Emboe
"Je n'ai jamais appris à jouer de guitare, le côté dissonant doit certainement venir de là" [lundi 18 janvier 2016] |
Emboe, pour ceux qui ne connaissent toujours pas, c’est notamment l’ancien guitariste de Sons Of Frida, groupe bien connu des habitués de X-Silence et, plus globalement, des amateurs de Rock noisy. Mais depuis la fin de l’aventure, le moins que l’on puisse dire est que le bonhomme n’a pas ménagé sa monture électrique. Entretien.
Arno : Sans vouloir trop rentrer dès le début dans les sujets qui fâchent, peut-on considérer que ton départ de Sons Of Frida est lié à un plus grand besoin de liberté ? En effet, si je me réfère au nombre de projets auxquels tu collabores, sans compter tes activités en solo, vu de l’extérieur il semble y avoir un lien de cause à effet. Tu confirmes ?
Emboe : Salut Arno ! Oui donc on rentre dans le vif du sujet dès la première question là ! (rire) Alors non, du tout, il n’y a aucun lien entre mon départ de Sons of Frida et les projets auxquels je suis ou ai été lié. Je comprends que l’on puisse penser ça puisque Erldr EP d’Emboe est sorti deux ou trois jours après avec le titre « Il fallait que je respire » sauf que ce disque avait été enregistré bien avant la fin de SOF et la date de sortie était déjà programmée depuis au moins deux mois... Ensuite A Shape (anciennement No.on) m’a demandé de jouer avec eux, ce que j’ai accepté, et concernant Dernière Transmission, le groupe s’est formé par hasard. Ceci pour mettre fin aux ragots de l’underground français (rire). Mais non, rien n’était prémédité.
Pour traiter en priorité ton actualité, peux-tu nous parler de cet E.P. de reprises que tu as sorti en décembre 2015 ? Le choix des titres est plutôt osé si l’on considère qu’il y a de l’underground (Kataplismik), de l’intouchable casse-gueule (Sonic Youth) et du commercial putassier (Rihanna). Tu aimes vraiment ce que fait cette dernière où c’est l’exercice de style qui t’as séduit ? Et qu’est-ce qui a orienté tes choix pour les deux autres morceaux ?
Emboe : ah ah ah ! ça ne passe pas ce Rihanna, il n’y a rien à faire ! Je vais dire un petit peu la même chose mais bon... Tout est parti d’une connerie avec mon amie que j’emmerdai depuis des jours en jouant « Diamond » à la maison (vu qu’elle aussi déteste Riri) et puis le jeu à la con, cap ou pas cap de t’enregistrer et de mettre la vidéo sur fb... forcément cap... et là, chose improbable, je reçois un mail d’une émission de radio en Belgique qui adore et me commande la reprise mise au propre pour une diffusion lourde dans leur émission. Chose faite.
Ensuite [kataplismik] m’a demandé de participer à leur tribute album, du coup j’enregistre la cover de "Turbulences" et puis je devais il y a quelque temps participer à un tribute de Sonic Youth organisé par ADA. Par manque de temps, j’ai dû annuler ma participation mais j’ai toujours voulu faire une reprise de "Diamond Sea". Du coup, je me suis retrouvé avec ces trois morceaux et plutôt que de les laisser au fond de mon disque dur, j’au voulu les sortir.
Cet EP peut être perçu comme une blague mais au final pas du tout, ce sont vraiment trois titres qui me tiennent à cœur. "Turbulences" car c'est un morceau composé par [kataplismik], j’aime vraiment ces deux gars-là, on est parti en tournée ensemble avec SOF, on a vécu des choses incroyables. "Diamond sea", c’est ma chanson préférée de tous les temps, c'est jusqu’à là mort, c’est le morceau parfait pour moi, c’est d’ailleurs pour ça que je n’ai rien voulu changer sur la cover. J’ai gardé la même structure, je l’ai joué note à note, je voulais vraiment la jouer comme eux. Et "Diamonds", c’est physique, c’est émotionnel, c’est un titre qui me touche énormément. Rihanna, c’est vraiment une passion, j’aime vraiment ce qu’elle fait, il n’y a absolument aucun second degré, j’aime Rihanna comme je peux aimer Fugazi.
