The Last Embrace

Il est bien difficile de résumer la vie d'un groupe né il y a plus de 15 ans [samedi 22 février 2014]

C’est le 22/02/2014 à La Loge (Paris), suite à un des derniers concerts donnés en acoustique pour promouvoir Essentia, que j’ai pu rencontrer Sandy (chant) et Olivier (guitare) de The Last Embrace. Ils le disent eux-mêmes dans leur biographie (http://www.thelastembrace.fr/) : « Il est bien difficile de résumer la vie d’un groupe né il y a plus de 15 ans », aussi je ne leur ai pas demandé de le faire.
Interview faite par Arno Vice



Quelle est la signification du nom « The Last Embrace » ? Qu’évoque-t-il pour vous ?

Olivier : A l’époque, c’est l’aspect musical des mots qui nous a plu. Dans « La Dernière Etreinte » il y a un côté nostalgique, mélancolique qui colle bien à la musique que l’on joue. Il n’y a donc pas de réelle signification, on trouvait que le nom sonnait bien et je ne peux pas en dire plus. Ce n’est pas inspiré de l’album « The Last Embrace » du groupe gothique Arcana, ni par le groupe de stoner Spirit Caravan qui a également sorti un disque intitulé « The Last Embrace », bien après notre création d’ailleurs. Cela n’a rien avoir avec tout ça.

Quelles sont les thématiques principales de vos textes, écrits par Sandy (chant) ? Avez-vous une réflexion commune autour des messages que vous souhaitez faire passer ou considérez-vous que la musique prime sur les paroles ?

Olivier : On ne se concerte pas, Sandy est la mieux placée pour écrire les textes, qui sont bien adaptés et réussis. Il y a un gros boulot de sa part pour la traduction notamment, il y a des modifications à apporter par rapport aux lignes de chant qu’elle crée, c’est donc un travail qui est assez long pour elle. Au niveau des thématiques, cela parle principalement de sa vie personnelle, de l’enfance perdue, de la nostalgie, autant de sujets qui vont bien avec la musique. On commence toujours par composer les parties instrumentales et ensuite elle pose son chant par-dessus donc les textes peuvent être influencés par ce qu’elle ressent lorsqu’elle écoute les mélodies. Sandy écrit naturellement sur l’enfance, ça a l’air d’être assez important pour elle et puis pour nous aussi finalement. L’enfance, l’amour, les choses de la vie courante, il n’y a pas tellement d’Heroic Fantasy en fait. On n’est pas Rhapsody, on ne raconte rien sur les dragons.

Sandy (qui se joint à nous) : J’écris beaucoup sur l’enfance et l’innocence, sur les relations fusionnelles entre les gens, comme une mère et son enfant, un mari et sa femme, je parle aussi d’espoir… Dans l’album Inside, les paroles étaient très négatives, un peu gothiques, mais pour Aerial c’était déjà beaucoup plus positif.

En même temps, vos musiques ne sont pas foncièrement sombres donc forcément les textes sont au diapason.

Olivier : Effectivement, nostalgiques, mélancoliques mais pas sombres. En revanche, il y aura des choses plus sombres sur le prochain album.

Sandy : Sur Essentia, on a privilégié des morceaux euphoriques.

Pensez-vous que l’anglais est définitivement la langue la plus adaptée à votre genre musical ou envisagez-vous d’écrire quelques chansons en français, par exemple pour votre prochain album ?

Olivier : Non, ce n’est pas prévu. C’est peut-être moi qui bloque parce que je trouve que le français a vite tendance à tourner variété si on ne fait pas attention, notamment pour les voix féminines. Je sais que Sandy aimerait bien chanter un morceau en français, les autres sont aussi pour, moi moins. Peut-être que cela se fera un jour mais il faudra vraiment que ça ne sonne pas variété car sur de la musique mélodique, on peut très vite tomber dans le lourd, le pompeux, l’ampoulé. Si c’est pour faire du Grégoire ce n’est pas la peine. Dans ce que j’ai entendu en français, il n’y a que Bashung qui arrive à faire sonner la langue comme il faudrait. Ou encore le dernier Bertrand Cantat que je trouve bien parce qu’il a une voix particulière et un accent bizarre quand il chante, ça ne fait presque pas français, c’est sans doute pour cela que ça me plait. Mais pour notre musique un peu lyrique, arrangée, le chant en français n’est pas prévu pour l’instant.

