Iliketrains
Elegies To Lessons Learnt |
Label :
Beggars Banquet |
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ILiKETRAiNS raconte des histoires fascinantes. Soignant ses ambiances crépusculaires, le groupe se complait à livrer des contes gothiques d'une morbidité étonnante, qui colle à merveille à la lenteur et la majesté de la musique de cet album.
On découvre ainsi des anecdotes sur le Grand Incendie de Londres en 1666 ("Twenty Five Sins"), le suicide de Donald Crowhurst ("The Deception"), l'assassinat du premier ministre britannique ("Spencer Perceval") ou encore le procès des sorcières de Salem ("We Go Hunting"), pas très joyeux en tout cas, et qui plongent l'auditeur dans un marasme cramponnant. On ne pourrait même pas dire qu'il s'agisse de la bande-son d'une marche funéraire : l'abattement sans nom de l'album se situerait en fait après, plus loin encore, quand tout est fini, qu'il n'y a plus rien à dire et qu'il ne reste que des cendres éparpillées ou un squelette rongé de vers, et que l'on rigole alors nerveusement en ce disant que ce monde est bien désespérant. Au travers ces histoires riches, qui revisitent le passé de l'Angleterre, le groupe expose clairement que le monde n'a jamais été qu'un ravage, un gâchis incroyable, dont est banni tout espoir, malgré des dehors factices.
Inspirée par les catastrophes et une certaine absurdité qui s'en dégage, leur musique se drape alors d'un lyrisme fait de montée en puissance, de répétition à coller des frissons, de tempo qui cogne et cogne encore. S'appropriant un cadenas post-rock (le producteur Ken Thomas est celui de Sigur Ros), on retrouve ainsi l'habituelle batterie martiale, une production de cathédrale, des déflagrations de guitares appropriées lors de crescendo sublimes, accompagnées d'un chant d'outre-tombe, de nuances mélodiques, d'à-plats subitement doux qui succèdent à des explosions qui gagnent du souffle et de la personnalité. Pendant ce temps Dave Martin hypnotise de sa voix sépulcrale, profonde et grave, souffle des mots crus et noirs, relents de meurtres, de trahison ou de vengeance. Par moment il gonfle sa poitrine et va chercher du coffre au plus profond de son poitrail de croque-mort. Sommets de mélodie blafarde mais bluffant, "Twenty Five Sins" ou bien "Remant of army", et son riff fantomatique qui revient et revient encore, glissant parfois vers le dérapage si la main fatiguée à manqué la corde, tandis qu'une voix se fait l'écho en arrière fond du débit monocorde de Dave Martin, dressent un tableau fait de touches noires qui se superposent à d'autres touches noires.
Lorsque le ton s'emballe ("We Go Hunting"), ce n'est que pour mieux retomber dans un fatalisme ensorcelant (cette basse remuante qui annonce la tempête en forme de valse mortelle). Le groupe se plaît dans le malsain et le lugubre. Il en explore tous les trésors. Il n'y a qu'à voir les titres des compositions, à faire plomber n'importe quelle ambiance : "We All Fall Down", "The Deception" ou bien "Death Is The End". Tout un programme...
Une espèce de fascination nous saisit à l'écoute de cette annonce mortuaire sur "Come Over", pourtant muée en déclaration poétique de toute beauté avec ses arrangements à la guitare sèche, violons, chœurs et cuivres maladifs. Profond, riche en moment de bravoure, d'une intensité rare, cet album plonge et plonge encore plus loin dans les tréfonds ravagés de l'âme et de ses déboires, dans un monde pourri jusqu'à la moelle et qui pourtant garde une authenticité sans pareille, presque virginale. Une beauté fragile qu'on va retrouver dans les échos brouillés de "Epiphany", intermède dark, ou bien dans le piano, les violons et les chœurs angéliques de "Death Is The End", qui ne pouvait pas mieux conclure l'album. Une note finale délicate mais aussi saisissante. Car au bout de presque une heure de musique inouï mais morne au possible, c'est l'aveu d'échec : il ne subsiste aucune, mais alors aucune, trace d'espoir.
A l'image de sa somptueuse pochette, la musique de ce groupe est noire mais sublime, élégant et légèrement angoissant. Tout nous parait d'une beauté incomparable, touchant la grâce, dès que les guitares s'entrelacent, que la voix gutturale de Dave Martin se manifeste et pénètre notre être, que le ton progresse dans une éclatante libération de toutes ces folies ténébreuses. On sent bien que tout cela est malsain (les coups de batterie écrasant de "Twenty Five Sins") mais on ne peut s'empêcher de persévérer dans une admiration sans cesse renouvelée. Les complaintes prennent le temps de s'épanouir, d'instaurer leur climat particulier, intime presque, et obscur, jusqu'à ce que l'emprise soit entière, auquel cas les apogées prennent encore plus d'ampleur. Les esprits impressionnables sont les plus à même d'être subjugués par l'univers du groupe, composé de menaces, de secrets touchant et de confidences cachées des histoires lugubres. A ce titre "We All Fall Down" se révèle admirable en tout point, sorte d'accessit à l'évasion la plus totale.
