rappelle de très nombreux excellents moments : une superbe interprétation de ‘Beetlebum' avec un final hyper-bruitiste faisant la part belle à la guitare de Graham Coxon, qui enchaîne direct sur un énorme 'Coffee & TV', avec une autre excellente outro à la guitare. Le nerd binoclard du groupe restera dans son coin pendant tout le concert, mutique et les yeux rivés sur sa 6 cordes, mais distillant tout ce qu'il faut de distorsion pour ‘épicer' la pop sautillante du groupe.
La facette éclectique du groupe était représentée avec une jolie version de 'Out of time', où un joueur de Oud a rejoint nos 4 londoniens sur scène. Les ballades comme 'This is a low', 'To the end' et 'End of a century' étaient parfaites pour prendre son voisin par les épaules, dans un moment d'émotion à peine surjoué (mais c'était pour la bonne cause!). La superbe ‘Tender' a clôturé le set principal en laissant traîner son groove chaleureux pour de longues minutes, pendant que le public chantait "Love's the greatest thing" en choeur pour un joli moment de communion. Pendant ‘For Tomorrow' jouée en rappel, alors que j'entonnais "London's so nice back in your seamless rhymes, But we're lost on the West way, So we hold each other tightly, And we can wait until tomorrow", je me rappelle être ému et simplement heureux de vivre ce que je vivais. Enfin, 'The universal' a parfaitement conclu le concert, dans un ambiance pleine de nostalgie et de tendresse.
Alors qu'on sort de Hyde Park et qu'on marche vers Marble Arch pour attraper un bus, on réalise tous qu'on vient de passer un superbe moment, concluant de la plus belle des manières un été idyllique à Londres.
Ce concert (immortalisé sur le live Parklive) reste pour moi un excellent souvenir, et me rappelle une belle période de ma vie. Ces grandes messes à Hyde Park étaient en bonne place dans mon imaginaire plein de Rock British et je suis très heureux d'avoir pu en vivre une (deux même, avec Pulp l'été précédent!). Je ne sais pas si je l'idéalise ou si je suis moins naïf - sûrement un peu des deux - mais cet été à Londres me donne vraiment l'impression d'une apogée, d'un moment particulièrement heureux. Tous ces évènements ont donné lieu à une célébration de l'identité britannique joyeuse, pleine d'optimisme et de fierté bienveillante. Je sais que mes anciens collègues gardent également ce souvenir d'une parenthèse enchantée. D'une certaine manière, après l'apogée est venu le déclin. En 2013, le UKIP de Nigel Farage faisait de bons scores aux élections, un nationalisme cocardier a commencé à se répandre dans le pays et a mené le gouvernement puis tout le pays dans l'engrenage infernal du Brexit. Pour ma part, j'ai profité passionnément de Londres une année de plus avant que le besoin de mieux gagner ma vie et une belle opportunité professionnelle ailleurs ne s'imposent. En embarquant dans l'avion qui m'amenait vers ce nouveau chapitre, je me rappelle que j'écoutais ‘Beetlebum' le coeur serré.
A l'époque, ce slogan sur une devanture de magasin à Oxford Street m'avait bien fait marrer, moi qui ai grandi sur la Côte d'Azur. C'est ça le British Summer? Le gris, la pluie, pas de plage, pas de cigales, are you serious mate? Et pourtant je m'apprêtais à vivre le greatest British summer ever.
