La Ferme Electrique
TOURNAN-EN-BRIE [Ferme Du Plateau] - vendredi 03 juillet 2015 |
Vendredi
On était minces (?) on était beaux, on sentait bon le sable chaud, tout frais sortis du transilien qui nous amenait à bon port, à l'extrême Est de la banlieue parisienne, où il fleure bon la campagne sous le cagnard terrassant du 3 juillet. Tournan-en-Brie, un nom dont l'odeur évoque celle de nos aisselles après 15 minutes de marche en direction des festivités. Mais nous voilà arrivés à la Ferme Electrique, plusieurs heures en avance pour pouvoir réaliser quelques interviews bien senties. La sécurité nous accueille avec une bonhommie courageuse au vu des conditions, pour nous refiler nos pass presse et nous indiquer le lieu du camping. Arrivés les premiers, on a même le droit à quelques conseils de la part des bénévoles pour qu'on puisse planter nos tentes aux spots parfaits, là où l'ombre règnera au petit matin pour nous éviter d'étouffer en plein sommeil.
Avant de débuter les interviews, un tour des lieux s'impose, mené par Jean Charles, le responsable de la com'. Bienvenue au Royaume de la récup' intelligente ! Passons sur la scène extérieure, qu'on soupçonne n'avoir été installée là, avec son grand écran blanc, que pour la prestation de Chassol, pour nous concentrer sur l'espace "commun" de la Ferme : les stands de bouffe et de bière sont bien au rendez-vous, mais ce qui frappe l'œil c'est ce grand parterre de cailloux rempli de fauteuils et de canapés à perte de vue. Comme si vos grand-mères avaient d'un seul coup revendu tous leurs meubles pour les foutre à cet endroit précis. Coin agréable s'il en est, qui nous sauvera régulièrement des crampes et de la fournaise, tandis que juste derrière l'appel du merch' – repaire du Pascal sauvage – sera dur à ignorer. Niveau salles de concert, la Ferme a décidé de nous caser dans sa Grange (la grande salle) et son Etable (la petite salle), et même d'arranger leur prog pour qu'on ai qu'à passer d'une salle à l'autre pour ne rien rater, si bien qu'il est possible d'aller littéralement à tous les concerts des deux soirées – fait plutôt rare pour un festival, fut-il de petite envergure, on tâchera dans la limite de nos moyens d'assister à toutes les représentations. N'oublions pas de rappeler brièvement l'existence d'un mini-musée d'exposition sur le chemin de l'étable, où sont exposées des tableaux tous plus étranges les uns que les autres, ainsi qu'une mini-chapelle où sont entassés divers synthés et autres pianos pour que les bourrés du dimanche puissent se défouler en paix.
On peut commencer directement avec la première affiche du festival, le duo de Sweep Me Off. Enfin duo, ça on ne le saura qu'en lisant la bio du groupe, car c'est une véritable section orchestrale qui déboule sur scène, partitions qui volent au vent, cuivres brillants, cordes larmoyantes et tout le tintouin. Ce qu'il faut savoir, donc, sur Sweep Me Off, c'est qu'il s'agit de deux hommes, le chanteur (paré d'un ensemble croco dont je doute qu'il ait jamais été à la mode où que ce soit sur Terre) et le guitariste, et qu'à chaque nouveau concert ils changent leur mouture orchestrale. C'est donc tout naturellement qu'ils invitent des élèves et professeurs du conservatoire de Tournan-en-Brie, ainsi que quelques fermiers du coin, à venir les épauler à la Ferme. Quant au résultat, c'est assez difficile à définir... Un peu bancal globalement, les musiciens semblent jouer un peu à l'arrache, le chanteur en fait des tonnes (une sorte de Nick Cave/Arno de carnaval), mais en fin de compte pas désagréable. Et puis on peut se féliciter d'y avoir assisté, ne serait-ce que pour la vision hétéroclite qu'ils offrent, avec le grogneur de service qui se contorsionne tandis que le chef d'orchestre s'épuise à battre des bras en faisant voler ses pages et que l'orchestre composé de 7 à 77 ans s'efforce de suivre mi-sérieux, mi-amusé. Déstabilisant, mais pas absurde dans le contexte de "bazar du bizarre" de la Ferme Electrique.
