The Smiths
The Smiths |
Label :
Virgin |
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J'apprehende toujours la fin de cet album. La douleur de revoir le réel qui m'apparait alors si terne, sans saveur, infiniment triste.
Je retrouve ce monde auquel j'appartiens ; cruel, brutal, ou plus de bombes que d'oiseaux flottent dans les airs. Ce monde ou le mensonge, la fourberie, la traitrise commencent a prendre l'avantage sur les sentiments les plus beaux et les plus purs. Ce monde ou tout est possible mais que l'Homme faconne à sa guise, insouciant du mal qu'il peut y faire.
Le temps d'un disque, je m'etais mis entre parenthese, j'avais cesse d'exister pour les autres. Autour de moi, j'avais construit ce large bouclier en plumes indestructibles, derriere lequel le reve etait chose permise, l'escapade dans les meandres de son esprit acceptee par tous, la decouverte profonde chose commune, don't la seule barriere etait l'horizon.
J'etais loin de toutes ces betises que l'humain engendre. J'etais un autre, conversant avec la grâce, regardant avec de grands yeux etonnes, cet univers tel qu'il devrait etre.
Morrissey le romantique m'ouvrait la voie, plein de ses doutes et de ses questions, toujours vrai, tachant lui aussi de comprendre qui il etait. Faisant tout son possible pour se diriger a tatons dans ce labyrinthe qu'est la vie, d'en eviter les pieges, d'en panser ses meurtrissures. Je le suivais comme un disciple hypnotise, buvant ses paroles, esperant en retirer un enseignement.
Et il m'a appris. Il m'a appris que l'on peut etre infiniment beau dans ce monde quand on y est sincere.
J'ai fremi quand le disque s'est acheve et que la parenthese s'est refermee. Les plumes dans une violente bourrasque se sont envolees, une a une, rapides telles un jet de fleches aux pointes acerees, me laissant nu a la face du monde, qui n'a pas tarde a rire de moi.
Je retrouve ce monde auquel j'appartiens ; cruel, brutal, ou plus de bombes que d'oiseaux flottent dans les airs. Ce monde ou le mensonge, la fourberie, la traitrise commencent a prendre l'avantage sur les sentiments les plus beaux et les plus purs. Ce monde ou tout est possible mais que l'Homme faconne à sa guise, insouciant du mal qu'il peut y faire.
Le temps d'un disque, je m'etais mis entre parenthese, j'avais cesse d'exister pour les autres. Autour de moi, j'avais construit ce large bouclier en plumes indestructibles, derriere lequel le reve etait chose permise, l'escapade dans les meandres de son esprit acceptee par tous, la decouverte profonde chose commune, don't la seule barriere etait l'horizon.
J'etais loin de toutes ces betises que l'humain engendre. J'etais un autre, conversant avec la grâce, regardant avec de grands yeux etonnes, cet univers tel qu'il devrait etre.
Morrissey le romantique m'ouvrait la voie, plein de ses doutes et de ses questions, toujours vrai, tachant lui aussi de comprendre qui il etait. Faisant tout son possible pour se diriger a tatons dans ce labyrinthe qu'est la vie, d'en eviter les pieges, d'en panser ses meurtrissures. Je le suivais comme un disciple hypnotise, buvant ses paroles, esperant en retirer un enseignement.
Et il m'a appris. Il m'a appris que l'on peut etre infiniment beau dans ce monde quand on y est sincere.
J'ai fremi quand le disque s'est acheve et que la parenthese s'est refermee. Les plumes dans une violente bourrasque se sont envolees, une a une, rapides telles un jet de fleches aux pointes acerees, me laissant nu a la face du monde, qui n'a pas tarde a rire de moi.
Excellent ! 18/20 | par Oneair |
Posté le 03 avril 2005 à 10 h 44 |
Ma meilleure amie est une très grande fan des SMITHS ; ainsi dans les années 80, grâce à elle j'écoutais beaucoup Morrissey et ses copains de Manchester. Puis les années passant, j'ai abandonné ce groupe pour suivre d'autres horizons musicaux.
