Drudkh

Un parfum lourd et entêtant s'élève du sol, fait d'une terre riche, nourrie du sang des batailles héroïques qui peuplent les légendes d'Ukraine. Drudkh nous fait une offrande. Elle se nomme Blood In Our Wells. La musique lancinante et profondément désespérée qui émane de cet album a la beauté d'une forêt dévastée. Chacun des titres, longs comme un jour de peine, sont autant de chemins plongeant toujours plus loin dans l'obscurité d'une nuit sans lune. Parfois, les échos d'une chanson traditionnelle surgissent tels des spectres revenus de l'au-delà païen, scellant les racines de Drudkh au plus profond de sa culture. Le dessin qui orne l'œuvre est une belle illustration de cette promenade funèbre à laquelle l'auditeur est convié. Elle m'évoque le périple halluciné des personnages de "Tandis que j'agonise", sinuant juchés sur une charrette délattée et emmenant leur mère décédée vers son ultime voyage. Cette tristesse qui jaillit de chaque note, elle ne porte pourtant pas les germes de la colère vengeresse. Acceptation, abnégation, combat intérieur d'une conscience dans la tourmente, l'angoisse impalpable des maux sans remèdes s'agrippe aux entrailles dans une étreinte qui ne se relâchera pas. Rarement le black metal a su si bien charrier de tels sentiments. L'ossature principalement instrumentale crée un climat tout en subtiles nuances de couleurs automnales où la voix, jaillissante et hurlée, traverse de part en part des rideaux de brume opaque pour déposer ses larmes et tout ce qu'elle a de plus cher à nos pieds. Blood In Our Wells est un don de la nature, Drudkh, le média qu'elle a choisi pour s'exprimer.