Logh
Paris [La Flèche D'Or] - lundi 07 mai 2007 |
Rendez-vous branché des jeunes parisiens, la Flèche d'Or est le lieu pour venir découvrir des groupes souvent inconnus et parfois carrément expérimentaux, assis sur un canapé, sous les guirlandes qui occupent la toiture de cette ancienne gare, transformé pour l'occasion en bar musical cossu, à siroter une mini-bière, hors de prix.
Bien caché parmi une affiche éclectique, figurait le groupe Logh, venu là pour présenter son nouvel album au cours d'un showcase bien court et très fugace, comme si partager une soirée renforçait encore plus leur timidité naturelle.
Mais sur scène, plus de timidité qui tienne, ils s'approprient l'espace et la drapent d'une sensibilité et d'une douceur sans équivalent.
Pas ou peu de mouvement, Karl Arvidson s'occupant à distiller des ambiances feutrées sur son clavier, et Mathias Oldèn, assis derrière un autre clavier, ne prenant même pas la peine de se lever pour jouer de la basse, se contentant de la caler sur ses genoux. Le concert fut plongé bien vite dans une atmosphère sourde, tranquille et intimiste, ce qui pouvait sembler paradoxal vu le lieu et le parasitage qui règne dans la salle, parmi les aller-venus de papillons entre le bar, les banquettes ou le patio, tout ce monde qui s'agite devant le groupe, alors que celui-ci s'enferme dans un témoignage poignant d'intériorisation et de sensibilité dévoilée à demi-mot.
Logh a transformé ses chansons en pures sucreries suaves et discrètes, presque calfeutrées, faisant tomber la fièvre mais hypnotisant rapidement. Dès lors la communion devenait d'autant plus intense et fusionnelle, que l'accès au groupe était difficile, les chansons réclamant peu de ressorts dynamiques, et un tempo tranquille, voire triste. Mais cette mélancolie était d'autant magnifiée que les Suédois s'employaient à minimiser au plus leur expression corporelle, se contentant de faire surgir au-delà d'eux toute l'authenticité de leur discours. Cet effort de se placer sur le devant d'une scène avec une honnêteté honorable, qui équivaut à une mise à nue, renvoie à vouloir s'ériger en contrefort d'un monde qui lui, bouge sans cesse, sans prendre la peine de s'arrêter et de réfléchir sur lui-même, occultant au passage, bon nombre d'émotions qui sont oublié en chemin, mais que Logh, lui, ramasse et collectionne.
On est dès lors gagné, pour peu qu'on désire faire le premier pas, par une tristesse ambiante, une sorte de douce mélancolie rêvasseuse, qui flâne et prend le temps d'étirer ses propos, sans en faire trop ("Saturday Nightmare" et son piano angélique), sans vouloir imposer quoi que ce soit, sans vouloir convaincre, mais juste proposer ("Death To My Hometown", quasi-tragique, malgré le recours minimal à une guitare sèche). D'ailleurs, Marco Hilden, qui ne sentait pas l'humeur du soir, peu propice à s'engager dans un déballage prolixe, préféra regarder le groupe de loin, ce qui se traduisit par des chansons jouées sans batteur. L'absence de rythme de caisse renforça cette impression que le groupe préféra baisser les tendances tempétueuses habituelles, pour un confort qui permettait de faire tomber les murs, et de mettre en lumière la profonde tristesse qui imprègne les morceaux, ou plutôt l'identité du groupe.
