Sun Kil Moon
Common As Light And Love Are Red Valleys Of Blood |
Label :
Caldo Verde |
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Mes chroniques de Sun Kil Moon se suivent et se ressemblent de plus en plus. Toujours le même préambule. Dans un mouchoir de poche : "Mark Kozelek s'est lancé dans un style autobiographique logorrhéique et [nom de l'album précédent] avait surpris tout le monde. Sauf que cette fois [nom de l'album actuel] pousse le bouchon encore plus loin Maurice." Et voilà, Mark did it again. Il a encore développé plus amplement son style "journal intime" alors qu'on préférait croire qu'il était arrivé à son maximum. Ça avait commencé avec Benji (qui demeure à mes yeux l'un des meilleurs albums de cette décennie), qui commençait à se la jouer spoken-word, verbeux comme tout mais toujours capable de faire ressortir une sorte de vérité, un sens plus profond. Ça a continué avec Universal Themes qui virait carrément au trivial fragmenté, passant du coq-à-l'âne sans remords. Sur sa collaboration avec Jesu il allait jusqu'à lire des lettres de fan. Mais jamais je n'aurais pensé que le Koz' en arriverait si vite à un tel niveau de ballecouilles ; au point de proposer un album de 2h10 (plus long que To Be Kind des Swans si ça peut aider à vous représenter la bête) contenant pas moins de 16 pistes pour une moyenne de 8 minutes par morceau. Un album sur lequel accompagné du fidèle Steve Shelley ("a really nice guy"), Mark improvise des grooves dépouillés sur lesquels il monologue comme jamais. D'aucuns iront même jusqu'à appeler certaines parties du rap. Ce n'est pas moi qui vais les contredire ; sur une bonne partie de Common as Light and Love are Red Valleys of Blood (même le titre putain...) Mark brouille la frontière entre spoken-word groovy et hip-hop. Puisqu'on parle aujourd'hui de "dad rock" pour désigner le rock à papa, alors Sun Kil Moon fait désormais... du dad rap ?
Common as Light pousse tous les "nouveaux" tics du Koz' à fond. Finalement, s'il méduse par son aspect massif, ce double-album était prévisible sur le long-terme. On ne pensait simplement pas qu'il arriverait si tôt. J'espérais qu'il nous réserverait encore quelques étapes supplémentaires avant d'atteindre le bout du chemin. J'espérais car je savais au fond que le mec finirait un jour par me larguer, par aller trop loin pour que je puisse le suivre. J'avais raison d'avoir peur car voilà venu le moment de rupture qui entraine celle de ma relation heureuse avec Mark. Même dans ses heures les plus obtuses, le Koz' trouvait toujours le moyen de nous ménager des oasis de grâce immaculées qui lui pardonnaient tous ses excès. Pour chaque "With a Sort of Grace I Walked to the Bathroom to Cry" lourdaud on avait droit à un splendide "Birds of Flims". Mais désormais je ne trouve plus un seul morceau qui soit parfait de bout en bout, pas un qui ne pâtisse d'une façon ou d'une autre du traitement jusqu'au-boutiste de l'américain verbeux. Les plus réussies des tranches de vie de Common as Light sont soit celles qui gardent consistance d'un bout à l'autre ("God Bless Ohio", "Window Sash Weights"), soit celles dont les ponts impromptus trouvent miraculeusement une authentique grâce ("I Love Portugal", "Sarah Lawrence College Song", "Chill Lemon Peanuts"). Et encore pour la première catégorie encore faut-il que le Koz' installe des instrumentaux suffisamment palpitants pour nous tenir accrochés pendant 6 à 12 minutes (ce qui n'est pas le cas de, au pif, "Butch Lullaby"). Quant au reste des morceaux, c'est à dire la majorité du contenu de l'album et bien... c'est à prendre ou à laisser. Comme disait Jean-Pierre Coffe, y a à boire et à manger.
Le problème n°1 de CaL à mon sens, au delà même de l'épineuse question du format, c'est l'accompagnement musical. Steve Shelley est un batteur brillant et Mark Kozelek un guitariste acoustique touché par la grâce. Mais rien de tout cela ne transparaît sur ces sessions communes. Résolus à tenter de nouvelles choses en studio, Mark et Steve ne jouent vraiment pas sur leurs forces, et leurs grooves sont la plupart du temps d'une platitude absolue. L'alchimie ne prend pas, les essais de basses de Kozelek sont patauds et Shelley ne parvient pas à donner vie à ses rythmes. Certains morceaux sont certes mieux desservis que d'autres mais à ce niveau là c'est l'angoisse sur au moins 75% du disque. "Bastille Day" sonne comme du sous-Doors pour seniors ; "Philadelphia Cop" voit Mark délivrer une partition de claviers distordu un peu gênante (alors même que ces essais électroniques trouvent plutôt bien leur place sur l'échappée intime de "Chili Lemon Peanuts") ; "Butch Lullaby" et "Highway Song" sont deux exemples de simili hip-hop qui échouent à remuer quoi que ce soit dans mes entrailles et ne parviennent qu'à s'étaler mollement (heureusement que cette dernière part brusquement dans un superbe interlude acoustique sur sa dernière ligne droite) ; "Stranger Than Paradise" et "I Love You Forever and Beyond Eternity" souffrent, c'est un comble, de ne jamais s'enfuir de leur groove raté et de leur mélodie aride...
