Jean Louis Murat
Cheyenne Autumn |
Label :
Virgin |
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Chroniquer ici le premier album "officiel" de Jean-Louis Murat pourrait paraître un peu hors-sujet : Cheyenne Autumn aurait en effet de quoi déconcerter à la première écoute l'amateur de notre volcanique auvergnat. Ici, très peu de guitare, quasiment que des claviers.
Si le son peut faire fuir les plus puristes, il y a aussi un conflit d'image : à cette époque, bien qu'ayant déjà 37 ans, le Jean-Louis a cette tête de beau gosse qui sert parfaitement ses textes poétiques d'amours contraints et on pourrait passer à côté des références qui continueront d'émailler tous les autres efforts discographiques du bonhomme : l'amour de la terre, des éléments, le fait d'être à la fraiche et décontracté du gland.
Il y a aussi ce titre aussi qui a marché sur un malentendu, "Si Je Devais Manquer De Toi", que l'on classerait sans trop d'hésitation dans la catégorie variété de l'époque (le single est en fait sorti 2 ans plus tôt). Pourtant, il faut reconnaître que ce titre est assez imparable : bien qu'il parle de désespoir amoureux, que les yeux bleus pleureurs du chanteur pourraient être comparés à des océans en furie, la mélodie est belle de simplicité, la rythmique imparable et la voix souffrante de sincérité.
Vers où va–t'on alors ? Du côté des sons putassiers ou vers des sentiers sauvages ? Un petit peu des deux... Et puis, comme Gainsbourg et Bashung avant lui, après tant d'années de galères, de petits boulots ingrats, d'échecs discographiques, le Jean-Louis avait bien le droit de tenter une percée. Il faudra véritablement attendre l'aide du duo Mylène Farmer / Laurent Boutonnat deux ans plus tard, avec la chanson "Regrets", chantée conjointement avec celle qui aime la mélancolie et qui en a fait un business, pour qu'enfin Jean-Louis Murat se fasse connaître du grand public.
En ce sens, disons que Cheyenne Autumn prépare un peu le terrain : d'ailleurs quelques chansons peuvent effectivement rappeler des compositions de Boutonnat, comme "Le Troupeau". Ce lien est surtout fait par l'utilisation de claviers et de programmations, le tout orchestré par Denis Clavaizolle qui co-réalise l'album.
Ces choix techniques, imposés par l'époque et les circonstances, égratignent la qualité générale du disque : certaines sonorités sont très datées ("Amours Débutants", "Le Garçon Qui Maudit Les Filles") et gâchent ainsi la qualité littéraire des textes ne pouvant s'épanouir pleinement avec leur support. On s'en rend surtout compte dans les versions "live" lorsque Jean-Louis Murat interprète ces chansons seul avec une guitare : on atteint alors leur véritable dimension, leur vraie beauté sans fard bon marché.
Mais de toutes ces considérations, Murat s'en fout : il écrit avant tout des chansons, peu importe si c'est de la variété, peu importe si on le considère comme un artiste maudit, ou un simple artisan. Et puis il faut bien vivre, donc...
Pourtant force est de reconnaître que c'est bien dans la sobriété que ce disque dévoile ses plus belles perles : "Déjà Deux Siècles" est un très beau poème, fêtant à sa manière le bicentenaire de la Révolution Française, et est sublimé par quelques notes de guitares timides et un synthé obscur. "Venin" est juste jouée au piano, et cela suffit amplement à en capturer la beauté.
Le synthé, justement... Les claviers, les programmations, pour l'amateur, ça peut avoir son charme, être hypnotique... Cela fonctionne bien par exemple sur le très sensuel "Te Garder Près De Moi", autre titre qui a pu faire fondre les jeunes filles à l'époque. La voix suave de Murat agissant comme un charme supplémentaire, baignée par les éléments de la nature.
Sur d'autres titres, c'est déjà plus compliqué ("La Lune Est Rousse Sur La Baie De Cabourg", "L'Ange Déchu") et on a beau aimer les synthés, il y a quelque chose qui froisse, ce côté "variété" parfois si difficile à distinguer de la vraie chanson "pop". Il faut alors prendre du recul, se concentrer avant tout sur les textes, et ainsi mettre ses sens en éveil : écouter les ruisseaux qui coulent et qui apaisent, sentir l'odeur de la terre, imaginer les troupeaux de brebis se déplaçant dans un matin ensoleillé, s'imprégner de la rosée du matin durant une longue ascension... De là, l'écoute devient autre : on effectue un vrai voyage sensoriel sur "Paradis Perdus" et "Cheyenne Autumn" qui invitent au mystique, "Amours Débutants" gagne en contrepartie un côté mystérieux et sensuel, charnel et fuyant...
On pourrait citer deux autres titres un peu désuets, mais qui ont finalement un petit charme : "Pars" a une mélodie et une sonorité à la Matt Bianco et s'inscrit parfaitement dans cet aspect "pop" 80 à singles, tandis que sur "Pluie D'Automne", Jean-Louis Murat se la joue crooner posé et séducteur, avec ce petit trombone en arrière plan qui pourrait en décontenancer plus d'un...
Au final, Cheyenne Autumn est-il un de ces disques faits pour effectuer de longues chevauchées solitaires dans les grands espaces vierges, idéal pour une communion avec la nature, l'extase des sens afin de retrouver un sentiment grisant de liberté ? Faut voir...Nul doute que l'osmose sera bien mieux réalisée sur les efforts ultérieurs de Jean-Louis Murat, mais ce serait bête de se priver de quelques beaux moments.
