Logh
Paris [La Guinguette Pirate] - mardi 18 novembre 2003 |
On était à peine vingt-cinq.
A l'intérieur de ce jonque acosté sur la berge de la Seine, pourtant peu spacieux, on se regardait ébahi, en se demandant si un concert aurait bien lieu ce soir-là. Des lampions diffusait une lumière tamisée, visant à créer une atmosphère intimiste et conviviale. Certains se sont assis sur les tonneaux mis à leur disposition, regardant d'un oeil curieux les quelques bafles installées sur le gaillard d'avant. Quelques perdus prenaient une bière au comptoir, étonnés de se rendre compte que la Guinguette Pirate faisait aussi office de restaurant dans une soute aménagée. D'autres enfin ne savaient même pas qu'un concert était donné le soir même, habituels poivrots venus s'épancher le gosier d'une bonne mousse. Parmis les fans de musiques, la plupart venait assister à la performance de la chanteuse Nina Nastasia et s'interrogeaient quant au nom étrange qui figurait sur le billet en première partie. Les gens parlaient presque en murmurant, tant la promisquité amplifiait le moindre éternuement.
Car Logh présente la particularité d'être un des groupes les plus inventifs, intègres et talentueux de ces dernières années, d'avoir écrit de purs joyaux (Every Time a Bell Rings an Angel Gets His Wings et The Raging Sun) et d'être quasiment inconnu au delà de leur Suède natale. Ceux qui étaient venus exprès comprenaient surtout des étudiants suedois, amis du groupe. Les vrais fans quant à eux se comptaient sur les doigts de la main. Rien de tel donc comme ambiance pour mettre en place un joli préambule à une soirée priviligiée et intimiste.
Au bout d'un moment la lumière s'est éteinte et les membres du groupe se sont installés tranquillement sous les spots timides, montés de manière presque amateur. Quelle surprise que de s'apercevoir qu'il s'agissait ni plus ni moins des quatres gars qui prenaient une bière au bar à l'instant et avec qui on venait d'échanger deux mots ! C'est peut-être ce qui a rendu ce concert magique: cette proximité, cette abscence de distance, de barrières. On s'était tous assis en tailleur, de manière presque religieuse, faute de scène sur-élevée, le groupe jouant comme si c'était improvisé. On était séparé de quelques centimètres, jamais une fusion entre public et musiciens ne fut aussi intense. Beaucoup étaient intrigués à l'idée de ce que ça pouvait donner; ceux qui savaient retenaient leur souffle.
Dès les premières notes, le ton était donné: lors d'une occasion comme il en arrive si rarement dans une vie, on allait vivre un contact avec le celeste. Immédiatement, sans détours et sans prévention. Un choc qui nous transit. "In Cold Blood" (qui ouvre aussi le sompteux, l'indépassable et parfait premier album du groupe), commencé a cappela de manière tendue, fut un coup de fouet qui nous laissa tous pantois. Jamais on avait entendu une voix nous toucher aussi profondément en si peu de temps. Ensuite, par dessus la batterie calme et posée, une guitare délicate venait lancer la rêverie dans la stratosphère.
Logh sait marier à merveille la finesse et la rudesse, une sorte d'alliance entre le blanc et le noir. Mattias Friberg, vétu d'un jeans en sale état et troué, apparaissait comme un angelot sorti d'un rixe nocturne, jouant et chantant de manière totalement inspiré, noyé dans ses névroses aussi bien que dans sa bière aromatisée à la Téquila. Le bassiste, Mathias Olden, à l'élégance soignée, se contentait de faire vivre les compositions et de contenir la furie qui se cachait derrière ses titres maniérés et voluptueux. Les deux autres musiciens, complètement shootés, imposaient un rythme implacable et communiquaient un magnétisme extraordinaire. Le groupe oscillait dangeureusement mais avec une maîtrise incroyable entre passage doux et lumineux et éclairs énergiques et brutales. Les instruments étaient aussi bien caressés que maltraités, à coup de jeu furieux en contorsion et jeu de scène impressionnant vu l'exigüité de la salle.