On navigue très loin sur cet album, en des eaux tortueuses certes, mais dont les méandres, proches de Styx, coulent jusqu'à des terres inconnues, fantastiques et époustouflantes. Remuante, la musique de iLiKETRAiNS sait se faire suffisamment langoureuse pour charmer, jusqu'à ce que les éclats ("The Deception", "Death Of An Idealist") entraîne l'auditeur dans une spirale hypnotique. Apologie de la mélancolie, réussissant à la justifier, l'album est un voyage dont on ne revient pas indemne.
On y croise des fantômes, des arpèges de guitares cristallines emmenés par une rythmique appuyée, qui tournent et tournicotent pour franchir à chaque spire un pallier dans le merveilleux, pour ne retenir pourtant qu'une incroyable beauté fantastique. Et cette tendance tenace à se faire sévère, fataliste jusque dans sa moelle et son sang, pour ne déverser qu'à la face du monde une noirceur implacable et d'une logique désespérante. Envoûtant et passionnant, cet album démontre toute sa vigueur et sa beauté intrinsèque à force de persuasion et de martèlement.
Il faudrait inventer un nouveau terme pour décrire la musique de iLiKETRAiNS, post-rock ne suffisant pas de toute évidence.
Lorsque la progression dans l'intensité atteint son point de non retour, comme sur "Spencer Perceval", sommet de neuf minutes, point d'orgue de l'album, les émotions sont si saisissantes qu'elles paralysent, en un syndrome de Stendhal se confondant à une peur tenace, se gorgeant et se renforçant de la puissance des guitares, de la batterie sonnante et des flots ininterrompus de puissance macabre.
Et finalement la musique de iLiKETRAiNS de se trouver plus dans le domaine associée au pré plutôt qu'au post : pré-évasion pour pré-addiction.
On découvre ainsi des anecdotes sur le Grand Incendie de Londres en 1666 ("Twenty Five Sins"), le suicide de Donald Crowhurst ("The Deception"), l'assassinat du premier ministre britannique ("Spencer Perceval") ou encore le procès des sorcières de Salem ("We Go Hunting"), pas très joyeux en tout cas, et qui plongent l'auditeur dans un marasme cramponnant. On ne pourrait même pas dire qu'il s'agisse de la bande-son d'une marche funéraire : l'abattement sans nom de l'album se situerait en fait après, plus loin encore, quand tout est fini, qu'il n'y a plus rien à dire et qu'il ne reste que des cendres éparpillées ou un squelette rongé de vers, et que l'on rigole alors nerveusement en ce disant que ce monde est bien désespérant. Au travers ces histoires riches, qui revisitent le passé de l'Angleterre, le groupe expose clairement que le monde n'a jamais été qu'un ravage, un gâchis incroyable, dont est banni tout espoir, malgré des dehors factices.
Inspirée par les catastrophes et une certaine absurdité qui s'en dégage, leur musique se drape alors d'un lyrisme fait de montée en puissance, de répétition à coller des frissons, de tempo qui cogne et cogne encore. S'appropriant un cadenas post-rock (le producteur Ken Thomas est celui de Sigur Ros), on retrouve ainsi l'habituelle batterie martiale, une production de cathédrale, des déflagrations de guitares appropriées lors de crescendo sublimes, accompagnées d'un chant d'outre-tombe, de nuances mélodiques, d'à-plats subitement doux qui succèdent à des explosions qui gagnent du souffle et de la personnalité. Pendant ce temps Dave Martin hypnotise de sa voix sépulcrale, profonde et grave, souffle des mots crus et noirs, relents de meurtres, de trahison ou de vengeance. Par moment il gonfle sa poitrine et va chercher du coffre au plus profond de son poitrail de croque-mort. Sommets de mélodie blafarde mais bluffant, "Twenty Five Sins" ou bien "Remant of army", et son riff fantomatique qui revient et revient encore, glissant parfois vers le dérapage si la main fatiguée à manqué la corde, tandis qu'une voix se fait l'écho en arrière fond du débit monocorde de Dave Martin, dressent un tableau fait de touches noires qui se superposent à d'autres touches noires.