À la base, le nom du groupe m’évoquait une formation de Death Doom, à la Theatre Of Tragedy ou My Dying Bride alors qu’il n’en est rien. Mais au-delà de cette fausse première impression, quel est votre positionnement au sein de la scène Métal ? Vous en sentez-vous proche, si ce n’est par la musique du moins dans l’esprit ?

Olivier : Au départ, quand on a commencé le groupe, on voulait jouer du Métal gothique comme ça se faisait à l’époque. Naturellement, vu ce qu’on écoutait, nous étions dans cette scène-là. Tous les My Dying Bride, Anathema, Paradise Lost, Tiamat, ce sont malgré tout des influences qui se sont un peu dissoutes au fil du temps parce qu’on écoute beaucoup de choses et que l’on a évolué instrumentalement parlant mais ça ne me dérange pas qu’il y ait un rapport avec cette scène. Il y a plein de groupes que j’adore, comme Anathema qui vient du Doom Death des années 90, les débuts de My DYing Bride et de Paradise Lost qui étaient excellents, la filiation ne me dérange pas plus que ça même si ça peut perdre les gens si on leur parle de My Dying Bride et qu’on leur fait écouter notre dernier album, ils ne verront pas le rapport… Peut-être dans les ambiances ou dans le travail des guitares, ça peut y faire penser.

C’est peut-être une question récurrente pour ceux qui, comme vous, jouent une musique à la croisée des chemins mais n’avez-vous pas le sentiment qu’au fond le public Pop Rock se ferme l’accès à The Last Embrace à cause de son étiquette « Métal atmosphérique » ? Par exemple, vous avez récemment fait un concert acoustique au Pop-In (le 21/01/2014) et pour avoir brièvement échangé avec une personne qui y organise des DJ sets de Pop, elle m’a dit que vos références « Métal » la rebutaient en dépit de votre facette Rock Progressif et j’imagine que cela a été le cas pour bon nombre d’habitués de ce lieu. Il me semble pourtant qu’Essentia a tous les atouts pour les séduire. Alors le concert a donné quoi au final ?

Olivier : Moi j’aime bien les groupes qui commencent par un style puis qui évoluent. Anathema par exemple qui est parti d’un Doom Death assez plombé, quand tu écoutes maintenant c’est du Coldplay pour minettes mais il reste quand même très ancré Métal, en tout cas au niveau du public. De toute façon je n’aime pas le mot « Pop », ça ne veut rien dire, c’est tout et n’importe quoi en fait la Pop. Il y a une grande partie du public Pop qui écoute la radio et qui est un peu frileux pour découvrir de nouvelles choses contrairement au public Métal qui est finalement assez ouvert, même chez les mecs qui écoutent du Métal extrême. Le public Progressif est lui complètement ouvert de par la signification même du mot « Progressif », il n’a pas ce côté frileux. Cela dit, le concert s’est bien passé. Déjà parce qu’il y a pas mal de personnes qui nous connaissaient qui sont venus nous voir et le format acoustique fait que si les gens ne sont pas au courant que l’on est étiqueté « Métal atmosphérique », ils n’y font pas gaffe, ça passe inaperçu. Là, c’était une tournée dans des petits endroits donc tu touches un peu tous les types de public. Parfois ça marche, parfois ça ne marche pas, parfois ça parle, parfois c’est attentif. Nous on veut juste jouer, tant pis si Pascal Nègre ne produit pas notre prochain album, ou tant mieux d’ailleurs, donnez-moi Steven Wilson je préfère largement.

De ce que j’ai compris, ce soir c’était votre dernier concert acoustique.

Olivier : le dernier programmé. On va entrer en studio en avril et y a encore beaucoup de boulot à faire donc on ne va plus avoir le temps de mettre des concerts en place. À mon avis, c’est le dernier jusqu’à la rentrée prochaine, peut-être cet été si on a des plans… Pour l’instant, la priorité, c’est le studio.

Pour rester sur Essentia, j’ai vu que les chroniques étaient toutes excellentes, en France mais également en Belgique. Etes-vous parvenu à vous faire connaître en dehors de nos frontières et, si oui, quels sont les pays les plus réceptifs à The Last Embrace ? Le fait d’avoir partagé l’affiche avec Anathema et Antimatter vous a-t-il permis d’avoir des fans anglo-saxons par exemple ?

