Xiu Xiu
La Forêt |
Label :
5 Rue Christine |
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Le groupe Xiu Xiu est devenu très productif, prenant largement son rôle au sérieux. Peut-on interpréter cela comme le besoin de se libérer des passions angoissantes et refoulées grâce à la musique? Assez difficile à admettre : Fabulous Muscles avait entraîné les Xiu Xiu dans une direction qu'on n'aurait pu envisager. Des morceaux tels que "I Love The Valley Oh !", "Fabulous Muscles" ou encore "Clowne Towne", montraient une avancée vers une béatitude certaine, retranscrite par les instruments et la voix de Jamie Stewart – douce et agréable.
Les deux pochettes de La Forêt n'annuleront pas cette hypothèse. Alors qu'on aurait attribué à ce groupe un artwork très inquiétant, typiquement hitchcockien avec ses arbres ressemblant à des squelettes agressifs nocturnes, Xiu Xiu nous offre deux charmantes couvertures. L'une, représente une jolie feuille verte – l'européenne- l'autre ressemble à un patchwork coloré de gamin –l'américaine-. Jamie Stewart se serait-il apaisé ?Ses troubles se sont-ils estompés?
Autant annoncer directement la couleur : l'âme du chanteur ne ressemble en rien aux couleurs vives illustrant La Forêt. Celle-ci se promène au contraire dans une nature sombrement trompeuse et malfaisante ; cette végétation, elle l'esquive en l'illustrant dans les paroles et dans les chansons de ce dernier album. Sexe, mort, tristesse : tout y est. La notion de catharsis prend plus que jamais son ampleur pour Xiu Xiu.
Alors que Fabulous Muscles était le symbole d'une avancée pour le groupe, cette "Forêt"" ressemble plutôt à un pas en arrière vers les périodes A Promise et Knife Play. On peut également considérer ce parcours à reculons comme positif : Xiu Xiu affirme son identité de formation musicale malsaine. Il préfère jouer pour lui, quitte à ce qu'il ne plaise qu'à treize personnes et demi. Tant pis si "Saturn" , avec ses airs extra-terrestres dégueulasses ne nous plait pas ; tant pis les textes nous froissent ; si l'instrumentation nous trompe -elle se fait tantôt harmonieuse, tantôt exécrable. Jamie Stewart a besoin de ça pour vivre mieux : balancer ses émotions dans la gueule de l'auditeur pour s'en débarrasser.
Ce 'Ian Curtis' ne se trouve qu'en nous perdant dans les méandres de son univers : nous ne sommes plus que des pions avec lesquels il s'amuse. Ou plutôt, avec lesquels il essaye de résoudre son équation. Il sait plus que jamais alterner paroles d'espoir et paroles d'une morbidité perverse : dans "Bog People" par exemple on passe de l'un à l'autre avec une rapidité déconcertante ( "There will always be a headless neck/ There will always be happiness"). La musique accompagne superbement ce cheminement déroutant : "Baby Captain" débute joliment –avec des cordes de guitare acoustique caressées, et s'achève dans un engouement de beats bizarroïdes (de ce point de vue, elle ressemble à "Sad Pony Guerilla Girl" d' A Promise).
Alors, comment devons-nous réagir face à tant d'insolence ? Rester admiratif de cet afflux de culot ou non ? ...
J'ai choisi mon camp depuis l'écoute d' "I Broke Up" ( piste de l'album Knife Play), et cette "Forêt" rugueuse de m'en fera pas sortir. Et puis, comment en vouloir à Jamie Stewart lorsqu'il affirme "I tried hard to be good to you" ?
Xiu Xiu nous prouve une fois de plus qu'il peut incessamment nous surprendre et souligner nos peurs : un seul craquement de branche, un seul murmure stewartien, et c'est notre cœur qui s'emballe, frôlant le coup de foudre et l'arrêt cardiaque simultanément.
Les deux pochettes de La Forêt n'annuleront pas cette hypothèse. Alors qu'on aurait attribué à ce groupe un artwork très inquiétant, typiquement hitchcockien avec ses arbres ressemblant à des squelettes agressifs nocturnes, Xiu Xiu nous offre deux charmantes couvertures. L'une, représente une jolie feuille verte – l'européenne- l'autre ressemble à un patchwork coloré de gamin –l'américaine-. Jamie Stewart se serait-il apaisé ?Ses troubles se sont-ils estompés?