The covers EP est un disque qui me résume assez bien et qui est assez personnel. Même si les morceaux ne sont pas de moi, ça me montre tel que je suis. Les gens ont beaucoup de mal à comprendre comment on peut aimer Merzbow et Katy Perry. Depuis tout petit je suis comme ça, passer de AC/DC à Lio, de U2 à Sonic Youth ou je ne sais quoi. Je suis un boulimique de musique et je ne me freine sur rien mis à part la musique brésilienne et le zouk que je ne supporte pas !
Sans forcément rentrer dans la technique, bien que cela puisse intéresser bon nombre de musiciens, peux-tu nous parler dans un premier temps de ton processus de composition puis de la façon dont tu travailles pour matérialiser ces sons ? J’ai du mal à comprendre comment une personne seule parvient à générer autant de strates sonores et à les faire cohabiter.
Emboe : Je n’ai pas de technique particulière à vrai dire dans le processus de composition. En gros j’entends des structures, des sons et des ambiances, je visualise ce que je dois faire, cela peut prendre des mois, voire des années avant que je ne les enregistre. Je ne sais pas prendre ma guitare et essayer des choses. Quand tout est clair et ordonné dans ma tête c’est là que je vais commencer à enregistrer. Et en principe je ne fais qu’une ou deux prises, pas plus, pour arriver au résultat voulu. Je viens de finir le prochain album d'ailleurs qui sortira en 2016, toujours sur le label Zéro Egal Petit Intérieur.
Et côté matériel tu utilises quoi ?
Emboe : J’utilise une Jazzmaster et une Jaguar, ces guitares sont fantastiques pour en tirer des sons improbables. Sinon au niveau effets, des delays, une fuzz big muff et un looper principalement. Un ampli hot rod Fender. Après, pour tout ce qui est électro, j’utilise des vst comme pianotech ou arp2000. Je ne suis pas un féru de matos en fait, j’ai ce qu’il me faut, j’ai cherché pendant des années à avoir ce son et aujourd’hui je n’en changerai pas, je ne suis pas du genre à essayer toutes les pédales d’effets du monde et j’avoue ne rien y connaître en matos.
La disharmonie, le bruyant, c’est une passion, une science où la meilleure façon que tu as trouvée de t’exprimer ? D’ailleurs, quelles sont tes principales sources d’inspiration ? En t’écoutant, je pense davantage à des films ou à de la photographie qu’à de la musique en fait…
Emboe : Une passion et non une science, la musique ça reste une émotion, il n’y a aucun calcul à faire, pas à trop réfléchir dessus sinon ça devient de la musique chiante et sans vie comme le Mathrock ou Yngwie Malmsteen (rire). Je n’ai jamais appris à jouer de guitare, le côté dissonant doit certainement venir de là. J’ai une façon de jouer très peu académique, j’invente des accords, des accordages, je joue avec des tournevis, des baguettes, des murs, je joue beaucoup avec le feedback également. Après je peux également faire des choses très mélodiques mais il y aura toujours ce petit truc qui viendra te piquer l’oreille. Tu verras ça sur le prochain album d’ailleurs qui fonctionne plus en termes de chansons que de plages musicales. Comme tu le dis, l’aspect cinématographique de ma musique vient du fait que ce sont plus des plages, des ambiances que de véritables chansons, il n y a pas de fin, pas de début, pas de refrain, pas de couplet, ce sont en quelque sorte des instantanées. Tu peux imaginer ce que tu veux dessus.
