The Residents
Fingerprince |
Label :
Ralph |
||||
Dans la famille Doigt donnez-moi le prince et ses bâtards, je vous prie...mauvaise pioche, le grand-père Doigt à queue de serpent a été tiré, rendons-lui grâce. Laissons ce ton pochard et plastronnant, rentrons dans le vif de notre sujet : Fingerprince, un condensé de notes surréalistes et bouffonnes. Une véritable Bataille d'Hernani à lui tout seul : vous sauterez du tragique au comique sans vous en rendre compte. Ce petit chose, objet volant de notre chronique aurait dû répondre au doux et voluptueux patronyme de Tourniquet Of Roses et être composé de 3 FACES. Oui, vous m'avez bien lu et entendu, vénérés lecteurs, un vinyle à 3 faces, quelle farce. Aussi, afin de rendre un vibrant hommage à ce concept fondateur de la trilogie (ou de la Trinité comme on voudra) tout en doigtés, cette chronique résidera en 3 parties.
Première partie : sérieuse introduction.
Deuxième partie : analyses et développements approximatifs.
Troisième partie : conclusion sans queue ni tête mais digitale.
Sérieuse introduction :
Comment 3 faces peuvent-elles tenir sur un vinyle ? voila une noble question. Explication : sur la première face deux sillons parallèles auraient dû être gravés. Hélas, cette idée généreuse a avorté, les producteurs refusant de se damner pour telle diablerie. Aussi, The Residents vont-ils saucissonner leur galette : un LP sortira en décembre 1976, le bien nommé Fingerprince regroupant deux faces (comme les copains). Sur la side one, 7 titres, courts mais riches en hallucinogènes diététiques : "You Yesyesyes", "Home Age Conversation", "Godsong", "March De La Winni", "Bossy", "Boo Who ?", "Tourniquet Of Roses". Sur la side two, une suite mi-instrumentale, mi-vocale, mi-bancale de 15 minutes et comprenant 6 parties, écrite pour un ballet : "Six Things To A Cycle", dont l'argument narratif est des plus ésotériques : après que l'aube aux doigts de rose (dixit Homère) eut levé le voile sur une jungle sauvage, peuplée de formes énigmatiques et d'oiseaux mystérieux dévoreurs, nous assistons à la naissance d'une divinité inconnue se livrant à une danse infernale. Ce titre serait une version raccourcie d'une oeuvre orchestrale, "Number One", composée en 1972 par le groupe. Et c'est au dos de la jaquette que l'on peut voir le joyeux surnom de ce titre, donné par les chers Residents : "a progressive bunny-hop".
La troisième face de Fingerprince sortira en 1979, sous la forme d'un EP, appelé judicieusement et je dirai même logiquement, Babyfingers, composé de 4 titres tous aussi ravissants que perturbateurs : "Death in Barstow", "Melon Collie Lassie", "Flight Of The Bumble Roach", "Walter Westinghouse".
Titres, qu'il était d'ailleurs possible d'écouter en 1977, sur la cassette promotionnelle "Residents Radio Special". Les Residents sont très malins en marketing, visionnaires dans leurs procédés de communication et de distribution ; mais ceci est une autre histoire.
A côté des Residents sont crédités d'augustes inconnus ou de pseudo-célébrités, au noms des plus rococos et exotiques : D. Jackovich (percussions), A. Dekbar (violon) sûrement un descendant du grand Jean-Sébastien, T. Logan (percussions), Zeibak (chants) ainsi que leur fidèle acolyte Snakefinger au chant et guitares suppliciées.
La réédition CD aura la bonne idée de réunir cette grande famille digitale un peu éparse, et nous servir un bon poing tendu en direct dans les dents. La pochette variera de couleurs avec le temps et les modes "Residentières" : les premières copies seront de couleur marron clair, un peu grisonnant, les suivantes un soupçon kitsch, évolueront vers des teintes fluorescentes, comme un jeune mousse sous l'effet de la houle enivrante.
