The Sisters Of Mercy
First And Last And Always |
Label :
Elektra |
||||
Cet album est un chef-d'oeuvre. Une référence absolue, parfaite et à jamais indépassable. First And Last And Always, le bien nommé, est LE sommet du rock gothique. On est marqué pour toujours par ce ton sombre, ces lignes coupantes comme du rasoir et cette ambiance unique, éléments mortuaires composant cet incontournable légendaire.
Beaucoup d'ailleurs ne se remettent pas de cette exploration éprouvante de l'horreur. On est tour à tour fasciné ou épouvanté face à ce bloc cathartique d'atteintes au bon goût. Ça ressemble à l'exposition impudique des pires maux engendrés par un esprit dérangé. L'atmosphère d'outre-tombe sur fond de fin des temps annoncé doit beaucoup aux beats métronomiques de la boite à rythme (nommée Doktor Avalanche), aux guitares ciselées dans la glace par Wayne Hussey et surtout à la voix de zombie d'Eldritch Andrew (jamais un homme n'avait chanté de façon aussi grave). Ce disque résume la quintessence d'un genre à la fois morbide et extrémement sublime.
Beaucoup se trompent sur le mouvement gothique. Cependant l'ignorance n'étant pas prête de quitter la masse de la société, les préjugés et autres déformations continuent de véhiculer. Les gens y voient une musique perverse qui fait l'apologie de la violence et de la mort. Les gothiques sont vus comme des personnes louches, suspectes, un peu effrayantes et en tout cas pas très nette. C'est à peine si on confond gothisme et satanisme ! Et cela vaut aussi pour les médias et autres sociologues de tout bord. Cela n'a pourtant rien à voir ! Le mouvement, né en Angleterre dans les années 80, est beaucoup plus profond que les gens veulent bien croire. Le gothisme se veut une modernisation du romantisme, ce courant artistique venu de la littérature du XVIII° siècle (Goethe, Poe, Baudelaire etc...) qui pousse à exorsiser et sublimer la tristesse et la mélancolie. Une sorte de reconnaissance de la passion sous tous ses avatars. La source créative peut se chercher même dans les tréfons de l'âme, c'est un courant résolument positif.
Sisters of Mercy est né à Leeds en 1980 et à l'époque la musique était plutôt en accord avec la couleur des villes ouvrières du pays: c'est-à-dire grise. Elle finira bien vite par virer au noir sous l'impulsion de groupe comme Joy Divison ou Siouxie And The Banshees. La révolution éphémère qu'était le punk ayant été inutile, des groupes (dits post-punk) comme Wire, Magazine, The Stranglers allaient constater avec amertume le désenchantement. L'introspection sera poussée plus loin avec la cold-wave qui se voulait une intellectualisation des souffrances découlantes de ce triste constat: on ne peut changer le monde mais encore moins soi-même et la condition humaine. Robert Smith, au cours de sa trilogie, aura mené une descente funêbre jusqu'à la dépression. Quant à Ian Curtis, il en tirera la conclusion la plus radicale. Le mouvement gothique descendra de ces groupes mythiques et partira de ce regard tourné vers l'intérieur pour en faire le chemin inverse. Il s'agissait de remonter tout ce qui existe en soi (même le côté le plus sombre) afin de l'exposer à la face publique (et soit disant vertueuse). Quitte à ce que rien ne change autant tout dévoiler.
Evidément ça dérangeait: des groupes comme Bauhaus, Christian Death, Virgin Prunes ou The Southern Death Cult ne faisaient pas dans la dentelle. L'âme humaine était décortiquée dans ses moindres détails: peur/fascination pour la mort, folie, pulsions, mélancolie... Cette façon d'étaler la noirceur du monde à la manière d'un spéctacle était révolutionnaire. Elle influencera plus tard de nombreux groupes métal, à commencer par le grand Marilyn Manson ou Paradise Lost et Theatre of Tragedy. C'était un moyen de ne pas se voiler la face devant ce qui nous dérange habituellement. Le maquillage de corbeau, les vêtements noirs, les accessoires lugubres avaient pour but d'afficher ces conflits émotionnels présents en chacun de nous. Seulement les jeunes qui revêtent un look "goth" le font plus par mode que par conviction, tout en caressant l'espoir pitoyable de paraître rebelle.
