Virgin Prunes
If I Die, I Die |
Label :
Rough Trade |
||||
Cette musique gothique pourrait rebuter le moindre ingénu. Ce son sulfureux, ce chant psalmodiant des textes blasphématoires, ces lignes instrumentales fines et tranchantes comme des pics à glace, cette ambiance méphistophélique composée de basse appuyée et de dynamisme indomptable seraient propres à effrayer.
L'immersion dans cette ambiance obscure et malsaine dès l'intro "Ulakanakulot", où une guitare folle vient lancer une mélodie contrebalancée par une basse, très très basse, fait absolument frémir.
Cette atmosphère maléfique et angoissante s'intensifie, sans pour autant que le ton monte, sur "Decline And Fall", lent, traînant, appuyé métronomiquement par un coup de basse qui fait sonar, tandis qu'une flûte fantôme manifeste sa présence et que le chant se fait soudain carrément habité et sentencieux. Les textes de "Sweethome Under White Clouds" sont carrément scandés de manière complètement folle, comme si un dératé venu de l'outre-tombe déclamait l'apocalypse, soutenu par des guitares aiguisés et un saxo perdu.
Les rythmiques sont souvent complexes, plutôt lourdes et inflexibles, parfois composées de percussions étranges. La basse joue ici un rôle primordial puisque sa sonorité découpée plombe souvent la texture. La musique de Virgin Prunes, particulière, se distingue par un caractère vicieux, oppressant et inquiétant : le groupe ne lésine pas sur les effets d'ambiances, fond sonore angoissant, bidouillages fantomatiques, qui aide à insinuer des relents de messe noire. "Pagan Lovesong" et sa dynamique robotique, dérapant parfois vers le burlesque, devient particulièrement dérangeant lorsqu'on écoute cette voix déjantée, qui tantôt psalmodie, tantôt éructe comme un zombie.
Le découpage, les coups de batterie machinaux, le goût pour l'austérité expérimentale, compliquent les chansons ("Dave-Id Is Dead", "Bau-Dachöng"), aboutissant à des sonorités synthétiques, païennes et spécialement lugubres. Sur "Baby Turns Blue" ou "Walls Of Jericho", le ton s'emballe pour des fulgurances acides, littéralement emballantes.
Il faut de très nombreuses écoutes pour apprécier tout le génie de cet album. Les premières fois on est vite effaré devant tant de bassesse et de tendance compulsive à tourner autour du malsain. Tout bonnement traumatisant. Mais il faut se rendre à l'évidence : Virgin Prunes est un groupe phénoménal qui aura marqué son époque. Certes, ils resteront toujours à part, manifestation énigmatique, vivant dans l'ombre, mais leur talent et leur goût esthétique indéniable en feront une référence pour tout ce qui concerne le rock gothique.
Arborant des tenues extravagantes, habillage sado-maso ou androgyne, chemises noires en flanelle ou déchirées, maquillés à outrance, coiffés façon punk, les mauvais coucheurs de Virgin Prunes se radicalisent à l'extrême pour mieux véhiculer la véhémence de leur message. Du visuel graphique, aux prestations scéniques (flirtant avec le feux), rien ne sera laissé au hasard par un groupe conscient de la portée du superficiel chez les gens. Cherchant volontairement la provocation, ils auront réussi à trouver dans la pudibonderie ambiante un terrain favorable à leur carnage. Atteintes aux bonnes mœurs, fascination pour les tabous, retour à la primitivité (à l'intérieur de la pochette on peut voir le groupe en tenue de cro-magnon), tout est là pour pointer du doigt les faiblesses du système de valeur de la société encore replié sur des principes hypocrites.
Alors que le groupe assume et revendique sa fascination naturelle pour les tabous, le morbide, la folie, la société fera du mouvement gothique une confrérie stigmatisée. Une mise à l'écart symptomatique de ses défaillances. En réalité le jeu outrancier de Virgin Prunes, se pavanant dans une exagération grotesque, n'est qu'une mise en scène théâtrale, visant à symboliser tous les mal-êtres existants. Ce jeu, cette représentation s'accompagnent de tout un tas d'effets qu'on retrouve dans If I Die, I Die (ambiance noire et chœurs de mort-vivants sur "Theme for thought", voix bidouillée sur rythme indus sur "Chance Of A Lifetime" ou furie incontrôlable sur "Walls Of Jericho") mais qui participent à une démarche.