Analyses et développements approximatifs:
Les Residents sont de grands maîtres de l'absurde et de fins manipulateurs de la dérision (qu'elle soit dirigée contre eux ou contre de paisibles victimes). Ces intello-zozos me rappellent les Monty Python, leurs proches contemporains. Le rapprochement entres ces deux formations passées expertes en hilarité malveillante, nous amène à un constat étrange et paradoxal : en 1973, les Monty Python ont en premier eu l'idée de sortir un vinyle à 3 faces, appelé "The Monty Python Matching Tie And Handkerchief", qui était distribué gratuitement dans des boutiques de mode masculine. La deuxième face du vinyle comportait elle-aussi deux sillons parallèles et pour mieux abrutir le client, aucuns titres n'étaient mentionnés sur le vinyle. Mais la ressemblance entre ces deux bandes d'artistes trouve sa pertinence dans un des sketches du Monty Python Flying Circus : le fameux "Ministry Of Silly Walks", ou Ministère des démarches "à la con", dans lequel on voit John Cleese se livrer à une série de pitreries loufoques, déviances clownesques de démarches pseudo-professionnelles. Comme leurs cousins "rosbeefants", les Residents ont l'art des concepts abracadabrantesques, "à la con" en quelque sorte, car baignant dans le grotesque et le surréalisme : Not Available et sa théorie de l'obscurité, ou comment sortir un disque dès lors que vous avez oublié son existence. Eskimo ou le parfait petit manuel de l'ethnologue du dimanche fasciné par les moeurs et les dangers du Grand Nord. Ou encore The Third Reich'n Roll, ou l'art du sample idéologique, de la collision des genres et du retournement d'images.
Parler de la musique des Residents est une tâche ardue, car elle échappe à toute tentative de catégorisation, d'analyse rationnelle : leur musique relève plutôt des émotions, du ressenti car elle est avant tout évocatrice, visuelle, dramatique.
La pâte de Fingerprince et Babyfingers est particulière, car pleine de théâtralité. Les synthétiseurs, les claviers, les percussions et les cuivres sont à la fête (si fête il y a) et donnent au disque une saveur tribale, primitive. Les Residents ont composé une musique incantatoire, sacrificielle, qui joue avec nos instincts profonds, nos désirs, nos peurs et nos espoirs. Le final de "Six Things To A Cycle" plonge l'auditeur dans un état proche d'une transe. Les sons qui sortent des synthés n'ont rien de dansant, mais ont la mine patibulaire ; les percussions sont violentes, écrasantes ; les cuivres criards, hurlants d'une rare agressivité. Les voix renforcent cette ambiance lugubre, macabre à la limite du grand guignolesque. Les Residents accompagnés de Snakefinger ont toujours ce même ton nasillard et fantomatique. Les traitements que subissent leurs chants (vocoder, filtres, échos...) rendent leurs personnages encore plus menaçants et terrifiants. La musique évoque tour à tour une Danse Macabre ou une Saturnale Romaine : macchabées et fous se donnent joyeusement la main et vous entraînent dans leur rituel païen. En cela, Fingerprince et Babyfingers annoncent l'univers décalé et primitif d'Eskimo et de The Mark Of The Mole : même fascination pour le conflit entre l'animalité et le divin, la nature et l'être humain. Un univers qui oscille entre le cartoonesque et le sacrificiel : c'est un peu comme si Guignol s'invitait à un Sabbat.
Conclusion saugrenue sans queue ni tête mais digitale :
The Residents ne sont pas seulement des sorciers du son, mais aussi de grands poètes et linguistes. Ils sont les dignes héritiers de Dada, car ils se jouent des codes musicaux et langagiers. Leurs paroles au sens sibyllin sont proches du principe d'écriture automatique utilisé par de nombreux surréalistes et dadaïstes (Breton, Soupault, Tzara). Comme ces derniers, les Residents forment un club à part dans l'univers de la musique : une sorte de club des petits vaudous à la croix de bois.
Ce disque porte bien son nom : pluridisciplinaire, multi-fonctionnel (nez, bouche, oeil, postérieur...) comme ces doigts chéris et indispensables. Enfin, pour nous imprégner de l'essence de cette mystique majeure, nous laisserons les derniers mots aux Residents & Co qui viennent clore la troisième face (avec 2 somptueux vers décasyllabiques un tantinet boiteux, mais du plus merveilleux effet) et que je vous propose de répéter 5 fois, car chiffre hautement symbolique (n'oublions pas qu'une main est dotée de 5 doigts) :
EatexudingoinksuponandbleeddecrepitbrokenbonesatcausticspellsofHELL!