On est en 2012, cela fait déjà un an que je vis à Londres. Après 4 ans à me faire chie* en Ecole, je réalise enfin mon rêve d'ado. Diplôme en poche, fini les études et le parcours fléché de fils modèle, je suis mes envies et m'installe dans cette ville qui nourrit mon imaginaire depuis que j'écoute de la musique. Pas facile le passage de la vie d'étudiant à celui de jeune adulte : le salaire de misère dans une ville aussi chère, l'isolement dans une ville hyper-compétitive, la barrière de la langue - ou plutôt de l'accent - à laquelle les cours d'anglais ne peuvent pas préparer, obligé d'être au boulot à 9h après un dérapage au pub la veille - et oui, les copains peuvent plus signer pour toi le lendemain dans l'amphi!... Mais à côté de ça, la ville est à la hauteur de sa réputation, excitante, branchée et bouillonnante. Le passage piéton d'Abbey Road, les pubs et les boîtes de Camden, les boutiques de Carnaby Street, un concert de Pulp à Hyde Park, The Black Keys à Alexandra Palace, la plaque hommage à Ziggy Startdust sur Heddon Street, les nuits alcoolisées à Hoxton et Dalston...Tout y passe pendant une première année où je me vautre avec délectation dans les clichés d'une sorte de Disneyland rock fantasmé. Je me sens donc comme un poisson dans l'eau au début de l'été 2012, qui se révèlera mémorable. 'It was such a great time to be in London'
2012, c'est l'été de l'Euro avec un match France-Angleterre en phase de poule, visionné au pub avec mes collègues anglais. 1-1 score final, on se quitte bons amis et le boss paye sa tournée. C'est aussi l'année du Diamond Jubilee de la Reine, 60 ans de règne! Avec mes amis on était allés voir le grand défilé fluvial sur la Tamise, le plus grand défilé depuis des siècles, et on avait pu apercevoir de loin Sa Majesté et Kate Middleton dans son ensemble rouge. Pas très punk j'en conviens...on est loin du 'God Save The Queen' des Sex Pistols pour le Silver Jubilee! Puis on avait enchaîné sur une fête de quartier dans notre neighborhood, où l'on avait pu apprécier tout l'esprit loufoque et bon-enfant des brits, avec leurs tenues grotesques aux couleurs de l'Union Jack et le Tea-time qui allait rapidement laisser place au Pim's time et Pints time. Enfin, c'était évidemment l'été des JO à Londres. Toute la ville était imprégnée d'une ambiance électrique, avec bien sûr les épreuves, le décompte des médailles qui rythmaient ces deux semaines mais également une ambiance festive, de très nombreux concerts et évènements, notamment dans les hospitality houses de chaque nation, dont la France à Tower Hill.
Le clou du spectacle était le concert de clôture des JO à Hyde Park avec une affiche d'enfer et so British. Jugez plutôt : New Order, The Specials et Blur, classe! Veuillez excuser votre humble serviteur mais j'étais tellement à fond dans mon délire que j'y suis allé avec un Union Jack plutôt qu'un drapeau français...
On arrive à la moitié de New Order, juste le temps de profiter de ‘Crystal', 'Bizarre love triangle' et 'Love will tear us appart', de loin vu que Hyde Park est gigantesque et déjà pas mal rempli! The Specials arrivent un peu plus tard alors que le soleil commence à se coucher. Pour moi ce n'est qu'un obscur groupe de ska des 80s, je suis étonné de voir à quel point le public les adule et notamment Terry Hall. Supers moments pendant 'A message to you Rudy', 'Too much too young' et 'Friday night Saturday night', les seules que je connais, évidemment. Fin du concert, on a pas mal de temps avant Blur, c'est le moment d'aller manger un Fish & Chips (of course...). Je me rappelle avoir fait la queue derrière une armoire à glace au crâne rasé, avec un short laissant apparaître un tatouage sur le mollet qui célébrait le titre de Chelsea en Champion's league. Sacrés anglais...!
Une fois rassasiés, on se positionne, on regarde la cérémonie de clôture des JO sur les écrans géants, Boris Johnson le maire sympa et marrant de Londres fait le pitre au micro de la BBC. Et d'un coup, l'image s'estompe, un bleu fluorescent du plus bel effet apparaît suivi par le logo de Blur. Enorme clameur de Hyde Park!
