Yeah Yeah Yeahs

Mosquito

Mosquito

 Label :     Interscope 
 Sortie :    mardi 16 avril 2013 
 Format :  Album / CD  Vinyle   

L'amorce. Depuis les années 2000, il est de bon ton de jouer les aveugles, ou les sourds, à voir, et de ne pas critiquer l'état de la musique indépendante. "Oh ça va, dira t-on d'un laxisme outrancier, il y a quand même des bons groupes, n'exagère pas !". Bon. Pourquoi pas. Je suis naturellement d'un optimisme à tout épreuve. Je n'écris pas ou peu de chroniques négatives, préférant me concentrer sur l'hypothétique découvertes de groupes qui m'ont touché aux chères têtes blondes qui repeuplent le présent site, plutôt que d'enfoncer ce qui s'avère souvent être des portes déjà bien ouvertes. Sauf que là, aux vues de diverses discussions, sur lesquelles je me suis déjà pas mal répandu, j'avais envie d'ajouter à tout ça une chronique d'un point déjà bien avancée dans ce qui me semble être une cause perdue. Donc aujourd'hui, chronique énervée, chronique démago, chronique même carrément facho. Manifeste nazi. Une fois n'est pas coutume.

Dans la tranche des groupes "indés mais pas trop", les Yeah Yeah Yeahs était un groupe que j'aimais beaucoup, plus jeune. Pour avoir fait un Fever To Tell agréablement noisy et foutraque notamment. Un groupe de garage un peu trop clean pour certains, un groupe un peu bordel pour d'autres, un juste milieu pour moi. C'était une époque où l'on était jeune, le rock pour teenager américain vivait ses dernières heures avec Green Day qui dépassait alors les quinze années de carrière. ll y a avait de la pop music pour tous, la culture mainstream avait ses Beyonce (que je ne critique d'ailleurs pas), et les indés avaient droit aux Yeah Yeah Yeahs en passant par les Strokes ou encore les Moldy Peaches qui me sont si chers. Le trio va ainsi continuer à produire une musique, certes moins bazardeuse, mais toute aussi intéressante, explorant l'acoustique dans Show Your Bones en 2005 notamment, avant de revenir aux riffs rageur super-fuzzés avec le très bon l'EP Is Is.

Puis un jour, comme dans tout bon film hollywoodien, quelque chose de déclenche, un nuage apparaît. Vous êtes un jour tranquillement en train de vous repaître du derrière rondouillard d'une jeune groupie de votre groupe de punk alternative pop underground lo-fi cheap rock, et le lendemain, vous êtes juste un loser de trente ans qui joue de la gratte quand son patron a bien voulu lui laisser 2 jours de RTT pendant que lui revenait de 2 mois aux îles Caïman. Alors que s'est-il passé entre-temps ? La même chose qu'en musique, la complaisance. Quand l'electro commence à devenir un genre plus médiatisé et écouté, on trouve ça bien, rigolo, parfois un peu kitsch et maladroit, mais pourquoi pas. Quand les Guetta et autres prennent doucement le haut du pavé de la culture mainstream, on y fait pas gaffe. Quand tout le monde vient à le singer dans cette même culture, on se dit qu'ils sont cons, que de toute manière ce n'est pas notre genre musical, qu'on écoute pas de FM, pas de MTV, on est trop indés pour ça. Sauf que le glissement visqueux vint alors toucher la globalité du monde musical, à force de se dire que "ouais, ça va, un clavier Yamaha c'est pas honteux non plus", ou que "oh, bon, ce petit riff disco, il est quand même rigolo non, c'est du second degré..."
L'ennemi s'infiltre dans notre base, les synthés - contre quoi je n'ai RIEN, je tiens encore à le préciser, j'adore les sons de Korg et autres analogues, mais ces derniers donc prennent la place des guitares, créant alors un mouvement basiquement anti-rock. Il est alors de bon ton d'ajouter à sa panoplie du rocker indé émérite, l'expérimentation synthétique. Bon. Allez. Je suis bon prince. Quand les Yeah Yeah Yeas sortent It's Blitz!, je n'y vois pas encore de collabo, je me dis que c'est un essai, une expérience, une infiltration plus qu'un réel virage. Si le côté disco-punk m'énerve dans dans le paradoxe de ses termes, l'énergie et les mélodies, il faut l'avouer restent là, avec d'excellent morceaux comme "Heads Will Roll" ou encore le joli "Runaway". On a donc un album qui "surfe" sur la vague, on gardant son esprit, donc, si je préfère évidemment les autres, pourquoi pas, ça passe, et j'ai même acheté le bouzin.