Après le bol d'air de SMO, il est temps d'aller s'enfermer pour la première fois dans l'étable, déjà pleine à craquer lorsqu'on débarque, alertés par des bruits étranges qui fuitent à travers les murs. C'est que Joey Molinaro n'est pas un mec comme les autres, en bon one-man-band il a su adapter son dispositif scénique pour tout faire en live, il en profitera pour nous coller la première baffe du week-end. L'américain est assis sur sa chaise en plein milieu de la scène, nimbé de fumée, en dessous du panneau "FLEME ERECTRIQUE", en calebute, luisant de sueur. Et pour cause : il martyrise son violon avec force et célérité, tandis qu'il tambourine vigoureusement le sol de ses pieds. Le sol, dis-je ? Plutôt sur une fine planche en bois à laquelle sont reliés deux micros. Et voilà, simple comme bonjour, Joey s'est déniché le moyen d'assurer la rythmique. Le set fut bref (en même temps on imagine difficilement le bonhomme tenir 1h30 à cette allure) mais fichtrement intense ; il fallait voir cette silhouette dégingandée finir par se lever en fin de concert pour se balancer brusquement d'avant en arrière comme aurait pu le faire un des zombies du clip de "Thriller". Les photos sont là pour en témoigner, servez-vous...
Mais il ne s'agirait pas de croire que le festoche se limite à un zoo bizarroïde, on a aussi vu pas mal de groupes "normaux" hein... Et je dis normaux au sens le moins péjoratif possible. Tenez par exemple, juste après on a enchaîné avec Ropoporose. Tout frais débarqués dans l'année 2015 avec leur premier disque (chroniqué ici), le duo Pauline (guitare/clavier/chant) et Romain (batterie), frère et sœur, sont le groupe parfait pour se rappeler à quoi ressemblent de simples émotions rock qui ne se prennent pas le chou au milieu d'un potager tel que celui qui s'est rassemblé à la Ferme. Sûr que les deux ne révolutionnent rien, mais on ne leur a rien demandé. Tandis que le batteur peroxydé (une impulsion du jour nous avouera-t-il) s'affaire en répétant les refrains en chœur, la sœurette (qui a bien compris que dans "frangine" il y a "frange") s'occupe de mettre en place les morceaux au moyen de sa pédale loop qu'elle utilisera à foison, alternant claviers et guitare. Ainsi, les morceaux sont pour la plupart structurés de la même façon ; une intro qui construit l'environnement loop du groupe avant que ça ne décolle, quelques minutes de furie joyeuse avant de devoir conclure. Et s'ils me vrillèrent les tympans lors de leur gros tube (dont le nom m'échappe mais tout le monde autour de moi disait que c'était leur tube, je n'ai d'autre choix que de les croire) balancé à fond les ballons, je ne leur en veux pas. Au contraire : leur set était un super moment, ils nous firent même la surprise d'échanger de place pour le dernier morceau : plot twist !
Coïncidence ou trait d'humour de la part des programmateurs on aura sans doute jamais la réponse, toujours est il que c'est très fort de retrouver dans le même weekend Colombey & Charles de Goal. Colombey balance son flow mi parlé mi gueulé sur une rythmique riche en sons cheap & saturés, tente de nous raconter des trucs mais la voix sature tellement qu'il est presque impossible de comprendre plus de trois mots à la suite. Qu'importe, avec son look de hipster nonchalant il emplit la scène tout seul mêlé aux beats simplistes mais terriblement efficaces, et font forcément hocher en cadence un public réjoui.