Autant annoncer directement la couleur : l'âme du chanteur ne ressemble en rien aux couleurs vives illustrant La Forêt. Celle-ci se promène au contraire dans une nature sombrement trompeuse et malfaisante ; cette végétation, elle l'esquive en l'illustrant dans les paroles et dans les chansons de ce dernier album. Sexe, mort, tristesse : tout y est. La notion de catharsis prend plus que jamais son ampleur pour Xiu Xiu.
Alors que Fabulous Muscles était le symbole d'une avancée pour le groupe, cette "Forêt"" ressemble plutôt à un pas en arrière vers les périodes A Promise et Knife Play. On peut également considérer ce parcours à reculons comme positif : Xiu Xiu affirme son identité de formation musicale malsaine. Il préfère jouer pour lui, quitte à ce qu'il ne plaise qu'à treize personnes et demi. Tant pis si "Saturn" , avec ses airs extra-terrestres dégueulasses ne nous plait pas ; tant pis les textes nous froissent ; si l'instrumentation nous trompe -elle se fait tantôt harmonieuse, tantôt exécrable. Jamie Stewart a besoin de ça pour vivre mieux : balancer ses émotions dans la gueule de l'auditeur pour s'en débarrasser.
Ce 'Ian Curtis' ne se trouve qu'en nous perdant dans les méandres de son univers : nous ne sommes plus que des pions avec lesquels il s'amuse. Ou plutôt, avec lesquels il essaye de résoudre son équation. Il sait plus que jamais alterner paroles d'espoir et paroles d'une morbidité perverse : dans "Bog People" par exemple on passe de l'un à l'autre avec une rapidité déconcertante ( "There will always be a headless neck/ There will always be happiness"). La musique accompagne superbement ce cheminement déroutant : "Baby Captain" débute joliment –avec des cordes de guitare acoustique caressées, et s'achève dans un engouement de beats bizarroïdes (de ce point de vue, elle ressemble à "Sad Pony Guerilla Girl" d' A Promise).
Alors, comment devons-nous réagir face à tant d'insolence ? Rester admiratif de cet afflux de culot ou non ? ...
J'ai choisi mon camp depuis l'écoute d' "I Broke Up" ( piste de l'album Knife Play), et cette "Forêt" rugueuse de m'en fera pas sortir. Et puis, comment en vouloir à Jamie Stewart lorsqu'il affirme "I tried hard to be good to you" ?
Xiu Xiu nous prouve une fois de plus qu'il peut incessamment nous surprendre et souligner nos peurs : un seul craquement de branche, un seul murmure stewartien, et c'est notre cœur qui s'emballe, frôlant le coup de foudre et l'arrêt cardiaque simultanément.
Excellent ! 18/20 | par Hanabira |
Posté le 27 juin 2006 à 14 h 57 |
Après plusieurs mois accroché à l'univers de Xiu Xiu, il ne m'est définitivement (et heureusement, oserais-je dire) plus possible d'être objectif par rapport à cette musique aux émotions antagoniques et d'une force carrément athlétique.
Le cycle d'écoutes est semblable à une marée, aux poussés de plus en plus fortes et de plus en plus lointaines, et qui finalement emporte tout sur son passage, qu'on le veuille ou non. On écoute Xiu Xiu pendant trois semaines, on est sous le charme et on le laisse ensuite un peu de côté, pensant être arrivé aux environs du point culminant.
Finalement, ce processus aux saisons imprévisibles revient (trop) souvent, gonfle encore et décuple l'agenouillement plaintif aux couleurs masochistes. Plus d'un an après, je ne pense toujours pas que ces écoutes-là sont arrivées à maturation.
Avec La Forêt, c'est un peu la révélation, le premier chuchotement au souffle approximativement assuré qui émet l'hypothèse du "On tient ici le meilleur groupe du monde". J'exagère ? Peut-être. Enfin non, je ne sais vraiment pas.
L'indécision est à la hauteur de l'état d'esprit de Monsieur Stewart, lequel navigue continuellement entre des pôles adverses, mais si proches à la fois.