L'atmosphère dégagée était tout bonnement décoiffante et prenait au tripes. Des coulées d'adrenalines parcouraient les corps.
Au cours du concert, tout repère était éffacé. On était ailleurs, hypnotisé, dans les nuages. Sur des titres comme "Ghost" ou "The Contractor And The Assasin", l'ambiance flirtait entre douceur mélancolique et mélodie enchanteresse. On était fasciné, littéralement subjugué. Tout semblait si beau, si parfait, si langoureux, si sensuel. La petitesse de la salle contribuait à transformer l'échange entre le public et le groupe en une véritable alchimie inexplicable et sublime.
L'énergie qui se dégageait lors d'explosions soniques au cours de longs instrumentaux comme sur "Raging Sun", le violent "Bones Of Generations" ou "Note On Bathroom Mirror", avait de quoi marquer durablement les esprits. Chaque chanson, de par ses structures complexes, ses méandres imprivoisables et ses envolées traînantes, suscitait une attraction enivrante. Les douces et divines mélodies accrocheuses de "Bastards Have Landed" ou "Yellow Lights Mean Slow Down, Not Speed Up" avaient de quoi faire venir les larmes aux yeux. Cette musique semblait si pure, si cristaline, si séminale. "City, I'm Sorry", véritable tour de force de huit minutes, balançant passages rêveurs et déflagrations lourdes et majestueuses, semblait joué avec une grâce infinie et indépassable.
Logh, au cours d'une première partie, malheureusement trop courte, venait de faire la brillante démonstration de son goût prononcé pour la mélancolie et la tristesse élégiaque. Jamais des sommets de magnifisence n'avaient été atteint à l'aide de racourcis aventureux et désespérés. Chacune de leur chansons est un crève-coeur.
En repartant chez soi ou à l'hôtel, sous les lampadaires parisiens ou en métro, la tête remplie d'étoiles, on se sentait convaincu du caractère unique de la soirée vécue. Ce genre de moment merveilleux et mémorable qui marque une vie et la comble de part de rêve. Un moment qui bien après laisse encore des frissons rien que d'y penser. Quelque chose d'indépassable...
A l'intérieur de ce jonque acosté sur la berge de la Seine, pourtant peu spacieux, on se regardait ébahi, en se demandant si un concert aurait bien lieu ce soir-là. Des lampions diffusait une lumière tamisée, visant à créer une atmosphère intimiste et conviviale. Certains se sont assis sur les tonneaux mis à leur disposition, regardant d'un oeil curieux les quelques bafles installées sur le gaillard d'avant. Quelques perdus prenaient une bière au comptoir, étonnés de se rendre compte que la Guinguette Pirate faisait aussi office de restaurant dans une soute aménagée. D'autres enfin ne savaient même pas qu'un concert était donné le soir même, habituels poivrots venus s'épancher le gosier d'une bonne mousse. Parmis les fans de musiques, la plupart venait assister à la performance de la chanteuse Nina Nastasia et s'interrogeaient quant au nom étrange qui figurait sur le billet en première partie. Les gens parlaient presque en murmurant, tant la promisquité amplifiait le moindre éternuement.
Car Logh présente la particularité d'être un des groupes les plus inventifs, intègres et talentueux de ces dernières années, d'avoir écrit de purs joyaux (Every Time a Bell Rings an Angel Gets His Wings et The Raging Sun) et d'être quasiment inconnu au delà de leur Suède natale. Ceux qui étaient venus exprès comprenaient surtout des étudiants suedois, amis du groupe. Les vrais fans quant à eux se comptaient sur les doigts de la main. Rien de tel donc comme ambiance pour mettre en place un joli préambule à une soirée priviligiée et intimiste.
Au bout d'un moment la lumière s'est éteinte et les membres du groupe se sont installés tranquillement sous les spots timides, montés de manière presque amateur. Quelle surprise que de s'apercevoir qu'il s'agissait ni plus ni moins des quatres gars qui prenaient une bière au bar à l'instant et avec qui on venait d'échanger deux mots ! C'est peut-être ce qui a rendu ce concert magique: cette proximité, cette abscence de distance, de barrières. On s'était tous assis en tailleur, de manière presque religieuse, faute de scène sur-élevée, le groupe jouant comme si c'était improvisé. On était séparé de quelques centimètres, jamais une fusion entre public et musiciens ne fut aussi intense. Beaucoup étaient intrigués à l'idée de ce que ça pouvait donner; ceux qui savaient retenaient leur souffle.