En ce qui concerne mes influences, ça va être des types comme Joe Satriani ou Gary Moore, des vrais guitaristes (rire). Ok, je ne suis pas crédible là... Non, je n’ai pas envie de citer de noms car ils sont assez évidents mais, en gros, je suis très influencé par tout ce qui est New Wave, No Wave, Noise… et Rihanna (rire).
D’ailleurs, comment es-tu venu à la musique ? Quelles étaient tes influences et qu’est-ce qui t’a motivé pour aller dans cette voie ? Peux-tu résumer ton parcours ?
Emboe : Je viens d’une famille de musiciens et d’artistes. Mon père était bassiste, ma mère photographe, un oncle à l’orchestre de Paris, une tante à l’orchestre de Lille donc, forcément, je n’allais pas faire de l’haltérophilie ou de la natation. J’ai été traîné de salles de répétitions en salles de concerts depuis tout petit, j’avais le droit de toucher à tout c’était super. J’ai commencé par prendre des cours de batterie à l’âge de 13 ans mais ça m’a vite saoulé, je pensais qu’on tapait comme un dingue et c’est tout mais non, il y avait des partitions. Sinon, je piquais la guitare électrique de mon père, je faisais n’importe quoi et je trouvais ça génial. Plus sérieusement, j’essayai de reproduire ce que faisait The Edge (U2) en jouant par-dessus leurs disques (d’ailleurs, on entend très bien l’influence de The Edge sur l’album de Dernière Transmission qui sortira en 2016). Et puis Nirvana a débarqué et là j’ai demandé une guitare et une pédale de disto à mon père pour monter un groupe. De là a commencé mon parcours musical où j’ai découvert par la suite des groupes comme Sonic Youth, Fugazi, etc.
Toi qui a connu les deux configurations, quels sont les avantages à travailler seul plutôt qu’en groupe ? N’as-tu pas parfois du mal à trouver la motivation ? Le besoin d’une oreille extérieure se fait-il parfois sentir ?
Emboe : Ce sont vraiment deux choses distinctes, on ne peut pas comparer le travail en solo et le travail en groupe. C’est une façon totalement différente de travailler. Seul, tu n’as que deux possibilités : oui ou non. En groupe, c’est toujours des discussions interminables sur pourquoi, comment, mais le plus souvent tu débouches sur de supers idées. Et puis la vie en groupe, c’est génial, tu vis des choses extraordinaires, j’ai de supers souvenirs de tournées avec SOF et puis en concert, quand tu te plantes, les autres te rattrapent alors que seul, tu te plantes et tu veux juste devenir invisible jusqu’à la fin de tes jours (rire).
Tu as eu une actualité assez chargée en 2015 avec Dernière Transmission, où l’on retrouve Guillaume Collet ainsi que Jérôme Orsoni de Rome Buyce Night et No.on, avec Sasha de Heliogabale au chant. Peux-tu nous dire un mot sur ton rôle dans chacun de ces groupes et évoquer leurs ambitions respectives ? Comment as-tu rencontré Sasha, personne iconique de la scène Noise Rock française ?
Emboe : Avec Dernière Transmission je n’ai pas vraiment de rôle à part y jouer de la guitare et sortir des conneries pendant 3h. Dernière transmission s’est formé par hasard en fait, c’est parti d’un projet d’album qu’on avait avec Jérôme, lui aux textes et chant, moi à la guitare et Guillaume nous enregistrait. Pour la deuxième session, on a demandé à Guillaume de ramener une boîte à rythme mais en fait il a débarqué avec tous ses synthés. Alors on a tout branché et là on s’est dit : bon qu’est ce qu’on fait ? Et c’est parti de là. On a composé l’intégralité de l’album en deux répétitions sans se dire quoi que ce soit, c’est sorti tout seul, c’est hallucinant le feeling que l’on peut avoir tous les trois !
On a fini de mixer le disque cet automne, là on attend l’artwork et il sortira en 2016 chez Zero Egal Petit Intérieur mais il n’y a pas de date précise pour le moment. On attaquera les concerts en 2016 également.