(traduction cryptographique : Eat Exuding Oinks Upon And Bleed Decrepit Broken Bones At Caustic Spells of Hell !).
Première partie : sérieuse introduction.
Deuxième partie : analyses et développements approximatifs.
Troisième partie : conclusion sans queue ni tête mais digitale.
Sérieuse introduction :
Comment 3 faces peuvent-elles tenir sur un vinyle ? voila une noble question. Explication : sur la première face deux sillons parallèles auraient dû être gravés. Hélas, cette idée généreuse a avorté, les producteurs refusant de se damner pour telle diablerie. Aussi, The Residents vont-ils saucissonner leur galette : un LP sortira en décembre 1976, le bien nommé Fingerprince regroupant deux faces (comme les copains). Sur la side one, 7 titres, courts mais riches en hallucinogènes diététiques : "You Yesyesyes", "Home Age Conversation", "Godsong", "March De La Winni", "Bossy", "Boo Who ?", "Tourniquet Of Roses". Sur la side two, une suite mi-instrumentale, mi-vocale, mi-bancale de 15 minutes et comprenant 6 parties, écrite pour un ballet : "Six Things To A Cycle", dont l'argument narratif est des plus ésotériques : après que l'aube aux doigts de rose (dixit Homère) eut levé le voile sur une jungle sauvage, peuplée de formes énigmatiques et d'oiseaux mystérieux dévoreurs, nous assistons à la naissance d'une divinité inconnue se livrant à une danse infernale. Ce titre serait une version raccourcie d'une oeuvre orchestrale, "Number One", composée en 1972 par le groupe. Et c'est au dos de la jaquette que l'on peut voir le joyeux surnom de ce titre, donné par les chers Residents : "a progressive bunny-hop".
La troisième face de Fingerprince sortira en 1979, sous la forme d'un EP, appelé judicieusement et je dirai même logiquement, Babyfingers, composé de 4 titres tous aussi ravissants que perturbateurs : "Death in Barstow", "Melon Collie Lassie", "Flight Of The Bumble Roach", "Walter Westinghouse".
Titres, qu'il était d'ailleurs possible d'écouter en 1977, sur la cassette promotionnelle "Residents Radio Special". Les Residents sont très malins en marketing, visionnaires dans leurs procédés de communication et de distribution ; mais ceci est une autre histoire.
A côté des Residents sont crédités d'augustes inconnus ou de pseudo-célébrités, au noms des plus rococos et exotiques : D. Jackovich (percussions), A. Dekbar (violon) sûrement un descendant du grand Jean-Sébastien, T. Logan (percussions), Zeibak (chants) ainsi que leur fidèle acolyte Snakefinger au chant et guitares suppliciées.
La réédition CD aura la bonne idée de réunir cette grande famille digitale un peu éparse, et nous servir un bon poing tendu en direct dans les dents. La pochette variera de couleurs avec le temps et les modes "Residentières" : les premières copies seront de couleur marron clair, un peu grisonnant, les suivantes un soupçon kitsch, évolueront vers des teintes fluorescentes, comme un jeune mousse sous l'effet de la houle enivrante.