Pour continuer sur cette belle lancée hexagonale, c'est au tour des progueux modernes d'Aquaserge de se représenter dans la grande salle. Leur set, composé de morceaux à tiroirs exécutés gentiment , n'est pas vraiment le plus convaincant du week-end. Rien de mal exécuté, au contraire c'est presque trop propre, trop soigné pour être honnête – ou plutôt pour être excitant. La faute peut-être aux compos techniques qui nécessitent trop de concentration pour éviter les pains, laissant peu de place au fun pur jus ? Allez savoir. Heureusement deux choses sauvent Aquaserge du constat d'ennui : la clarinette basse qu'une demoiselle du groupe tient entre ses mains, Dieu ce que j'adore cet instrument, sa gueule et son timbre, il m'aura fasciné quelques temps ; et l'interaction avec le public qui fit monter sur scène deux gens appelés à secouer sagement du tambourin. Parmi ces deux, nul autre que Chaos ! Ah oui, et on aura aussi eu droit à la venue de Chassol dans le public, fan du groupe, qui tenta de se faire discret mais nul ne peut vraiment passer inaperçu en étant suivi à moins de deux mètres par un caméraman de France Ô...
Après la déception de son dernier concert nantais, amputé de plusieurs dizaine de minutes à cause de voisins mécontents du bruit, voilà une belle occasion de revoir Besoin Dead, libre cette fois de faire tout le bordel qu'il veut. Pour l'occasion, le voilà accompagné de l'ancien batteur des Louise Mitchels, qui suit méthodiquement les frappes de sourd de Pascal. Les titres s'enchaînent, "Haine de Classe" dédié à Jeff Koons (les lecteurs de la newsletter de MonCul comprendront), "Papa Bunker" et j'en passe, l'étable connaît les titres par cœur, limite on se croirait revenu à la Miroiterie quelques années auparavant. Affublé du sublime t-shirt dessiné par Mr Snug "La Vie est Trop Kurt", Pascal martèle ses guitares couchées et ses toms avec une violence non contenue, et les titres du récent premier album prennent vraiment tout leur sens sur scène. Une réussite totale on vous dit.
C'est la première grosse tête d'affiche de ce festival, on avait réussi à l'interviewer plus tôt dans la journée, alors qu'il ne demandait qu'à se reposer un peu avant son set. Quand on arrive près de la scène extérieure (dur dur avec tous ces gens entassés qu'on devine venus à la Ferme expressément pour lui), c'est comme s'il n'avait jamais été fatigué : Christophe Chassol a la patate, un grand sourire sur le visage et les doigts agiles sur ses deux (ou trois je ne sais plus) claviers. On connaissait déjà le dernier disque du monsieur, Big Sun (rappel pour les cancres du dernier rang : album sur le thème de la Martinique, d'où est issue une partie de la famille de Chassol, composé de variations sur des enregistrements, musicaux ou non, réalisés sur place avec des locaux), c'est encore autre chose de le voir en direct avec les images. Ce qu'il faut savoir aussi sur le bonhomme, c'est qu'il envisage ses disques non comme des disques justement, mais plutôt comme des films, dont le disque n'est que la bande originale. La pleine expérience du style Chassol se fait donc en live et nulle part ailleurs. Ainsi, nous assistons bouche-bée à une heure d'un film nous laissant enfin voir les images de ceux qu'on entendait si vivants sur disque, qui s'animent à présent devant nous, qui nous lancent leurs dictons, nous racontent des histoires, nous chantent un bout de mélodie, nous siffle un air de flûte... Le tout accompagné de superbes imagines martiniquaises. Christophe nous disait en interview qu'il se désolait de la tendance qu'il observait chez les continentaux à regarder la culture Martiniquaise avec une certaine condescendance, et qu'il se faisait un plaisir de la "hype-iser" avec son nouveau projet. Et bien en bon continental, je peux dire sans hésitation : mission accomplie, je suis hypé.
Tellement hypés on était, qu'on en a oublié d'aller scruter le garage de Regal, et ce n'est pas le cuir des canapés de mémé qui ont réussi à nous foutre un coup de pied au cul : ce sera pour la prochaine fois.
