Neko Case

Hell-On

Hell-On

 Label :     Anti- 
 Sortie :    vendredi 01 juin 2018 
 Format :  Album / CD  Vinyle  Numérique   

Parfois les mots ne suffisent pas pour décrire ce qu'une œuvre peut nous faire ressentir, peut provoquer dans notre esprit, une œuvre musicale dans le cas présent. Mais essayons d'aller plus loin et de faire aussi simple que possible afin de ne pas condamner d'emblée cette chronique. Commençons par le début, l'essentiel, l'incontournable : la voix. Pour qu'un groupe, un ou une artiste attire mon attention, il faut en premier lieu que la voix que j'entends m'émeuve, m'impressionne, me parle puissamment, me fasse me dire que celui ou celle qui est derrière le micro tente sincèrement et le plus naturellement possible de transmettre une émotion, une idée ou ce que vous voudrez. C'est sans doute la raison pour laquelle certains de mes héros musicaux sont tous dotés de remarquables organes (pour rester objectif). Que ce soit Mark Lanegan, John Grant ou Ray LaMontagne, pour ne citer que ces trois-là, il est évident que leur voix constitue leur atout maître et l'élément primordial qui m'a attiré vers eux et leur musique. Dans cette catégorie d'intouchables, je me dois désormais d'ajouter Neko Case. Là encore, décrire que ce je ressens en écoutant la voix de l'Américaine m'est particulièrement ardu. Je connaissais déjà quelques-unes de ses brillantes interventions au sein des New Pornographers, qui propulsent systématiquement les compositions du collectif canadien dans une autre dimension, mais pas sa carrière en solo, erreur que j'ai donc commencé à réparer avec Hell-On, son septième album paru en juin de cette année. Je savais pertinemment que j'allais m'en prendre plein les oreilles et le cœur, mais pas à ce point-là, pas avec cette intensité et cette puissance incroyables. Rarement j'ai entendu une personne incarner son art avec autant de force, de fragilité et de détermination. Neko est un tourbillon, un ouragan d'émotions inarrêtable. C'est peine perdue d'imaginer, d'essayer de lui résister, elle forcera sans mal et le plus aisément du monde vos protections les plus intimes et les plus profondément enfouies en vous. Tout ce que je peux dire, c'est qu'elle m'a conquis.

Alors je me réécoute inlassablement les trésors qui parsèment ce Hell-On, pour succomber toujours davantage. La première face est d'une beauté à tomber et d'une intensité inouïe, que je n'avais pas encore constaté sur les disques que j'ai écoutés cette année. Le triptyque d'ouverture, "Hell-On", "Last Lion of Albion" et "Halls of Sarah", est d'une finesse, d'une délicatesse et d'une ampleur fantastique, la voix de Neko résonnant en moi comme peu d'autres avant elle. "Bad Luck", qui fut ma porte d'entrée dans l'univers de l'artiste, voit ses paroles un rien dépressives contrebalancées par une rythmique plus enlevée. Vient ensuite la pièce centrale de l'album, "Curse of the I-5 Corridor", longue de sept minutes. Méditant sur sa jeunesse passée dans le nord-ouest des USA, Case est accompagnée au micro par un des membres les plus éminents de la scène musicale de cette région, l'immense Mark Lanegan, déjà cité plus avant, qu'elle avait rencontré à cette époque. Inutile de vous décrire son effet sur mon cerveau et de dire que j'ai plutôt bien aimé ce duo, qui distille une tension certaine dans ce morceau tout autant sombre que langoureux et qui déploie toute sa puissance ainsi que son impact au fil des minutes.

La suite se maintient à un niveau exceptionnel, la voix de Case poursuivant sans relâche ses ravages émotionnels ("Dirty Diamond", "Oracle of the Maritimes"). La production, œuvre de la chanteuse pour une bonne partie, et les arrangements sont soignés et luxuriants (piano, saxophone, tuba, violon, violoncelle, flûte, pedal steel et j'en passe) et accompagnent idéalement la musique de tendance pop-folk-country feutrée, ainsi que le propos général du disque (bien que les paroles restent très souvent assez mystérieuses). Le refrain de "Winnie" (titre au propos ouvertement féministe) éclate de toute sa puissante et lumineuse beauté, alors que Case partage le micro avec Eric Bachmann pour un nouveau duo sur "Sleep All Summer" (écrit par Bachmann), qui est là aussi une belle réussite. "My Uncle's Navy" et "Pitch or Honey" se chargent de refermer ce formidable album sur une excellente note, prolongeant le sentiment qu'il est définitivement de ceux qui marqueront et resteront comme un sommet de la carrière de Neko Case, qui n'en manque pourtant déjà pas.

Vous l'aurez compris, Hell-On est pour moi un disque rare et d'ores et déjà précieux. Il s'établit comme le réel point de départ de ce que je peux qualifier, sans trop m'avancer, de nouvelle obsession musicale, qui a toutes les chances de se développer profondément avec le temps. À quoi cela tient-il ? À Neko Case, à sa voix et ses chansons, à sa musicalité si fragile et si superbe, à cet album que je n'attendais pas du tout et dont les secrets se dévoilent encore après de multiples écoutes assidues ? À une combinaison de tous ces éléments sans doute, et à d'autres que je ne suis pas en mesure d'identifier pour le moment. Le fait est que j'ai été totalement subjugué, envoûté. De telles rencontres sont exceptionnelles, uniques. Il me tarde déjà de lui donner la suite qu'elle mérite.


Exceptionnel ! !   19/20
par Poukram


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