Olivier : L’impact est fonction du boulot que l’on fait sur la promotion. On a eu une bonne promo en France parce que le label a mis l’argent pour. On a eu des chroniques, un peu de presse, une journée promo… Le rayonnement est ce que l’on pouvait espérer d’un rayonnement en France. Pour le reste, c’est de la débrouille, des envois, contacter des mecs en Belgique… Comme on a fait quelques concerts et festivals là-bas (le Métal Female Voices Fest à Bruxelles par exemple), on sait qu’il y a un public pour notre style et, du coup, on y trouve plus facilement une résonance. Au final, il n’y a que des bons retours mais ça reste malheureusement limité par le manque de moyens et toute l’énergie qu’il faudrait mettre dans la promotion : c’est un boulot à temps plein et l’on en a déjà un.

Vous êtes passés à l’émission télé « Une dose 2 Métal » (21/11/2013). Outre une interview menée par Stéphane Buriez (membre fondateur de Loudblast, qu’on ne présente plus), cela a été l’occasion de jouer trois titres live d’Essentia. Avez-vous pu toucher un plus large panel de personnes que lors de vos concerts ?

Olivier : Le passage était super sympa, très détendu. On a eu ce plan par Replica qui s’occupait de la promotion d’Essentia, on n’avait jamais fait de plateau télé. Bien sûr, ce n’est pas encore une émission qui a les moyens de TF1 mais le montage était bien réalisé, l’équipe sympa, Stéphane Buriez est très cool, il met une bonne ambiance sur le plateau, ce fut vraiment une bonne expérience. On a pu jouer trois titres en acoustique.

Sandy : Cela reste une expérience mémorable, de supers souvenirs. Je le vois sur notre Facebook, il y a beaucoup de gens qui nous ont contacté suite à l’émission.

Olivier : Cela prouve bien l’impact des médias, qui est énorme.

Olivier (guitare), les concerts acoustiques ont majoritairement été donnés à deux, avec toi et Sandy. Y a-t-il un feeling spécifique à ce type de prestation que vous ne retrouvez pas dans les concerts électriques ? Sandy, la pression sur ta performance vocale n’est-elle pas accrue du fait de dépouillement musical ?

Sandy : Au départ ça a été un peu dur, je ne savais pas trop comment m’en sortir parce que j’avais énormément le trac puis, petit à petit, il s’est créé un lien assez fort entre Olivier et moi ainsi qu’avec le public. En fin de compte, je trouve que l’on vit encore plus sa musique quand c’est dépouillé.

Olivier : En plus, il n’y a pas le problème du matériel. C’est bassement logistique ce que je dis mais un concert électrique, ça demande une heure, une heure trente de balance, le transport, etc. Là, j’ai juste un sac avec mon ampli électro-acoustique, mes guitares et mes effets, Sandy amène son micro, sa voix et voilà. En dehors de ça, il y a de bonnes sensations parce qu’on s’entend bien, chose qui n’est pas toujours le cas en électrique. Ce n’est pas la même énergie mais j’entends mieux Sandy, je peux mieux l’accompagner dans son interprétation.

Sandy : C’est exactement ça, il y a un jeu d’interprétation qui est encore plus mis en valeur. Dans l’électrique on est cinq sur scène, avec différents feelings. Avec la pression, on est davantage chacun dans son coin à jouer et à être au maximum de soi-même, tout en écoutant les autres évidemment mais c’est plus particulier quand on est uniquement en acoustique. De plus, j’ai une voix plutôt douce qui se prête bien à cet exercice et je peux vraiment vivre mes textes tout en ayant ce lien privilégié avec le public et Olivier.

Toi Olivier tu es peut-être aussi plus dans la subtilité…

Olivier : On joue les titres différemment de l’électrique. Parfois il y a Coco et c’est encore autre chose mais ce soir c’était juste tous les deux donc je bosse beaucoup sur les loops pour compenser l’absence des autres instruments et ça me permet de m’accompagner, de jouer avec les effets. Cela apporte aussi de la pression parce que les loops, c’est particulier. Il faut bien enclencher la boucle, si tu te loupes, le reste est foutu… C’est une bonne sensation de créer tout le spectre musical et je le fais de mieux en mieux puisque plus tu fais de concerts plus tu t’améliores.

