808 State
Newbuild |
Label :
Creed |
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En 1987, c'est à Manchester, dans le quartier populaire de Hulme que se situe le disquaire Eastern Bloc, principal quartier général des amateurs de musique électronique et en particulier d'imports américains. Là travaille Martin Price, vendeur et co-propriétaire de la boutique. Parmi ses principaux clients, deux hommes qui habitent le quartier : le premier, musicien depuis quasiment dix ans (il joue dans le groupe de jazz-new wave Biting Tongues), passionné par les disques de Kraftwerk, cherche de nouveaux sons à se mettre sous la dent. Le deuxième, impressionné par les morceaux house et techno qu'il entend dans des clubs aussi mythiques que l'Haçienda ou le Thunderdome cherche à tout prix à se les procurer.
Ces deux hommes sont respectivement Graham Massey et Gerald Simpson (futur A Guy Called Gerald). En discutant ensemble avec Price, ils se rendent vite compte de leur envie de faire de la musique ensemble. Simpson, heureux possesseur d'un ensemble de machines estampillées Roland et Yamaha, offre donc la possibilité aux deux autres de venir jammer dans le sous-sol de la boutique, que Price à mis à disposition. Là, il s'inspirent des imports house et techno américains qui parsèment la boutique et tentent d'imiter les mêmes sonorités du même matériel : principalement des machines Roland (TB303, SH101, TR808 et TR909), à l'époque peu coûteuses car trop peu intéressantes musicalement. On reprochait à ces machines de sonner de manière trop superficielle, trop fausse, et elles se retrouvèrent très vite oubliées, abandonnées dans les fonds de tiroirs des magasins de musique, souvent disponibles en occasion à des prix modiques.
Définitivement attirés par le côté DIY de cette musique qui ne coûte pas cher à produire, les trois hommes se donnent régulièrement rendez-vous pour jammer des morceaux de ce qu'on va bientôt appeler de "l'acid-house", un style de musique électronique plus ou moins dansant caractérisé par son côté rugueux, minimaliste et les sons distordus du synthé TB303 évoquant quelque chose de bouillant. Au bout d'un certain temps de composition, ils enregistrent leurs premières maquettes pendant l'hiver 87 (cf. la compilation Prebuild sortie en 2004 et qui recueille quasiment toutes ces maquettes). Avant d'envoyer des copies de ces cassettes à différents label, le trio décide de se nommer 808 State, en raison de leur amour commun pour les percussions cheap mais néanmoins déjà mythiques de la boite à rythme TR808. Finalement, c'est sur son propre label Creed (fondé dans les bureaux de Eastern Bloc) que Martin Price lui-même publiera la première sortie officielle de 808 State, à savoir l'album ici présent, Newbuild.
Petit succès à sa sortie à l'automne 1988, l'album est rapidement vu comme un disque novateur et premier témoin d'un phénomène qui a, d'une certaine manière, explosé à la tête des mancunien pendant les mois précédant la sortie du disque, à savoir l'explosion de la musique acid house pendant ce que les gens ont alors appelé le second "Summer Of Love". Il faut bien noter que c'est l'un des tout premiers disques du genre à être produit sur place, alors que 90% de cette musique était toujours autant importée par les DJs depuis les États-Unis...
Comme l'a si bien fait remarquer Graham Massey par la suite, ce n'était pourtant pas le côté dansant et festif de l'acid-house qui intéressait 808 State, mais véritablement le côté mental et innovant de cette musique à la sonorité si particulière. Comme il l'a noté, c'était comme si pendant le trajet d'un continent à l'autre, "quelque chose d'intrinsèque à cette musique s'était métamorphosé". Newbuild, qui comporte sept morceaux pour une durée totale d'environ 40 minutes, est un véritable trip mental caverneux, malsain, empli d'erreurs rythmiques (la totalité des sons de l'album étant synchronisés par des impulsions provenant des boites à rythmes, non pas par des ordinateurs encore trop coûteux à ce moment pour le groupe) et préfigurant presque une certaine forme d'IDM. Le disque a pu faire son effet "OVNI" totalement novateur car la formule "acid house à l'anglaise" n'avait alors pas encore eu le temps de s'imposer sur la scène musicale mainstream. De plus, un disque enregistré entre l'hiver 87 et le printemps 88 n'avait pas encore pu s'imprégner de l'atmosphère si festive du "Summer Of Love 88" et de ses morceaux américains ou italiens nettement orientés "dance". Par conséquent, Newbuild fût relativement acclamé par la presse spécialisée et le public, en particulier celui des clubbeurs férus de ces nouveaux sons synthétiques hypnotiques.