Ce qui est certain, c'est que malgré les rations accablantes et sombres que l'homme nous catapulte dans nos cavités grandes ouvertes, on ne frôle jamais la mélancolie ni la tristesse d'une humidité tragique. Quand le malaise, le mal-être et le coup de maillet nous cognent en pleine tronche, c'est tellement violent qu'on ne pourrait déverser la moindre larme. Xiu Xiu se démarque donc ici de tous les autres : il hurle, saigne, déchire et balance sa souffrance avec une rage déconcertante sans jamais donner cette envie de pleurer. Cette douleur s'accumule, d'une façon absolument malsaine et on y prend goût. Trop, sans doute.
C'est parce qu'on ne se défait pas des chaînes de Xiu Xiu, qu'on est toujours entre deux eaux mais jamais libéré que le plaisir sado-maso s'inscrit.
Avec "Muppet Face", Xiu Xiu accouche d'une des ses plus belles progénitures, au tempo soutenu, au refrain douillet vite rejoint par le bruit, et où cette voix pue le traumatisme. Celle-là, on peut l'écouter cent fois d'affilée : un must.
Il y a aussi le côté plus apaisé de "Pox", juste avant la sagesse -vite mais brièvement- dépassée par la haine présente sur "Baby Captain".
"Bog People" est le plus représentatif de cette condition de détention insoutenable, entre douleur "inchialable" et état schizophrénique inachevé.
"Yellow Raspberry" est plus calme mais certainement pas plus sage tant ça hurle sèchement.
Finalement, La Forêt, c'est un truc naturel et paisible, mais où l'état sauvage domine largement en arrière-plan.
Xiu Xiu, maître des émotions indécelables.
Le cycle d'écoutes est semblable à une marée, aux poussés de plus en plus fortes et de plus en plus lointaines, et qui finalement emporte tout sur son passage, qu'on le veuille ou non. On écoute Xiu Xiu pendant trois semaines, on est sous le charme et on le laisse ensuite un peu de côté, pensant être arrivé aux environs du point culminant.
Finalement, ce processus aux saisons imprévisibles revient (trop) souvent, gonfle encore et décuple l'agenouillement plaintif aux couleurs masochistes. Plus d'un an après, je ne pense toujours pas que ces écoutes-là sont arrivées à maturation.
Avec La Forêt, c'est un peu la révélation, le premier chuchotement au souffle approximativement assuré qui émet l'hypothèse du "On tient ici le meilleur groupe du monde". J'exagère ? Peut-être. Enfin non, je ne sais vraiment pas.
L'indécision est à la hauteur de l'état d'esprit de Monsieur Stewart, lequel navigue continuellement entre des pôles adverses, mais si proches à la fois.
Ce qui est certain, c'est que malgré les rations accablantes et sombres que l'homme nous catapulte dans nos cavités grandes ouvertes, on ne frôle jamais la mélancolie ni la tristesse d'une humidité tragique. Quand le malaise, le mal-être et le coup de maillet nous cognent en pleine tronche, c'est tellement violent qu'on ne pourrait déverser la moindre larme. Xiu Xiu se démarque donc ici de tous les autres : il hurle, saigne, déchire et balance sa souffrance avec une rage déconcertante sans jamais donner cette envie de pleurer. Cette douleur s'accumule, d'une façon absolument malsaine et on y prend goût. Trop, sans doute.
C'est parce qu'on ne se défait pas des chaînes de Xiu Xiu, qu'on est toujours entre deux eaux mais jamais libéré que le plaisir sado-maso s'inscrit.
Avec "Muppet Face", Xiu Xiu accouche d'une des ses plus belles progénitures, au tempo soutenu, au refrain douillet vite rejoint par le bruit, et où cette voix pue le traumatisme. Celle-là, on peut l'écouter cent fois d'affilée : un must.
Il y a aussi le côté plus apaisé de "Pox", juste avant la sagesse -vite mais brièvement- dépassée par la haine présente sur "Baby Captain".
"Bog People" est le plus représentatif de cette condition de détention insoutenable, entre douleur "inchialable" et état schizophrénique inachevé.
"Yellow Raspberry" est plus calme mais certainement pas plus sage tant ça hurle sèchement.
Finalement, La Forêt, c'est un truc naturel et paisible, mais où l'état sauvage domine largement en arrière-plan.
Xiu Xiu, maître des émotions indécelables.
Excellent ! 18/20
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