Concernant No.on (A Shape depuis peu), mon rôle était de salir leur musique. Au départ je devais juste faire un featuring sur trois ou quatre nouveaux morceaux et au final ils m’ont adopté. On recherchait une chanteuse pour le groupe un peu dans le genre d’Heliogabale et quitte à avoir ce type de chanteuse autant demander à la vraie Sasha, ce qu’elle a accepté.
Du coup on a commencé à répéter ensemble, faire quelques concerts et on a enregistré un premier album tous les cinq. Sasha c'est ma maman du Rock’n Roll (rire), elle s’est bien occupée de moi ! Elle a un talent fou, une prestance de dingue, un feeling incroyable, je lui ai demandé de chanter sur l’un des titres de mon prochain album : en deux jours c’était bouclé… la classe ! Aujourd’hui Sasha est devenue une véritable amie, on a un peu la même façon de penser et on se comprend sur beaucoup de choses.
J’ai cru comprendre que tu avais d’ailleurs arrêté ta collaboration au sein de No.on. Tu es insupportable à vivre, c’est un concours de circonstance où c’était prévu comme ça dès le départ ?
Emboe : Oui effectivement j’ai quitté A Shape en novembre pour diverses raisons... Disons que cela ne me convenait pas et oui je suis insupportable, buté et de mauvaise foi !
Du coup, s’il y avait un bilan musical à tirer de 2015, quel serait-il, tant en termes d’évolution personnelle que de travail de groupe ? Comment vois-tu 2016 et quels sont tes projets ?
Emboe : mmmh je n’ai jamais fait de bilan du coup je ne sais pas trop quoi te répondre... J’ai passé une belle année avec A Shape. Je suis très fier de Dernière Transmission et j’ai hâte que l’album sorte pour faire nos premiers concerts – je suis comme un gamin avec ce groupe, très excité pour tout ce qui peut se passer pour nous. Pour 2016, il y aura la sortie du nouveau Emboe. Je vais essayer de faire un maximum de concerts voire partir en tournée et puis j’aurai un peu plus de temps pour aller voir des concerts du coup je vais essayer de m’en faire plein !
A mon goût, ta musique n’est jamais aussi bonne que lorsqu’elle est intégralement instrumentale. Le prochain disque d’Emboe, en préparation, ressemblera à quoi concrètement ? Les expériences de l’année dernière ont-elles un impact direct sur ta musique ?
Emboe : Il sera plus mélodique et beaucoup plus sombre que ce que j’ai pu faire auparavant. Les chansons ont une vraie histoire, j’ai vraiment été inspiré par des événements personnels… Il y aura des surprises aussi mais ça reste du Emboe même si Dernière Transmission a eu une énorme influence sur ce disque.
Pour finir, un petit quizz pour mieux comprendre Emboe :
Tes disques indispensables ?
Emboe : Sonic Youth « Washing Machine » ; The Cure « Pornography » ; Joy Division « Unknown Pleasure » ; Rihanna « Unapologistic » ; Faith No More « Angel Dust » ; Deftones « White Pony » ; « Public Enemy « Fear Of A Black Planet » ; Dead Can Dance « The Serptent’s Egg » et bien d’autres.
Tes films favoris ?
La trilogie du Seigneur des Anneaux, Star Wars, Mad Max 2, Clerks.
Tes livres références ?
Oui Oui.
Ton activité préférée ?
Acheter des disques et boire des bières devant Facebook.
Sinon, un dernier mot sur tes anciens acolytes de Sons Of Frida. Sais-tu si, de leur côté, il y a quelque chose en cours ?
Emboe : Sons Of Frida a été une aventure extraordinaire de dix ans, on a vécu tellement de choses ensemble, on a progressé ensemble, on a galéré ensemble, tout ce qu’un groupe de Rock doit vivre on l’a vécu (à part la drogue et les putes… quoi que...). Ces mecs-là c'est comme ma famille ! Sinon, Clément (bassiste) est parti vivre en Suède et a intégré un groupe Noise là-bas (Destructive Noise). Il commence à faire des concerts. Ben (guitare, chant, trompette) et Thierry (batterie) ont remonté un groupe mais je ne sais pas du tout ce qu’ils font. Cela doit être bien les connaissant !
