Scott Walker
The Drift |
Label :
4AD |
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Au petit jeu des interprétations, la pochette de The Drift représente déjà pour ses plus fervents amateurs une fabuleuse curiosité : cliché d'un sol planétaire inconnu, fascinant et inquiétant, contours d'une créature monstrueuse surgie des profondeurs de la nuit ou représentation métaphorique des pires horreurs tapies au cœur de notre inconscient ? Probablement les trois à la fois...
"Vous qui entrez ici, abandonnez tout espoir". A l'image de l'inscription mettant en garde les imp(r)udents sur le point de franchir le seuil de la porte des enfers, on aurait également pu avertir le futur auditeur du onzième album studio (plus de 10 ans après Tilt) de Scott Walker qu'il s'engageait, de son plein gré, à se séparer de ces schèmes/structures de pensée que la société dite civilisée nous impose d'adopter.
D'ailleurs, il s'agit bien ici de mettre en exergue les effets désastreux de la modernité (développement technologique devenu incontrôlable, fanatisme religieux, individualisme, destruction de la nature, toute-puissance abusive des médias, appauvrissement intellectuel généralisé entre autres) responsables de "la dérive" (the drift en anglais) progressive des idéaux, des valeurs et plus globalement de la santé physique et mentale de toute l'humanité.
La référence aux évènements du 11 septembre, véritable traumatisme pour le peuple américain, tient évidemment une place importante au cœur de cet album résolument sombre, pessimiste, hermétique, étouffant, horrifiant, choquant.
Scott Walker ne chante presque plus, il psalmodie. Tel le dernier survivant conscient d'un monde en dégénérescence, il incarne tour à tour la voix des victimes, des bourreaux et des observateurs muets, songeant vainement combler la solitude dans laquelle il se retrouve désormais plongé à jamais. Une longue complainte s'insinue dans les 10 prières qu'il incante. Chacune d'elle est traversée, transpercée, par des bruits inquiétants, surprenants, morbides : le cri d'un porc qu'on égorge, de déchirants hurlements de femmes et même Donald lui-même (oui, le sympathique canard de Disney, symbole de l'entertainment à l'américaine), devenu à l'occasion une horrible créature aux dents aiguisées prêtes à vous déchirer la peau et à vous arracher le cœur.
L'ambiance est encore davantage obscurcie par les arrangements musicaux, alternants au sein de quasi chacun des morceaux des moments de furie à vous glacer le sang que les mouvements soi-disant plus apaisés servent en réalité à préparer. L'auditeur n'évolue pas en milieu balisé : les règles et les codes habituels (refrain, couplet, pont) sont violemment détournés, bafoués. Blasphème. Il croit pouvoir s'accrocher à un semblant de mélodie, il se heurtera à des ruptures de rythme sans crier gare. Il reprendra son souffle le temps d'un semblant de pause au sein du chaos, il sera subitement happé par une vague de terreur.
Puis, au fur et à mesure des écoutes, il apprendra à maîtriser ses peurs, anticipera les obstacles et finalement saisira enfin les nombreux messages dont regorge ce qui est en fait un repoussoir.
La lumière au bout du tunnel c'est aussi la dernière seconde de "A Lover Loves", le morceau clôturant l'album à l'issu duquel il semblerait que l'ultime mot soufflé par Walker soit "escape". Tel le chat tenant la souris entre ses pattes, paré pour lui asséner le coup de griffe fatal après s'être sadiquement amusé avec son pauvre petit corps fragile et meurtri, et la laissant finalement s'enfuir...
Alors, allez-vous oser défier à vos risques et périls le courroux du méchant matou ?
"Vous qui entrez ici, abandonnez tout espoir". A l'image de l'inscription mettant en garde les imp(r)udents sur le point de franchir le seuil de la porte des enfers, on aurait également pu avertir le futur auditeur du onzième album studio (plus de 10 ans après Tilt) de Scott Walker qu'il s'engageait, de son plein gré, à se séparer de ces schèmes/structures de pensée que la société dite civilisée nous impose d'adopter.
D'ailleurs, il s'agit bien ici de mettre en exergue les effets désastreux de la modernité (développement technologique devenu incontrôlable, fanatisme religieux, individualisme, destruction de la nature, toute-puissance abusive des médias, appauvrissement intellectuel généralisé entre autres) responsables de "la dérive" (the drift en anglais) progressive des idéaux, des valeurs et plus globalement de la santé physique et mentale de toute l'humanité.