Rhétoriquement parlant, CaL est aussi insignifiant et peu pertinent que possible. Le Koz' poursuit ses thèmes habituels de manière toujours plus décousue, parlant aléatoirement des histoires de meurtres du patrimoine américain, de diverses anecdotes sur des musiciens de sa connaissance, tacle avec une naïveté effarante les réseaux sociaux, la NRA, Donald Trump, se prend pour un social justice warrior en proclamant les droits des transgenres, parle de la pluie et du beau temps et donne son avis sur tout mais surtout sur rien... Du Kozelek new-gen classique poussé à l'extrême en quelque sorte. Il atteint tout de même des sommets méta vers la conclusion de l'album ; "Vague Rock Song" est une chanson comique sur le fait d'écrire une rock song (le clin d'oeil à Frank Zappa m'aura arraché un sourire), et "Seventies TV Show Theme Song" c'est carrément un morceau sur la réaction qu'on peut avoir en écoutant ladite chanson. Putain on en est là. Bon je ne vais pas me mentir, à plusieurs moments sur cet album Kozelek parvient à me faire rire – parfois bien involontairement. Le problème c'est qu'il y a tant de choses qui rentrent en conflit en même temps sur cette bestiole boursoufflée qu'il n'y a bien qu'une petit poignée de morceaux qui me plaisent d'un bout à l'autre et me laissent une bonne impression, au moins autant qui m'insupportent parfaitement, et le reste oscille entre l'indifférence et la frustration. On se retrouve si souvent à devoir supporter 10 minutes de platitudes pour avoir accès à 3 minutes de grâce... Et l'auditeur pourtant patient de se demander si tout cela vaut bien le coup finalement.
Il serait peut-être temps de conclure, je n'aurais pas envie de finir par vous gonfler autant que cet album m'a ennuyé. C'est un gros bordel, vous l'avez sans doute compris à ce stade. Un bordel si massif que chacune de ses réussites est entachée par un échec + une tentative en demi-teinte. Un ratio déprimant qui fait se demander si Mark ne ferait pas mieux d'aller passer des vacances prolongées dans ce Portugal qu'il aime tant (et qui lui offre peut-être sa meilleure chanson dans ce gros tas inégal). À ce stade je suis résigné ; c'est une étape somme toute très logique dans le parcours inexorable de l'artiste vers le trivial le plus complet. Avec ses deux heures tout sauf nécessaires, on est en présence d'un cas rare d'album pour lequel le tout est inférieur à la somme de ses parties, où cet acharnement dans l'absence d'écrémage ou d'autocensure plombe même les instants de beauté. Et j'ai beau être pris soudain d'une curiosité morbide en imaginant dans quelle direction Kozelek pourra bien aller après ce truc, j'ai dû mal à me départir d'un certain défaitisme. Je ne le vois pas remonter la pente.
Mark Kozelek n'est pas près de sortir du cabinet de son psy, il semble n'y avoir aucune limite au flot de pensées et de mots qu'il a besoin de déverser. Sauf qu'une séance chez le psy ça ne dure jamais plus d'une heure... grâce à Common as Light on comprend mieux pourquoi.
Common as Light pousse tous les "nouveaux" tics du Koz' à fond. Finalement, s'il méduse par son aspect massif, ce double-album était prévisible sur le long-terme. On ne pensait simplement pas qu'il arriverait si tôt. J'espérais qu'il nous réserverait encore quelques étapes supplémentaires avant d'atteindre le bout du chemin. J'espérais car je savais au fond que le mec finirait un jour par me larguer, par aller trop loin pour que je puisse le suivre. J'avais raison d'avoir peur car voilà venu le moment de rupture qui entraine celle de ma relation heureuse avec Mark. Même dans ses heures les plus obtuses, le Koz' trouvait toujours le moyen de nous ménager des oasis de grâce immaculées qui lui pardonnaient tous ses excès. Pour chaque "With a Sort of Grace I Walked to the Bathroom to Cry" lourdaud on avait droit à un splendide "Birds of Flims". Mais désormais je ne trouve plus un seul morceau qui soit parfait de bout en bout, pas un qui ne pâtisse d'une façon ou d'une autre du traitement jusqu'au-boutiste de l'américain verbeux. Les plus réussies des tranches de vie de Common as Light sont soit celles qui gardent consistance d'un bout à l'autre ("God Bless Ohio", "Window Sash Weights"), soit celles dont les ponts impromptus trouvent miraculeusement une authentique grâce ("I Love Portugal", "Sarah Lawrence College Song", "Chill Lemon Peanuts"). Et encore pour la première catégorie encore faut-il que le Koz' installe des instrumentaux suffisamment palpitants pour nous tenir accrochés pendant 6 à 12 minutes (ce qui n'est pas le cas de, au pif, "Butch Lullaby"). Quant au reste des morceaux, c'est à dire la majorité du contenu de l'album et bien... c'est à prendre ou à laisser. Comme disait Jean-Pierre Coffe, y a à boire et à manger.