Arno : Je te laisse le mot de la fin.
Emboe : Merci !
Retrouvez Emboe sur Facebook , Soundcloud & Bandcamp.
Dernière Transmission est également sur Facebook & sur Bandcamp
Emboe : Salut Arno ! Oui donc on rentre dans le vif du sujet dès la première question là ! (rire) Alors non, du tout, il n’y a aucun lien entre mon départ de Sons of Frida et les projets auxquels je suis ou ai été lié. Je comprends que l’on puisse penser ça puisque Erldr EP d’Emboe est sorti deux ou trois jours après avec le titre « Il fallait que je respire » sauf que ce disque avait été enregistré bien avant la fin de SOF et la date de sortie était déjà programmée depuis au moins deux mois... Ensuite A Shape (anciennement No.on) m’a demandé de jouer avec eux, ce que j’ai accepté, et concernant Dernière Transmission, le groupe s’est formé par hasard. Ceci pour mettre fin aux ragots de l’underground français (rire). Mais non, rien n’était prémédité.
Pour traiter en priorité ton actualité, peux-tu nous parler de cet E.P. de reprises que tu as sorti en décembre 2015 ? Le choix des titres est plutôt osé si l’on considère qu’il y a de l’underground (Kataplismik), de l’intouchable casse-gueule (Sonic Youth) et du commercial putassier (Rihanna). Tu aimes vraiment ce que fait cette dernière où c’est l’exercice de style qui t’as séduit ? Et qu’est-ce qui a orienté tes choix pour les deux autres morceaux ?
Emboe : ah ah ah ! ça ne passe pas ce Rihanna, il n’y a rien à faire ! Je vais dire un petit peu la même chose mais bon... Tout est parti d’une connerie avec mon amie que j’emmerdai depuis des jours en jouant « Diamond » à la maison (vu qu’elle aussi déteste Riri) et puis le jeu à la con, cap ou pas cap de t’enregistrer et de mettre la vidéo sur fb... forcément cap... et là, chose improbable, je reçois un mail d’une émission de radio en Belgique qui adore et me commande la reprise mise au propre pour une diffusion lourde dans leur émission. Chose faite.
Ensuite [kataplismik] m’a demandé de participer à leur tribute album, du coup j’enregistre la cover de "Turbulences" et puis je devais il y a quelque temps participer à un tribute de Sonic Youth organisé par ADA. Par manque de temps, j’ai dû annuler ma participation mais j’ai toujours voulu faire une reprise de "Diamond Sea". Du coup, je me suis retrouvé avec ces trois morceaux et plutôt que de les laisser au fond de mon disque dur, j’au voulu les sortir.
Cet EP peut être perçu comme une blague mais au final pas du tout, ce sont vraiment trois titres qui me tiennent à cœur. "Turbulences" car c'est un morceau composé par [kataplismik], j’aime vraiment ces deux gars-là, on est parti en tournée ensemble avec SOF, on a vécu des choses incroyables. "Diamond sea", c’est ma chanson préférée de tous les temps, c'est jusqu’à là mort, c’est le morceau parfait pour moi, c’est d’ailleurs pour ça que je n’ai rien voulu changer sur la cover. J’ai gardé la même structure, je l’ai joué note à note, je voulais vraiment la jouer comme eux. Et "Diamonds", c’est physique, c’est émotionnel, c’est un titre qui me touche énormément. Rihanna, c’est vraiment une passion, j’aime vraiment ce qu’elle fait, il n’y a absolument aucun second degré, j’aime Rihanna comme je peux aimer Fugazi.