Au détour des différents forums de XSilence, suite à des rencontres de membres passionnés par cette musique, il m'est alors venu l'idée saugrenue de chroniquer un album de ce groupe que j'avais jadis pas mal apprécié. Et ainsi après 20 ans de silence revoilà sur mes platines un disque des SMITHS et tant qu'à faire l'album éponyme.
Déjà on se rend compte à quel point ce groupe a marqué de son empreinte ce qui allait devenir la pop rock anglaise des années 90. Les frères Gallagher (Oasis) n'ont jamais caché l'influence qu'avait eu pour eux Morrissey et sa bande. Blur fut même considéré par le magazine Select comme le meilleur groupe de rock des année 90, digne successeur des SMITHS.
Cet album mêle des mélodies efficaces, qu'elles soient douces ou plus rock avec la guitare nerveuse de Johnny Marr sur des titres comme "Hand In Glove" ou "Still ill".
La voix de Morrisey (que je préfère entendre chanter plutôt que répondre aux interviews !) est par moment très belle : chaude et grave quand il ne se prend pas à pousser ridiculement dans les aigus à la Jimmy Sommerville ( final de "Miserable Lie").
Un album de référence avec comme coup de cœur personnel : "What difference does it make ?"
Au détour des différents forums de XSilence, suite à des rencontres de membres passionnés par cette musique, il m'est alors venu l'idée saugrenue de chroniquer un album de ce groupe que j'avais jadis pas mal apprécié. Et ainsi après 20 ans de silence revoilà sur mes platines un disque des SMITHS et tant qu'à faire l'album éponyme.
Déjà on se rend compte à quel point ce groupe a marqué de son empreinte ce qui allait devenir la pop rock anglaise des années 90. Les frères Gallagher (Oasis) n'ont jamais caché l'influence qu'avait eu pour eux Morrissey et sa bande. Blur fut même considéré par le magazine Select comme le meilleur groupe de rock des année 90, digne successeur des SMITHS.
Cet album mêle des mélodies efficaces, qu'elles soient douces ou plus rock avec la guitare nerveuse de Johnny Marr sur des titres comme "Hand In Glove" ou "Still ill".
La voix de Morrisey (que je préfère entendre chanter plutôt que répondre aux interviews !) est par moment très belle : chaude et grave quand il ne se prend pas à pousser ridiculement dans les aigus à la Jimmy Sommerville ( final de "Miserable Lie").
Un album de référence avec comme coup de cœur personnel : "What difference does it make ?"
Excellent ! 18/20
Posté le 30 juin 2005 à 18 h 49 |
Soyons clairs: je pense que cet album est le meilleur des années 1980, et je le considère (mais là je me rends compte que c'est plus personnel) tout simplement comme le meilleur du rock, tous genres et toutes époques confondus. Oublions les dires de Morrissey lui-même qui a toujours considéré cet album comme baclé (d'où le Hatful Of Hollow quelques mois plus tard, la même année 1984). D'aucun diront que The Queen Is Dead est meilleur: je ne crois pas. L'insouciance de ce premier album ajoute une touche unique qui rend ce disque inégalable.
Un seul mot: spleen. On peut pousser le parallèle car il fonctionne: après le spleen parisien de Baudelaire en 1880, voici le spleen de Manchester de cette angleterre dépressive, meurtrie par la hâche tatcherienne... qui se retrouve à travers les mots pleurants de Morissey et les non moins aériennes guitares de Marr.
Sans m'en rendre compte, les Smiths ont constitué les fondements de ma sensibilité musicale, alors que je n'avais pas encore dix ans. L'oubli, et puis le retour aux sources. Révélation.
Cet album ne s'écoute que d'une traîte: il faut se laisser (mais la qualité du disque ne nous laisse pas le choix, on ne peut pas mettre un terme au disque avant la fin) envoûter par l'ambiance pour ressortir 42 minutes plus tard, étrangement vidé, abandonné à un bonheur simple et léger: le bien-être.
Je le répète: cet album est le meilleur des années 1980. Comme il y a le pré-Nietzsche et le post-Nietzsche en philosophie, il y a, dans la pop, le pré-Smiths et le post-Smiths.