Tout au long de l'album on voyagera dans des contrées maléfiques, où voix hallucinées et textures d'ébènes dépeignent une atmosphère sinistre.
Cependant on aura tôt fait de réduire le mouvement gothique à cette surenchère. Les groupes seront jugés comme risibles, inconsistants, voire ridicules, une manière aussi pour les biens pensants de se défausser.
Cette armée de zombies, aux aspirations trop extrêmes, n'aura jamais eu la reconnaissance méritée, hormis dans les quelques cercles profanes. Le symbole porté par le mouvement gothique n'aura été que peu compris.
Comment pourtant ne pas y voir l'exultation d'un malaise, dont l'origine tient en fait d'un romantisme assumé ? La tristesse, la fascination pour le mauvais goût comme moyen d'assumer l'entière complexité de sa personnalité. Plutôt que de se cacher derrière le petit doigt, préférer s'épanouir dans l'art et la représentation, aussi noire et malsaine soit-elle.
Impossible de ne pas détecter cette sensibilité exacerbée dans l'entrain envoûtant et faussement candide de "Ballad Of The Man". Lorsqu'on s'intéresse aux textes de If I Die, I Die, sans doute le point d'orgue de la carrière des Virgin Prunes, on y découvre une profondeur stupéfiante et une poésie morbide, dérangeante mais cruelle de vérité.
Quant à l'instrumental "Fado", la grâce atteinte confère du céleste.
Toute l'œuvre de ce groupe culte, accessible grâce aux récentes rééditions, mérite amplement d'être redécouverte, ne serait-ce que pour comprendre ce qu'était réellement le rock gothique dans les années 80. Et cesser de mépriser ce mouvement.
L'immersion dans cette ambiance obscure et malsaine dès l'intro "Ulakanakulot", où une guitare folle vient lancer une mélodie contrebalancée par une basse, très très basse, fait absolument frémir.
Cette atmosphère maléfique et angoissante s'intensifie, sans pour autant que le ton monte, sur "Decline And Fall", lent, traînant, appuyé métronomiquement par un coup de basse qui fait sonar, tandis qu'une flûte fantôme manifeste sa présence et que le chant se fait soudain carrément habité et sentencieux. Les textes de "Sweethome Under White Clouds" sont carrément scandés de manière complètement folle, comme si un dératé venu de l'outre-tombe déclamait l'apocalypse, soutenu par des guitares aiguisés et un saxo perdu.
Les rythmiques sont souvent complexes, plutôt lourdes et inflexibles, parfois composées de percussions étranges. La basse joue ici un rôle primordial puisque sa sonorité découpée plombe souvent la texture. La musique de Virgin Prunes, particulière, se distingue par un caractère vicieux, oppressant et inquiétant : le groupe ne lésine pas sur les effets d'ambiances, fond sonore angoissant, bidouillages fantomatiques, qui aide à insinuer des relents de messe noire. "Pagan Lovesong" et sa dynamique robotique, dérapant parfois vers le burlesque, devient particulièrement dérangeant lorsqu'on écoute cette voix déjantée, qui tantôt psalmodie, tantôt éructe comme un zombie.
Le découpage, les coups de batterie machinaux, le goût pour l'austérité expérimentale, compliquent les chansons ("Dave-Id Is Dead", "Bau-Dachöng"), aboutissant à des sonorités synthétiques, païennes et spécialement lugubres. Sur "Baby Turns Blue" ou "Walls Of Jericho", le ton s'emballe pour des fulgurances acides, littéralement emballantes.
Il faut de très nombreuses écoutes pour apprécier tout le génie de cet album. Les premières fois on est vite effaré devant tant de bassesse et de tendance compulsive à tourner autour du malsain. Tout bonnement traumatisant. Mais il faut se rendre à l'évidence : Virgin Prunes est un groupe phénoménal qui aura marqué son époque. Certes, ils resteront toujours à part, manifestation énigmatique, vivant dans l'ombre, mais leur talent et leur goût esthétique indéniable en feront une référence pour tout ce qui concerne le rock gothique.