The covers EP est un disque qui me résume assez bien et qui est assez personnel. Même si les morceaux ne sont pas de moi, ça me montre tel que je suis. Les gens ont beaucoup de mal à comprendre comment on peut aimer Merzbow et Katy Perry. Depuis tout petit je suis comme ça, passer de AC/DC à Lio, de U2 à Sonic Youth ou je ne sais quoi. Je suis un boulimique de musique et je ne me freine sur rien mis à part la musique brésilienne et le zouk que je ne supporte pas !
Sans forcément rentrer dans la technique, bien que cela puisse intéresser bon nombre de musiciens, peux-tu nous parler dans un premier temps de ton processus de composition puis de la façon dont tu travailles pour matérialiser ces sons ? J’ai du mal à comprendre comment une personne seule parvient à générer autant de strates sonores et à les faire cohabiter.
Emboe : Je n’ai pas de technique particulière à vrai dire dans le processus de composition. En gros j’entends des structures, des sons et des ambiances, je visualise ce que je dois faire, cela peut prendre des mois, voire des années avant que je ne les enregistre. Je ne sais pas prendre ma guitare et essayer des choses. Quand tout est clair et ordonné dans ma tête c’est là que je vais commencer à enregistrer. Et en principe je ne fais qu’une ou deux prises, pas plus, pour arriver au résultat voulu. Je viens de finir le prochain album d'ailleurs qui sortira en 2016, toujours sur le label Zéro Egal Petit Intérieur.
Et côté matériel tu utilises quoi ?
Emboe : J’utilise une Jazzmaster et une Jaguar, ces guitares sont fantastiques pour en tirer des sons improbables. Sinon au niveau effets, des delays, une fuzz big muff et un looper principalement. Un ampli hot rod Fender. Après, pour tout ce qui est électro, j’utilise des vst comme pianotech ou arp2000. Je ne suis pas un féru de matos en fait, j’ai ce qu’il me faut, j’ai cherché pendant des années à avoir ce son et aujourd’hui je n’en changerai pas, je ne suis pas du genre à essayer toutes les pédales d’effets du monde et j’avoue ne rien y connaître en matos.
La disharmonie, le bruyant, c’est une passion, une science où la meilleure façon que tu as trouvée de t’exprimer ? D’ailleurs, quelles sont tes principales sources d’inspiration ? En t’écoutant, je pense davantage à des films ou à de la photographie qu’à de la musique en fait…
Emboe : Une passion et non une science, la musique ça reste une émotion, il n’y a aucun calcul à faire, pas à trop réfléchir dessus sinon ça devient de la musique chiante et sans vie comme le Mathrock ou Yngwie Malmsteen (rire). Je n’ai jamais appris à jouer de guitare, le côté dissonant doit certainement venir de là. J’ai une façon de jouer très peu académique, j’invente des accords, des accordages, je joue avec des tournevis, des baguettes, des murs, je joue beaucoup avec le feedback également. Après je peux également faire des choses très mélodiques mais il y aura toujours ce petit truc qui viendra te piquer l’oreille. Tu verras ça sur le prochain album d’ailleurs qui fonctionne plus en termes de chansons que de plages musicales. Comme tu le dis, l’aspect cinématographique de ma musique vient du fait que ce sont plus des plages, des ambiances que de véritables chansons, il n y a pas de fin, pas de début, pas de refrain, pas de couplet, ce sont en quelque sorte des instantanées. Tu peux imaginer ce que tu veux dessus.
En ce qui concerne mes influences, ça va être des types comme Joe Satriani ou Gary Moore, des vrais guitaristes (rire). Ok, je ne suis pas crédible là... Non, je n’ai pas envie de citer de noms car ils sont assez évidents mais, en gros, je suis très influencé par tout ce qui est New Wave, No Wave, Noise… et Rihanna (rire).
D’ailleurs, comment es-tu venu à la musique ? Quelles étaient tes influences et qu’est-ce qui t’a motivé pour aller dans cette voie ? Peux-tu résumer ton parcours ?