Le groupe n'y va pas par 4 chemins et commence direct sur un 'Girls & Boys' qui fait sauter dans tous les sens les dizaines de milliers de personnes du public. On enchaîne, Damon Albarn annonce au micro "This is called 'London loves'....And we love London!". Evidemment je hurle comme un goret Yeaaaaaaaah avec tout le monde. Le groupe est en plein forme et va livrer une superbe prestation pendant 2 heures, avec un public festif et tout acquis à sa cause. La setlist, bien équilibrée, revisite leur belle discographie (je triche un peu parce que j'ai revu le concert sur YouTube depuis...). On passe avec plaisir des pops songs réjouissantes des débuts ('Tracy Jacks', 'Sunday Sunday') aux méga-tubes tels que 'Country house' ou ‘Parklife', avec en guest sur scène un Phil Daniels plein de gouaille, et bien sûr 'Song 2', jouissif et régressif à souhait. Je me rappelle de très nombreux excellents moments : une superbe interprétation de ‘Beetlebum' avec un final hyper-bruitiste faisant la part belle à la guitare de Graham Coxon, qui enchaîne direct sur un énorme 'Coffee & TV', avec une autre excellente outro à la guitare. Le nerd binoclard du groupe restera dans son coin pendant tout le concert, mutique et les yeux rivés sur sa 6 cordes, mais distillant tout ce qu'il faut de distorsion pour ‘épicer' la pop sautillante du groupe.
La facette éclectique du groupe était représentée avec une jolie version de 'Out of time', où un joueur de Oud a rejoint nos 4 londoniens sur scène. Les ballades comme 'This is a low', 'To the end' et 'End of a century' étaient parfaites pour prendre son voisin par les épaules, dans un moment d'émotion à peine surjoué (mais c'était pour la bonne cause!). La superbe ‘Tender' a clôturé le set principal en laissant traîner son groove chaleureux pour de longues minutes, pendant que le public chantait "Love's the greatest thing" en choeur pour un joli moment de communion. Pendant ‘For Tomorrow' jouée en rappel, alors que j'entonnais "London's so nice back in your seamless rhymes, But we're lost on the West way, So we hold each other tightly, And we can wait until tomorrow", je me rappelle être ému et simplement heureux de vivre ce que je vivais. Enfin, 'The universal' a parfaitement conclu le concert, dans un ambiance pleine de nostalgie et de tendresse.
Alors qu'on sort de Hyde Park et qu'on marche vers Marble Arch pour attraper un bus, on réalise tous qu'on vient de passer un superbe moment, concluant de la plus belle des manières un été idyllique à Londres.
Ce concert (immortalisé sur le live Parklive) reste pour moi un excellent souvenir, et me rappelle une belle période de ma vie. Ces grandes messes à Hyde Park étaient en bonne place dans mon imaginaire plein de Rock British et je suis très heureux d'avoir pu en vivre une (deux même, avec Pulp l'été précédent!). Je ne sais pas si je l'idéalise ou si je suis moins naïf - sûrement un peu des deux - mais cet été à Londres me donne vraiment l'impression d'une apogée, d'un moment particulièrement heureux. Tous ces évènements ont donné lieu à une célébration de l'identité britannique joyeuse, pleine d'optimisme et de fierté bienveillante. Je sais que mes anciens collègues gardent également ce souvenir d'une parenthèse enchantée. D'une certaine manière, après l'apogée est venu le déclin. En 2013, le UKIP de Nigel Farage faisait de bons scores aux élections, un nationalisme cocardier a commencé à se répandre dans le pays et a mené le gouvernement puis tout le pays dans l'engrenage infernal du Brexit. Pour ma part, j'ai profité passionnément de Londres une année de plus avant que le besoin de mieux gagner ma vie et une belle opportunité professionnelle ailleurs ne s'imposent. En embarquant dans l'avion qui m'amenait vers ce nouveau chapitre, je me rappelle que j'écoutais ‘Beetlebum' le coeur serré.
Intemporel ! ! ! 20/20 | par Vamos |
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