C'est toujours assez délicat un concert de Costes. On ne sait pas trop ce qui va nous arriver, même s'il ne joue plus trop avec ses matières fécales, il en parle beaucoup, et nous ressort ces vieux tubes comme "Où sont passés les nazis ?" ; repris en cœur par un public acquis et a priori en attente d'une performance qui n'arrivera jamais. Un curieux arrivant sur place par hasard (faut le faire je sais, mais un peu d'imagination que diable), et se fait spectateur passif d'une foule ondulant en se demandant à plein poumon ce qu'il est arrivé à ces teutons du IIIè Reich passerait vite son chemin, je vous le dis. Le set se divise en trois partie. Jean Louis Costes tout seul avec son synthé criard, ensuite rejoint par Fantazio, sa contrebasse & une batteuse, puis Costes prend la poudre d'escampette pour les laisser ces derniers seuls en scène. Costes et son synthé auront raison de nos tympans, et nous le laissons digresser sur la scatologie pour un détour par le bar.
Malgré un nom de scène très alléchant, nous n'aurons malheureusement pas pu assister à la prestation du dénommé Ventre de Biche, trop occupés que nous étions à nous remettre de la performance éprouvante de Costes et Fantazio. Des effluves indochinisantes (si si, c'est un mot) nous parvinrent de loin, ainsi que les cris d'un public visiblement acquis à sa cause.
Après une pause méritée, nous attendons avec impatience l'entrée de VvvV, soit le Mage (aka Fléau) et son acolyte Bardou Jacquet pour un set synthétique et dansant en diable. Se tenant derrière leurs quelques synthés, les deux types nous assène une sorte de new wave aux beats carrés, le set est parfait pour cette heure tardive, les couches synthétiques se mêlent aux arpegiateurs pour un concert parfaitement maîtrisée, malgré une pénurie de bières évidentes, pour eux comme pour nous. Pas tout à fait analogique, un mac pose les base de chaque morceau, on sent les deux bordelais contents d'être là derrière leurs claviers et le retour du public est équivoque. On se désolera quelques minutes du petit malin au premier rang qui ruinera un peu le rappel du duo en lançant les boucles depuis le Mac de Bardou, placé bien trop près du public. Le temps passe décidément trop vite à la Ferme, la nuit est déjà bien avancée, il est temps d'aller dormir car comme le dit la célèbre contrepèterie belge, demain il fera chaud et beau.
On était minces (?) on était beaux, on sentait bon le sable chaud, tout frais sortis du transilien qui nous amenait à bon port, à l'extrême Est de la banlieue parisienne, où il fleure bon la campagne sous le cagnard terrassant du 3 juillet. Tournan-en-Brie, un nom dont l'odeur évoque celle de nos aisselles après 15 minutes de marche en direction des festivités. Mais nous voilà arrivés à la Ferme Electrique, plusieurs heures en avance pour pouvoir réaliser quelques interviews bien senties. La sécurité nous accueille avec une bonhommie courageuse au vu des conditions, pour nous refiler nos pass presse et nous indiquer le lieu du camping. Arrivés les premiers, on a même le droit à quelques conseils de la part des bénévoles pour qu'on puisse planter nos tentes aux spots parfaits, là où l'ombre règnera au petit matin pour nous éviter d'étouffer en plein sommeil.
Avant de débuter les interviews, un tour des lieux s'impose, mené par Jean Charles, le responsable de la com'. Bienvenue au Royaume de la récup' intelligente ! Passons sur la scène extérieure, qu'on soupçonne n'avoir été installée là, avec son grand écran blanc, que pour la prestation de Chassol, pour nous concentrer sur l'espace "commun" de la Ferme : les stands de bouffe et de bière sont bien au rendez-vous, mais ce qui frappe l'œil c'est ce grand parterre de cailloux rempli de fauteuils et de canapés à perte de vue. Comme si vos grand-mères avaient d'un seul coup revendu tous leurs meubles pour les foutre à cet endroit précis. Coin agréable s'il en est, qui nous sauvera régulièrement des crampes et de la fournaise, tandis que juste derrière l'appel du merch' – repaire du Pascal sauvage – sera dur à ignorer. Niveau salles de concert, la Ferme a décidé de nous caser dans sa Grange (la grande salle) et son Etable (la petite salle), et même d'arranger leur prog pour qu'on ai qu'à passer d'une salle à l'autre pour ne rien rater, si bien qu'il est possible d'aller littéralement à tous les concerts des deux soirées – fait plutôt rare pour un festival, fut-il de petite envergure, on tâchera dans la limite de nos moyens d'assister à toutes les représentations. N'oublions pas de rappeler brièvement l'existence d'un mini-musée d'exposition sur le chemin de l'étable, où sont exposées des tableaux tous plus étranges les uns que les autres, ainsi qu'une mini-chapelle où sont entassés divers synthés et autres pianos pour que les bourrés du dimanche puissent se défouler en paix.