Sauf qu'entre temps, ce qui n'était qu'un mouvement est devenu de l'absolu totalitarisme. Les bacs des disquaires se remplissent de DJ's obscures, les bars de Paris se mutent en clubs, et les clubbers à crêtes de tapettes (aucune homophobie là-dedans) envahissent le marché des auditeurs de musique. Pire, 95% des sorties mainstream se calquent sur les pires idées des décennies passées, la dance des années 90 (Gala et Vengaboys, bonjour!) mais surtout une majorité aussi de sortie du monde "rock" s'affaisse sous le poids des pattes d'ef' à paillettes. Pour la presse dite spécialisée - qui est, entre parenthèses, aussi spécialisée que moi en politique : La pop meurt, on parle d'electro-pop, le rock agonise, on parle d'electro-rock. On salue les "virages" que prennent les groupes, on se masturbe sur la "modernité" qu'on retrouvés certains et sur la "fraîcheur" qu'apportent des groupes comme C2C, énième sempiternel groupe de hipsters à platines, qui est aussi frais qu'un tacos au mois d'août. Le ver est dans la pomme.

Si je n'en étais pas amoureux, j'ai tout de même constaté chez les groupes hype des années 2000, The Strokes en tête de gondole un épanchement ridicule vers ce fameux electro mainstream. C'est comme voir les jolies filles du lycées se transformaient en pétasses vulgaires alors qu'elles pourraient être encore très mignonnes. Et bah les YYY's , c'est un peu pareil mais avec une ex. On se souvient avec bonheur l'époque où l'on pouvait innocent fantasmer sur un morceau de culotte coton petit-bateau, avant qu'elle ne porte plus qu'exclusivement des strings apparents. On se souvient comment la vision de l'aine qui se dérobe sous un t-shirt qui se lève un peu trop haut, pouvait nous faire bouillir l'imagination, avant que celle ci soit tatouée d'un vieux symbole tribal tout pérrave. Et le visage de l'amour d'ado transformé en pâte à tartiner de maquillage... Voilà, c'est ce que sont devenus les Yeah Yeah Yeahs.
Et bien d'autres, qu'on se le dise. Mais je prends là un bouc émissaire, ils payeront pour les autres, trop c'est trop. En acceptant par prétendu-second degré le revival disco voir dance dans le groupes plutôt intègres du passé, on a encouragé le fait qu'aujourd'hui, pour trouver un groupe basique de pop sympa, il faille creuser jusqu'à l'os. Je parle bien de pop, je sais que si on veut du gros noisy par exemple, on a toujours ces bons vieux Dinosaur Jr. et autres. Inutile alors de rappeler les quelques exceptions qui, encore, ont gardé leur esprits, s'écartant du "ah tiens, mon voisin écoute Claude François et il arrive à choper, alors je vais faire pareil". Je peux vous dire que si un jour il faut s'accrocher une boule disco au plafond pour pécho, je peux directement aller louer un stock entier de pornos bon marché. Bref.
Alors je me dis que voilà, c'était un essai, et que les groupes un minimum intègres vont s'apercevoir de la plus grande nécessité d'avoir de la diversité que d'avoir un succès planétaire. Que les 3xYeahs vont réaliser que c'est le moment idéal de ressortir les grattes et de basculer les nouveaux codes qui se sont installés plus rapidement que jamais. Cesser cette idolâtrie mal placée de ce que les années 80 ont produit de pire.

C'est dans cet esprit que je découvre que Mosquito va sortir, et que le trio avoue s'être recentré sur ces bases. C'est là que je l'attends plus qu'enthousiasme, me disant qu'ENFIN, le garçon très ouvert que je suis, on l'aura remarqué, va pouvoir apprécier un album de la décennie présente. La suite, vous la devinez aisément. La vie n'est pas une pute, comme on l'entend souvent à droite à gauche, mais un odieux mari cradingue à l'allure douteuse, la bedaine gonflée à la bière bon marché et à la désirabilité proche de celle d'un ministre de l'émigration. Mariés de force, nous ne pouvons pas divorcer sous peine de mort, et il faut prendre les coups du salaud avec le sourire. Parfois, on essaye de trouver quelque chose de séduisant, on se dit que de temps en temps il arrive quand même à soulever sa masse de devant la télévision pour nous honorer un peu comme il se doit. On se met même à faire l'idiotie de comparer nos maris. "Oh, moi au moins il ne me torture pas" ; "Il me laisse quand même manger à ma fin".

