808 State
Transmission Suite |
Label :
Ingrooves |
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L'événement pour tout fan de musique électronique british en cette fin d'année 2019, c'est l'annonce et la sortie du premier album du combo 808 State après 17 ans de silence discographique. Nommé Transmission Suite, l'album rends tout d'abord hommage à la défunte chaîne de télévision locale de Manchester, Granada TV (qui a entre autres permis à Tony Wilson, boss du label Factory, de se faire connaître via ses émissions).
Le groupe, désormais axé autour de Graham Massey et Andrew Barker seuls (Darren Partington ayant quitté le groupe suite à des démêlés judiciaires impliquant violences, recel et trafics de drogues), a composé l'intégralité de l'album dans l'ancien studio principal de Granada (qui sert désormais de lieu d'exposition, cf les actualités récentes de New Order qui s'est également servi du lieu pour tourner un documentaire). Comme le montre la pochette intérieure du disque, Massey et Barker se sont entourés d'une importante masse de machines et de synthétiseurs pour composer leur huitième album. Le groupe n'ayant rien sorti de bien consistant en quasiment vingt-ans (on compte trois compilations d'inédits et un EP de chutes des sessions de Don Solaris et Outpost Transmission), ce nouvel opus était donc attendu comme le messie par les plus fervents fans du combo électro mancunien (dont je fais partie).
Avant la sortie même de Transmission Suite, 808 State a sorti deux EPs au cours de l'été afin de teaser leurs fans : Initial Granada Report en juillet, et Subsequent Granada Report en septembre. Ces deux EPs de quatre titres chacun (avec par EPs deux titres "teasers" qui se sont retrouvés dans l'album ensuite, plus deux titres inédits) ont permis aux curieux de voir dans quel sens le groupe s'est orienté cette fois. Promettant un album plus minimaliste que jamais pour du 808 State (patterns métronomiques, séquences répétitives, rythmiques avec la boite à rythme la plus cheap de chez Roland, la TR-606), j'ai commencé à m'inquiéter un peu pour la suite. On est loin des grandes envolées jazz-techno lyriques de Ninety et Ex:El. Poursuivant leurs envies d'innovations et "d'anti-nostalgie", 808 State nous a donc sorti un album très proche de l'IDM et de la musique électronique minimaliste.
Transmission Suite contient quinze titres. Il débute avec "Tokyo Tokyo", le premier extrait dévoilé en juillet dernier. Formé autour de bruit blanc évoquant une transmission radiophonique (ça ne s'invente pas), le morceau est finalement assez répétitif, minimaliste et peu pêchu. Heureusement, "Skylon", le morceau suivant, fait le lien avec les meilleures années du groupe : breakbeats, synthés lumineux, basses puissantes et séquences rondes et hypnotique. C'est le morceau le plus "classique" pour le groupe, et à mon sens le meilleur morceau de l'album. C'est amusant de remarquer que le morceau évoque presque un titre de LONE, jeune producteur qui a justement été fortement inspiré par la musique de 808 State. Intéressant donc de voir comment les maîtres ont inspirés les élèves, qui à leurs tour inspirent les maîtres...
Bref, l'album continue avec deux titres déjà dévoilés dans les EPs, "The Ludwig Question" et "Cannonball Waltz", tous deux assez similaires dans l'esprit de "Tokyo Tokyo" : simplistes et répétitifs, pas très efficaces pour le coup. "Huronic", construit à partir d'une TR-808, évoque à la fois le meilleur d'Aphex Twin et Luke Vibert. C'est finalement un nouveau retour aux sources, et le titre fait directement le lien avec les premières production du combo, sur les albums Newbuild et Quadrastate, pads "lushs", TB-303 qui "bouillonne" dans le fond sonore, le tout accompagné de petites séquences typiques de 808 State au synthé SH-101... "Landau", le morceau suivant est assez similaire dans l'esprit, avec une production identique. "Westland" étonne par sa construction rythmique étrange, tandis que "Trinity" ravit par sa production nostalgique qui évoque les musiques de jeux vidéos SEGA des années 90 et rentre directement dans le vif du sujet. "Ujala" représente la vision house minimale de 808 State, samples vocaux féminins "fantastiques" à l'appui. L'ensemble, bien que sympathique (le retour du Mini Moog au premier plan), reste tout de même assez anecdotique. "Carbonade" poursuit la veine Rephlexienne (dans le sens Aphex Twin du terme) ou IDM (c'est selon), avec un méli-mélo finement construit de rythmiques vintages et de phrases de synthés analogiques au son si particulier. "Pulcenta", titre assez court, évoque à nouveau de la musique de jeu vidéo et s'enchaîne sur "Angol Argol", titre hypnotique dans la lignée des productions plus ambients présentes sur Gorgeous. Les trois derniers morceaux, "Bushy Bushy", "13 13" et "Crab Claw" sont tous assez anecdotiques, et évoquent des ébauches de titres non terminés.