Si le son peut faire fuir les plus puristes, il y a aussi un conflit d'image : à cette époque, bien qu'ayant déjà 37 ans, le Jean-Louis a cette tête de beau gosse qui sert parfaitement ses textes poétiques d'amours contraints et on pourrait passer à côté des références qui continueront d'émailler tous les autres efforts discographiques du bonhomme : l'amour de la terre, des éléments, le fait d'être à la fraiche et décontracté du gland.
Il y a aussi ce titre aussi qui a marché sur un malentendu, "Si Je Devais Manquer De Toi", que l'on classerait sans trop d'hésitation dans la catégorie variété de l'époque (le single est en fait sorti 2 ans plus tôt). Pourtant, il faut reconnaître que ce titre est assez imparable : bien qu'il parle de désespoir amoureux, que les yeux bleus pleureurs du chanteur pourraient être comparés à des océans en furie, la mélodie est belle de simplicité, la rythmique imparable et la voix souffrante de sincérité.
Vers où va–t'on alors ? Du côté des sons putassiers ou vers des sentiers sauvages ? Un petit peu des deux... Et puis, comme Gainsbourg et Bashung avant lui, après tant d'années de galères, de petits boulots ingrats, d'échecs discographiques, le Jean-Louis avait bien le droit de tenter une percée. Il faudra véritablement attendre l'aide du duo Mylène Farmer / Laurent Boutonnat deux ans plus tard, avec la chanson "Regrets", chantée conjointement avec celle qui aime la mélancolie et qui en a fait un business, pour qu'enfin Jean-Louis Murat se fasse connaître du grand public.
En ce sens, disons que Cheyenne Autumn prépare un peu le terrain : d'ailleurs quelques chansons peuvent effectivement rappeler des compositions de Boutonnat, comme "Le Troupeau". Ce lien est surtout fait par l'utilisation de claviers et de programmations, le tout orchestré par Denis Clavaizolle qui co-réalise l'album.
Ces choix techniques, imposés par l'époque et les circonstances, égratignent la qualité générale du disque : certaines sonorités sont très datées ("Amours Débutants", "Le Garçon Qui Maudit Les Filles") et gâchent ainsi la qualité littéraire des textes ne pouvant s'épanouir pleinement avec leur support. On s'en rend surtout compte dans les versions "live" lorsque Jean-Louis Murat interprète ces chansons seul avec une guitare : on atteint alors leur véritable dimension, leur vraie beauté sans fard bon marché.
Mais de toutes ces considérations, Murat s'en fout : il écrit avant tout des chansons, peu importe si c'est de la variété, peu importe si on le considère comme un artiste maudit, ou un simple artisan. Et puis il faut bien vivre, donc...
Pourtant force est de reconnaître que c'est bien dans la sobriété que ce disque dévoile ses plus belles perles : "Déjà Deux Siècles" est un très beau poème, fêtant à sa manière le bicentenaire de la Révolution Française, et est sublimé par quelques notes de guitares timides et un synthé obscur. "Venin" est juste jouée au piano, et cela suffit amplement à en capturer la beauté.
Le synthé, justement... Les claviers, les programmations, pour l'amateur, ça peut avoir son charme, être hypnotique... Cela fonctionne bien par exemple sur le très sensuel "Te Garder Près De Moi", autre titre qui a pu faire fondre les jeunes filles à l'époque. La voix suave de Murat agissant comme un charme supplémentaire, baignée par les éléments de la nature.
Sur d'autres titres, c'est déjà plus compliqué ("La Lune Est Rousse Sur La Baie De Cabourg", "L'Ange Déchu") et on a beau aimer les synthés, il y a quelque chose qui froisse, ce côté "variété" parfois si difficile à distinguer de la vraie chanson "pop". Il faut alors prendre du recul, se concentrer avant tout sur les textes, et ainsi mettre ses sens en éveil : écouter les ruisseaux qui coulent et qui apaisent, sentir l'odeur de la terre, imaginer les troupeaux de brebis se déplaçant dans un matin ensoleillé, s'imprégner de la rosée du matin durant une longue ascension... De là, l'écoute devient autre : on effectue un vrai voyage sensoriel sur "Paradis Perdus" et "Cheyenne Autumn" qui invitent au mystique, "Amours Débutants" gagne en contrepartie un côté mystérieux et sensuel, charnel et fuyant...
On pourrait citer deux autres titres un peu désuets, mais qui ont finalement un petit charme : "Pars" a une mélodie et une sonorité à la Matt Bianco et s'inscrit parfaitement dans cet aspect "pop" 80 à singles, tandis que sur "Pluie D'Automne", Jean-Louis Murat se la joue crooner posé et séducteur, avec ce petit trombone en arrière plan qui pourrait en décontenancer plus d'un...
Au final, Cheyenne Autumn est-il un de ces disques faits pour effectuer de longues chevauchées solitaires dans les grands espaces vierges, idéal pour une communion avec la nature, l'extase des sens afin de retrouver un sentiment grisant de liberté ? Faut voir...Nul doute que l'osmose sera bien mieux réalisée sur les efforts ultérieurs de Jean-Louis Murat, mais ce serait bête de se priver de quelques beaux moments.
Pas mal 13/20 | par Machete83 |
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