Des premières mesures de "Sync/Swim" jusqu'aux dernières de "Compulsion", vous êtes absolument certains de pouvoir vous embarquer dans une véritable aventure, relativement éprouvante pour le néophyte mais néanmoins véritablement fascinante, de par son usage étonnant d'instruments encore considérés à l'époque comme "bas de gamme" (sachant que de nos jours le coût d'une TR808 peut avoisiner celui d'une petite voiture, voir plus) ou bien la façon tellement inhabituelle de structurer les morceaux, évoquant une sorte de méli-mélo sonore sans début ni fin. Situé non seulement à mille lieues de la scène électronique britannique qui se faisait alors (encore globalement tournée vers la synth-pop), mais sonnant également de manière complètement différente de toute la scène "acid house à l'anglaise", Newbuild propose une alternative dure et caustique aux disques house joyeux remplis de pianos et de lignes de basses sautillantes. C'est un disque qui d'une certaine manière a inspiré toute la scène électro de la décennie suivante, de Autechre jusque Aphex Twin qui sera d'ailleurs le principal vecteur de la réédition du disque au début des années 2000 par l'intermédiaire de son célèbre label, Rephlex. Si on lui excuse les erreurs de production et certains samples un peu kitsch (le "bullshit" répété à foison sur "Dr. Lowfruit", les gémissements féminins sur "E Talk") et ses erreurs de mixage, Newbuild est un disque qui sonne encore de manière drôlement fraîche et novatrice, et ce même trente ans après !
Globalement, on ne peut que saluer ce premier disque d'un groupe qui annonce le futur grand succès qu'il va rencontrer ainsi que sa position de pionnier dans sa manière de fusionner les genres et les styles...
Ces deux hommes sont respectivement Graham Massey et Gerald Simpson (futur A Guy Called Gerald). En discutant ensemble avec Price, ils se rendent vite compte de leur envie de faire de la musique ensemble. Simpson, heureux possesseur d'un ensemble de machines estampillées Roland et Yamaha, offre donc la possibilité aux deux autres de venir jammer dans le sous-sol de la boutique, que Price à mis à disposition. Là, il s'inspirent des imports house et techno américains qui parsèment la boutique et tentent d'imiter les mêmes sonorités du même matériel : principalement des machines Roland (TB303, SH101, TR808 et TR909), à l'époque peu coûteuses car trop peu intéressantes musicalement. On reprochait à ces machines de sonner de manière trop superficielle, trop fausse, et elles se retrouvèrent très vite oubliées, abandonnées dans les fonds de tiroirs des magasins de musique, souvent disponibles en occasion à des prix modiques.
Définitivement attirés par le côté DIY de cette musique qui ne coûte pas cher à produire, les trois hommes se donnent régulièrement rendez-vous pour jammer des morceaux de ce qu'on va bientôt appeler de "l'acid-house", un style de musique électronique plus ou moins dansant caractérisé par son côté rugueux, minimaliste et les sons distordus du synthé TB303 évoquant quelque chose de bouillant. Au bout d'un certain temps de composition, ils enregistrent leurs premières maquettes pendant l'hiver 87 (cf. la compilation Prebuild sortie en 2004 et qui recueille quasiment toutes ces maquettes). Avant d'envoyer des copies de ces cassettes à différents label, le trio décide de se nommer 808 State, en raison de leur amour commun pour les percussions cheap mais néanmoins déjà mythiques de la boite à rythme TR808. Finalement, c'est sur son propre label Creed (fondé dans les bureaux de Eastern Bloc) que Martin Price lui-même publiera la première sortie officielle de 808 State, à savoir l'album ici présent, Newbuild.