Arborant des tenues extravagantes, habillage sado-maso ou androgyne, chemises noires en flanelle ou déchirées, maquillés à outrance, coiffés façon punk, les mauvais coucheurs de Virgin Prunes se radicalisent à l'extrême pour mieux véhiculer la véhémence de leur message. Du visuel graphique, aux prestations scéniques (flirtant avec le feux), rien ne sera laissé au hasard par un groupe conscient de la portée du superficiel chez les gens. Cherchant volontairement la provocation, ils auront réussi à trouver dans la pudibonderie ambiante un terrain favorable à leur carnage. Atteintes aux bonnes mœurs, fascination pour les tabous, retour à la primitivité (à l'intérieur de la pochette on peut voir le groupe en tenue de cro-magnon), tout est là pour pointer du doigt les faiblesses du système de valeur de la société encore replié sur des principes hypocrites.
Alors que le groupe assume et revendique sa fascination naturelle pour les tabous, le morbide, la folie, la société fera du mouvement gothique une confrérie stigmatisée. Une mise à l'écart symptomatique de ses défaillances. En réalité le jeu outrancier de Virgin Prunes, se pavanant dans une exagération grotesque, n'est qu'une mise en scène théâtrale, visant à symboliser tous les mal-êtres existants. Ce jeu, cette représentation s'accompagnent de tout un tas d'effets qu'on retrouve dans If I Die, I Die (ambiance noire et chœurs de mort-vivants sur "Theme for thought", voix bidouillée sur rythme indus sur "Chance Of A Lifetime" ou furie incontrôlable sur "Walls Of Jericho") mais qui participent à une démarche.
Tout au long de l'album on voyagera dans des contrées maléfiques, où voix hallucinées et textures d'ébènes dépeignent une atmosphère sinistre.
Cependant on aura tôt fait de réduire le mouvement gothique à cette surenchère. Les groupes seront jugés comme risibles, inconsistants, voire ridicules, une manière aussi pour les biens pensants de se défausser.
Cette armée de zombies, aux aspirations trop extrêmes, n'aura jamais eu la reconnaissance méritée, hormis dans les quelques cercles profanes. Le symbole porté par le mouvement gothique n'aura été que peu compris.
Comment pourtant ne pas y voir l'exultation d'un malaise, dont l'origine tient en fait d'un romantisme assumé ? La tristesse, la fascination pour le mauvais goût comme moyen d'assumer l'entière complexité de sa personnalité. Plutôt que de se cacher derrière le petit doigt, préférer s'épanouir dans l'art et la représentation, aussi noire et malsaine soit-elle.
Impossible de ne pas détecter cette sensibilité exacerbée dans l'entrain envoûtant et faussement candide de "Ballad Of The Man". Lorsqu'on s'intéresse aux textes de If I Die, I Die, sans doute le point d'orgue de la carrière des Virgin Prunes, on y découvre une profondeur stupéfiante et une poésie morbide, dérangeante mais cruelle de vérité.
Quant à l'instrumental "Fado", la grâce atteinte confère du céleste.
Toute l'œuvre de ce groupe culte, accessible grâce aux récentes rééditions, mérite amplement d'être redécouverte, ne serait-ce que pour comprendre ce qu'était réellement le rock gothique dans les années 80. Et cesser de mépriser ce mouvement.
Bon 15/20 | par Vic |
Posté le 28 février 2008 à 20 h 16 |
1982, année faste pour les Virgin Prunes puisqu'ils viennent de sortir le double 25 cm Heresie sur le label français 'L'invitation au Suicide'! Mais ce qui nous intéresse ici, c'est leur premier véritable album produit en juin 1982 par Colin Newman de Wire et paru chez Rough Trade l'été suivant. La pochette donne le ton : on ne rigole pas avec les Virgin Prunes, même si leur look cabaret déglingué parait très étudié.
