Foudre!
Earth |
Label :
Gizeh |
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C'est un fait : les supergroupes c'est le mal. Je n'ai sans doute pas besoin de vous citer les usual suspects, chacun a déjà fait dans sa vie la douloureuse expérience de ces collaborations all-stars pour lesquelles on a eu la naïveté de croire que la synergie était égale à la somme des talents de leurs membres. Alors qu'on se retrouve le plus souvent à faire des divisions et des soustractions en sanglotant doucement sur les cendres amères de nos espoirs consumés. Heureusement, Dieu est sympa et à chaque règle Il a opposé des exceptions qui la confirment. Harmonia, Crosby Stills Nash & Young, Derek & the Dominos, Mad Season, Rapeman, Fantômas... À ce palmarès non-exhaustif vient donc s'ajouter, vous l'aurez deviné bande de petits malins, la formation dont il est question aujourd'hui : Foudre! Un nom qui claque pour un CV à 10 mains tout aussi pété. Voyez vous-même : Frédéric D. Oberland de Oiseaux-Tempête, Romain Barbot et Grégory Buffier de Saåad, Paul Régimbeau de Mondkopf et Christine Ott aux ondes martenot. En d'autres termes, la fine fleur de la scène drone/ambient/électro-analogique/blip-bloupesque française. Et il faut croire que dans le milieu on ne souffre pas trop de problèmes d'égo mal placé car l'alchimie de groupe qui se dégage de cette pièce monolithique à 6 mouvements est confondante.
Mais avant de s'attaque au cœur battant de cette tuerie, reconstituons la scène du crime. Juin 2015. Le festival Singapour Mon Amour commandite un attentat sonique pour assaillir un film expérimental du réalisateur Hong-Kongais Ho Tzu Nyen : Earth. Les auteurs du crime font leurs préparatifs dans un lieu inconnu. L'action est perpétrée dans une église gothique du 16ème siècle, à Saint-Merry. Ils ont même enregistré ça les bougres, sans doute à des fins de propagande. C'est ce document que nous allons à présent parcourir.
Et quel voyage mes aïeux... Earth est séparé en 6 pistes parce que c'est bien pratique (et ça permet de donner des noms classes et mystérieux à chacune), mais de vous à moi il n'y a pas lieu de découper en tranches cette noble créature – l'attente de l'album fut d'ailleurs insoutenable, alors qu'on ne disposait que d'un, puis de deux morceaux sans avoir le reste auquel les faire correspondre. Earth, c'est tout simplement un périple cinématographique en soi, capable de rivaliser avec les meilleures rêveries cosmiques des glorieux aînés teutons. Mellotrons, synthés analogiques, guitares électriques oniriques, ondes martenot, il ne manquerait plus que Earth sache faire le café. Il faut dire que pour un type comme moi, qui s'imagine régulièrement que s'il ferme les yeux et serre les fesses assez fort peut-être pourra-t-il être transporté par magie dans l'Allemagne kraut des 70's, rien ne sonne plus classe qu'un bain analogique fortement typé – quoique brillamment remis au goût du jour par des marionnettistes virtuoses qu'on sait trop appliqués à repousser quotidiennement les frontières du genre pour se laisser aller ici à une nostalgie paresseuse. Foudre! déploie des ailes vastes qui enveloppent entièrement l'auditeur dès la première minute. Et de ces ailes la Bête bat lentement, avec majesté ; chaque mouvement est ample et suffit à provoquer une onde de choc qui nous cloue sur place. Nous laissant tout le loisir d'admirer son plumage, et de réaliser que dans chaque plume de verre se reflète le scénario du film de Ho Tzu Nyen dont voici le synopsis :
"Nous voyons le site d'un désastre inconnu, les débris d'histoire qui constituent celle de la Terre. Sur le site sont allongés 50 humains oscillants entre conscience et inconscience, entre vie et mort. Parfois, l'un d'entre eux émerge au premier plan – serrant le point, battant de la paupière, pleurant pour son voisin. À d'autres moments, ces figures reculent de la lumière, perdant leurs formes individuelles pour former un gigantesque organisme, respirant à l'unisson, pulsant comme une méduse, le long de leur voyage autour de la Terre."
Et le chroniqueur de réaliser soudain qu'on pourrait tenir là au mot près le scénario de l'album lui-même, de la façon dont il est construit et dont ses membres interagissent les uns avec les autres. Je disais plus haut qu'il y avait une remarquable gestion de l'égo dans leur manière de jouer, et le synopsis la décrit très précisément : durant la plus grande partie du voyage, les 5 membres ne font qu'un, les instruments paraissent tous naître de la même soupe primordiale, comme animés par un seul cerveau au lieu de 5, personne ne se marche jamais dessus. Et lorsque l'un d'entre eux vient au premier plan, sous les feux de la rampe, c'est toujours d'une façon très naturelle et avec un feeling remarquable. Citons à titre d'exemple les hululements d'onde martenot du début de "Goliath", ou les diverses prouesses électroniques comme l'envol analogique galvanisant de "Ruins/Medusa", qu'on devine interprété par le cerveau de Mondkopf. Toujours au service d'une narration certes abstraite, mais surtout puissamment évocatrice.