Petit succès à sa sortie à l'automne 1988, l'album est rapidement vu comme un disque novateur et premier témoin d'un phénomène qui a, d'une certaine manière, explosé à la tête des mancunien pendant les mois précédant la sortie du disque, à savoir l'explosion de la musique acid house pendant ce que les gens ont alors appelé le second "Summer Of Love". Il faut bien noter que c'est l'un des tout premiers disques du genre à être produit sur place, alors que 90% de cette musique était toujours autant importée par les DJs depuis les États-Unis...
Comme l'a si bien fait remarquer Graham Massey par la suite, ce n'était pourtant pas le côté dansant et festif de l'acid-house qui intéressait 808 State, mais véritablement le côté mental et innovant de cette musique à la sonorité si particulière. Comme il l'a noté, c'était comme si pendant le trajet d'un continent à l'autre, "quelque chose d'intrinsèque à cette musique s'était métamorphosé". Newbuild, qui comporte sept morceaux pour une durée totale d'environ 40 minutes, est un véritable trip mental caverneux, malsain, empli d'erreurs rythmiques (la totalité des sons de l'album étant synchronisés par des impulsions provenant des boites à rythmes, non pas par des ordinateurs encore trop coûteux à ce moment pour le groupe) et préfigurant presque une certaine forme d'IDM. Le disque a pu faire son effet "OVNI" totalement novateur car la formule "acid house à l'anglaise" n'avait alors pas encore eu le temps de s'imposer sur la scène musicale mainstream. De plus, un disque enregistré entre l'hiver 87 et le printemps 88 n'avait pas encore pu s'imprégner de l'atmosphère si festive du "Summer Of Love 88" et de ses morceaux américains ou italiens nettement orientés "dance". Par conséquent, Newbuild fût relativement acclamé par la presse spécialisée et le public, en particulier celui des clubbeurs férus de ces nouveaux sons synthétiques hypnotiques.
Des premières mesures de "Sync/Swim" jusqu'aux dernières de "Compulsion", vous êtes absolument certains de pouvoir vous embarquer dans une véritable aventure, relativement éprouvante pour le néophyte mais néanmoins véritablement fascinante, de par son usage étonnant d'instruments encore considérés à l'époque comme "bas de gamme" (sachant que de nos jours le coût d'une TR808 peut avoisiner celui d'une petite voiture, voir plus) ou bien la façon tellement inhabituelle de structurer les morceaux, évoquant une sorte de méli-mélo sonore sans début ni fin. Situé non seulement à mille lieues de la scène électronique britannique qui se faisait alors (encore globalement tournée vers la synth-pop), mais sonnant également de manière complètement différente de toute la scène "acid house à l'anglaise", Newbuild propose une alternative dure et caustique aux disques house joyeux remplis de pianos et de lignes de basses sautillantes. C'est un disque qui d'une certaine manière a inspiré toute la scène électro de la décennie suivante, de Autechre jusque Aphex Twin qui sera d'ailleurs le principal vecteur de la réédition du disque au début des années 2000 par l'intermédiaire de son célèbre label, Rephlex. Si on lui excuse les erreurs de production et certains samples un peu kitsch (le "bullshit" répété à foison sur "Dr. Lowfruit", les gémissements féminins sur "E Talk") et ses erreurs de mixage, Newbuild est un disque qui sonne encore de manière drôlement fraîche et novatrice, et ce même trente ans après !
Globalement, on ne peut que saluer ce premier disque d'un groupe qui annonce le futur grand succès qu'il va rencontrer ainsi que sa position de pionnier dans sa manière de fusionner les genres et les styles...
Très bon 16/20 | par EmixaM |
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