Un seul mot: spleen. On peut pousser le parallèle car il fonctionne: après le spleen parisien de Baudelaire en 1880, voici le spleen de Manchester de cette angleterre dépressive, meurtrie par la hâche tatcherienne... qui se retrouve à travers les mots pleurants de Morissey et les non moins aériennes guitares de Marr.
Sans m'en rendre compte, les Smiths ont constitué les fondements de ma sensibilité musicale, alors que je n'avais pas encore dix ans. L'oubli, et puis le retour aux sources. Révélation.
Cet album ne s'écoute que d'une traîte: il faut se laisser (mais la qualité du disque ne nous laisse pas le choix, on ne peut pas mettre un terme au disque avant la fin) envoûter par l'ambiance pour ressortir 42 minutes plus tard, étrangement vidé, abandonné à un bonheur simple et léger: le bien-être.
Je le répète: cet album est le meilleur des années 1980. Comme il y a le pré-Nietzsche et le post-Nietzsche en philosophie, il y a, dans la pop, le pré-Smiths et le post-Smiths.
Intemporel ! ! ! 20/20
Posté le 31 juillet 2005 à 19 h 35 |
''The Smiths'' est la première composition du groupe guidé par Morrissey. The Smiths –le quartet- est d'ailleurs lui-même la première expérience des quatre musiciens. Difficile à croire, mais c'est bien vrai.
C'est cependant avec une assurance de vieux sage que Morrissey nous déballe son talent : un poète plein de spleen et d'étrangeté est né avec cet album. Un album ressemblant à ce torse représenté : beau, naturel et simple. Des qualités frappantes et inattendues en cette époque basée sur l'instrumentation électronique de la new-wave.
"The Smiths" est surtout un recueil poétique dans lequel l'aède de Manchester chante ses mots et les berce à l'aide d'une guitare, d'une basse et d'une batterie. Mieux encore : c'est de la pop-poésie. Une poésie qui se veut à la fois simple et difficile à comprendre, crue sans vraiment l'être, souriante même quand elle se veut exprimer la pire des tristesses. Morrissey se ballade entre une sensibilité poétique ( cf les textes de "This Charming Man") et une frustration de mauvais garçon (frustration sexuelle notamment , "Girls Make Graves"). Ce leader occupe différentes places dans sa musique et dans ses écrits, il se fait tantôt meurtri et meurtrissant ; tantôt innocent et libertin. Pourtant malgré ce balancement incessant, on sent en cette formation une authenticité indicible. C'est assez intriguant, et ce mystère rend le groupe d'autant plus attirant.
Ce qui fait également le charme de cet album, c'est l'afflux de nostalgie qui y baigne. Cette mélancolie atypique aux couleurs à la fois sombres et pastels est un élément important dans l'énigme de "The Smiths" ."Reel Around the Fountain" donne ce ton bicolore d'emblée en parlant de l'innocence perdue ( "It's time the tale were told/Of how you took a child/And you made him old") ; "Girls Make Graves" illustre la désillusion amoureuse avec cynisme ; "You've Got Everything Now" aborde la désillusion tout court ("what a terrible mess I've made of my life"). Les paroles prennent des airs obscurs, tandis que la musique joue dans un registre totalement différent. Les rythmes sont entraînants ( "This Charming Man") et les mots pleins de tristesse et de regrets. Mais, chose étrange encore, cela n'a rien de choquant. Au contraire.
"The Smiths", en plus d'être un album et un recueil poétique, est une œuvre autobiographique. Morrissey y étale de nombreuses anecdotes sur sa vie, nous ouvre les porte de son univers sans rechigner. Mais face à cette exhibition, face à un monde si beau, si mythique et si compliqué, on préfère contempler cette ouverture et l'écouter simplement.
C'est cependant avec une assurance de vieux sage que Morrissey nous déballe son talent : un poète plein de spleen et d'étrangeté est né avec cet album. Un album ressemblant à ce torse représenté : beau, naturel et simple. Des qualités frappantes et inattendues en cette époque basée sur l'instrumentation électronique de la new-wave.