La référence aux évènements du 11 septembre, véritable traumatisme pour le peuple américain, tient évidemment une place importante au cœur de cet album résolument sombre, pessimiste, hermétique, étouffant, horrifiant, choquant.
Scott Walker ne chante presque plus, il psalmodie. Tel le dernier survivant conscient d'un monde en dégénérescence, il incarne tour à tour la voix des victimes, des bourreaux et des observateurs muets, songeant vainement combler la solitude dans laquelle il se retrouve désormais plongé à jamais. Une longue complainte s'insinue dans les 10 prières qu'il incante. Chacune d'elle est traversée, transpercée, par des bruits inquiétants, surprenants, morbides : le cri d'un porc qu'on égorge, de déchirants hurlements de femmes et même Donald lui-même (oui, le sympathique canard de Disney, symbole de l'entertainment à l'américaine), devenu à l'occasion une horrible créature aux dents aiguisées prêtes à vous déchirer la peau et à vous arracher le cœur.
L'ambiance est encore davantage obscurcie par les arrangements musicaux, alternants au sein de quasi chacun des morceaux des moments de furie à vous glacer le sang que les mouvements soi-disant plus apaisés servent en réalité à préparer. L'auditeur n'évolue pas en milieu balisé : les règles et les codes habituels (refrain, couplet, pont) sont violemment détournés, bafoués. Blasphème. Il croit pouvoir s'accrocher à un semblant de mélodie, il se heurtera à des ruptures de rythme sans crier gare. Il reprendra son souffle le temps d'un semblant de pause au sein du chaos, il sera subitement happé par une vague de terreur.
Puis, au fur et à mesure des écoutes, il apprendra à maîtriser ses peurs, anticipera les obstacles et finalement saisira enfin les nombreux messages dont regorge ce qui est en fait un repoussoir.
La lumière au bout du tunnel c'est aussi la dernière seconde de "A Lover Loves", le morceau clôturant l'album à l'issu duquel il semblerait que l'ultime mot soufflé par Walker soit "escape". Tel le chat tenant la souris entre ses pattes, paré pour lui asséner le coup de griffe fatal après s'être sadiquement amusé avec son pauvre petit corps fragile et meurtri, et la laissant finalement s'enfuir...
Alors, allez-vous oser défier à vos risques et périls le courroux du méchant matou ?
Intemporel ! ! ! 20/20 | par Djéb |
Posté le 07 janvier 2009 à 23 h 35 |
Ah ben pardi, faut qu'on m'explique. Boudiou, tout seul, je peux pas! Se mettre en condition comme sur Tilt c'est bien ça? Ok. Dans le noir en calbut' avec mon casque? Ok, pas de problème, mais il faut avoir mangé un gratin dauphinois avant ou c'est pas la peine? Du monde dans la pièce? Non? Bon, très bien, je fais sortir ma concubine. Et si on a trop peur, faut prolonger l'écoute? Ah oui, il faut aller au bout? Merde. D'accord. Et si au milieu de The Drift, on a une subite envie d'écouter The Divine Comedy, on peut? Non? Bon, très bien je me retiendrai. Et le chant, si on a envie de rire parce que ce bon vieux Scott, plus il pousse la voix, plus il fait penser à Mireille Mathieu c'est grave docteur? Oui? Bon, j'suis en condition là, je crois, pour écouter The Drift, dernière poilade de ce bon vieux Scott non? Ah oui, j'oubliais le texte. Beckett faisant la nique à Joyce avec Pasolini au milieu (comme par hasard hé) c'est ça? Vertigineux? Ah oui oui, ça devrait me plaire à priori. Seconde guerre mondiale aussi? Pfiou trop bien! Les balkans, zone de départ des conflits tout ça, j'suis bien placé pour être réceptif aux messages historiques... Et oui, après avoir lu quelques conseils d'amis chaleureux, je me suis rendu compte qu'avec ce bon vieux Scott, faut intellectualiser, faut comparer, ("ouah! Autant de noirceur viscérale, j'avais pas vu ça depuis Naked City! Fascinant quoi!"), faut être aussi un peu masochiste ("c'est abominable, mais c'est trop jouissif quoi!"), un peu naïf et un peu croyant ("c'est fascinant, j'ai mis un an à comprendre, mais aujourd'hui, j'ai eu une révélation, j'ai les yeux grand ouvert quoi!"), et surtout facilement impressionnable ("ouah! Comme Brian Wilson en son temps, qui mettait des casques de pompier aux boys pour Mrs O'Leary Cow, ce bon vieux Scott, inspiré comme un Rocky Balboa en dépression sans son Adrianne, tape sur des morceaux de viande sur "Clara" en guise de percussion quoi!").