Emboe : Je viens d’une famille de musiciens et d’artistes. Mon père était bassiste, ma mère photographe, un oncle à l’orchestre de Paris, une tante à l’orchestre de Lille donc, forcément, je n’allais pas faire de l’haltérophilie ou de la natation. J’ai été traîné de salles de répétitions en salles de concerts depuis tout petit, j’avais le droit de toucher à tout c’était super. J’ai commencé par prendre des cours de batterie à l’âge de 13 ans mais ça m’a vite saoulé, je pensais qu’on tapait comme un dingue et c’est tout mais non, il y avait des partitions. Sinon, je piquais la guitare électrique de mon père, je faisais n’importe quoi et je trouvais ça génial. Plus sérieusement, j’essayai de reproduire ce que faisait The Edge (U2) en jouant par-dessus leurs disques (d’ailleurs, on entend très bien l’influence de The Edge sur l’album de Dernière Transmission qui sortira en 2016). Et puis Nirvana a débarqué et là j’ai demandé une guitare et une pédale de disto à mon père pour monter un groupe. De là a commencé mon parcours musical où j’ai découvert par la suite des groupes comme Sonic Youth, Fugazi, etc.
Toi qui a connu les deux configurations, quels sont les avantages à travailler seul plutôt qu’en groupe ? N’as-tu pas parfois du mal à trouver la motivation ? Le besoin d’une oreille extérieure se fait-il parfois sentir ?
Emboe : Ce sont vraiment deux choses distinctes, on ne peut pas comparer le travail en solo et le travail en groupe. C’est une façon totalement différente de travailler. Seul, tu n’as que deux possibilités : oui ou non. En groupe, c’est toujours des discussions interminables sur pourquoi, comment, mais le plus souvent tu débouches sur de supers idées. Et puis la vie en groupe, c’est génial, tu vis des choses extraordinaires, j’ai de supers souvenirs de tournées avec SOF et puis en concert, quand tu te plantes, les autres te rattrapent alors que seul, tu te plantes et tu veux juste devenir invisible jusqu’à la fin de tes jours (rire).
Tu as eu une actualité assez chargée en 2015 avec Dernière Transmission, où l’on retrouve Guillaume Collet ainsi que Jérôme Orsoni de Rome Buyce Night et No.on, avec Sasha de Heliogabale au chant. Peux-tu nous dire un mot sur ton rôle dans chacun de ces groupes et évoquer leurs ambitions respectives ? Comment as-tu rencontré Sasha, personne iconique de la scène Noise Rock française ?
Emboe : Avec Dernière Transmission je n’ai pas vraiment de rôle à part y jouer de la guitare et sortir des conneries pendant 3h. Dernière transmission s’est formé par hasard en fait, c’est parti d’un projet d’album qu’on avait avec Jérôme, lui aux textes et chant, moi à la guitare et Guillaume nous enregistrait. Pour la deuxième session, on a demandé à Guillaume de ramener une boîte à rythme mais en fait il a débarqué avec tous ses synthés. Alors on a tout branché et là on s’est dit : bon qu’est ce qu’on fait ? Et c’est parti de là. On a composé l’intégralité de l’album en deux répétitions sans se dire quoi que ce soit, c’est sorti tout seul, c’est hallucinant le feeling que l’on peut avoir tous les trois !
On a fini de mixer le disque cet automne, là on attend l’artwork et il sortira en 2016 chez Zero Egal Petit Intérieur mais il n’y a pas de date précise pour le moment. On attaquera les concerts en 2016 également.
Concernant No.on (A Shape depuis peu), mon rôle était de salir leur musique. Au départ je devais juste faire un featuring sur trois ou quatre nouveaux morceaux et au final ils m’ont adopté. On recherchait une chanteuse pour le groupe un peu dans le genre d’Heliogabale et quitte à avoir ce type de chanteuse autant demander à la vraie Sasha, ce qu’elle a accepté.
