La Ferme Electrique

TOURNAN-EN-BRIE [Ferme Du Plateau] - samedi 04 juillet 2015

La Ferme Electrique
Samedi

À la recherche d'un peu d'ombre, et étant bien conscient que c'est pas dans le champ fraîchement tondu qui fait office de camping qu'on allait la trouver, on décide de visiter Tournan, tout au moins de se trouver un coin ombragé. Au bout de quelques minutes, nous sommes attirés presque malgré nous par un curieux groupe qui erre devant une terrasse, enchaînant les airs hillbilly et country, un drapeau américain flottant au dessus de la contrebasse (4 juillet oblige). Le groupe se scinde, se mélange, alternant solo de violon vite rejoint par une joueuse de banjo, reprend du Johnny Cash pour le plaisir des badauds ayant enfin trouvé un peu d'ombre. Le groupe jouera une bonne partie de l'après midi, ce n'est d'ailleurs que plus tard, en taillant le bout de gras avec l'ami de la joueuse de banjo rencontré fortuitement lors de notre retour à la Ferme, qu'on saura qu'il s'agit du même groupe (John Matthews & The Old Time Gang), et non de plusieurs formations.

Après avoir déposé quelques denrées de première nécessité au camping, on entend au loin (pas si loin que ça en fait) les premières notes de Sofia Bolt. Ce jeune groupe presque entièrement féminin se fend avec conviction d'un rock 90's hyper bien foutu, plus qu'un groupe référencé elles assument un genre qu'elles n'ont assurément pas connu vu leur jeune âge, mais franchement, quand c'est aussi bien fait que ça, surtout en ayant la pression d'ouvrir la seconde journée, on ne peut qu'espérer les revoir très vite tant les titres de leur nouvel Ep Strange Reactions sont enthousiasmants, aussi bien sur scène que sur disque.

Après la toute relative fraîcheur de la grange, revoilà l'étouffante étable pour les italiens de Fumo Nero, affublés de masques animaliers qu'ils ôteront dès les premiers morceaux vu la chaleur ambiante. Lui penché devant son synthé, elle frappant une guitare posée telle une maîtresse SM, ils envoient leur synth-pop mâtinée d'italo-disco devant un public conquis, instaurant quelques bribes de dialogue en italien pendant que se calent les rythmiques synthétiques entre chaque titre. Belle découverte.

Le prochain nom, Pascal de Mon Cul nous l'a évoqué brièvement : Barberos : on savait déjà que ça ne serait pas banal. Et comme des cons, on croyait qu'on avait chaud. Nous tous, entassés dans la grange de la Ferme, on se disait qu'on suait à grosses gouttes sous nos t-shirts serpillères et nos sandales éponges. En voyant débarquer le trio, on a compris qu'on avait somme toute qu'une très vague idée de la notion de chaleur. À l'arrière-plan, dans la pénombre, portant un étrange costume et ce qui ressemblait à s'y méprendre à un masque d'escrime : un homme (?) se penche sur son synthé. Au premier-plan, juste devant nos yeux hagards, deux spermatozoïdes se font face et jouent de la batterie. Ouais, ces deux mecs dans leur combinaison intégrale blanche, deux trous pour les yeux, rien pour la bouche, nous aurons fait relativiser notre condition. Le set était une espèce de coup de poing math-électro, les batteurs jouant en miroir (déformant : tantôt leurs parties collent l'une à l'autre, tantôt elles divergent), le tout est puissamment hypnotique, fascinant au delà même de leur mise en scène. Et le sperme de glapir dans le micro, et son pote de surenchérir. On a pas trop compris ce qui nous arrivait, mais à en juger par notre sourire c'est à croire qu'on a joui du même orgasme que celui qui a secrété ces trois zozos...

Après la claque prise devant Barberos, on prend une pause bien méritée en ratant Pierre & Bastien, histoire de se rafraîchir avant d'attaquer le gros de la soirée. Patrick Blain et ses comparses vont bientôt monter sur scène, trente cinq ans après leur premier album. Charles de Goal, en live, c'est un peu un rêve éveillé pour tout fan de new wave & de post punk qui se respecte. Ils devaient être présent l'an dernier, mais ils durent annuler le show à cause du décès de leur batteur originel, JP Brouant. Les voilà frais comme jamais, pour le plaisir des vieux punks et des autres, enchaînant les tubes (le fameux " Exposition " qu'on retrouve sur la chouette compile De Jeunes Gens Mödernes, le célèbre " Kling Klang ", l'ambiance est électrique, nos pré retraités de la new wave s'éclatent, le fils de AE (l'homme derrière le synthé et le séquenceur) vient même prêter main forte le temps de quelques titres, avec son look gothique qui jure avec celui plus conventionnel des autres, mais qu'importe, le public sort ravi et trempé de ce retour en arrière.

Sans prendre le temps de comprendre quoi que ce soit, on plonge dans la fournaise de l'étable pour continuer ce voyage punk dans le passé avec Taulard, set qui pour le coup ressemble vraiment à un concert punk. Les 4 membres éructent sur scène, le bassiste fait des merveilles avec ses 4 cordes et les titres s'enchaînent, les tubes même devrais je plutôt dire. On gueule les paroles avec eux, la communauté de fans sue mais s'en fout comme disait Mr Manatane, elle vit le moment, essayant tant bien que mal de ne pas se prendre un bon vieux coup de semelle derrière la nuque avec les nombreux slams qui ponctuent les titres phares des Abords du Lycée. Epuisant, vivifiant, assurément l'un des concerts de la journée.

