M83

Saturdays = Youth

Saturdays = Youth

 Label :     Mute 
 Sortie :    lundi 14 avril 2008 
 Format :  Album / CD   

Et si depuis le début, tout reposait sur une série de malentendus ? Entrant dans la danse avec un disque d'electronica très germanique en 2001, le duo M83 a vraiment été révélé au grand public (surtout outre atlantique) par son deuxième opus, le superbe Dead Cities, Red Seas And Lost Ghosts, immédiatement rapproché du courant shoegaze, et en particulier de My Bloody Valentine. Mouais.
D'une part, l'évocation de Slowdive aurait été plus juste (pour le côté pop direct), d'autre part, la musique du duo antibois était alors déjà beaucoup trop personnelle pour qu'on la rapproche d'un courant précis. On aurait tout aussi bien pu évoquer un Jean-Michel Jarre bruitiste, ça nous aurait fait une belle jambe...

Bataille d'étiquettes de toute façon vaine, puisque deux ans plus tard, Anthony Gonzales, séparé en douceur de son acolyte pour divergences artistiques, (mais mon petit doigt me dit que le monsieur aime être seul aux commandes), calme tout le monde avec un disque beaucoup plus propre : Before The Dawn Heals Us, avec ses choeurs d'enfants et ses nappes de synthé baroques, affole certains fans de la première heure, qui sentent l'ombre des eighties se pointer de manière beaucoup trop ostentatoire ; cela en dépit de l'apparition d'une section rythmique organique ultra puissante... Ehhh oui, les années 80 c'est bien quand ça fait du bruit, le reste c'est de la merde en barre, c'est connu. Ainsi, le moindre "faux" pas du mauvais côté de la frontière est évidemment sans retour. Arf.

Mais Gonzales s'en fout. Si la France ne veut pas/plus de lui, il sait qu'à l'Ouest on est un petit peu moins coincé, et qu'il y a une reconnaissance déjà gigantesque, tant du point de vue critique que public.
C'est alors que survient le nouveau contre pied : le français enfonce le clou new-age, mais cette fois ci du côté planant de la Force, façon Eno et consors (si tant est qu'on puisse rapprocher l'entreprise de quelque chose). Trip intense et zen, Digital Shades Vol. 1 est une oeuvre ambitieuse et aboutie, qui ne cède à aucun compromis commercial.

D'où cette nouvelle surprise : Saturdays = Youth oublie l'aspect instrumental qui dominait jusqu'alors dans la musique d'M83, et met définitivement de côté le bruit blanc. Que reste-t-il alors ? Ben des chansons des années 80 pardi !!
Voix à la Kate Bush, synthés sucrés et guitares synthétiques sont donc au programme. Les dents peuvent grincer, les nausées remonter, mais qu'en est-il vraiment ?

Déjà Anthony Gonzales évite la vulgarité. On lui en est reconnaissant... Et s'il la touche parfois de prêt (le très limite "Kim And Jessie", qui n'est parfois pas sans rappeler le générique d'Arnold Et Willy, ou le dégoulinant "Up!", indéfendable), le français nous sort tout de même quelques morceaux de bravoure, puissants sans être pompiers ("You, Appearing" qui ouvre le disque, l'hommage fidèle et réussi aux eighties qu'est "Skin Of The Night", ou encore le grandiose et technoïde "Couleurs", ainsi que "We Own The Sky" et "Too Late", littéralement lunaires.

Pour le reste, Saturdays = Youth est somme toute assez convenu sans être mauvais. Aussi, on préférera les vagues mélancoliques d'un Digital Shades Vol. 1 aux "Highway Of Endless Dreams" et autre "Midnight Souls Still Remain" (joli mais interminable, soyons francs), ou le tranchant pop de Before The Dawn Heals Us aux un peu mous "Graveyard Girl" ou "Dark Moves Of Love".

Le grand écart entre le premier album éponyme et ce dernier LP est définitif, et on ne saurait qu'être admiratif devant le chemin parcouru en seulement quatre disques.
Mais ce Saturdays = Youth semble dangereux : car jusqu'à présent, si le français feignait de donner le bâton pour se faire battre, c'était pour mieux se rendre insaisissable. Cela avait en plus le grand mérite de réhabiliter la décennie honnie, en prouvant que son héritage pouvait en tirer le meilleur.
En s'enfonçant délibérément dans une voie plus accessible musicalement, Gonzales prend paradoxalement de grands risques ; car en réveillant parfois de vilains fantômes qui semblent coller à ses semelles comme de vieux chewing gums, sa crédibilité vacille.
Jusqu'alors invisibles, ils ne serait pas de bon ton que ces fantômes envahissants prennent plus de place. A lui de prouver désormais qu'il ne s'agit que d'une étape supplémentaire dans sa maturité artistique... Et vivement Digital Shades Vol. 2 !


Sympa   14/20
par Jekyll


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