Avec ce premier opus (et le seul véritablement du groupe au complet) Sisters of Mercy était peut-être le groupe qui avait su le mieux encencer ce goût lugubre pour en faire un cauchemar d'une effroyable beauté.
Dès "Black Planet", la texture sonore est implacable, mortuaire et caverneuse. Aucun souffle d'humanité ne transparait dans la voix déclamatoire d'Eldritch. Les ambiances sont traumatisantes. Jamais on ne voit le soleil. Pourtant tout dans l'arrangement, le jeu, les sonorités est mélodique et magnifiquement froid ("No Time To Cry", "Marian" ou "Nine While Nine"). L'émotion et la grâce, dont l'évidence dépasse l'apparente opression, font de cet album un sommet hors-norme. La pièce maitresse de l'oeuvre se situe à la fin avec "Some Kind Of Stranger", extraordinaire.
Le groupe traite de sujets dérangeant avec la majesté de seigneurs ténébreux. Sisters Of Mercy mettait en scène des facettes qu'il est impossible d'exprimer autrement qu'en faisant du théâtre. Le courant gothique a quelque part une vertu thérapeutique. L'acceptation de son dégoût pour soi est un moyen pour se construire et s'épanouir. C'est aussi une dénonciation de tous les carcans qui nous alliènent. On serait aujourd'hui bien inspiré de s'intéresser un peu plus au gothisme...
Beaucoup d'ailleurs ne se remettent pas de cette exploration éprouvante de l'horreur. On est tour à tour fasciné ou épouvanté face à ce bloc cathartique d'atteintes au bon goût. Ça ressemble à l'exposition impudique des pires maux engendrés par un esprit dérangé. L'atmosphère d'outre-tombe sur fond de fin des temps annoncé doit beaucoup aux beats métronomiques de la boite à rythme (nommée Doktor Avalanche), aux guitares ciselées dans la glace par Wayne Hussey et surtout à la voix de zombie d'Eldritch Andrew (jamais un homme n'avait chanté de façon aussi grave). Ce disque résume la quintessence d'un genre à la fois morbide et extrémement sublime.
Beaucoup se trompent sur le mouvement gothique. Cependant l'ignorance n'étant pas prête de quitter la masse de la société, les préjugés et autres déformations continuent de véhiculer. Les gens y voient une musique perverse qui fait l'apologie de la violence et de la mort. Les gothiques sont vus comme des personnes louches, suspectes, un peu effrayantes et en tout cas pas très nette. C'est à peine si on confond gothisme et satanisme ! Et cela vaut aussi pour les médias et autres sociologues de tout bord. Cela n'a pourtant rien à voir ! Le mouvement, né en Angleterre dans les années 80, est beaucoup plus profond que les gens veulent bien croire. Le gothisme se veut une modernisation du romantisme, ce courant artistique venu de la littérature du XVIII° siècle (Goethe, Poe, Baudelaire etc...) qui pousse à exorsiser et sublimer la tristesse et la mélancolie. Une sorte de reconnaissance de la passion sous tous ses avatars. La source créative peut se chercher même dans les tréfons de l'âme, c'est un courant résolument positif.
Sisters of Mercy est né à Leeds en 1980 et à l'époque la musique était plutôt en accord avec la couleur des villes ouvrières du pays: c'est-à-dire grise. Elle finira bien vite par virer au noir sous l'impulsion de groupe comme Joy Divison ou Siouxie And The Banshees. La révolution éphémère qu'était le punk ayant été inutile, des groupes (dits post-punk) comme Wire, Magazine, The Stranglers allaient constater avec amertume le désenchantement. L'introspection sera poussée plus loin avec la cold-wave qui se voulait une intellectualisation des souffrances découlantes de ce triste constat: on ne peut changer le monde mais encore moins soi-même et la condition humaine. Robert Smith, au cours de sa trilogie, aura mené une descente funêbre jusqu'à la dépression. Quant à Ian Curtis, il en tirera la conclusion la plus radicale. Le mouvement gothique descendra de ces groupes mythiques et partira de ce regard tourné vers l'intérieur pour en faire le chemin inverse. Il s'agissait de remonter tout ce qui existe en soi (même le côté le plus sombre) afin de l'exposer à la face publique (et soit disant vertueuse). Quitte à ce que rien ne change autant tout dévoiler.
