This Is Not A Love Song
Nîmes [Paloma] - samedi 04 juin 2016 |
Un apéro au bord d'une piscine dans la garrigue et nous voilà à la bourre pour le deuxième jour du festival. Pas de Palehound, ce sera directement Lush. Un groupe que j'ai découvert récemment bien qu'il fasse partie de la mythologie shoegaze, aux côtés de Slowdive et de Ride (j'en découvre un par an ; au tour des Boo Radleys l'an prochain ?).
Il fait encore jour quand les vétérans anglais récemment reformés avec un nouveau batteur s'installent sur la grande scène en plein air. Ça n'a pas l'air de les enchanter, et même visiblement ça les inhibe. Miki, la chanteuse-guitariste, fait des efforts - pas toujours récompensés - pour communiquer avec le public : sa question sur le référendum sur le brexit, notamment, ne trouvera pas de réponse claire (en existe-t-il une ?). Samantha, l'autre guitariste, et le bassiste semblent pressés que ça se termine : visages fermés, concentrés sur leur partie. Côté son, les basses ronflent exagérément, souvent le signe d'une surestimation par l'ingé son de la quantité de spectateurs susceptibles de les absorber. Heureusement, les morceaux restent magnifiques : les anciens - dont mon préféré "Thoughtforms" - passent tout seuls, mais ceux de l'EP sorti récemment sonnent bien également. En résumé, une musique agréable mais un concert qui ne décollera jamais vraiment.
Pour me consoler de cette demi-déception, je vais faire un tour devant la petite scène où se produit un énième obscur groupe garage-punk, Dirty Fences. Initiative payante : ce sera la bonne surprise du jour. Estampillés et revendiqués Ramones, les quatre new-yorkais bien destroy ne partagent avec leurs idoles que le "one-ta-tree-four" des débuts de morceaux et les choeurs tirant par moments sur les Beach Boys. Pour le reste, leur rock'n'roll TGV m'évoque plutôt leurs compatriotes des Fleshtones, ou leurs équivalents australiens des Saints. Côté ambiance, c'est clairement punk : 10 minutes de retard à cause d'un check-up chaotique dans une ambiance de début d'averse ; des looks improbables (un moustachu vêtu d'une chemisette en jean avec une seule manche à la gratte, un hardos en léopard à la basse, un chicano à casquette à la deuxième gratte, et je ne parle pas des improbables accompagnateurs qui sortent des loges) ; des interventions raffinées du batteur avant et entre les morceaux ("suck my dick" pour démarrer le concert, "We love marijuana", un rot...) ; et un pogo qui démarre dès les premiers accords. Certes, tout ça n'est pas très novateur, mais c'est bien rafraîchissant. En tout cas, ces quatre-là auraient été plus crédibles que le fils de Jagger pour incarner les Nasty Bits, les proto-punks de la série "Vinyl".
Changement d'ambiance radical, voici venu le temps de la french touch, la tête d'affiche du festival : Air. Je n'en attendais pas grand chose, n'étant pas un grand connaisseur du groupe, en dehors de la très belle BO de Virgin Suicides. Et j'ai eu grosso modo ce que j'imaginais : des visuels bien foutus mais un concert assez statique, une musique agréable en fond sonore pour boire des bières avec des potes en jetant un oeil à la scène de temps en temps, quelques tubes, dont "Alpha Beta Gaga" qui m'évoque immanquablement le générique de 30 millions d'amis.
Après cet intermède pas désagréable, la tension - pas très élevée certes - monte d'un cran, et une phrase commence à se faire entendre : on va se placer pour Dino. Précaution superflue, car malgré ses 15000 spectateurs en trois jours, soit 3000 de plus qu'en 2015, TINALS est l'un des festivals dans lesquels il est le plus facile de s'approcher de la scène, et particulièrement des scènes extérieures. Et comme il reste pas mal de temps, j'en profite pour aller écouter un autre vétéran sur la petite scène : Tim Gane de Stereolab, et son nouveau groupe Cavern of Anti-Matter. Un trio instrumental bien barré qui propose des longues plages hypnotiques entre rock psyché et shoegaze. Ça s'écoute bien, mais l'absence de la voix envoûtante de Laetitia Sadier se fait sentir au bout d'un moment. Je n'attends donc pas la fin du set pour "aller me placer pour Dino".