Cet album des Yeah Yeah Yeahs est la pire déception qu'il m'est été donné d'ouïr depuis 10 ans.

Je vais pas m'étaler dans la haine (à peine!) alors je vais faire vite, achevant le cheval sur lequel je suis monté des années et qu'il faut maintenant achever d'une balle dans le front. Cet opus n'a aucune force, aucune spécificité et aucun titre phare. Un album c'est un concept, avec des montées, des descentes, ou, au moins, une tenue de route. Ici, la troupe de Karen O rentre dans tous les clichés du groupe indé chiant des années 2012, des nappes de synthés pseudo-joy divisionesque, aucune mélodie portée par une voix soupirante, des guitares inexistante et un son kitschissime des années 80, emplis de chorus et d'échos. Et à la nouvelle génération de s'enthousiasmer sur ce nouvel élan de "ouah, quelle froideur, quelle ambiance...". Pardon ? Si je voulais de l'ambiant, j'écouterais du trip-hop, si je voulais de la froideur, de la new-wave ! Je veux pas que les YYYs me bercent dans l'ennui et la mélancolie, je veux un groupe de putain de garage qui joue fort. Aucune musique ne m'a accroché, j'ai repassé les mp3 (faut pas déconner non plus, je met plus un centime dans cet industrie) en boucle et rien n'y fait. On en arrive à un surplus de cette culture, qui, si elle aurait pu avoir sa place dans le paysage audio, a fini de me dégoûter du genre.

C'est fini, j'ai basculé du côté obscur de la force, j'ai viré ma cuti, j'ai changé de bords, j'ai traversé le miroir, je suis un vieux con. Je regarde des adolescentes parler de sodomie à 14 ans en me disant qu'à l'époque, on avait quand même plus de charme; je grommelle seul sur ma rocking chair en écoutant une énième fois le terme "electro" rajouté à toutes les sauces. "C'est même pas du bon electro !", cris-je d'une voix chevrotante. Je me rappelle l'époque où quand je postulais pour jouer dans un bar, on ne demandait pas "vous êtes un DJ ?" pour me rembarrer une fois que j'aurais répondu non. C'est fini, je déteste officiellement plus les indies boys à grosses lunettes retro-vintage-trop-swag que les fans de Katy Perry, qui a au moins le mérite d'être au courant de sa simplicité d'esprit. Je vois des T-shirts Ramones sur des pleutres qui n'ont jamais ne serait-ce qu'écouter Blitzkrieg bop, je vois les autres îles musicales passer à l'ennemi, le rap, notamment, pourri par le vocoder à tout va et les riffs digne de Fruity Loops 6. Même les BB Brunes s'y mettent, et personne ne voit l'erreur de script. Les journalistes recevront demain d'autres connards à la Shaka Ponk en se disant que ça, c'est du rock. Non, ça, c'est de la merde.

Mosquito paye donc pour les autres, c'est un album à qui j'aurais donné en bonne objectivité au moins 10, mais par le mal qu'il fait, il obtient un 1, car j'ai une réputation légendaire de générosité à garder. Ironie, je viens de passer devant l'affiche du concert parisien à venir de la troupe de Karen O. Ce n'est plus qu'une bande d'hispters, et j'attends désormais avec impatience le jour où les pochettes d'albums seront faites par Instagram, histoire de. Voilà, c'est fini disais-je, le vieux con vous laisse... J'ai bien conscience qu'une certaine partie de la population, la majorité à dire vrai, aimera cet album. Et bien gardez-le, et rendez moi Is This It?, rendez-moi Fever To Tell, Rendez-moi ma jeunesse.

Allez tous crever.


Exécrable ! !   1/20
par S.


 Moyenne 8.00/20 

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Posté le 20 mai 2013 à 18 h 59

Il faut peut être toujours un peu de temps pour réellement saisir toutes les subtilités d'une œuvre. Si des avis peuvent déjà être formulés au bout d'une dizaine d'écoutes (parfois moins), d'autres peuvent véritablement se forger sur plusieurs années! Risquons nous quand même sur ce Mosquito qui divise. En effet, la presse spécialisée (ou non) lui octroie le qualificatif de "moyen", ou ne suit pas avec envie l'évolution du groupe à qui il est devenu difficile de coller une étiquette.

