Eels
Blinking Lights & Other Revelations |
Label :
Dreamworks |
||||
Les artistes sont toujours plus intéressants lorsqu'ils font voler en éclats leurs verrous.
Après deux albums solos oubliables et oubliés qu'on qualifiera poliment de "formatés radio US" et le succès de Beautiful Freak en 1996, Mark-Oliver Everett (=Mister E, ou E, donc Eels) traverse un passage noir dans sa vie familiale. Suicide de sa soeur, mort de sa mère et peut-être même de son poisson rouge, le tout survenant en l'espace de quelques mois. Incapable de passer outre ces drames dans sa musique, E décide de chanter tout ça avec une honnêteté et une intensité faisant froid dans le dos sur le très émouvant Electro-Shock Blues. Réussite artistique quasi-totale et flop commercial, Eels avait là perdu son public fan de "Novocaine For The Soul", mais gagné la liberté artistique qui allait guider la suite des aventures.
Les albums suivants, à divers degrés de réussite, évitaient LE drame familiale en faisant preuve à leur tour d'humour (noir, bien sûr), de concept voire de détachement.
Mais depuis 2000, E prépare dans son laboratoire, enfin son garage, ce double album. Enregistré partiellement seul, Blinking Lights And Other Revelations se veut l'album d'une vie. Le retour aux confessions d'Electro-Shock Blues, mais si ce dernier épousait le point de vue des morts (oui, oui, des morts) ce nouvel opus donne le point de vue de Mr E.
Nous avons donc là du Eels, reconnaissable, toujours fortement inspiré par l'axe Beatles / Neil Young. Comme tout bon double-album, c'est un disque disparate (des bas, pas très bas, mais des hauts... assez hauts), mais contrairement à beaucoup de double-album, c'est un disque tout sauf indigeste grâce à la bonne idée de E de ne pas faire durer les chansons, voire de les dépouiller au maximum. Peut-être même trop car on sent M-O Everett seul dans son garage, sans le support d'un groupe, ce qui fait que le disque peut avoir par moment un côté pantoufle ou mou du genou.
Mais, il y a les chansons. Si quelques instrumentaux de la fin du disque sont sûrement de trop, ce n'est rien tant la qualité d'écriture est toujours présente. L'ambiance peut parfois rappeler le White Album des Fab Four par ce coté souvent acoustique des chansons écrites par quelqu'un visiblement en crise existentielle, à côté de délires simplistes ("Going Fetal" et les pleurs de Tom Waits en guest de luxe ou encore "Hey Man", inspiré du "Hey Ya" des Outkast, premier single au clip d'anthologie).
Nous avons ici du pur Eels comme ce "Old Shit/New Shit" ou l'excellent "Trouble With Dreams" qui recycle les précédents "Flyswatter" ou "Last Stop:This Town", ainsi que de celestes balades telles "Railroad Man" et son tempo de locomotive à vapeur, ou "Blinking Lights For Me" dont l'arpège fait véritablement penser à une guirlande électrique qui clignote, une blinking light donc.
Mais là où le disque prend toute sa mesure, c'est lorsque E se lâche et parle avec son coeur sur les très beaux "Suicide Life", "Checkout Blues", "The Stars Shine In The Sky Tonight".
La force de E, c'est d'évoquer du hautement personnel avec des sentiments universels: "Last Time We Spoke" vous rappellera bien des choses désagréables, "Things Grandchildren Should Know" réconciliera tous les hommes avec leurs papas (et avec eux-mêmes) ou encore "I'm Going To Stop Pretending That I Didn't Break Your Heart" vous aidera à faire votre examen de conscience dans votre vie sentimentale.
Bien sûr ce disque est tout sauf cool, et il est dur de craquer sur 33 titres, certains passent même inaperçus, mais justement dans 33 titres vous trouverez votre bonheur. Certes il n'y a pas l'intensité d'Electro-Shock Blues ou l'originalité de Souljacker, il y a toujours cette barrière de déprime que certains auront du mal à franchir et comme dit plus haut, ça manque parfois d'un petit apport d'énergie... mais au final l'album regarde vers les étoiles, même si les pieds sont solidement plantés dans le caniveau (merci Oscar Wilde, qui semble avoir trouver cette maxime pour définir Eels et sa musique).
Oh ce ne sera pas le disque de l'année, mais c'est déjà l'un des plus honnêtes et attachants, par les temps qui courent, c'est déjà ça.
Après deux albums solos oubliables et oubliés qu'on qualifiera poliment de "formatés radio US" et le succès de Beautiful Freak en 1996, Mark-Oliver Everett (=Mister E, ou E, donc Eels) traverse un passage noir dans sa vie familiale. Suicide de sa soeur, mort de sa mère et peut-être même de son poisson rouge, le tout survenant en l'espace de quelques mois. Incapable de passer outre ces drames dans sa musique, E décide de chanter tout ça avec une honnêteté et une intensité faisant froid dans le dos sur le très émouvant Electro-Shock Blues. Réussite artistique quasi-totale et flop commercial, Eels avait là perdu son public fan de "Novocaine For The Soul", mais gagné la liberté artistique qui allait guider la suite des aventures.
Les albums suivants, à divers degrés de réussite, évitaient LE drame familiale en faisant preuve à leur tour d'humour (noir, bien sûr), de concept voire de détachement.