Pour ceux qui n'avaient pas encore percuté, Dino, c'est Dinosaur Jr, le trio d'ex-ados chevelus qui mettaient du Neil Young et du Cure dans leur punk-rock bruyant au milieu des années 80 ; un trio plusieurs fois recomposé puis miraculeusement retrouvé dans son line-up et son inspiration d'origine au milieu des années 2000. Si on m'avait dit il y a vingt ans qu'ils seraient en tête d'affiche d'un festoche branché du sud de la France au tournant de la cinquantaine, je n'y aurais jamais cru. Et pourtant, ils font le taff avec brio, à l'instar d'Hatem Ben Arfa, révélation du championnat de France de foot à trente ans passés : J Mascis, imperturbable au milieu de sa muraille d'amplis, qui balance ses morceaux exquis avec sa petite voix geignarde et sa guitare dégoulinante de disto ; Lou Barlow, le visage planqué derrière une muraille de boucles brunes, sautant partout et secouant sa basse dans tous les sens comme un possédé ; et enfin Murph, le batteur chauve imperturbable, qui arrime les deux autres à sa rythmique de plomb. Je devrais être habitué, vu que je les ai déjà vus trois fois depuis leur réconciliation. Mais ce soir, leur prestation a quelque chose de magique. Peut-être parce que c'est en plein air, que leur son fourni a plus de place pour s'épanouir, et que les cheveux gris-blanc de J qui oscillent au gré de la légère brise du soir le font ressembler à Saroumane dans sa tour d'Orthanc. Peut-être parce que "Feel the Pain" est dans mon top 20 chansons de tous les temps et que ces trois-là la jouent à la perfection, même si deux d'entre eux n'ont pas participé à son enregistrement. Ou peut-être simplement parce que ce concert est la conclusion parfaite d'une journée moins fournie que la précédente (et surtout que la suivante) pour l'amateur de grosses guitares que je suis.
Il fait encore jour quand les vétérans anglais récemment reformés avec un nouveau batteur s'installent sur la grande scène en plein air. Ça n'a pas l'air de les enchanter, et même visiblement ça les inhibe. Miki, la chanteuse-guitariste, fait des efforts - pas toujours récompensés - pour communiquer avec le public : sa question sur le référendum sur le brexit, notamment, ne trouvera pas de réponse claire (en existe-t-il une ?). Samantha, l'autre guitariste, et le bassiste semblent pressés que ça se termine : visages fermés, concentrés sur leur partie. Côté son, les basses ronflent exagérément, souvent le signe d'une surestimation par l'ingé son de la quantité de spectateurs susceptibles de les absorber. Heureusement, les morceaux restent magnifiques : les anciens - dont mon préféré "Thoughtforms" - passent tout seuls, mais ceux de l'EP sorti récemment sonnent bien également. En résumé, une musique agréable mais un concert qui ne décollera jamais vraiment.
Pour me consoler de cette demi-déception, je vais faire un tour devant la petite scène où se produit un énième obscur groupe garage-punk, Dirty Fences. Initiative payante : ce sera la bonne surprise du jour. Estampillés et revendiqués Ramones, les quatre new-yorkais bien destroy ne partagent avec leurs idoles que le "one-ta-tree-four" des débuts de morceaux et les choeurs tirant par moments sur les Beach Boys. Pour le reste, leur rock'n'roll TGV m'évoque plutôt leurs compatriotes des Fleshtones, ou leurs équivalents australiens des Saints. Côté ambiance, c'est clairement punk : 10 minutes de retard à cause d'un check-up chaotique dans une ambiance de début d'averse ; des looks improbables (un moustachu vêtu d'une chemisette en jean avec une seule manche à la gratte, un hardos en léopard à la basse, un chicano à casquette à la deuxième gratte, et je ne parle pas des improbables accompagnateurs qui sortent des loges) ; des interventions raffinées du batteur avant et entre les morceaux ("suck my dick" pour démarrer le concert, "We love marijuana", un rot...) ; et un pogo qui démarre dès les premiers accords. Certes, tout ça n'est pas très novateur, mais c'est bien rafraîchissant. En tout cas, ces quatre-là auraient été plus crédibles que le fils de Jagger pour incarner les Nasty Bits, les proto-punks de la série "Vinyl".