La grandiloquence, si elle existe, se veut toujours timide, le spleen lacrymal se veut toujours simple, mais quoi qu'il arrive, le groupe touche toujours au plus juste, et se révèle un crève-cœur attachant et plaisant, car la douleur peut parfois être douce. Les accords de guitares sont plus adoucis, car joués sur des guitares sèches, traitées avec caresses, et suppléés par des orgues ou des claviers, voire des chœurs discrets, réussissant à alléger les morceaux et leur donner une grâce légère. La pureté adoptée permet de faire ressortir la candeur et la simplicité du groupe à sa plus juste valeur, comme sur le divin "Weather Insland". Cette façon de rester statique pour mieux projeter en avant les émotions des morceaux est symbolisée au mieux par l'attitude de Mattias Friberg, limitant ses mouvements, mais le regard dévié sur le côté, dans le vague, voire même implorant des fois, traduisant à quel point il est habité par les morceaux qu'il joue, à quel point il peut se laisser envahir par son propre spleen. C'est à se demander s'il ne va pas être sur le point de craquer, d'exploser, de fondre en larme. Mais tout du long, on reste sur la corde raide. Mettant de côté pour l'instant le temps des jeans troués, des contorsions dans tous les sens, des guitares électriques frappées, Logh parie sur une mise en scène plus poignante, plus tragique, mais en aucun cas grandiloquente, bien au contraire.
Revisités, les titres des anciens albums collent à merveille à cette ambiance désirée de sonner intimiste et déprimant: "Bones Of Generation", habituellement oscillant entre délire brutal et magnificence lyrique, se mue en déchirante ballade à la guitare sèche, version qu'on retrouve sur le EP The Contractor And The Assasin, jouée à deux à l'heure, permettant à la voix chevrotante de Mattias Friberg de faire valoir toute sa splendeur et sa fragilité, s'évanouissant presque dans un souffle.
Ralentie, prenant le temps de s'immiscer dans les esprits, toute l'élégance du groupe bourgeonne et éclot comme une fleur, comme sur "The Bastard Have Landed", sans doute une de leurs plus belles chansons, déchirante, sommet de désespoir poignant, dont les mélodies serrent le cœur et obligent à prendre une longue respiration, sous peine de s'évanouir sous le flot des émotions ressenties et du bonheur partagé à communier ainsi avec la sensibilité du groupe.
Proche, authentique, la formation suédoise, débarrassée de tout ce qui peut creuser un fossé avec le public, se livre, et attend sans retour, qu'on accepte d'y regarder de plus près, et de partager avec eux ce modeste moment de grâce égarée parmi un monde qui bouge et file à bon train. L'ambiance grave qu'imprimaient les chansons ralenties et plus acoustiques devenait à force de plus en plus discordante avec l'atmosphère qui régnait au sein de la Flèche d'Or, peu attentive dès qu'on dépassait les premiers rangs, sages et captivés, et vite très peu concerné dès qu'on flânait vers l'arrière du bar. Le monde discute, le monde s'occupe de ses affaires, dans un accès de superficialité maladive, tandis que tout près, sans que la majorité des gens ne se rendent compte, là, sur scène, à deux pas d'eux, Logh résumait l'ensemble des absurdités humaines et les sublimait en vérité authentique et sincère. Leur passage éclair n'aura que eu peu de portée, mais au moins a-t-elle eu le mérite, pour ceux qui sont tombés sous le charme, de transmettre une foule d'émotions dont la sincérité n'a que peu d'équivalent actuellement.
Le passage planant, rêveur, sur "In Cold Blood", sommet de mélancolie contemplative, composé exclusivement de petites notes glissantes comme du sable, lâchées au compte-goutte par Jens Hellgren, qui passa presque toute sa soirée, assis sur une malle, mais cela, il en a l'habitude, réussit à provoquer de telles émotions, qu'on croirait être à proximité de la beauté pure, parce que c'est celle que l'on a toujours désirée, parce que c'est aussi la notre et parce que la beauté ne se ressent que lorsqu'on se laisse aller et qu'on accepte cette part de vertige, entre l'espoir et la déception. "In Cold Blood", version acoustique, garde tout son charme, et communique toujours aussi bien sa magie.