Mince alors. Je remarque aussi que plus je regarde des critiques du disque sur internet, plus ces dernières sont élogieuses (je cite une chronique par exemple : "[...]Et à se prosterner religieusement... tant pis pour la retenue..."). Je ne dois sans doute pas comprendre, passer à côté ; les autres chroniqueurs restent bien "estomaqués", incapables d'écrire une chronique tenant debout (qu'ils ne peuvent finalement pas s'empêcher de réaliser, par une mise en abîme phénoménale), s'extasiant sans retenue sur la noirceur, les abysses, la mort (ouhhhh!), la poésie, la mise en scène tout ça tout ça.
Bon concentrons nous cinq minutes. Ah oui, l'orchestration. C'est joli dis-donc ; il y a tout plein de violons, des rythmiques tribales infernales opposées à un dépouillement des arrangements, à des textures embrumées donnant le vertige. Ouah, c'est le petit Scotty se mettant à nu. Que de prises de risques . Quel suicide commercial! Que de libertés! Ah oui, pour s'abandonner, il faut se laisser aller à "l'expérience Walker", s'enfonçant encore et encore, découvrant plein de nouvelles petites choses terrifiantes au bout de la 56ème écoute.
Mais comment dire finalement? Comment exprimer mon avis? Comment est-ce que j'ai pu trouvé ce disque aussi chiant? En fait, où se trouve la notion de plaisir? Est-elle résumée à la notion de frontière, de périphérie? Le son se territorialiserait? La musique se transformerait-elle en passage laborieux vers l'extase? Plusieurs parallèles sont sans cesse fait entre ce bon vieux Scotty et Joyce, Lynch, et cie. La différence? L'humeur, l'humour, l'amour peut être, pour le médium dans lequel ces artistes évoluent ou encore l'auto-critique, l'auto-dérision, la théâtralité maîtrisée. Tant de questions qui resteront sans réponse.
La musique oui. L'épreuve et la complainte non. Rock'n'roll, comme dirait l'autre.
Mince alors. Je remarque aussi que plus je regarde des critiques du disque sur internet, plus ces dernières sont élogieuses (je cite une chronique par exemple : "[...]Et à se prosterner religieusement... tant pis pour la retenue..."). Je ne dois sans doute pas comprendre, passer à côté ; les autres chroniqueurs restent bien "estomaqués", incapables d'écrire une chronique tenant debout (qu'ils ne peuvent finalement pas s'empêcher de réaliser, par une mise en abîme phénoménale), s'extasiant sans retenue sur la noirceur, les abysses, la mort (ouhhhh!), la poésie, la mise en scène tout ça tout ça.
Bon concentrons nous cinq minutes. Ah oui, l'orchestration. C'est joli dis-donc ; il y a tout plein de violons, des rythmiques tribales infernales opposées à un dépouillement des arrangements, à des textures embrumées donnant le vertige. Ouah, c'est le petit Scotty se mettant à nu. Que de prises de risques . Quel suicide commercial! Que de libertés! Ah oui, pour s'abandonner, il faut se laisser aller à "l'expérience Walker", s'enfonçant encore et encore, découvrant plein de nouvelles petites choses terrifiantes au bout de la 56ème écoute.
Mais comment dire finalement? Comment exprimer mon avis? Comment est-ce que j'ai pu trouvé ce disque aussi chiant? En fait, où se trouve la notion de plaisir? Est-elle résumée à la notion de frontière, de périphérie? Le son se territorialiserait? La musique se transformerait-elle en passage laborieux vers l'extase? Plusieurs parallèles sont sans cesse fait entre ce bon vieux Scotty et Joyce, Lynch, et cie. La différence? L'humeur, l'humour, l'amour peut être, pour le médium dans lequel ces artistes évoluent ou encore l'auto-critique, l'auto-dérision, la théâtralité maîtrisée. Tant de questions qui resteront sans réponse.
La musique oui. L'épreuve et la complainte non. Rock'n'roll, comme dirait l'autre.
Mauvais 5/20
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