Opeth

My Arms, Your Hearse

My Arms, Your Hearse

 Label :     Candlelight 
 Sortie :    mardi 18 août 1998 
 Format :  Album / CD  Vinyle   

"My Arms, Your Hearse" fait partie de ces albums sur lesquels on bâtit un mythe. Jusqu'à présent considéré comme un très solide outsider de la nouvelle scène death suédoise, Opeth forge avec cette production les premières lettres de sa propre légende. Le "Prologue" ne laisse pourtant rien deviner de la tempête qui se prépare, ni même le calme apparent de la forêt qui orne la couverture de l'album, me rappelant l'imagerie black metal. Cela dit, "April Ethereal" explose aux oreilles de l'auditeur et le plonge dans un morceau qui réussit l'amalgame parfait de la violence intrinsèque d'un death progressif lancinant et puissant et de l'expression pure des sentiments les plus tragiques. Une merveille à nulle autre pareille, flamboyante et inspirée, aux breaks innombrables et aux arrangements subtils. Le chant clair est déjà d'une grande justesse, bien qu'utilisé avec beaucoup plus de parcimonie que les productions ultérieures. Mais sinon, tout y est : solos cristallins, ponts acoustiques, arpèges, musicalité et harmonie, technique, inventivité, originalité, en un mot, talent.
Les compositions, toujours d'une longueur impressionnante (neuf minutes pour "When", huit pour "Karma" et "April Ethereal"), sont d'une maîtrise exemplaire, Opeth se refusant de répéter à l'infini les mêmes plans pour privilégier les morceaux à tiroirs, sinueux, vénéneux, brisant le carcan du couplet refrain qui n'épargne pas la scène metal.
En revanche, je suis surpris par le feeling black metal qui se dégage des passages les plus rapides, mon impression face au visuel se trouvant confirmée. Ayant remonté la discographie d'Opeth de façon anti-chronologique, ces influences ont complètement disparu des dernières productions. En revanche, c'est ici flagrant dès les premières mesures de "When" par exemple. La rapidité d'exécution des riffs, leur style même (le note à note si caractéristique, une corde jouée à la fois), rapprochent immanquablement Opeth d'un certain black atmosphérique.
Doté d'une production claire et puissante, ce My Arms, Your Hearse douze ans d'âge semble daté d'hier, né de la dernière averse. Et si l'interlude "Madrigal" paraît plus dispensable, il s'enchaîne idéalement avec l'intro doom death de "The Amen Corner", plus basique qu'à l'accoutumée mais incroyablement efficace.
La voix reste bien entendu un des atouts majeurs du groupe. Les "growls" caverneux n'en sont pas pour autant départis de classe et ils accentuent la froideur de l'ensemble. En effet, même le chant clair ne projette aucune chaleur, les guitares plombent un ciel déjà bien chargé et le tout n'inspire que des sentiments misanthropes. La démonstration technique ("Demon Of The Fall") n'est pas non plus étrangère à cette sensation d'appartenir à une autre sphère, tortueuse, où ne filtre nulle lumière.
On retrouve également une des spécificités d'Opeth : la balade. Ce "Credence" acoustique, s'il est somptueux et inspiré, n'arrive pas totalement à transmettre sa beauté à l'auditeur. Trop figée, presque inexpressive, elle arbore la moue butée d'une adolescente revêche qui se sait promise à une voie royale. Peut-être égoïste, Opeth cherche à faire évoluer son style et en cela, se renferme sur lui-même. Néanmoins, le fan de death metal que je suis ne peut que saluer avec le plus grand enthousiasme un titre comme "Karma", qui fait immédiatement mouche, et admettre qu'il tient là un des meilleurs albums du genre, ni plus ni moins.
My Arms Your Hearse s'achève sur un "Epilogue" aux vapeurs 70's, autre grande fascination du groupe, bouclant ainsi ce qui est sans doute une transition pour Opeth mais qui n'en demeure pas moins un chef d'œuvre de metal progressif, violent, sombre, démiurgique.


Parfait   17/20
par Arno Vice


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