On peut commencer directement avec la première affiche du festival, le duo de Sweep Me Off. Enfin duo, ça on ne le saura qu'en lisant la bio du groupe, car c'est une véritable section orchestrale qui déboule sur scène, partitions qui volent au vent, cuivres brillants, cordes larmoyantes et tout le tintouin. Ce qu'il faut savoir, donc, sur Sweep Me Off, c'est qu'il s'agit de deux hommes, le chanteur (paré d'un ensemble croco dont je doute qu'il ait jamais été à la mode où que ce soit sur Terre) et le guitariste, et qu'à chaque nouveau concert ils changent leur mouture orchestrale. C'est donc tout naturellement qu'ils invitent des élèves et professeurs du conservatoire de Tournan-en-Brie, ainsi que quelques fermiers du coin, à venir les épauler à la Ferme. Quant au résultat, c'est assez difficile à définir... Un peu bancal globalement, les musiciens semblent jouer un peu à l'arrache, le chanteur en fait des tonnes (une sorte de Nick Cave/Arno de carnaval), mais en fin de compte pas désagréable. Et puis on peut se féliciter d'y avoir assisté, ne serait-ce que pour la vision hétéroclite qu'ils offrent, avec le grogneur de service qui se contorsionne tandis que le chef d'orchestre s'épuise à battre des bras en faisant voler ses pages et que l'orchestre composé de 7 à 77 ans s'efforce de suivre mi-sérieux, mi-amusé. Déstabilisant, mais pas absurde dans le contexte de "bazar du bizarre" de la Ferme Electrique.
Après le bol d'air de SMO, il est temps d'aller s'enfermer pour la première fois dans l'étable, déjà pleine à craquer lorsqu'on débarque, alertés par des bruits étranges qui fuitent à travers les murs. C'est que Joey Molinaro n'est pas un mec comme les autres, en bon one-man-band il a su adapter son dispositif scénique pour tout faire en live, il en profitera pour nous coller la première baffe du week-end. L'américain est assis sur sa chaise en plein milieu de la scène, nimbé de fumée, en dessous du panneau "FLEME ERECTRIQUE", en calebute, luisant de sueur. Et pour cause : il martyrise son violon avec force et célérité, tandis qu'il tambourine vigoureusement le sol de ses pieds. Le sol, dis-je ? Plutôt sur une fine planche en bois à laquelle sont reliés deux micros. Et voilà, simple comme bonjour, Joey s'est déniché le moyen d'assurer la rythmique. Le set fut bref (en même temps on imagine difficilement le bonhomme tenir 1h30 à cette allure) mais fichtrement intense ; il fallait voir cette silhouette dégingandée finir par se lever en fin de concert pour se balancer brusquement d'avant en arrière comme aurait pu le faire un des zombies du clip de "Thriller". Les photos sont là pour en témoigner, servez-vous...
