Captain Beefheart

Clear Spot

Clear Spot

 Label :     Reprise 
 Sortie :    1972 
 Format :  Album / CD  Vinyle   

Clearspot n'a probablement pas été réalisé sans les meilleures intentions. Une musique variée, des mélodies plus abordables, une production propre et léchée... Tous les ingrédients ont beau avoir été soigneusement sélectionnés, il n'empêche que ce disque est en demi-teinte dans sa volonté d'être plus commercial. D'une part parce que Van Vliet ne trompe personne dans du sous-Santana ("Low Yo Yo Stuff"), de la motown impersonnelle ("Too Much Time") ou de la soul presque grossière qu'il faudrait laisser à Lionel Ritchie ("My Head..."). Des égarements à oublier...
Surtout lorsqu'on a le droit en parallèle à de grosses tueries blues-rock comme "Nowadays A Woman's Got A Hitman", "Circumstances" ou "Big Eyed Beans From Venus", qui sont d'autres part trop peu nombreuses et imparfaites pour espérer sauver la mise. Qu'elles soient racies ou succulentes, on ne retrouvera que très rarement de telles concessions dans le garde-manger du Captain et son Magic Band, pour étendard un "Her Eyes Are A Blue Million Miles" qui surprend, mais en beauté. The Spotlight Kid saura cependant aller là où ce disque n'a pas pu aller : au bout du pilon qui sert à graver nos mémoires.


Correct   12/20
par X_YoB


 Moyenne 16.00/20 

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Posté le 01 avril 2011 à 10 h 41

Enregistré en automne 1972 aux studios Amigos (L.A.), Clear Spot est une oeuvre magique et fascinante. Un mot sur les principaux musiciens du Magic Band qui entourent Don Van Vliet : Zoot Horn Rollo et Rockette Morton en prophètes illuminés de la 6 cordes et de la guitare slide, Orejon (Roy Estrada) à la basse et Ed Marimba (Art Tripp) à la batterie.

Avant de parler de la musique, il serait intéressant de revenir au titre énigmatique et à la pochette originelle conçue spécialement. A sa sortie, le vinyle noir était incrusté dans une pochette transparente ("clear plastic sleeve") laissant visible le disque tel un point, un trou noir. Le titre Clear Spot quant à lui était imprimé en relief (embossé comme on dit en imprimerie). On pourrait comparer la conception de cette jaquette à une toile du peintre russe Kasimir Malevich, créateur du suprématisme, mouvement pictural. Ses œuvres privilégient le cubisme et la monochromie (un point noir ou des formes géométriques variées sur un fond blanc). Comme Malevich, Van Vliet est un peintre et un compositeur primitifs. Sa musique comme ses peintures (autre sujet) est faite de couleurs fauves et de formes déstructurées, recomposées et Clear spot est un labyrinthe rythmique dont le Captain va explorer les méandres les plus complexes, les plus inattendus.

Ce qui fait l'originalité de cet album, c'est sa spontanéité, sa richesse (sa variété) et sa saveur. La palette musicale est sans limites : blues (country blues), folk, soul ("Too Much Time", "Crazy Little Thing"), rock, boogie ("Sun Zoom Spark"), chant crooner ("Her Eyes Are A Blue Million Miles") se mêlent en un ensemble harmonieux et cohérent. Captain Beefheart est passé maître dans cette alchimie complexe des contraires. Mais il ne faut surtout pas oublier les duettistes Zoot Horn Rollo et Rockette Morton : tous deux transcendent leurs instruments, façonnent des riffs hypnotiques, subliment leurs soli. Ils se jouent des lois de la mélodie et du rythme, accélérant ou ralentissant leurs notes. En démiurges de la rupture (en musique, cet art de la cassure s'appelle le rubato, signifiant dérobé) ils insufflent au disque une énergie, une lumière. Ils inventent leur propre langage musical "en suspension" entre la fuite (la fugue peut-être) et le vol. "Big Eyed Beans From Venus" marque l'apothéose de leur art. Ecoutez ces dernières notes sublimes et aériennes qui se volatilisent littéralement dans l'espace. Un véritable feu d'artifices, une illumination aveuglante.

Ce disque est une sorte d'épiphanie, de révélation primitive. Van Vliet vers la fin de "Golden Birdies", annonce lui-même avec un ton grave cette mutation : "I Can See Clearly Now". Le thème de la transparence irradiante vient clore l'album. Le Capt est comme sous l'emprise d'une inspiration cosmique, voire lunaire : voilà un astre dont la blancheur incandescente rappelle étrangement le titre du disque.
Lester Bangs commente avec beaucoup de lucidité et de finesse l'aura particulier du Clear Spot : "The main thing to be said about this album is that, even at its most violent, it's comfortable. Its scope becomes endless by limiting itself (how's that for rock critic bullshit?) and you can throw it on anytime. It feels good to listen to Clear Spot. And it feels good to know that Beefheart has finally become a bit less of a phantasmal, somewhat arcane father figure and come into his own as a flat-out, full-throttle rock 'n' roller." Creem, Janvier 1973.
Intemporel ! ! !   20/20







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