Beach House

Vous arrive t-il d'avoir des pensées vicieuses, d'accomplir ou d'être tenté d'accomplir quelque chose de cruel vis à vis de quelqu'un ou quelque chose d'inoffensif voire attendrissant? Pourriez vous faire preuve de sadisme irréfléchi, laissez opérer votre "ça" en dépit d'un entourage pourtant amical? Probablement, du moins si vous êtes humain (et bien que vous soyez la plus douce et respectueuse personne que votre mère connaisse). Victoria Legrand et Alex Scally le sont également, mais pas question pour eux de laisser ce genre de vice aux oubliettes des bonnes moeurs. Ce premier album éponyme est ainsi en grande partie consacré à ce concept assez abstrait. Une idée à priori pas évidente à mettre en musique. Le pari sera donc tout d'abord de réaliser sans encombre cette lourde antithèse entre le timbre de quelques instruments jusqu'ici réservés à des utilisations ensoleillées (dont les fameux riffs "hawaiin"), et les sentiments de consternation recherchés. Prêt à faire hurler de mélancolie et de perversion un set instrumental bien classique, le duo use de tous les stratagèmes tordus en vue de marier tant bien que mal ce qui se fait de plus inaccoutumé (même le nom de la formation jure avec leur son). Torturant guitares hawaiiennes sans scrupule, abandonnant claviers et chants au desespoir, tout ça accompagné de mélodies électros et rythmiques aussi macabres que dépouillées, Beach House donne l'image d'un univers pas aussi paradisiaque que celui suggeré par le trésor de la pochette. Une douleur agréable et délicate, une amertume qui ne lasse pas, même passée en boucle. 9 bons titres très travaillés pour une déclaration de désolation vite appréhendée. Car cette maison sur la plage n'est pas un mirage chaotique, et ses délicieuses parures intérieures ont largement de quoi faire jalouser la famille Addams et leurs décos lugubres bien ringardes. Un grand site de pélerinage pour les intimes et un haut lieu touristique pour les néophytes du chagrin (ou les heureux notoires). Parole de guide côtier.