Mais depuis 2000, E prépare dans son laboratoire, enfin son garage, ce double album. Enregistré partiellement seul, Blinking Lights And Other Revelations se veut l'album d'une vie. Le retour aux confessions d'Electro-Shock Blues, mais si ce dernier épousait le point de vue des morts (oui, oui, des morts) ce nouvel opus donne le point de vue de Mr E.
Nous avons donc là du Eels, reconnaissable, toujours fortement inspiré par l'axe Beatles / Neil Young. Comme tout bon double-album, c'est un disque disparate (des bas, pas très bas, mais des hauts... assez hauts), mais contrairement à beaucoup de double-album, c'est un disque tout sauf indigeste grâce à la bonne idée de E de ne pas faire durer les chansons, voire de les dépouiller au maximum. Peut-être même trop car on sent M-O Everett seul dans son garage, sans le support d'un groupe, ce qui fait que le disque peut avoir par moment un côté pantoufle ou mou du genou.
Mais, il y a les chansons. Si quelques instrumentaux de la fin du disque sont sûrement de trop, ce n'est rien tant la qualité d'écriture est toujours présente. L'ambiance peut parfois rappeler le White Album des Fab Four par ce coté souvent acoustique des chansons écrites par quelqu'un visiblement en crise existentielle, à côté de délires simplistes ("Going Fetal" et les pleurs de Tom Waits en guest de luxe ou encore "Hey Man", inspiré du "Hey Ya" des Outkast, premier single au clip d'anthologie).
Nous avons ici du pur Eels comme ce "Old Shit/New Shit" ou l'excellent "Trouble With Dreams" qui recycle les précédents "Flyswatter" ou "Last Stop:This Town", ainsi que de celestes balades telles "Railroad Man" et son tempo de locomotive à vapeur, ou "Blinking Lights For Me" dont l'arpège fait véritablement penser à une guirlande électrique qui clignote, une blinking light donc.
Mais là où le disque prend toute sa mesure, c'est lorsque E se lâche et parle avec son coeur sur les très beaux "Suicide Life", "Checkout Blues", "The Stars Shine In The Sky Tonight".
La force de E, c'est d'évoquer du hautement personnel avec des sentiments universels: "Last Time We Spoke" vous rappellera bien des choses désagréables, "Things Grandchildren Should Know" réconciliera tous les hommes avec leurs papas (et avec eux-mêmes) ou encore "I'm Going To Stop Pretending That I Didn't Break Your Heart" vous aidera à faire votre examen de conscience dans votre vie sentimentale.
Bien sûr ce disque est tout sauf cool, et il est dur de craquer sur 33 titres, certains passent même inaperçus, mais justement dans 33 titres vous trouverez votre bonheur. Certes il n'y a pas l'intensité d'Electro-Shock Blues ou l'originalité de Souljacker, il y a toujours cette barrière de déprime que certains auront du mal à franchir et comme dit plus haut, ça manque parfois d'un petit apport d'énergie... mais au final l'album regarde vers les étoiles, même si les pieds sont solidement plantés dans le caniveau (merci Oscar Wilde, qui semble avoir trouver cette maxime pour définir Eels et sa musique).
Oh ce ne sera pas le disque de l'année, mais c'est déjà l'un des plus honnêtes et attachants, par les temps qui courent, c'est déjà ça.
Bon 15/20 | par Thinwhitejs |
Posté le 15 septembre 2005 à 14 h 02 |
La vie de E, leader de Eels (où plutôt Eels à lui tout seul), est catastrophique. Rien n'est comparable à ses experiences.
E nous le montre dans sa musique, et dans ses textes, dans ce "Blinking Lights and Other Revelations", plus que dans tout ses anciens albums. L'album a mis 7 longues années avant d'être finalisé, et c'est sans aucun doute le plus introspectif.
E nous gratifie comme d'habitude de petites parfaite pop songs, perles lumineuses. Oui, car l'album, malgré la mélancolie de sa pochette, n'est pas si triste que ça. E garde l'espoir et nous le fait savoir. Et comme cet album est l'album de sa vie, il nous offre 33 titres sur un double album de plus de 90 minutes. Bref du grand, du très grand ! Surtout que E réussit le pari fou de la qualité et de l'homogeinité. Les thèmes reviennent, et Everett nous balade avec sa douce nostalgie.
On lui reprochera à la sortie de son album quelque chose de trop répétitif, qui aurait fait un excellent album de 40 minutes. Les avis divergent, mais mon sentiment reste le même : on reste devant une grande oeuvre d'art.
Un grand album des années 2000, assurement.
E nous le montre dans sa musique, et dans ses textes, dans ce "Blinking Lights and Other Revelations", plus que dans tout ses anciens albums. L'album a mis 7 longues années avant d'être finalisé, et c'est sans aucun doute le plus introspectif.
E nous gratifie comme d'habitude de petites parfaite pop songs, perles lumineuses. Oui, car l'album, malgré la mélancolie de sa pochette, n'est pas si triste que ça. E garde l'espoir et nous le fait savoir. Et comme cet album est l'album de sa vie, il nous offre 33 titres sur un double album de plus de 90 minutes. Bref du grand, du très grand ! Surtout que E réussit le pari fou de la qualité et de l'homogeinité. Les thèmes reviennent, et Everett nous balade avec sa douce nostalgie.
On lui reprochera à la sortie de son album quelque chose de trop répétitif, qui aurait fait un excellent album de 40 minutes. Les avis divergent, mais mon sentiment reste le même : on reste devant une grande oeuvre d'art.
Un grand album des années 2000, assurement.
Excellent ! 18/20
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