Une magie honnête et suave, facette du groupe mise en avant ce soir, pour laisser aux gens le souvenir impérissable d'une tristesse élégiaque comme rare il en existe, partagé à la sauvette, entre deux groupes, dans une salle où la consommation et le zapping peuvent vite envahir les choses, mais d'autant plus intense et unique, qu'elle était livrée comme un secret.
Bien caché parmi une affiche éclectique, figurait le groupe Logh, venu là pour présenter son nouvel album au cours d'un showcase bien court et très fugace, comme si partager une soirée renforçait encore plus leur timidité naturelle.
Mais sur scène, plus de timidité qui tienne, ils s'approprient l'espace et la drapent d'une sensibilité et d'une douceur sans équivalent.
Pas ou peu de mouvement, Karl Arvidson s'occupant à distiller des ambiances feutrées sur son clavier, et Mathias Oldèn, assis derrière un autre clavier, ne prenant même pas la peine de se lever pour jouer de la basse, se contentant de la caler sur ses genoux. Le concert fut plongé bien vite dans une atmosphère sourde, tranquille et intimiste, ce qui pouvait sembler paradoxal vu le lieu et le parasitage qui règne dans la salle, parmi les aller-venus de papillons entre le bar, les banquettes ou le patio, tout ce monde qui s'agite devant le groupe, alors que celui-ci s'enferme dans un témoignage poignant d'intériorisation et de sensibilité dévoilée à demi-mot.
Logh a transformé ses chansons en pures sucreries suaves et discrètes, presque calfeutrées, faisant tomber la fièvre mais hypnotisant rapidement. Dès lors la communion devenait d'autant plus intense et fusionnelle, que l'accès au groupe était difficile, les chansons réclamant peu de ressorts dynamiques, et un tempo tranquille, voire triste. Mais cette mélancolie était d'autant magnifiée que les Suédois s'employaient à minimiser au plus leur expression corporelle, se contentant de faire surgir au-delà d'eux toute l'authenticité de leur discours. Cet effort de se placer sur le devant d'une scène avec une honnêteté honorable, qui équivaut à une mise à nue, renvoie à vouloir s'ériger en contrefort d'un monde qui lui, bouge sans cesse, sans prendre la peine de s'arrêter et de réfléchir sur lui-même, occultant au passage, bon nombre d'émotions qui sont oublié en chemin, mais que Logh, lui, ramasse et collectionne.
On est dès lors gagné, pour peu qu'on désire faire le premier pas, par une tristesse ambiante, une sorte de douce mélancolie rêvasseuse, qui flâne et prend le temps d'étirer ses propos, sans en faire trop ("Saturday Nightmare" et son piano angélique), sans vouloir imposer quoi que ce soit, sans vouloir convaincre, mais juste proposer ("Death To My Hometown", quasi-tragique, malgré le recours minimal à une guitare sèche). D'ailleurs, Marco Hilden, qui ne sentait pas l'humeur du soir, peu propice à s'engager dans un déballage prolixe, préféra regarder le groupe de loin, ce qui se traduisit par des chansons jouées sans batteur. L'absence de rythme de caisse renforça cette impression que le groupe préféra baisser les tendances tempétueuses habituelles, pour un confort qui permettait de faire tomber les murs, et de mettre en lumière la profonde tristesse qui imprègne les morceaux, ou plutôt l'identité du groupe.
La grandiloquence, si elle existe, se veut toujours timide, le spleen lacrymal se veut toujours simple, mais quoi qu'il arrive, le groupe touche toujours au plus juste, et se révèle un crève-cœur attachant et plaisant, car la douleur peut parfois être douce. Les accords de guitares sont plus adoucis, car joués sur des guitares sèches, traitées avec caresses, et suppléés par des orgues ou des claviers, voire des chœurs discrets, réussissant à alléger les morceaux et leur donner une grâce légère. La pureté adoptée permet de faire ressortir la candeur et la simplicité du groupe à sa plus juste valeur, comme sur le divin "Weather Insland". Cette façon de rester statique pour mieux projeter en avant les émotions des morceaux est symbolisée au mieux par l'attitude de Mattias Friberg, limitant ses mouvements, mais le regard dévié sur le côté, dans le vague, voire même implorant des fois, traduisant à quel point il est habité par les morceaux qu'il joue, à quel point il peut se laisser envahir par son propre spleen. C'est à se demander s'il ne va pas être sur le point de craquer, d'exploser, de fondre en larme. Mais tout du long, on reste sur la corde raide. Mettant de côté pour l'instant le temps des jeans troués, des contorsions dans tous les sens, des guitares électriques frappées, Logh parie sur une mise en scène plus poignante, plus tragique, mais en aucun cas grandiloquente, bien au contraire.