"The Smiths" est surtout un recueil poétique dans lequel l'aède de Manchester chante ses mots et les berce à l'aide d'une guitare, d'une basse et d'une batterie. Mieux encore : c'est de la pop-poésie. Une poésie qui se veut à la fois simple et difficile à comprendre, crue sans vraiment l'être, souriante même quand elle se veut exprimer la pire des tristesses. Morrissey se ballade entre une sensibilité poétique ( cf les textes de "This Charming Man") et une frustration de mauvais garçon (frustration sexuelle notamment , "Girls Make Graves"). Ce leader occupe différentes places dans sa musique et dans ses écrits, il se fait tantôt meurtri et meurtrissant ; tantôt innocent et libertin. Pourtant malgré ce balancement incessant, on sent en cette formation une authenticité indicible. C'est assez intriguant, et ce mystère rend le groupe d'autant plus attirant.
Ce qui fait également le charme de cet album, c'est l'afflux de nostalgie qui y baigne. Cette mélancolie atypique aux couleurs à la fois sombres et pastels est un élément important dans l'énigme de "The Smiths" ."Reel Around the Fountain" donne ce ton bicolore d'emblée en parlant de l'innocence perdue ( "It's time the tale were told/Of how you took a child/And you made him old") ; "Girls Make Graves" illustre la désillusion amoureuse avec cynisme ; "You've Got Everything Now" aborde la désillusion tout court ("what a terrible mess I've made of my life"). Les paroles prennent des airs obscurs, tandis que la musique joue dans un registre totalement différent. Les rythmes sont entraînants ( "This Charming Man") et les mots pleins de tristesse et de regrets. Mais, chose étrange encore, cela n'a rien de choquant. Au contraire.
"The Smiths", en plus d'être un album et un recueil poétique, est une œuvre autobiographique. Morrissey y étale de nombreuses anecdotes sur sa vie, nous ouvre les porte de son univers sans rechigner. Mais face à cette exhibition, face à un monde si beau, si mythique et si compliqué, on préfère contempler cette ouverture et l'écouter simplement.
Excellent ! 18/20
Posté le 06 avril 2008 à 23 h 53 |
Réveil brutal un matin de milieu de semaine. Dans ma piaule obscure, j'ouvre un œil et surtout je distingue un vague son. Cinq secondes me suffisent pour identifier de quoi il s'agit: une basse qui semble presque funk tant elle est kitsch, élastique et riche, un délicat tissage de guitares limpides, une batterie métronomique et discrète et une voix sombre et plaintive. Ce que j'entends, c'est "Suffer Little Children".
Un parfum de morbidité se dégage de ce morceau qui cache derrière une musique légère (quoiqu'envoûtante et non dénuée d'une lourde tension sous-jacente) un texte évocateur qui joue explicitement sur les crimes et les victimes de tueurs d'enfants des années 60, les Moors Murderers, comme on les appelle à Manchester). De Manchester, en ce début des années 80, il émane quelque chose de malveillant. Et beaucoup de désespoir. Ian Curtis s'est suicidé, et sa musique empreinte d'une terrible noirceur a marqué au fer rouge tout le petit monde musical de la ville, et notamment Johnny Marr qui ne niera pas cette bien trop évidente filliation.
Mais les Smiths sont bien différents de Joy Division, et ce dès le départ. Là où ces derniers sont dans la structure même de leurs morceaux dans une constante recherche des tréfonds du vide creusé par une inexorable chute, les Smiths ont une manière peu commune d'aborder le désespoir. The Smiths est un album de pop-music. Pas la plus accessible, loin s'en faut. Mais déjà, le groupe installe ce qui sera son éternel paradoxe: la confession d'une douleur et d'un mal-être alliée à une musique d'une chaleur et d'une vivacité contagieuses.
Steven Morrissey est un être fatigué par l'isolement (le plus clair de sa vie d'adulte jusque là a été consacré à la lecture et à la musique dans une chambre de bonne), complexé par son incapacité à lier des liens avec ses semblables et à qui une enfance baignée dans la crainte liée aux faits divers les plus sordides a laissé une fascination pour le crime et une attirance pour la violence.