Mais tout voyage a une fin et celui de "Earth" s'achèvera avec la dépression post-coïtale de "Mirror", menée par la guitare triste de Grégory Buffier. Foudre! replie ses ailes immenses et se plie d'une révérence silencieuse alors que le public... se met à applaudir à tout rompre. Punaise c'est pourtant vrai, il s'agit d'une performance live ! J'étais parti si loin que j'avais presque oublié l'espace de 40 minutes hors du temps que je faisais moi aussi partie du règne des vivants. Va falloir vivre avec maintenant...
Mais avant de s'attaque au cœur battant de cette tuerie, reconstituons la scène du crime. Juin 2015. Le festival Singapour Mon Amour commandite un attentat sonique pour assaillir un film expérimental du réalisateur Hong-Kongais Ho Tzu Nyen : Earth. Les auteurs du crime font leurs préparatifs dans un lieu inconnu. L'action est perpétrée dans une église gothique du 16ème siècle, à Saint-Merry. Ils ont même enregistré ça les bougres, sans doute à des fins de propagande. C'est ce document que nous allons à présent parcourir.
Et quel voyage mes aïeux... Earth est séparé en 6 pistes parce que c'est bien pratique (et ça permet de donner des noms classes et mystérieux à chacune), mais de vous à moi il n'y a pas lieu de découper en tranches cette noble créature – l'attente de l'album fut d'ailleurs insoutenable, alors qu'on ne disposait que d'un, puis de deux morceaux sans avoir le reste auquel les faire correspondre. Earth, c'est tout simplement un périple cinématographique en soi, capable de rivaliser avec les meilleures rêveries cosmiques des glorieux aînés teutons. Mellotrons, synthés analogiques, guitares électriques oniriques, ondes martenot, il ne manquerait plus que Earth sache faire le café. Il faut dire que pour un type comme moi, qui s'imagine régulièrement que s'il ferme les yeux et serre les fesses assez fort peut-être pourra-t-il être transporté par magie dans l'Allemagne kraut des 70's, rien ne sonne plus classe qu'un bain analogique fortement typé – quoique brillamment remis au goût du jour par des marionnettistes virtuoses qu'on sait trop appliqués à repousser quotidiennement les frontières du genre pour se laisser aller ici à une nostalgie paresseuse. Foudre! déploie des ailes vastes qui enveloppent entièrement l'auditeur dès la première minute. Et de ces ailes la Bête bat lentement, avec majesté ; chaque mouvement est ample et suffit à provoquer une onde de choc qui nous cloue sur place. Nous laissant tout le loisir d'admirer son plumage, et de réaliser que dans chaque plume de verre se reflète le scénario du film de Ho Tzu Nyen dont voici le synopsis :
"Nous voyons le site d'un désastre inconnu, les débris d'histoire qui constituent celle de la Terre. Sur le site sont allongés 50 humains oscillants entre conscience et inconscience, entre vie et mort. Parfois, l'un d'entre eux émerge au premier plan – serrant le point, battant de la paupière, pleurant pour son voisin. À d'autres moments, ces figures reculent de la lumière, perdant leurs formes individuelles pour former un gigantesque organisme, respirant à l'unisson, pulsant comme une méduse, le long de leur voyage autour de la Terre."
Et le chroniqueur de réaliser soudain qu'on pourrait tenir là au mot près le scénario de l'album lui-même, de la façon dont il est construit et dont ses membres interagissent les uns avec les autres. Je disais plus haut qu'il y avait une remarquable gestion de l'égo dans leur manière de jouer, et le synopsis la décrit très précisément : durant la plus grande partie du voyage, les 5 membres ne font qu'un, les instruments paraissent tous naître de la même soupe primordiale, comme animés par un seul cerveau au lieu de 5, personne ne se marche jamais dessus. Et lorsque l'un d'entre eux vient au premier plan, sous les feux de la rampe, c'est toujours d'une façon très naturelle et avec un feeling remarquable. Citons à titre d'exemple les hululements d'onde martenot du début de "Goliath", ou les diverses prouesses électroniques comme l'envol analogique galvanisant de "Ruins/Medusa", qu'on devine interprété par le cerveau de Mondkopf. Toujours au service d'une narration certes abstraite, mais surtout puissamment évocatrice.
Mais tout voyage a une fin et celui de "Earth" s'achèvera avec la dépression post-coïtale de "Mirror", menée par la guitare triste de Grégory Buffier. Foudre! replie ses ailes immenses et se plie d'une révérence silencieuse alors que le public... se met à applaudir à tout rompre. Punaise c'est pourtant vrai, il s'agit d'une performance live ! J'étais parti si loin que j'avais presque oublié l'espace de 40 minutes hors du temps que je faisais moi aussi partie du règne des vivants. Va falloir vivre avec maintenant...
Parfait 17/20 | par X_Wazoo |
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