L'autre tête d'affiche, après Chassol hier, se pointe : Peter Kernel. On est déjà légion devant les grilles rien que pendant leur balance. Quelques inconscients crient même leur tubes à tue-tête... visiblement Aris et Barbara sont en terrain conquis avant même de jouer quoi que ce soit. Mais ça ne les empêchera pas de faire tout leur possible, transpirer autant que nous pour tenter férocement de nous fidéliser. La grange de la Ferme étant " coupée en deux " au niveau de la scène par un épais poteaux, le couple était visuellement éloigné l'un de l'autre ; à gauche Barbara qui séduit en caressant sa basse, Aris à droite qui piaille dans les aigus en agitant sa guitare. Les deux semblent incanter leurs refrains chacun dans leur micro, à coup de " Faya ya ya ya ya yayaya ", de " High Fever High Fever High Fever ", " I need to slow doooown ", etc. Et surtout... surtout, cette incroyable version de " You're Flawless ", déjà intense sur leur petit dernier Thrill Addict, qui prend des proportions dantesques tandis qu'ils font durer la chose sur dix minutes, facile. On soulignera les habituelles blagounettes, le bash bon enfant de leur batteur mexicain (dont on se demande s'il a bien un visage derrière sa masse de cheveux noirs). Après cela, et l'ovation bien méritée qui découlera d'un " High Fever " final propre à nous flanquer par terre, les deux trublions s'en vont tout sourire déguster les bières qui leur tendaient les bras depuis plus d'une heure.

Les punks synthétique de Liège prennent d'assaut à leur tour l'étouffante étable, pour sans doute ce qui restera le concert le plus violent du weekend. Réduit à deux membres, Le Prince Harry n'en est pas moins efficace. Avec facilité et à grand renforts de boite à rythme saturées les titres du premier album & du nouvel Ep (Split avec Duchess Says) se suivent sans se ressembler . Alternant synthé & riffs de guitares, nos deux punks réduisent le public en une espèce de flaque vacillante, " Sueur Sueur " haranguait Taulard quelques heures avant, on ne peut être plus proche de la vérité.

On avait ri à la seule lecture de son patronyme, sur la setlist du festival. Mother Fakir ? La bonne blague ! Sauf qu'en se pointant dans la grange, après avoir raté Steeple Remove (alors même que ce qui nous parvenait semblait de très bonne qualité, mais bon fallait bien se remettre après Le Prince Harry), et en voyant le mec préparer son set, on a bien vite perdu notre air goguenard pour prendre celui du personnage de cartoon qui déglutit bruyamment avec force aller-retours de sa pomme d'adam. Dans son apparence déjà, monsieur Fakir impressionne : costard noir à chemise rouge intense, impeccable, visage fermé, aux joues trouées, coupe de cheveux de savant-fou. Et cet attirail qui l'accompagne, une dizaine, quinzaine je ne sais plus, de pédales en tout genre, des fils et des câbles qui passent partout, des outils divers, un synthé forcément... On est accueilli par un drone agité, inquiétant, on comprend bien vite que la façon de procéder de monsieur Mother sera d'alimenter ce fond sonore par divers enregistrements concoctés live. Et ses enregistrement, il les obtiendra en faisant... euh " chanter sa peau " (d'après une interview du bonhomme, comprendre plutôt " s'auto-mutiler savamment "). C'est un festival de terreur et de glapissement – dans le public, Mother Fakir demeurant imperturbable au long des sévices qu'il s'inflige – que n'aurait pas renié un Cronenberg : gros clou enfoncé de 10cm dans la narine, bouche cousue avec micro à l'intérieur, joue cousue, crochet dans la gorge avec chaîne métallique pour faire coulisser ancre de bateau et en enregistrer le cliquètement, j'en passe, jusqu'au final de la broche métallique passée au travers de sa bouche, par les trous qu'on avait repéré dans chacune de ses joues. On vous encourage à aller consulter les photos de notre page Facebook pour un compte-rendu plus... imagé. En tout cas, alors que le bonhomme nous salue sobrement, le visage couvert de sang, on ressort hagards, sans trop savoir pourquoi on est resté jusqu'au bout, en se disant qu'il fallait bien reconnaître qu'il s'agissait en somme d'une sacrée performance visuelle doublée d'une recherche sonore inédite.

C'est presque inconscient qu'on se dirige vers le dernier concert du festival, The Telescopes. Plus grand monde à cette heure ci devant la grande scène de la grange, nos chevelus arrivent, et déclenchent ce drone psychédélique qui va nous enivrer, les yeux mi-clos, à subir ces strates de riffs qui se mélangent doucement dans nos tympans, on aperçoit un écran projetant un film donc je ne pourrais pas vous dire grand chose, les rares fois où mes yeux s'entrouvraient étaient pour recueillir quelques gorgées de bière fraîche offertes par mon voisin prévenant (d'ailleurs si tu me lis, merci barbu!) ils sortent de scène après quelques minutes, quelques heures, j'ai un peu perdu la notion du temps, et reviennent forcément quelques minutes plus tard. Stephen Lawrie n'arrivant à sortir quelque son de son micro quitte la scène en le jetant de façon rageuse, les derniers musiciens quittent la scène un par un, bouclant un riff, frappant une cymbale... On rouvre les yeux, sans plus trop savoir où on est, et se dirige tant bien que mal vers la sortie, en se promettant de revenir l'année prochaine !


Parfait   17/20
par X_Lok


  Live-Report coécrit par Wazoo & Lok.

Photo de Taulard par Lok


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