L'album commence avec "Ulakanakulot", l'intro instrumentale du morceau "Decline And Fall", un titre à la candeur et à la mélodie touchant au sublime avec la voix de Gavin Friday très mystique. Vient ensuite "Sweethome Under White Clouds", chanté par Guggi et dans une version moins expérimentale que celle qui figurait sur A New Form Of Beauty paru l'année précédente. On y retrouve la basse très présente de Strongman ainsi que la présence d'un saxophone et de la guitare répétitive de Dick, le frère de The Edge! Ensuite, on part sur un délire total et tribal nommé "Bau-Dachong", un titre expérimental qui démontre la folie toute relative des Virgin Prunes. 2 titres bonus coupent le disque en 2: "Pagan Love Song", un classique paru sur maxi quelques temps auparavant, limité à 1000 exemplaires et sa face B, "Dave-id is Dead", chanté par Dave-id, le 3ème chanteur des Virgin Prunes. Vient s'ajouter un instrumental: "Fado", qui n'est autre que la déclinaison à la guitare du dernier titre "Yeo", la face B du maxi "Baby Turns Blue" qui poursuit l'album de ses exclamations gothiques : un classique! On enchaine avec "Ballad Of The Man",qui comme son titre l'indique est une ballade chantée par Dave-id avec des instruments atypique comme un piano désaccordé! Suit le titre "Walls Of Jericho", sauvage comme peut l'être "Caucasian Walk", un classique de soirées goth qui enchaine dans cette veine très speed et allumée par les guitares de Dik, annonçant le final "Theme For Thoughts" reprenant le gimmick "If I Die I Die" ou le son des Virgin Prunes prend toute sa dimension avec une batterie tribale qui conclue en beauté ce "If I Die...I Die" 2 nouveaux bonus viennent s'ajouter à cette réédition parue sur le label Mute : "Chance of a Lifetime", un morceau quelque peu décalé aux réminiscences dub. Puis enfin "Yeo", un titre qui reprend le theme de "Fado" avec une superbe intro au piano se terminant par un rugissement venu tout droit d'une grotte dont on entend le bruit d'une cascade! Un très bon disque qui révèle à chaque nouvelle écoute un bonheur hors du commun!
L'album commence avec "Ulakanakulot", l'intro instrumentale du morceau "Decline And Fall", un titre à la candeur et à la mélodie touchant au sublime avec la voix de Gavin Friday très mystique. Vient ensuite "Sweethome Under White Clouds", chanté par Guggi et dans une version moins expérimentale que celle qui figurait sur A New Form Of Beauty paru l'année précédente. On y retrouve la basse très présente de Strongman ainsi que la présence d'un saxophone et de la guitare répétitive de Dick, le frère de The Edge! Ensuite, on part sur un délire total et tribal nommé "Bau-Dachong", un titre expérimental qui démontre la folie toute relative des Virgin Prunes. 2 titres bonus coupent le disque en 2: "Pagan Love Song", un classique paru sur maxi quelques temps auparavant, limité à 1000 exemplaires et sa face B, "Dave-id is Dead", chanté par Dave-id, le 3ème chanteur des Virgin Prunes. Vient s'ajouter un instrumental: "Fado", qui n'est autre que la déclinaison à la guitare du dernier titre "Yeo", la face B du maxi "Baby Turns Blue" qui poursuit l'album de ses exclamations gothiques : un classique! On enchaine avec "Ballad Of The Man",qui comme son titre l'indique est une ballade chantée par Dave-id avec des instruments atypique comme un piano désaccordé! Suit le titre "Walls Of Jericho", sauvage comme peut l'être "Caucasian Walk", un classique de soirées goth qui enchaine dans cette veine très speed et allumée par les guitares de Dik, annonçant le final "Theme For Thoughts" reprenant le gimmick "If I Die I Die" ou le son des Virgin Prunes prend toute sa dimension avec une batterie tribale qui conclue en beauté ce "If I Die...I Die" 2 nouveaux bonus viennent s'ajouter à cette réédition parue sur le label Mute : "Chance of a Lifetime", un morceau quelque peu décalé aux réminiscences dub. Puis enfin "Yeo", un titre qui reprend le theme de "Fado" avec une superbe intro au piano se terminant par un rugissement venu tout droit d'une grotte dont on entend le bruit d'une cascade! Un très bon disque qui révèle à chaque nouvelle écoute un bonheur hors du commun!
Intemporel ! ! ! 20/20
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