'No I never had a job because I never wanted one'. Le cas social Morrissey n'a jamais rien fait de son diplôme de fin de secondaire, et ce malgré une intelligence et une sensibilité évidentes. Il se passionne pour Wilde, Vonnegut, Shelagh Delaney, et publie même des écrits sur James Dean et les New York Dolls, il suit le mouvement punk avec intérêt depuis Manchester et fait des débuts timides en tant que chanteur. Mais c'est sa rencontre avec Johnny Marr et la formation des Smiths qui lui donnera réellement l'espace dont il a besoin pour exprimer cette sensibilité. La confrontation entre les deux esthètes, un reclus et un rocker intransigeant et rebelle, donne naissance à une musique qui curieusement, prend à merveille.
Et sur The Smiths, les bases de cette collaboration sont déjà posées. D'un point de vue musical, le disque est une réussite tempérée par une production très plate. Le son du premier single, "Hand in Glove", est qualifié de boîte de conserve par la presse de l'époque, et Morrissey ne sera jamais satisfait du disque, qu'il tente de réenregistrer se heurtant au refus d'une maison de disque pressée de sortir un premier opus du groupe au plus vite.
Malgré cela, les compositions sont déjà admirables. "Reel Around The Fountain" est une ballade prenante qui traite de désir avec un romantisme exacerbé, ouvrant le disque avec panache. "You've Got Everything Now" suit, plus enlevée, où il est question de réussite, Morrissey la refuse et non sans quelques piques acerbes et sardoniques. "Pretty Girls Make Grave" et ses sous-entendus homosexuels ('nature played his trick on me', 'I've lost my faith in womanhood') révèlent une écriture de haute volée, aussi bien qu'une finesse et une justesse dans la composition de Marr.
Dans cette première moitié du disque, c'est la mélancolie et la tension qui dominent, musicalement. Tout change avec 'This Charming Man'. Sur une mélodie enlevée, fraîche et puissante, le protagoniste bisexuel aimerait se fondre dans le moule de la société, hétérosexuelle et bien pensante, mais l'attrait provoqué par cet homme dans sa charmante voiture le fait définitivement renoncer à une vie bien terne. Une note d'espoir bien cachée sous les déclamations plaintives ressort au final du morceau, et le morceau est d'ores et déjà un classique du groupe.
Suit un magnifique moment de nostalgie avec "Still Ill", un morceau définitivement rock mais empreint d'une véritable beauté, triste et poignante.
'England is mine and it owes me a living'. A ce stade de l'écoute, nul ne peut plus douter de la force de ce groupe, de son talent et de la portée de ses mots. Et les morceaux continuent à s'enchaîner sans trouver encore le moindre maillon faible. "Hand In Glove", "What Difference Does It Make" sont autant de singles forts et marquants, de morceaux à la fois énergiques et désespérants, où les deux protagonistes du groupe semblent à leurs sommets.
Moment de grâce avec 'I don't owe you anything', dont la douceur n'est qu'un masque de l'amertume de son auteur sur le plan amoureux, dont le dépit ('Life is never kind') hante en fait chaque piste du disque.
"Suffer Little Children" de nouveau. Réveil brutal donc, mais pas le réveil que l'on croirait. J'ai menti en disant avoir fermé l'œil cette nuit. Le disque a tourné, incessamment.
Une légère culpabilité me prend subitement.
'You might sleep but you will never dream'.
Un parfum de morbidité se dégage de ce morceau qui cache derrière une musique légère (quoiqu'envoûtante et non dénuée d'une lourde tension sous-jacente) un texte évocateur qui joue explicitement sur les crimes et les victimes de tueurs d'enfants des années 60, les Moors Murderers, comme on les appelle à Manchester). De Manchester, en ce début des années 80, il émane quelque chose de malveillant. Et beaucoup de désespoir. Ian Curtis s'est suicidé, et sa musique empreinte d'une terrible noirceur a marqué au fer rouge tout le petit monde musical de la ville, et notamment Johnny Marr qui ne niera pas cette bien trop évidente filliation.