Du coup on a commencé à répéter ensemble, faire quelques concerts et on a enregistré un premier album tous les cinq. Sasha c'est ma maman du Rock’n Roll (rire), elle s’est bien occupée de moi ! Elle a un talent fou, une prestance de dingue, un feeling incroyable, je lui ai demandé de chanter sur l’un des titres de mon prochain album : en deux jours c’était bouclé… la classe ! Aujourd’hui Sasha est devenue une véritable amie, on a un peu la même façon de penser et on se comprend sur beaucoup de choses.
J’ai cru comprendre que tu avais d’ailleurs arrêté ta collaboration au sein de No.on. Tu es insupportable à vivre, c’est un concours de circonstance où c’était prévu comme ça dès le départ ?
Emboe : Oui effectivement j’ai quitté A Shape en novembre pour diverses raisons... Disons que cela ne me convenait pas et oui je suis insupportable, buté et de mauvaise foi !
Du coup, s’il y avait un bilan musical à tirer de 2015, quel serait-il, tant en termes d’évolution personnelle que de travail de groupe ? Comment vois-tu 2016 et quels sont tes projets ?
Emboe : mmmh je n’ai jamais fait de bilan du coup je ne sais pas trop quoi te répondre... J’ai passé une belle année avec A Shape. Je suis très fier de Dernière Transmission et j’ai hâte que l’album sorte pour faire nos premiers concerts – je suis comme un gamin avec ce groupe, très excité pour tout ce qui peut se passer pour nous. Pour 2016, il y aura la sortie du nouveau Emboe. Je vais essayer de faire un maximum de concerts voire partir en tournée et puis j’aurai un peu plus de temps pour aller voir des concerts du coup je vais essayer de m’en faire plein !
A mon goût, ta musique n’est jamais aussi bonne que lorsqu’elle est intégralement instrumentale. Le prochain disque d’Emboe, en préparation, ressemblera à quoi concrètement ? Les expériences de l’année dernière ont-elles un impact direct sur ta musique ?
Emboe : Il sera plus mélodique et beaucoup plus sombre que ce que j’ai pu faire auparavant. Les chansons ont une vraie histoire, j’ai vraiment été inspiré par des événements personnels… Il y aura des surprises aussi mais ça reste du Emboe même si Dernière Transmission a eu une énorme influence sur ce disque.
Pour finir, un petit quizz pour mieux comprendre Emboe :
Tes disques indispensables ?
Emboe : Sonic Youth « Washing Machine » ; The Cure « Pornography » ; Joy Division « Unknown Pleasure » ; Rihanna « Unapologistic » ; Faith No More « Angel Dust » ; Deftones « White Pony » ; « Public Enemy « Fear Of A Black Planet » ; Dead Can Dance « The Serptent’s Egg » et bien d’autres.
Tes films favoris ?
La trilogie du Seigneur des Anneaux, Star Wars, Mad Max 2, Clerks.
Tes livres références ?
Oui Oui.
Ton activité préférée ?
Acheter des disques et boire des bières devant Facebook.
Sinon, un dernier mot sur tes anciens acolytes de Sons Of Frida. Sais-tu si, de leur côté, il y a quelque chose en cours ?
Emboe : Sons Of Frida a été une aventure extraordinaire de dix ans, on a vécu tellement de choses ensemble, on a progressé ensemble, on a galéré ensemble, tout ce qu’un groupe de Rock doit vivre on l’a vécu (à part la drogue et les putes… quoi que...). Ces mecs-là c'est comme ma famille ! Sinon, Clément (bassiste) est parti vivre en Suède et a intégré un groupe Noise là-bas (Destructive Noise). Il commence à faire des concerts. Ben (guitare, chant, trompette) et Thierry (batterie) ont remonté un groupe mais je ne sais pas du tout ce qu’ils font. Cela doit être bien les connaissant !
Arno : Je te laisse le mot de la fin.
Emboe : Merci !
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