Evidément ça dérangeait: des groupes comme Bauhaus, Christian Death, Virgin Prunes ou The Southern Death Cult ne faisaient pas dans la dentelle. L'âme humaine était décortiquée dans ses moindres détails: peur/fascination pour la mort, folie, pulsions, mélancolie... Cette façon d'étaler la noirceur du monde à la manière d'un spéctacle était révolutionnaire. Elle influencera plus tard de nombreux groupes métal, à commencer par le grand Marilyn Manson ou Paradise Lost et Theatre of Tragedy. C'était un moyen de ne pas se voiler la face devant ce qui nous dérange habituellement. Le maquillage de corbeau, les vêtements noirs, les accessoires lugubres avaient pour but d'afficher ces conflits émotionnels présents en chacun de nous. Seulement les jeunes qui revêtent un look "goth" le font plus par mode que par conviction, tout en caressant l'espoir pitoyable de paraître rebelle.
Avec ce premier opus (et le seul véritablement du groupe au complet) Sisters of Mercy était peut-être le groupe qui avait su le mieux encencer ce goût lugubre pour en faire un cauchemar d'une effroyable beauté.
Dès "Black Planet", la texture sonore est implacable, mortuaire et caverneuse. Aucun souffle d'humanité ne transparait dans la voix déclamatoire d'Eldritch. Les ambiances sont traumatisantes. Jamais on ne voit le soleil. Pourtant tout dans l'arrangement, le jeu, les sonorités est mélodique et magnifiquement froid ("No Time To Cry", "Marian" ou "Nine While Nine"). L'émotion et la grâce, dont l'évidence dépasse l'apparente opression, font de cet album un sommet hors-norme. La pièce maitresse de l'oeuvre se situe à la fin avec "Some Kind Of Stranger", extraordinaire.
Le groupe traite de sujets dérangeant avec la majesté de seigneurs ténébreux. Sisters Of Mercy mettait en scène des facettes qu'il est impossible d'exprimer autrement qu'en faisant du théâtre. Le courant gothique a quelque part une vertu thérapeutique. L'acceptation de son dégoût pour soi est un moyen pour se construire et s'épanouir. C'est aussi une dénonciation de tous les carcans qui nous alliènent. On serait aujourd'hui bien inspiré de s'intéresser un peu plus au gothisme...
Intemporel ! ! ! 20/20 | par Vic |
Posté le 25 février 2007 à 15 h 16 |
Ce qui est embêtant avec le gothique, c'est que les meilleurs groupes qui l'ont illustré ne sont pas des groupes gothiques.
J'entends par là qu'ils étaient tout simplement rock'n'roll.
Plongez vous dans les biographies de Joy Division, de Cure, de Bauhaus ou ici The Sisters Of Mercy, et vous verrez que ces groupes ont tout simplement choisi d'explorer une facette du rock.
Avec des claviers, du minimalisme parfois ou du lyrisme romantique, mais tout cela reste étonnement rock'n'roll.
Et ce First And Last And Always est sûrement l'album le plus accessible du groupe pour tout rocker qui se respecte.
Des mélodies ultra efficaces, des chants hurlés rappelant le meilleur des Stooges ou Motorhead, des lignes de basse très punk, du clavier très seventies.
On trouve tout ce qui a fait le succès du rock anglais dans cet album authentique et suave.
Eldritch et Hussey entre autre font des merveilles de créativité sur cet opus qui reste comme un album fondateur pour toute bonne soirée gothique ou alternative qui se respecte.
Let's dance and keep your eyes open. The show is go on...
J'entends par là qu'ils étaient tout simplement rock'n'roll.
Plongez vous dans les biographies de Joy Division, de Cure, de Bauhaus ou ici The Sisters Of Mercy, et vous verrez que ces groupes ont tout simplement choisi d'explorer une facette du rock.
Avec des claviers, du minimalisme parfois ou du lyrisme romantique, mais tout cela reste étonnement rock'n'roll.
Et ce First And Last And Always est sûrement l'album le plus accessible du groupe pour tout rocker qui se respecte.
Des mélodies ultra efficaces, des chants hurlés rappelant le meilleur des Stooges ou Motorhead, des lignes de basse très punk, du clavier très seventies.
On trouve tout ce qui a fait le succès du rock anglais dans cet album authentique et suave.
Eldritch et Hussey entre autre font des merveilles de créativité sur cet opus qui reste comme un album fondateur pour toute bonne soirée gothique ou alternative qui se respecte.
Let's dance and keep your eyes open. The show is go on...
Très bon 16/20
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