Lorsque le ton s'emballe ("We Go Hunting"), ce n'est que pour mieux retomber dans un fatalisme ensorcelant (cette basse remuante qui annonce la tempête en forme de valse mortelle). Le groupe se plaît dans le malsain et le lugubre. Il en explore tous les trésors. Il n'y a qu'à voir les titres des compositions, à faire plomber n'importe quelle ambiance : "We All Fall Down", "The Deception" ou bien "Death Is The End". Tout un programme...
Une espèce de fascination nous saisit à l'écoute de cette annonce mortuaire sur "Come Over", pourtant muée en déclaration poétique de toute beauté avec ses arrangements à la guitare sèche, violons, chœurs et cuivres maladifs. Profond, riche en moment de bravoure, d'une intensité rare, cet album plonge et plonge encore plus loin dans les tréfonds ravagés de l'âme et de ses déboires, dans un monde pourri jusqu'à la moelle et qui pourtant garde une authenticité sans pareille, presque virginale. Une beauté fragile qu'on va retrouver dans les échos brouillés de "Epiphany", intermède dark, ou bien dans le piano, les violons et les chœurs angéliques de "Death Is The End", qui ne pouvait pas mieux conclure l'album. Une note finale délicate mais aussi saisissante. Car au bout de presque une heure de musique inouï mais morne au possible, c'est l'aveu d'échec : il ne subsiste aucune, mais alors aucune, trace d'espoir.
A l'image de sa somptueuse pochette, la musique de ce groupe est noire mais sublime, élégant et légèrement angoissant. Tout nous parait d'une beauté incomparable, touchant la grâce, dès que les guitares s'entrelacent, que la voix gutturale de Dave Martin se manifeste et pénètre notre être, que le ton progresse dans une éclatante libération de toutes ces folies ténébreuses. On sent bien que tout cela est malsain (les coups de batterie écrasant de "Twenty Five Sins") mais on ne peut s'empêcher de persévérer dans une admiration sans cesse renouvelée. Les complaintes prennent le temps de s'épanouir, d'instaurer leur climat particulier, intime presque, et obscur, jusqu'à ce que l'emprise soit entière, auquel cas les apogées prennent encore plus d'ampleur. Les esprits impressionnables sont les plus à même d'être subjugués par l'univers du groupe, composé de menaces, de secrets touchant et de confidences cachées des histoires lugubres. A ce titre "We All Fall Down" se révèle admirable en tout point, sorte d'accessit à l'évasion la plus totale.
On navigue très loin sur cet album, en des eaux tortueuses certes, mais dont les méandres, proches de Styx, coulent jusqu'à des terres inconnues, fantastiques et époustouflantes. Remuante, la musique de iLiKETRAiNS sait se faire suffisamment langoureuse pour charmer, jusqu'à ce que les éclats ("The Deception", "Death Of An Idealist") entraîne l'auditeur dans une spirale hypnotique. Apologie de la mélancolie, réussissant à la justifier, l'album est un voyage dont on ne revient pas indemne.
On y croise des fantômes, des arpèges de guitares cristallines emmenés par une rythmique appuyée, qui tournent et tournicotent pour franchir à chaque spire un pallier dans le merveilleux, pour ne retenir pourtant qu'une incroyable beauté fantastique. Et cette tendance tenace à se faire sévère, fataliste jusque dans sa moelle et son sang, pour ne déverser qu'à la face du monde une noirceur implacable et d'une logique désespérante. Envoûtant et passionnant, cet album démontre toute sa vigueur et sa beauté intrinsèque à force de persuasion et de martèlement.
Il faudrait inventer un nouveau terme pour décrire la musique de iLiKETRAiNS, post-rock ne suffisant pas de toute évidence.
Lorsque la progression dans l'intensité atteint son point de non retour, comme sur "Spencer Perceval", sommet de neuf minutes, point d'orgue de l'album, les émotions sont si saisissantes qu'elles paralysent, en un syndrome de Stendhal se confondant à une peur tenace, se gorgeant et se renforçant de la puissance des guitares, de la batterie sonnante et des flots ininterrompus de puissance macabre.
Et finalement la musique de iLiKETRAiNS de se trouver plus dans le domaine associée au pré plutôt qu'au post : pré-évasion pour pré-addiction.
Excellent ! 18/20 | par Vic |
Posté le 18 août 2008 à 05 h 06 |
Après un premier EP en 2006 (Progress Reform), Elegies To Lessons Learnt constitue le premier véritable album de iLiKETRAiNS.
A peine le disque a-t-il commencé que l'on se retrouve dans des paysages désolés, brumeux, froids et nocturnes, dont on ne partira plus : on réalise qu'on est perdu et prisonnier, l'album ne laissant aucun répit. Ces contrées inhospitalières et lunaires sont vides, mais en même temps on ressent une sorte de présence inquiétante, qui les hante plus qu'elle ne les habite.