Mais les Smiths sont bien différents de Joy Division, et ce dès le départ. Là où ces derniers sont dans la structure même de leurs morceaux dans une constante recherche des tréfonds du vide creusé par une inexorable chute, les Smiths ont une manière peu commune d'aborder le désespoir. The Smiths est un album de pop-music. Pas la plus accessible, loin s'en faut. Mais déjà, le groupe installe ce qui sera son éternel paradoxe: la confession d'une douleur et d'un mal-être alliée à une musique d'une chaleur et d'une vivacité contagieuses.
Steven Morrissey est un être fatigué par l'isolement (le plus clair de sa vie d'adulte jusque là a été consacré à la lecture et à la musique dans une chambre de bonne), complexé par son incapacité à lier des liens avec ses semblables et à qui une enfance baignée dans la crainte liée aux faits divers les plus sordides a laissé une fascination pour le crime et une attirance pour la violence.
'No I never had a job because I never wanted one'. Le cas social Morrissey n'a jamais rien fait de son diplôme de fin de secondaire, et ce malgré une intelligence et une sensibilité évidentes. Il se passionne pour Wilde, Vonnegut, Shelagh Delaney, et publie même des écrits sur James Dean et les New York Dolls, il suit le mouvement punk avec intérêt depuis Manchester et fait des débuts timides en tant que chanteur. Mais c'est sa rencontre avec Johnny Marr et la formation des Smiths qui lui donnera réellement l'espace dont il a besoin pour exprimer cette sensibilité. La confrontation entre les deux esthètes, un reclus et un rocker intransigeant et rebelle, donne naissance à une musique qui curieusement, prend à merveille.
Et sur The Smiths, les bases de cette collaboration sont déjà posées. D'un point de vue musical, le disque est une réussite tempérée par une production très plate. Le son du premier single, "Hand in Glove", est qualifié de boîte de conserve par la presse de l'époque, et Morrissey ne sera jamais satisfait du disque, qu'il tente de réenregistrer se heurtant au refus d'une maison de disque pressée de sortir un premier opus du groupe au plus vite.
Malgré cela, les compositions sont déjà admirables. "Reel Around The Fountain" est une ballade prenante qui traite de désir avec un romantisme exacerbé, ouvrant le disque avec panache. "You've Got Everything Now" suit, plus enlevée, où il est question de réussite, Morrissey la refuse et non sans quelques piques acerbes et sardoniques. "Pretty Girls Make Grave" et ses sous-entendus homosexuels ('nature played his trick on me', 'I've lost my faith in womanhood') révèlent une écriture de haute volée, aussi bien qu'une finesse et une justesse dans la composition de Marr.
Dans cette première moitié du disque, c'est la mélancolie et la tension qui dominent, musicalement. Tout change avec 'This Charming Man'. Sur une mélodie enlevée, fraîche et puissante, le protagoniste bisexuel aimerait se fondre dans le moule de la société, hétérosexuelle et bien pensante, mais l'attrait provoqué par cet homme dans sa charmante voiture le fait définitivement renoncer à une vie bien terne. Une note d'espoir bien cachée sous les déclamations plaintives ressort au final du morceau, et le morceau est d'ores et déjà un classique du groupe.
Suit un magnifique moment de nostalgie avec "Still Ill", un morceau définitivement rock mais empreint d'une véritable beauté, triste et poignante.
'England is mine and it owes me a living'. A ce stade de l'écoute, nul ne peut plus douter de la force de ce groupe, de son talent et de la portée de ses mots. Et les morceaux continuent à s'enchaîner sans trouver encore le moindre maillon faible. "Hand In Glove", "What Difference Does It Make" sont autant de singles forts et marquants, de morceaux à la fois énergiques et désespérants, où les deux protagonistes du groupe semblent à leurs sommets.
Moment de grâce avec 'I don't owe you anything', dont la douceur n'est qu'un masque de l'amertume de son auteur sur le plan amoureux, dont le dépit ('Life is never kind') hante en fait chaque piste du disque.
"Suffer Little Children" de nouveau. Réveil brutal donc, mais pas le réveil que l'on croirait. J'ai menti en disant avoir fermé l'œil cette nuit. Le disque a tourné, incessamment.