Reprenons vite fait depuis le début. En 2003, Fever To Tell met la fièvre pendant la canicule. Un disque fort, bruitiste, cradingue et furieusement mélodique. Trois ans plus tard, Show Your Bones atténue la puissance du groupe en incorporant des chansons plus acoustiques. Intéressant mais décevant pour les fans de la première heure. Puis en 2009, It's Blitz offrait une collection de chansons jouant la carte de l'éclectisme sous un vernis de sons pseudo-electros et de synthés, et déconcertait aussi les fans.

Et ça continue encore et encore, c'est que le début, d'accord, d'accord...

Pour Mosquito c'est encore la déception, les fans que nous sommes souhaitant retrouver un truc aussi brut de décoffrage que Fever To Tell (ou que les E.P. Bang Bang ou Is Is sorti en 2008, qui étaient sacrément bons). Cela dit, un groupe ne peut pas ressortir le même disque indéfiniment, aussi passionné que l'on soit, et on ne peut pas reprocher aux Y.Y.Y. de ne pas évoluer.

Evidemment, Y.Y.Y. remporte le prix de la pochette la plus moche de l'année (ou de la décennie qui sait ?),mais ne nous arrêtons pas là. "Don't judge a book by his cover", disait le tout autant hideux Tim Curry dans The Rocky Horror Picture Show. A la première écoute, Mosquito sonne comme un album mutant, synthétisant un peu tout ce qu'ils ont fait jusque là (argument facile de l'album somme ?) : on a du cradingue façon Fever To Tell ("Mosquito", "Area 52"), du doux façon Show Your Bones ("Subway", "Despair") et des trucs synthétiques style It's Blitz ("Buried Alive", "Slave"). N'inventent t-ils rien de nouveau alors ? "Sacrilege" tente d'incorporer des chœurs gospel sur la fin d'un morceau subtilement funky (sans écouter, on aurait pu avoir peur en découvrant sur la pochette qu'il y avait des chœurs), et au refrain accrocheur sans être corrompu.
So what? Les Y.Y.Y. regardent dans le rétro mais ne se plagient pas eux mêmes comme beaucoup de groupes passés 10 ans d'existence (au hasard Placebo, dont les premiers albums étaient pourtant chouettes) et existent encore malgré les emmerdes, la crise du disque, les projets solos. Personnellement, il est préférable qu'un groupe comme ça parvienne à faire intéresser des plus jeunes au rock plutôt que d'autres (au hasard 30 seconds To Mars, dont le premier album était pourtant chouette).
Au bout de plusieurs écoutes, Mosquito s'installe durablement dans nos oreilles : le titre lui même est efficace, mais pas simpliste et résume bien l'aversion que tout le monde peut avoir face à ces sales bêtes et leur inutilité complète. "Subway" s'enchaîne en parfaite douceur avec "Sacrilege" et prouve encore que les Y.Y.Y. savent comment faire suivre leurs morceaux et créer des ensembles cohérents. Arpèges délicats, rythme lent de train vers la nuit en route vers un grand sommeil, ça c'est de la délicatesse. "These Paths" et "Slave" sont plus expérimentaux mais prouvent que même sans guitares branchées à fond et batterie tonitruantes Y.Y.Y. ont une identité et un son parfaitement identifiables, ce n'est pas donné à tout le monde. "Under The Earth" ressort les synthés, avec un rythme de zombie marchant de nouveau après être sorti de sa tombe, et reste toutefois intéressant. "Buried Alive" produit ici par James Murphy et en duo avec Dr Octagon, tente une nouvelle collaboration rock/rap ici réussie, en reprenant les éléments d'un "Fascination Street" de The Cure ou d'un "English Summer Rain" de Placebo, mais additionnant le groove qui était endormi sur ces deux morceaux naguère. "Always" est un peu casse-couilles aux premières écoutes, mais passe à force d'efforts. "Despair" et "Wedding Song" concluent l'album en douceur, et pourront devenir des moments de communion avec le public lors des concerts.

Après plus de 10 ans d'existence désormais, les Y.Y.Y. publient ici un album plus subtil qu'il n'y paraît, qui nécessite un investissement de la part de l'auditeur. Ce n'est pas un album compliqué non plus, n'exagérons pas. Un disque mutant à l'image des illustrations un peu dégueux de sa pochette, mais qui réussit son mélange des genres.
Bon   15/20







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