Scott Walker

Scott 3

Scott 3

 Label :     Philips 
 Sortie :    avril 1969 
 Format :  Album / CD  Vinyle   

Le cliché qui illustre la pochette de ce troisième opus de la série des Scott débutée en 1967 nous fournit un avant-goût de son contenu. Ce gros plan sur l'œil maquillé d'une femme dans lequel se reflète le visage pensif de l'artiste annonce qu'une fois encore ce sont l'amour et la somptuosité du sexe dit faible qui occuperont le devant de la scène.
Considérons d'ailleurs cette expression au sens propre puisque ces deux thèmes, déjà longuement et brillamment approfondis dans les deux premiers disques, bénéficient ici de ce qu'on pourrait appeler un "traitement cinématographique". En effet, le pouvoir hautement suggestif et jamais démenti des chansons de Walker susceptibles de mobiliser chez son auditeur des sensations, des odeurs, des images, des sons oubliés ou simplement enfouis dans son inconscient, trouve avec Scott 3 une sorte d'apogée.

En dépit de la durée presque insignifiante et inhabituelle de la majorité des 13 titres de l'album (Buddy Holly n'avait-il pas creusé les fondations du rock n'roll avec des chansons qui ne dépassaient que rarement les 2 minutes comme l'avait très judicieusement signalé un XSilencer sur le forum ?) puisque seules 3 d'entre elles dépassent les 3 minutes 30 "réglementaires" de la chanson pop traditionnelle, l'émotion transparaît avec éclat de chacune d'elles.

Citons pêle-mêle la mélodie poétique de "Butterfly" mimant le vol gracieux et léger d'un papillon, l'extraordinaire dépouillement de "30 Century Man" (titre qui sera d'ailleurs repris pour intituler le récent documentaire consacré à Scott Walker et que je vous conseille de visionner pour ne serait-ce pour voir l'artiste au travail) prouvant que l'expression du talent de son interprète ne nécessite pas forcément un orchestre de 30 musiciens, le développement de "Winter Night", débutant comme du Bernard Herrmann pour finalement s'avérer être une chanson propice à la contemplation sereine d'un paysage enneigé ou le texte bouleversant de "Two Weeks Since You've Gone" ("And if I close my eyes for a while, Will you happen to me again?").

Scott 3 marque également la fin de cette initiative de reprendre en anglais les grands succès de Jacques Brel. Cette fois-ci, ce sont "Fils De" ("Sons Of"), "Le Tango Funèbre" ("Funeral Tango") et "Ne Me Quitte Pas" ("If You Go Away") qui bénéficient du savoir-faire de Scott Walker. Et comme d'habitude, nous avons droit à du travail d'orfèvre : la première se distingue par une accentuation distinguée de son rythme en crescendo et proche de celui d'une valse tandis que la seconde repose sur le contraste entre sa musique guillerette et ses paroles acides (très différente de l'excellente version d'un autre artiste de grand talent, Alain Bashung).
Toutefois, le véritable tour de force, et c'est peu dire, a été entrepris pour adapter LA chanson du grand Jacques et en obtenir une version qui, et c'est totalement subjectif, est encore peut être meilleure que l'originale. "If You Go Away" n'est rien de moins qu'une chanson magique, à l'incroyable intensité dramatique et retranscrivant parfaitement cet état de détresse dans lequel nous nous sommes tous retrouvés à vouloir convaincre vainement l'autre de rester en échange d'un avenir heureux à nos côtés... tout en sachant que nous l'avions déjà perdu.

Car l'œil sur la pochette c'est aussi une invitation à regarder au fond de soi-même et à essayer de comprendre et d'accepter ses erreurs et ses faiblesses.


Intemporel ! ! !   20/20
par Djéb


Proposez votre chronique !







Recherche avancée
En ligne
269 invités et 0 membre
Au hasard Balthazar
Sondages
Levé du mauvais pied, je suis plutôt "réac'n roll" : Ras-le-bol...