Vous êtes actuellement en train d’enregistrer un nouvel album, électrique cette fois-ci, qui fera suite à Aerial, sorti en 2009. À quoi peut-on s’attendre, sachant qu’il y a toujours eu une évolution entre chacun de vos disques, notamment dans la richesse des arrangements ?

Olivier : Depuis 2009 on a évolué. Coco s’est de plus en plus investi dans la musique, dans les arrangements et ça se ressent sur l’évolution que l’on est naturellement en train de prendre. Il faut s’attendre à des surprises, la teneur des morceaux est beaucoup plus progressive. Il y a une grosse évolution, je la trouve plus importante qu’entre Inside et Aerial. C’est lié à notre parcours personnel, à nos goûts, à notre progression en tant que compositeur. Je pense que ça devrait plaire au public progressif.

L’album est prévu pour quand et il sera enregistré où ?

Olivier : On va l’enregistrer en avril au studio Sainte-Marthe avec Francis Caste et l’objectif c’est qu’il sorte à la rentrée prochaine. Francis est connu pour avoir travaillé avec des groupes de Métal extrême (Es La Guerilla, Slavery, Inhatred, Zuul Fx) et c’est un super producteur qui fait un son assez énorme, assez organique en même temps avec un côté Rock dans le traitement des guitares, des batteries, qui va bien convenir à l’album.



Sandy : Oui, j’ai la sensation que ça va vraiment bien coller. En chantant ces nouvelles compositions, je me sens comme un poisson dans l’eau.

Olivier : La méthode de composition a aussi un peu évolué, on s’est mieux organisé. Avant c’était plus chaotique, on mettait beaucoup de choses, peut-être trop, et sur Aerial la voix avait du mal à se frayer un chemin entre toutes les couches d’instruments. Sur les prochains morceaux, il y aura peut-être moins de chant mais il sera plus mis en avant, moins discret qu’il a pu l’être sur certains titres d’Aerial.

Sandy : Je pense que j’aurais plus de place, le chant sera mixé différemment. Coco et Olivier ont fait attention à ménager des espaces pour la voix, les lignes de chant sont plus efficaces, je suis fan de ce prochain album qui colle plus à ma personnalité.

Lors de votre concert au Klub (19/12/2013), vous avez joué deux nouveaux titres et j’ai noté qu’ils étaient assez différents l’un de l’autre : tantôt principalement accès sur les parties instrumentales progressives, tantôt plus Folk Rock avec une approche directe. Cette ambivalence est-elle représentative des nouvelles compositions ?

Olivier : Oui, il y aura un morceau très Folk et puis d’autres qui seront plus progressifs mais on ne ressent plus le besoin de mettre des arrangements partout. Désormais, on fait les choses si elles sont nécessaires.

Sandy : On a aussi pris en compte les défauts des albums précédents, on évolue, on essaie de ne pas refaire les mêmes erreurs.

Un mot sur votre label ? Comment se passe la collaboration ?

Olivier : C’est Longfellow Deeds Record, je travaille avec le boss dans un magasin de disques. Il sort surtout des trucs dans un registre Stoner, beaucoup de groupes Finlandais, Suédois et la collaboration avec The Last Embrace s’est faite un peu par hasard. On était dans la même boutique, il savait que je faisais de la musique et a demandé à écouter. Même si ce n’est pas son truc à la base il a trouvé la démarche sérieuse, on a commencé comme ça. Il a sorti Inside, ça a bien fonctionné et depuis on continue.

Pour finir, tes disques de chevet ?

Olivier : King Crimson In The Court Of The Crimson King, un classique incroyable, Anathema Eternity qui a changé ma vie. Ce fut la grosse révélation, la claque musicale. Le visuel, l’ambiance, c’est ce qui se faisait de mieux à l’époque en Doom Gothique. Sinon, Alain Bashung L’imprudence, c’est un album que m’a fait découvrir Coco et qui se fout des modes… Le dernier Gorguts Colored Sands, le dernier Napalm Death Utilitarian que je trouve monstrueux, il y en aurait plein d’autres dans tous les registres…




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