Analyses et développements approximatifs:
Les Residents sont de grands maîtres de l'absurde et de fins manipulateurs de la dérision (qu'elle soit dirigée contre eux ou contre de paisibles victimes). Ces intello-zozos me rappellent les Monty Python, leurs proches contemporains. Le rapprochement entres ces deux formations passées expertes en hilarité malveillante, nous amène à un constat étrange et paradoxal : en 1973, les Monty Python ont en premier eu l'idée de sortir un vinyle à 3 faces, appelé "The Monty Python Matching Tie And Handkerchief", qui était distribué gratuitement dans des boutiques de mode masculine. La deuxième face du vinyle comportait elle-aussi deux sillons parallèles et pour mieux abrutir le client, aucuns titres n'étaient mentionnés sur le vinyle. Mais la ressemblance entre ces deux bandes d'artistes trouve sa pertinence dans un des sketches du Monty Python Flying Circus : le fameux "Ministry Of Silly Walks", ou Ministère des démarches "à la con", dans lequel on voit John Cleese se livrer à une série de pitreries loufoques, déviances clownesques de démarches pseudo-professionnelles. Comme leurs cousins "rosbeefants", les Residents ont l'art des concepts abracadabrantesques, "à la con" en quelque sorte, car baignant dans le grotesque et le surréalisme : Not Available et sa théorie de l'obscurité, ou comment sortir un disque dès lors que vous avez oublié son existence. Eskimo ou le parfait petit manuel de l'ethnologue du dimanche fasciné par les moeurs et les dangers du Grand Nord. Ou encore The Third Reich'n Roll, ou l'art du sample idéologique, de la collision des genres et du retournement d'images.
Parler de la musique des Residents est une tâche ardue, car elle échappe à toute tentative de catégorisation, d'analyse rationnelle : leur musique relève plutôt des émotions, du ressenti car elle est avant tout évocatrice, visuelle, dramatique.
La pâte de Fingerprince et Babyfingers est particulière, car pleine de théâtralité. Les synthétiseurs, les claviers, les percussions et les cuivres sont à la fête (si fête il y a) et donnent au disque une saveur tribale, primitive. Les Residents ont composé une musique incantatoire, sacrificielle, qui joue avec nos instincts profonds, nos désirs, nos peurs et nos espoirs. Le final de "Six Things To A Cycle" plonge l'auditeur dans un état proche d'une transe. Les sons qui sortent des synthés n'ont rien de dansant, mais ont la mine patibulaire ; les percussions sont violentes, écrasantes ; les cuivres criards, hurlants d'une rare agressivité. Les voix renforcent cette ambiance lugubre, macabre à la limite du grand guignolesque. Les Residents accompagnés de Snakefinger ont toujours ce même ton nasillard et fantomatique. Les traitements que subissent leurs chants (vocoder, filtres, échos...) rendent leurs personnages encore plus menaçants et terrifiants. La musique évoque tour à tour une Danse Macabre ou une Saturnale Romaine : macchabées et fous se donnent joyeusement la main et vous entraînent dans leur rituel païen. En cela, Fingerprince et Babyfingers annoncent l'univers décalé et primitif d'Eskimo et de The Mark Of The Mole : même fascination pour le conflit entre l'animalité et le divin, la nature et l'être humain. Un univers qui oscille entre le cartoonesque et le sacrificiel : c'est un peu comme si Guignol s'invitait à un Sabbat.
Conclusion saugrenue sans queue ni tête mais digitale :
The Residents ne sont pas seulement des sorciers du son, mais aussi de grands poètes et linguistes. Ils sont les dignes héritiers de Dada, car ils se jouent des codes musicaux et langagiers. Leurs paroles au sens sibyllin sont proches du principe d'écriture automatique utilisé par de nombreux surréalistes et dadaïstes (Breton, Soupault, Tzara). Comme ces derniers, les Residents forment un club à part dans l'univers de la musique : une sorte de club des petits vaudous à la croix de bois.
Ce disque porte bien son nom : pluridisciplinaire, multi-fonctionnel (nez, bouche, oeil, postérieur...) comme ces doigts chéris et indispensables. Enfin, pour nous imprégner de l'essence de cette mystique majeure, nous laisserons les derniers mots aux Residents & Co qui viennent clore la troisième face (avec 2 somptueux vers décasyllabiques un tantinet boiteux, mais du plus merveilleux effet) et que je vous propose de répéter 5 fois, car chiffre hautement symbolique (n'oublions pas qu'une main est dotée de 5 doigts) :
EatexudingoinksuponandbleeddecrepitbrokenbonesatcausticspellsofHELL!
(traduction cryptographique : Eat Exuding Oinks Upon And Bleed Decrepit Broken Bones At Caustic Spells of Hell !).
Exceptionnel ! ! 19/20 | par 22goingon23 |
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