Car Seat Headrest
Teens Of Denial |
Label :
Matador |
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Le voilà enfin, après des semaines d'attente (des années pour les fans de la première heure) : le premier album non-autoproduit de Car Seat Headrest. Avec un petit contretemps qui n'est qu'une péripétie de plus dans la légende grandissante de son créateur Will Toledo : le premier pressage est parti au pilon une semaine avant la date de sortie prévue, Ric Ocasek n'ayant visiblement pas apprécié la manière dont "Just What I Needed", le tube des Cars dont il est l'auteur, a été inséré dans l'un des morceaux du jeune prodige. Pas démonté, Will a opéré une ablation du tube digéré avec une facilité et une rapidité déconcertantes, se permettant même le luxe de rallonger le morceau en question, rebaptisé "Not Just What I Needed", en intercalant un morceau d'interview dans lequel il explique pour la millième fois d'où vient le nom de son projet (bla bla bla il enregistrait les voix de ses albums autoproduits sur la banquette arrière de la voiture de ses parents bla bla bla).
Au fond, son rapport à ses influences musicales rappelle celui d'Anton Newcombe, en moins nihiliste : un mélange de révérence et d'irrévérence, d'hommages appuyés et de clins d'œil amusés. Les chanceux (journalistes et pirates) qui ont eu la chance d'entendre le morceau censuré ont eu un aperçu de cette attitude. En tout cas grâce à ce morceau et à la polémique qu'il a engendrée, j'ai découvert un excellent groupe de power pop (The Cars, pour ceux qui ont du mal à suivre ma pensée tortueuse), mais ses synthés un peu kitsch m'ont agressé les oreilles en comparaison de la version au papier de verre de Toledo. Quand aux petits morceaux du "White Flag" de Dido (on appelle ça des snippets, apparemment) noyés dans les onze minutes de "The Ballad of the Costa Concordia", navire-amiral de cet album avec sa montée cataclysmique (oui, je sais, c'est un peu facile, tout ça), je les cherche encore (promis, je me calme sur les parenthèses et les blagues).
La grande force de Car Seat Headrest est de faire de ces assemblages de gimmicks et de riffs familiers des morceaux ambitieux, prenants et néanmoins écoutables : cinq d'entre eux dépassent les six minutes et pourtant, je ne m'ennuie à aucun moment malgré les écoutes répétées. Ça et un sens de la formule qu'aurait apprécié Kurt Cobain : "I'm so sick of (fill in the blank)", ou encore "Drugs are better / Drugs are better with friends are better / Friends are better with drugs".
On pourrait expédier chacun de ces morceaux en les affublant d'étiquettes comme "Wilco punk-rock", "Neutral Milk Hotel grunge", "Lemonheads prog" ou "Pavement (tout court)" qui ne seraient pas complètement imméritées. Mais cet album est beaucoup plus que ça : Toledo a le rock et la pop dans le sang. Ce n'est pas pour rien que l'ingé son de cet album, le vénérable Steve Fisk, qui a accouché le gotha du grunge il y a une paire de décennies, le compare à Ray Davies des Kinks : un songwriter fabuleux, qui croquait ses contemporains dans des singles imparables et des albums-concepts, avec une fausse candeur et un humour décapant. Et un sens extraordinaire des arrangements et du dosage entre rock'n'roll dévastateur et pop délicate.
Je ne sais pas jusqu'où ira ce gamin de 23 ans, mais je fais le pari que cet album restera dans l'histoire du rock, même si l'histoire du rock est bien anecdotique dans le monde d'aujourd'hui, en comparaison de la place qu'elle occupait dans le monde de Ray Davies. Quoi qu'il arrive, entre Teens of Style, merveille de pop lo-fi, et ce Teens of Denial plus puissant et plus aventureux, Will Toledo nous aura montré en deux disques l'étendue de son immense talent. Sacrée belle pioche pour Matador.
Au fond, son rapport à ses influences musicales rappelle celui d'Anton Newcombe, en moins nihiliste : un mélange de révérence et d'irrévérence, d'hommages appuyés et de clins d'œil amusés. Les chanceux (journalistes et pirates) qui ont eu la chance d'entendre le morceau censuré ont eu un aperçu de cette attitude. En tout cas grâce à ce morceau et à la polémique qu'il a engendrée, j'ai découvert un excellent groupe de power pop (The Cars, pour ceux qui ont du mal à suivre ma pensée tortueuse), mais ses synthés un peu kitsch m'ont agressé les oreilles en comparaison de la version au papier de verre de Toledo. Quand aux petits morceaux du "White Flag" de Dido (on appelle ça des snippets, apparemment) noyés dans les onze minutes de "The Ballad of the Costa Concordia", navire-amiral de cet album avec sa montée cataclysmique (oui, je sais, c'est un peu facile, tout ça), je les cherche encore (promis, je me calme sur les parenthèses et les blagues).
La grande force de Car Seat Headrest est de faire de ces assemblages de gimmicks et de riffs familiers des morceaux ambitieux, prenants et néanmoins écoutables : cinq d'entre eux dépassent les six minutes et pourtant, je ne m'ennuie à aucun moment malgré les écoutes répétées. Ça et un sens de la formule qu'aurait apprécié Kurt Cobain : "I'm so sick of (fill in the blank)", ou encore "Drugs are better / Drugs are better with friends are better / Friends are better with drugs".
On pourrait expédier chacun de ces morceaux en les affublant d'étiquettes comme "Wilco punk-rock", "Neutral Milk Hotel grunge", "Lemonheads prog" ou "Pavement (tout court)" qui ne seraient pas complètement imméritées. Mais cet album est beaucoup plus que ça : Toledo a le rock et la pop dans le sang. Ce n'est pas pour rien que l'ingé son de cet album, le vénérable Steve Fisk, qui a accouché le gotha du grunge il y a une paire de décennies, le compare à Ray Davies des Kinks : un songwriter fabuleux, qui croquait ses contemporains dans des singles imparables et des albums-concepts, avec une fausse candeur et un humour décapant. Et un sens extraordinaire des arrangements et du dosage entre rock'n'roll dévastateur et pop délicate.
Je ne sais pas jusqu'où ira ce gamin de 23 ans, mais je fais le pari que cet album restera dans l'histoire du rock, même si l'histoire du rock est bien anecdotique dans le monde d'aujourd'hui, en comparaison de la place qu'elle occupait dans le monde de Ray Davies. Quoi qu'il arrive, entre Teens of Style, merveille de pop lo-fi, et ce Teens of Denial plus puissant et plus aventureux, Will Toledo nous aura montré en deux disques l'étendue de son immense talent. Sacrée belle pioche pour Matador.
Intemporel ! ! ! 20/20 | par Myfriendgoo |
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