Changement d'ambiance radical, voici venu le temps de la french touch, la tête d'affiche du festival : Air. Je n'en attendais pas grand chose, n'étant pas un grand connaisseur du groupe, en dehors de la très belle BO de Virgin Suicides. Et j'ai eu grosso modo ce que j'imaginais : des visuels bien foutus mais un concert assez statique, une musique agréable en fond sonore pour boire des bières avec des potes en jetant un oeil à la scène de temps en temps, quelques tubes, dont "Alpha Beta Gaga" qui m'évoque immanquablement le générique de 30 millions d'amis.
Après cet intermède pas désagréable, la tension - pas très élevée certes - monte d'un cran, et une phrase commence à se faire entendre : on va se placer pour Dino. Précaution superflue, car malgré ses 15000 spectateurs en trois jours, soit 3000 de plus qu'en 2015, TINALS est l'un des festivals dans lesquels il est le plus facile de s'approcher de la scène, et particulièrement des scènes extérieures. Et comme il reste pas mal de temps, j'en profite pour aller écouter un autre vétéran sur la petite scène : Tim Gane de Stereolab, et son nouveau groupe Cavern of Anti-Matter. Un trio instrumental bien barré qui propose des longues plages hypnotiques entre rock psyché et shoegaze. Ça s'écoute bien, mais l'absence de la voix envoûtante de Laetitia Sadier se fait sentir au bout d'un moment. Je n'attends donc pas la fin du set pour "aller me placer pour Dino".
Pour ceux qui n'avaient pas encore percuté, Dino, c'est Dinosaur Jr, le trio d'ex-ados chevelus qui mettaient du Neil Young et du Cure dans leur punk-rock bruyant au milieu des années 80 ; un trio plusieurs fois recomposé puis miraculeusement retrouvé dans son line-up et son inspiration d'origine au milieu des années 2000. Si on m'avait dit il y a vingt ans qu'ils seraient en tête d'affiche d'un festoche branché du sud de la France au tournant de la cinquantaine, je n'y aurais jamais cru. Et pourtant, ils font le taff avec brio, à l'instar d'Hatem Ben Arfa, révélation du championnat de France de foot à trente ans passés : J Mascis, imperturbable au milieu de sa muraille d'amplis, qui balance ses morceaux exquis avec sa petite voix geignarde et sa guitare dégoulinante de disto ; Lou Barlow, le visage planqué derrière une muraille de boucles brunes, sautant partout et secouant sa basse dans tous les sens comme un possédé ; et enfin Murph, le batteur chauve imperturbable, qui arrime les deux autres à sa rythmique de plomb. Je devrais être habitué, vu que je les ai déjà vus trois fois depuis leur réconciliation. Mais ce soir, leur prestation a quelque chose de magique. Peut-être parce que c'est en plein air, que leur son fourni a plus de place pour s'épanouir, et que les cheveux gris-blanc de J qui oscillent au gré de la légère brise du soir le font ressembler à Saroumane dans sa tour d'Orthanc. Peut-être parce que "Feel the Pain" est dans mon top 20 chansons de tous les temps et que ces trois-là la jouent à la perfection, même si deux d'entre eux n'ont pas participé à son enregistrement. Ou peut-être simplement parce que ce concert est la conclusion parfaite d'une journée moins fournie que la précédente (et surtout que la suivante) pour l'amateur de grosses guitares que je suis.
Très bon 16/20 | par Myfriendgoo |
Photo : François Medaerts
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