Mais il ne s'agirait pas de croire que le festoche se limite à un zoo bizarroïde, on a aussi vu pas mal de groupes "normaux" hein... Et je dis normaux au sens le moins péjoratif possible. Tenez par exemple, juste après on a enchaîné avec Ropoporose. Tout frais débarqués dans l'année 2015 avec leur premier disque (chroniqué ici), le duo Pauline (guitare/clavier/chant) et Romain (batterie), frère et sœur, sont le groupe parfait pour se rappeler à quoi ressemblent de simples émotions rock qui ne se prennent pas le chou au milieu d'un potager tel que celui qui s'est rassemblé à la Ferme. Sûr que les deux ne révolutionnent rien, mais on ne leur a rien demandé. Tandis que le batteur peroxydé (une impulsion du jour nous avouera-t-il) s'affaire en répétant les refrains en chœur, la sœurette (qui a bien compris que dans "frangine" il y a "frange") s'occupe de mettre en place les morceaux au moyen de sa pédale loop qu'elle utilisera à foison, alternant claviers et guitare. Ainsi, les morceaux sont pour la plupart structurés de la même façon ; une intro qui construit l'environnement loop du groupe avant que ça ne décolle, quelques minutes de furie joyeuse avant de devoir conclure. Et s'ils me vrillèrent les tympans lors de leur gros tube (dont le nom m'échappe mais tout le monde autour de moi disait que c'était leur tube, je n'ai d'autre choix que de les croire) balancé à fond les ballons, je ne leur en veux pas. Au contraire : leur set était un super moment, ils nous firent même la surprise d'échanger de place pour le dernier morceau : plot twist !
Coïncidence ou trait d'humour de la part des programmateurs on aura sans doute jamais la réponse, toujours est il que c'est très fort de retrouver dans le même weekend Colombey & Charles de Goal. Colombey balance son flow mi parlé mi gueulé sur une rythmique riche en sons cheap & saturés, tente de nous raconter des trucs mais la voix sature tellement qu'il est presque impossible de comprendre plus de trois mots à la suite. Qu'importe, avec son look de hipster nonchalant il emplit la scène tout seul mêlé aux beats simplistes mais terriblement efficaces, et font forcément hocher en cadence un public réjoui.
Pour continuer sur cette belle lancée hexagonale, c'est au tour des progueux modernes d'Aquaserge de se représenter dans la grande salle. Leur set, composé de morceaux à tiroirs exécutés gentiment , n'est pas vraiment le plus convaincant du week-end. Rien de mal exécuté, au contraire c'est presque trop propre, trop soigné pour être honnête – ou plutôt pour être excitant. La faute peut-être aux compos techniques qui nécessitent trop de concentration pour éviter les pains, laissant peu de place au fun pur jus ? Allez savoir. Heureusement deux choses sauvent Aquaserge du constat d'ennui : la clarinette basse qu'une demoiselle du groupe tient entre ses mains, Dieu ce que j'adore cet instrument, sa gueule et son timbre, il m'aura fasciné quelques temps ; et l'interaction avec le public qui fit monter sur scène deux gens appelés à secouer sagement du tambourin. Parmi ces deux, nul autre que Chaos ! Ah oui, et on aura aussi eu droit à la venue de Chassol dans le public, fan du groupe, qui tenta de se faire discret mais nul ne peut vraiment passer inaperçu en étant suivi à moins de deux mètres par un caméraman de France Ô...
Après la déception de son dernier concert nantais, amputé de plusieurs dizaine de minutes à cause de voisins mécontents du bruit, voilà une belle occasion de revoir Besoin Dead, libre cette fois de faire tout le bordel qu'il veut. Pour l'occasion, le voilà accompagné de l'ancien batteur des Louise Mitchels, qui suit méthodiquement les frappes de sourd de Pascal. Les titres s'enchaînent, "Haine de Classe" dédié à Jeff Koons (les lecteurs de la newsletter de MonCul comprendront), "Papa Bunker" et j'en passe, l'étable connaît les titres par cœur, limite on se croirait revenu à la Miroiterie quelques années auparavant. Affublé du sublime t-shirt dessiné par Mr Snug "La Vie est Trop Kurt", Pascal martèle ses guitares couchées et ses toms avec une violence non contenue, et les titres du récent premier album prennent vraiment tout leur sens sur scène. Une réussite totale on vous dit.