Dès les premières notes, le ton était donné: lors d'une occasion comme il en arrive si rarement dans une vie, on allait vivre un contact avec le celeste. Immédiatement, sans détours et sans prévention. Un choc qui nous transit. "In Cold Blood" (qui ouvre aussi le sompteux, l'indépassable et parfait premier album du groupe), commencé a cappela de manière tendue, fut un coup de fouet qui nous laissa tous pantois. Jamais on avait entendu une voix nous toucher aussi profondément en si peu de temps. Ensuite, par dessus la batterie calme et posée, une guitare délicate venait lancer la rêverie dans la stratosphère.
Logh sait marier à merveille la finesse et la rudesse, une sorte d'alliance entre le blanc et le noir. Mattias Friberg, vétu d'un jeans en sale état et troué, apparaissait comme un angelot sorti d'un rixe nocturne, jouant et chantant de manière totalement inspiré, noyé dans ses névroses aussi bien que dans sa bière aromatisée à la Téquila. Le bassiste, Mathias Olden, à l'élégance soignée, se contentait de faire vivre les compositions et de contenir la furie qui se cachait derrière ses titres maniérés et voluptueux. Les deux autres musiciens, complètement shootés, imposaient un rythme implacable et communiquaient un magnétisme extraordinaire. Le groupe oscillait dangeureusement mais avec une maîtrise incroyable entre passage doux et lumineux et éclairs énergiques et brutales. Les instruments étaient aussi bien caressés que maltraités, à coup de jeu furieux en contorsion et jeu de scène impressionnant vu l'exigüité de la salle.
L'atmosphère dégagée était tout bonnement décoiffante et prenait au tripes. Des coulées d'adrenalines parcouraient les corps.
Au cours du concert, tout repère était éffacé. On était ailleurs, hypnotisé, dans les nuages. Sur des titres comme "Ghost" ou "The Contractor And The Assasin", l'ambiance flirtait entre douceur mélancolique et mélodie enchanteresse. On était fasciné, littéralement subjugué. Tout semblait si beau, si parfait, si langoureux, si sensuel. La petitesse de la salle contribuait à transformer l'échange entre le public et le groupe en une véritable alchimie inexplicable et sublime.
L'énergie qui se dégageait lors d'explosions soniques au cours de longs instrumentaux comme sur "Raging Sun", le violent "Bones Of Generations" ou "Note On Bathroom Mirror", avait de quoi marquer durablement les esprits. Chaque chanson, de par ses structures complexes, ses méandres imprivoisables et ses envolées traînantes, suscitait une attraction enivrante. Les douces et divines mélodies accrocheuses de "Bastards Have Landed" ou "Yellow Lights Mean Slow Down, Not Speed Up" avaient de quoi faire venir les larmes aux yeux. Cette musique semblait si pure, si cristaline, si séminale. "City, I'm Sorry", véritable tour de force de huit minutes, balançant passages rêveurs et déflagrations lourdes et majestueuses, semblait joué avec une grâce infinie et indépassable.
Logh, au cours d'une première partie, malheureusement trop courte, venait de faire la brillante démonstration de son goût prononcé pour la mélancolie et la tristesse élégiaque. Jamais des sommets de magnifisence n'avaient été atteint à l'aide de racourcis aventureux et désespérés. Chacune de leur chansons est un crève-coeur.
En repartant chez soi ou à l'hôtel, sous les lampadaires parisiens ou en métro, la tête remplie d'étoiles, on se sentait convaincu du caractère unique de la soirée vécue. Ce genre de moment merveilleux et mémorable qui marque une vie et la comble de part de rêve. Un moment qui bien après laisse encore des frissons rien que d'y penser. Quelque chose d'indépassable...
Intemporel ! ! ! 20/20 | par Vic |
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