Revisités, les titres des anciens albums collent à merveille à cette ambiance désirée de sonner intimiste et déprimant: "Bones Of Generation", habituellement oscillant entre délire brutal et magnificence lyrique, se mue en déchirante ballade à la guitare sèche, version qu'on retrouve sur le EP The Contractor And The Assasin, jouée à deux à l'heure, permettant à la voix chevrotante de Mattias Friberg de faire valoir toute sa splendeur et sa fragilité, s'évanouissant presque dans un souffle.
Ralentie, prenant le temps de s'immiscer dans les esprits, toute l'élégance du groupe bourgeonne et éclot comme une fleur, comme sur "The Bastard Have Landed", sans doute une de leurs plus belles chansons, déchirante, sommet de désespoir poignant, dont les mélodies serrent le cœur et obligent à prendre une longue respiration, sous peine de s'évanouir sous le flot des émotions ressenties et du bonheur partagé à communier ainsi avec la sensibilité du groupe.
Proche, authentique, la formation suédoise, débarrassée de tout ce qui peut creuser un fossé avec le public, se livre, et attend sans retour, qu'on accepte d'y regarder de plus près, et de partager avec eux ce modeste moment de grâce égarée parmi un monde qui bouge et file à bon train. L'ambiance grave qu'imprimaient les chansons ralenties et plus acoustiques devenait à force de plus en plus discordante avec l'atmosphère qui régnait au sein de la Flèche d'Or, peu attentive dès qu'on dépassait les premiers rangs, sages et captivés, et vite très peu concerné dès qu'on flânait vers l'arrière du bar. Le monde discute, le monde s'occupe de ses affaires, dans un accès de superficialité maladive, tandis que tout près, sans que la majorité des gens ne se rendent compte, là, sur scène, à deux pas d'eux, Logh résumait l'ensemble des absurdités humaines et les sublimait en vérité authentique et sincère. Leur passage éclair n'aura que eu peu de portée, mais au moins a-t-elle eu le mérite, pour ceux qui sont tombés sous le charme, de transmettre une foule d'émotions dont la sincérité n'a que peu d'équivalent actuellement.
Le passage planant, rêveur, sur "In Cold Blood", sommet de mélancolie contemplative, composé exclusivement de petites notes glissantes comme du sable, lâchées au compte-goutte par Jens Hellgren, qui passa presque toute sa soirée, assis sur une malle, mais cela, il en a l'habitude, réussit à provoquer de telles émotions, qu'on croirait être à proximité de la beauté pure, parce que c'est celle que l'on a toujours désirée, parce que c'est aussi la notre et parce que la beauté ne se ressent que lorsqu'on se laisse aller et qu'on accepte cette part de vertige, entre l'espoir et la déception. "In Cold Blood", version acoustique, garde tout son charme, et communique toujours aussi bien sa magie.
Une magie honnête et suave, facette du groupe mise en avant ce soir, pour laisser aux gens le souvenir impérissable d'une tristesse élégiaque comme rare il en existe, partagé à la sauvette, entre deux groupes, dans une salle où la consommation et le zapping peuvent vite envahir les choses, mais d'autant plus intense et unique, qu'elle était livrée comme un secret.
Intemporel ! ! ! 20/20 | par Vic |
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