Une légère culpabilité me prend subitement.
'You might sleep but you will never dream'.
Excellent ! 18/20
Posté le 13 août 2008 à 17 h 34 |
Au début des années 80, à Manchester, Steven Patrick Morrissey, un jeune homme moderne à la sensibilité exacerbée et à l'ambiguïté sexuelle affirmée décide de créer un groupe avec un guitariste surdoué, Johnny Marr. S'ajoutent la section rythmique, Andy Rourke et Mike Joice, et un nom de scène, The Smiths, volontairement choisi pour se moquer des groupes qui se torturaient l'esprit pour trouver un nom à rallonge (Siouxsie & The Banshees, Echo & The Bunnymen, Adam & The Ants...). The Smiths est le nom propre le plus commun en Grande-Bretagne. Déjà, on sent le goût de la provocation chez Morrissey.
Leur premier album sorti en 1983 est très homogène et cohérent. Son écoute est très agréable bien que la production souffre d'un manque de moyens préjudiciable.
Dès le premier morceau, le décor est planté. Ce sera une musique mélancolique sans aucun son de synthétiseur, mince exploit pour l'époque. Morrissey, le chanteur poète, déclame des textes plaintifs sur des arpèges lancinants de Johnny Marr.
Ainsi, " Reel around the fountain " est une longue litanie de lamentations (I dreamt about last night, Take me to the haven of your bed was something that you never said). Déjà, on sent la frustration sexuelle et la quête de l'être idéal qui seront des thèmes récurrents dans l'univers romantique et désespéré de Morrissey. Chaque chanson tourne autour de son mal-être, le reste du groupe étant chargé de mettre en musique ses appels au secours.
Quelques chansons " joyeuses " parsèment l'album de lueurs d'espoir mais l'ensemble est désespéré.
" This charming man " et " Hand in glove " sont des titres punchy aux textes homo-érotiques acerbes.
Il se termine par un final macabre avec une vindicte sur des meurtriers d'enfants qui avaient ébranlé la ville de Manchester dans les années 60. Les rires d'enfants à la fin de la chanson font froid dans le dos lorsque Morrissey chante: " Vous pouvez dormir mais vous ne rêverez plus jamais... ".
Cet album est un coup de maître dans la discographie des Smiths. Le groupe s'est trouvé dès le premier morceau. Ils ne cesseront de s'améliorer et avec " The Queen is Dead ", livreront un des chefs d'oeuvres de l'histoire de la musique.
Leur premier album sorti en 1983 est très homogène et cohérent. Son écoute est très agréable bien que la production souffre d'un manque de moyens préjudiciable.
Dès le premier morceau, le décor est planté. Ce sera une musique mélancolique sans aucun son de synthétiseur, mince exploit pour l'époque. Morrissey, le chanteur poète, déclame des textes plaintifs sur des arpèges lancinants de Johnny Marr.
Ainsi, " Reel around the fountain " est une longue litanie de lamentations (I dreamt about last night, Take me to the haven of your bed was something that you never said). Déjà, on sent la frustration sexuelle et la quête de l'être idéal qui seront des thèmes récurrents dans l'univers romantique et désespéré de Morrissey. Chaque chanson tourne autour de son mal-être, le reste du groupe étant chargé de mettre en musique ses appels au secours.
Quelques chansons " joyeuses " parsèment l'album de lueurs d'espoir mais l'ensemble est désespéré.
" This charming man " et " Hand in glove " sont des titres punchy aux textes homo-érotiques acerbes.
Il se termine par un final macabre avec une vindicte sur des meurtriers d'enfants qui avaient ébranlé la ville de Manchester dans les années 60. Les rires d'enfants à la fin de la chanson font froid dans le dos lorsque Morrissey chante: " Vous pouvez dormir mais vous ne rêverez plus jamais... ".
Cet album est un coup de maître dans la discographie des Smiths. Le groupe s'est trouvé dès le premier morceau. Ils ne cesseront de s'améliorer et avec " The Queen is Dead ", livreront un des chefs d'oeuvres de l'histoire de la musique.
Excellent ! 18/20
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