Love And Rockets
Love And Rockets |
Label :
Beggars Banquet |
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Juillet 1990. Je viens d'avoir 20 ans. C'est la nuit dans la campagne drômoise. Comme tous les week-ends depuis quelques temps, je traîne avec mes deux copines punkoïdes. Ce soir, on doit se débrouiller pour rejoindre la salle des fêtes d'un bled où a lieu un obscur concert punk-rock. L'auto-stop est la seule voie, mais pour cela il faut que je dissimule dans un buisson ma carcasse masculine susceptible de nuire à l'efficacité de notre entreprise et que je laisse oeuvrer les charmes flagrants des adolescentes qui m'escortent dans ce périple, pouces déjà tendus dans la pénombre de cette route départementale pas vraiment fréquentée. Je me coiffe donc du casque de mon walkman Sony agonisant dans lequel j'insère ma k7 élimée de l'album éponyme de Love And Rockets. Dès l'intro de "**** (Jungle Law)" à la rythmique industrielle et au riff nonchalant de guitare distordue au possible, je suis ailleurs. Il y a un truc vraiment coolissime dans ces sons. Un genre de glam-rock à la T-Rex (forcément) avec une batterie martiale, indus, froide. Et une guitare purement rock 'n' roll. Le tout mid-tempo. Cool. Sexy. Tandis que "No Big Deal" pénètre mon conduit auditif, les filles me font passer un joint d'afghan et la bouteille de 1664 avec une moue qui semble exprimer 'chier ! Y a dégun qui s'arrête !'. No problemo, pas de stress, je suis en de bonnes mains avec les Love And Rockets. C'est le troisième album du groupe né suite au split de Bauhaus survenu en 1983. Après des side-projects (album solo de David J, le bassiste, Daniel Ash (guitare, voix) formant un éphémère Tones On Tail), et devant le refus d'un Peter Murphy de ressuciter Bauhaus préférant se consacrer à sa carrière de 'Bowie à la place de Bowie', Kevin Haskins, Ash et David J montent Love and Rockets en 1984. La nuit drômoise est scintillante d'étoiles estivales, en harmonie parfaite avec les planants "The Purest Blue" et "I Feel Speed". Cette soirée est magique, comme les soirées d'été lorsqu'on a 20 ans, qu'on est amoureux et que la musique est son mode de vie. 'On a motorcycle we are free' chante Ash sur le fantastique et bolanesque "Motorcycle". On sent presque le vent souffler dans la chevelure abandonnée à la tiède brise engendrée par la course éfrénée de la Harley-Davidson qu'on chevauche, le coeur rempli d'une surdose d'adrénaline. "Bound To Hell" entretient la frénésie bluesy-rock'n'roll. La voix est saturée et suave, la guitare grasse, le beat hypnotique et lourd. Chaud comme un piment mexicain croqué après une gorgée de tequilla-sel-citron. La descente sera assurée par le vaporeux "The Teardrop Collector" qui fait encore une fois penser à T-Rex période The Slider, tout comme le hit euphorisant "So Alive" renvoie au groupe de Marc Bolan (plus Electric Warrior, peut-être), sans toutefois nullement flirter avec le plagiat. A travers mon buisson, je vois des phares percer le panorama baignant dans l'obscurité, puis une 2CV s'arrêter. Les filles me font signe de rappliquer. Je me cale à l'arrière, casque de walkman toujours vissé sur les oreilles. A travers le carreau, je regarde les étoiles et la lune décroissante. Les filles sourient, je n'entends rien de leur conversation avec le chauffeur qui, lui aussi, sourit. Mais j'adopte quand même leur expression. C'est l'été, j'ai 20 ans, les filles sont belles, la musique est magique et la vie s'offre à moi.
Excellent ! 18/20 | par Fredvig |
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