C'est la première grosse tête d'affiche de ce festival, on avait réussi à l'interviewer plus tôt dans la journée, alors qu'il ne demandait qu'à se reposer un peu avant son set. Quand on arrive près de la scène extérieure (dur dur avec tous ces gens entassés qu'on devine venus à la Ferme expressément pour lui), c'est comme s'il n'avait jamais été fatigué : Christophe Chassol a la patate, un grand sourire sur le visage et les doigts agiles sur ses deux (ou trois je ne sais plus) claviers. On connaissait déjà le dernier disque du monsieur, Big Sun (rappel pour les cancres du dernier rang : album sur le thème de la Martinique, d'où est issue une partie de la famille de Chassol, composé de variations sur des enregistrements, musicaux ou non, réalisés sur place avec des locaux), c'est encore autre chose de le voir en direct avec les images. Ce qu'il faut savoir aussi sur le bonhomme, c'est qu'il envisage ses disques non comme des disques justement, mais plutôt comme des films, dont le disque n'est que la bande originale. La pleine expérience du style Chassol se fait donc en live et nulle part ailleurs. Ainsi, nous assistons bouche-bée à une heure d'un film nous laissant enfin voir les images de ceux qu'on entendait si vivants sur disque, qui s'animent à présent devant nous, qui nous lancent leurs dictons, nous racontent des histoires, nous chantent un bout de mélodie, nous siffle un air de flûte... Le tout accompagné de superbes imagines martiniquaises. Christophe nous disait en interview qu'il se désolait de la tendance qu'il observait chez les continentaux à regarder la culture Martiniquaise avec une certaine condescendance, et qu'il se faisait un plaisir de la "hype-iser" avec son nouveau projet. Et bien en bon continental, je peux dire sans hésitation : mission accomplie, je suis hypé.
Tellement hypés on était, qu'on en a oublié d'aller scruter le garage de Regal, et ce n'est pas le cuir des canapés de mémé qui ont réussi à nous foutre un coup de pied au cul : ce sera pour la prochaine fois.
C'est toujours assez délicat un concert de Costes. On ne sait pas trop ce qui va nous arriver, même s'il ne joue plus trop avec ses matières fécales, il en parle beaucoup, et nous ressort ces vieux tubes comme "Où sont passés les nazis ?" ; repris en cœur par un public acquis et a priori en attente d'une performance qui n'arrivera jamais. Un curieux arrivant sur place par hasard (faut le faire je sais, mais un peu d'imagination que diable), et se fait spectateur passif d'une foule ondulant en se demandant à plein poumon ce qu'il est arrivé à ces teutons du IIIè Reich passerait vite son chemin, je vous le dis. Le set se divise en trois partie. Jean Louis Costes tout seul avec son synthé criard, ensuite rejoint par Fantazio, sa contrebasse & une batteuse, puis Costes prend la poudre d'escampette pour les laisser ces derniers seuls en scène. Costes et son synthé auront raison de nos tympans, et nous le laissons digresser sur la scatologie pour un détour par le bar.
Malgré un nom de scène très alléchant, nous n'aurons malheureusement pas pu assister à la prestation du dénommé Ventre de Biche, trop occupés que nous étions à nous remettre de la performance éprouvante de Costes et Fantazio. Des effluves indochinisantes (si si, c'est un mot) nous parvinrent de loin, ainsi que les cris d'un public visiblement acquis à sa cause.
Après une pause méritée, nous attendons avec impatience l'entrée de VvvV, soit le Mage (aka Fléau) et son acolyte Bardou Jacquet pour un set synthétique et dansant en diable. Se tenant derrière leurs quelques synthés, les deux types nous assène une sorte de new wave aux beats carrés, le set est parfait pour cette heure tardive, les couches synthétiques se mêlent aux arpegiateurs pour un concert parfaitement maîtrisée, malgré une pénurie de bières évidentes, pour eux comme pour nous. Pas tout à fait analogique, un mac pose les base de chaque morceau, on sent les deux bordelais contents d'être là derrière leurs claviers et le retour du public est équivoque. On se désolera quelques minutes du petit malin au premier rang qui ruinera un peu le rappel du duo en lançant les boucles depuis le Mac de Bardou, placé bien trop près du public. Le temps passe décidément trop vite à la Ferme, la nuit est déjà bien avancée, il est temps d'aller dormir car comme le dit la célèbre contrepèterie belge, demain il fera chaud et beau.
Parfait 17/20 | par X_Wazoo |
Live-Report coécrit par Lok & Wazoo
Photo de Joey Molinaro par Wazoo
Photo de Joey Molinaro par Wazoo
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