On se rend vite compte que la mort est omniprésente dans les chansons composées par ces Anglais de Leeds, ville industrielle sinistrée du Nord, l'un des terreaux du rock gothique au début des années 80. Avec des titres comme "We All Fall Down", "Death Of An Idealist" ou "Death Is Not The End", pouvait-il en être autrement ?
On se trouve ici au croisement de deux chemins, celui de la cold-wave du début des 80's et celui du post-rock de la fin des 90's. Le groupe emprunte au premier l'art d'esthétiser les tourments de l'âme humaine, la mélancolie et la froideur, et au second les arrangements climatiques et les montées en puissance. L'album réussit à ne pas tomber dans les clichés propres à ces deux courants, et d'autre part à les marier avec harmonie. Le groupe s'est en effet trouvé une véritable identité, on ne peut les comparer à aucun autre, ni les classer dans un style bien défini.
Le chant grave, déclamatoire (mais sans excès), un peu théâtral, presque menaçant, rappelle un peu ceux de Ian Curtis ou de Nick Cave, ou, plus près de nous, celui d'Arnaud Mazurel de Jack The Ripper. Les riffs de guitare se déploient en nappes rugueuses et presque planantes en même temps. La batterie est particulièrement inventive. La basse est en retrait. Le tout est parfois réhaussé par des cordes voire des cuivres, qui ajoutent au côté grandiloquent et quelque peu halluciné des compositions. Les paroles sont belles et sombres, mais on est encore loin du génie d'un Nick Cave ou d'un Ian Curtis.
L'album est bon voire très bon, mais il y manque quelque chose qui aurait pu le conduire vers le sublime. Il s'écoute d'une traite, en un bloc glacé et monolithique. Aucun morceau ne se détache vraiment : pas de composition faible, pas non plus de pièce extraordinaire. Cependant, chaque chanson vit de sa vie propre, finit par se différencier des autres au fil des écoutes.
Elegies to Lessons Learnt pourrait constituer la bande son d'une tragédie contemporaine à la mise en scène moderne mais inspirée des grands anciens. Il est rassurant de constater que la mort a encore de beaux jours devant elle.
A peine le disque a-t-il commencé que l'on se retrouve dans des paysages désolés, brumeux, froids et nocturnes, dont on ne partira plus : on réalise qu'on est perdu et prisonnier, l'album ne laissant aucun répit. Ces contrées inhospitalières et lunaires sont vides, mais en même temps on ressent une sorte de présence inquiétante, qui les hante plus qu'elle ne les habite.
On se rend vite compte que la mort est omniprésente dans les chansons composées par ces Anglais de Leeds, ville industrielle sinistrée du Nord, l'un des terreaux du rock gothique au début des années 80. Avec des titres comme "We All Fall Down", "Death Of An Idealist" ou "Death Is Not The End", pouvait-il en être autrement ?
On se trouve ici au croisement de deux chemins, celui de la cold-wave du début des 80's et celui du post-rock de la fin des 90's. Le groupe emprunte au premier l'art d'esthétiser les tourments de l'âme humaine, la mélancolie et la froideur, et au second les arrangements climatiques et les montées en puissance. L'album réussit à ne pas tomber dans les clichés propres à ces deux courants, et d'autre part à les marier avec harmonie. Le groupe s'est en effet trouvé une véritable identité, on ne peut les comparer à aucun autre, ni les classer dans un style bien défini.
Le chant grave, déclamatoire (mais sans excès), un peu théâtral, presque menaçant, rappelle un peu ceux de Ian Curtis ou de Nick Cave, ou, plus près de nous, celui d'Arnaud Mazurel de Jack The Ripper. Les riffs de guitare se déploient en nappes rugueuses et presque planantes en même temps. La batterie est particulièrement inventive. La basse est en retrait. Le tout est parfois réhaussé par des cordes voire des cuivres, qui ajoutent au côté grandiloquent et quelque peu halluciné des compositions. Les paroles sont belles et sombres, mais on est encore loin du génie d'un Nick Cave ou d'un Ian Curtis.
L'album est bon voire très bon, mais il y manque quelque chose qui aurait pu le conduire vers le sublime. Il s'écoute d'une traite, en un bloc glacé et monolithique. Aucun morceau ne se détache vraiment : pas de composition faible, pas non plus de pièce extraordinaire. Cependant, chaque chanson vit de sa vie propre, finit par se différencier des autres au fil des écoutes.
Elegies to Lessons Learnt pourrait constituer la bande son d'une tragédie contemporaine à la mise en scène moderne mais inspirée des grands anciens. Il est rassurant de constater que la mort a encore de beaux jours devant elle.
Bon 15/20
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