Le problème n°1 de CaL à mon sens, au delà même de l'épineuse question du format, c'est l'accompagnement musical. Steve Shelley est un batteur brillant et Mark Kozelek un guitariste acoustique touché par la grâce. Mais rien de tout cela ne transparaît sur ces sessions communes. Résolus à tenter de nouvelles choses en studio, Mark et Steve ne jouent vraiment pas sur leurs forces, et leurs grooves sont la plupart du temps d'une platitude absolue. L'alchimie ne prend pas, les essais de basses de Kozelek sont patauds et Shelley ne parvient pas à donner vie à ses rythmes. Certains morceaux sont certes mieux desservis que d'autres mais à ce niveau là c'est l'angoisse sur au moins 75% du disque. "Bastille Day" sonne comme du sous-Doors pour seniors ; "Philadelphia Cop" voit Mark délivrer une partition de claviers distordu un peu gênante (alors même que ces essais électroniques trouvent plutôt bien leur place sur l'échappée intime de "Chili Lemon Peanuts") ; "Butch Lullaby" et "Highway Song" sont deux exemples de simili hip-hop qui échouent à remuer quoi que ce soit dans mes entrailles et ne parviennent qu'à s'étaler mollement (heureusement que cette dernière part brusquement dans un superbe interlude acoustique sur sa dernière ligne droite) ; "Stranger Than Paradise" et "I Love You Forever and Beyond Eternity" souffrent, c'est un comble, de ne jamais s'enfuir de leur groove raté et de leur mélodie aride...
Rhétoriquement parlant, CaL est aussi insignifiant et peu pertinent que possible. Le Koz' poursuit ses thèmes habituels de manière toujours plus décousue, parlant aléatoirement des histoires de meurtres du patrimoine américain, de diverses anecdotes sur des musiciens de sa connaissance, tacle avec une naïveté effarante les réseaux sociaux, la NRA, Donald Trump, se prend pour un social justice warrior en proclamant les droits des transgenres, parle de la pluie et du beau temps et donne son avis sur tout mais surtout sur rien... Du Kozelek new-gen classique poussé à l'extrême en quelque sorte. Il atteint tout de même des sommets méta vers la conclusion de l'album ; "Vague Rock Song" est une chanson comique sur le fait d'écrire une rock song (le clin d'oeil à Frank Zappa m'aura arraché un sourire), et "Seventies TV Show Theme Song" c'est carrément un morceau sur la réaction qu'on peut avoir en écoutant ladite chanson. Putain on en est là. Bon je ne vais pas me mentir, à plusieurs moments sur cet album Kozelek parvient à me faire rire – parfois bien involontairement. Le problème c'est qu'il y a tant de choses qui rentrent en conflit en même temps sur cette bestiole boursoufflée qu'il n'y a bien qu'une petit poignée de morceaux qui me plaisent d'un bout à l'autre et me laissent une bonne impression, au moins autant qui m'insupportent parfaitement, et le reste oscille entre l'indifférence et la frustration. On se retrouve si souvent à devoir supporter 10 minutes de platitudes pour avoir accès à 3 minutes de grâce... Et l'auditeur pourtant patient de se demander si tout cela vaut bien le coup finalement.
Il serait peut-être temps de conclure, je n'aurais pas envie de finir par vous gonfler autant que cet album m'a ennuyé. C'est un gros bordel, vous l'avez sans doute compris à ce stade. Un bordel si massif que chacune de ses réussites est entachée par un échec + une tentative en demi-teinte. Un ratio déprimant qui fait se demander si Mark ne ferait pas mieux d'aller passer des vacances prolongées dans ce Portugal qu'il aime tant (et qui lui offre peut-être sa meilleure chanson dans ce gros tas inégal). À ce stade je suis résigné ; c'est une étape somme toute très logique dans le parcours inexorable de l'artiste vers le trivial le plus complet. Avec ses deux heures tout sauf nécessaires, on est en présence d'un cas rare d'album pour lequel le tout est inférieur à la somme de ses parties, où cet acharnement dans l'absence d'écrémage ou d'autocensure plombe même les instants de beauté. Et j'ai beau être pris soudain d'une curiosité morbide en imaginant dans quelle direction Kozelek pourra bien aller après ce truc, j'ai dû mal à me départir d'un certain défaitisme. Je ne le vois pas remonter la pente.
Mark Kozelek n'est pas près de sortir du cabinet de son psy, il semble n'y avoir aucune limite au flot de pensées et de mots qu'il a besoin de déverser. Sauf qu'une séance chez le psy ça ne dure jamais plus d'une heure... grâce à Common as Light on comprend mieux pourquoi.
Moyen 10/20 | par X_Wazoo |
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