En résumé, Transmission Suite sent un peu le pétard mouillé. Il est d'autant plus difficile de cacher sa déception au vu du temps qu'il a fallu au groupe pour retourner en studio. On a beau se dire que si les deux membres restants, tous deux pères de famille, ont davantage saisi cette occasion comme une manière de s'amuser à nouveau, le goût de fade et d'inachevé persiste et reste dur à avaler. On est une fois de plus à des années lumières de l'entièreté du catalogue de 808 State, quoique par sa production minimaliste et son côté "brut de pomme", on pourrait rapprocher ce nouveau disque à Newbuild, en laissant cependant de côté le côté acid malsain et foutraque qui faisait toute la force de ce premier opus. On regrette aussi l'absence de collaborations vocales, une marque de fabrique du groupe depuis Ninety, qui auraient peut-être pu rendre certains morceaux moins insipides et fluidifier l'écoute de l'ensemble. L'album étant assez homogène et globalement tourné vers le minimalisme, l'ennui se créée facilement au bout d'un certain temps. Quelques morceaux assez géniaux sauvent de justesse l'ensemble ("Skylon" définitivement le meilleur moment du disque, "Huronic", "Landau", "Trinity" et "Carbonade"), mais il y a beaucoup trop de morceaux mous et sans saveur. En faisant un effort, et en se servant de Transmission Suite comme d'une porte d'entrée dans l'univers (foisonnant) de 808 State, il est facile de prendre ce disque comme une alternative rafraîchissante dans la musique électronique actuelle (trop uniforme à mon goût) : le disque est foutraque, comme toujours pour le groupe, minimaliste et différent de tout ce qui se fait aujourd'hui. Cela étant dit, il est difficile de l'apprécier à sa pleine mesure quand on connaît et apprécie sur le bout des doigts l'oeuvre du groupe... Comme je le disait plus haut, les élèves ont dépassé le maître, ce qui n'empêche pas ce dernier de faire l'idiot dans la cours de récréation...
Finalement, je salue davantage le retour de 808 State sur le devant de la scène musicale que l'oeuvre qui leur permet de faire ce retour. J'espère d'ailleurs qu'on leur donnera enfin l'occasion de véritablement pouvoir se produire en France, car le groupe en live, c'est une toute autre histoire...
Le groupe, désormais axé autour de Graham Massey et Andrew Barker seuls (Darren Partington ayant quitté le groupe suite à des démêlés judiciaires impliquant violences, recel et trafics de drogues), a composé l'intégralité de l'album dans l'ancien studio principal de Granada (qui sert désormais de lieu d'exposition, cf les actualités récentes de New Order qui s'est également servi du lieu pour tourner un documentaire). Comme le montre la pochette intérieure du disque, Massey et Barker se sont entourés d'une importante masse de machines et de synthétiseurs pour composer leur huitième album. Le groupe n'ayant rien sorti de bien consistant en quasiment vingt-ans (on compte trois compilations d'inédits et un EP de chutes des sessions de Don Solaris et Outpost Transmission), ce nouvel opus était donc attendu comme le messie par les plus fervents fans du combo électro mancunien (dont je fais partie).
Avant la sortie même de Transmission Suite, 808 State a sorti deux EPs au cours de l'été afin de teaser leurs fans : Initial Granada Report en juillet, et Subsequent Granada Report en septembre. Ces deux EPs de quatre titres chacun (avec par EPs deux titres "teasers" qui se sont retrouvés dans l'album ensuite, plus deux titres inédits) ont permis aux curieux de voir dans quel sens le groupe s'est orienté cette fois. Promettant un album plus minimaliste que jamais pour du 808 State (patterns métronomiques, séquences répétitives, rythmiques avec la boite à rythme la plus cheap de chez Roland, la TR-606), j'ai commencé à m'inquiéter un peu pour la suite. On est loin des grandes envolées jazz-techno lyriques de Ninety et Ex:El. Poursuivant leurs envies d'innovations et "d'anti-nostalgie", 808 State nous a donc sorti un album très proche de l'IDM et de la musique électronique minimaliste.
Transmission Suite contient quinze titres. Il débute avec "Tokyo Tokyo", le premier extrait dévoilé en juillet dernier. Formé autour de bruit blanc évoquant une transmission radiophonique (ça ne s'invente pas), le morceau est finalement assez répétitif, minimaliste et peu pêchu. Heureusement, "Skylon", le morceau suivant, fait le lien avec les meilleures années du groupe : breakbeats, synthés lumineux, basses puissantes et séquences rondes et hypnotique. C'est le morceau le plus "classique" pour le groupe, et à mon sens le meilleur morceau de l'album. C'est amusant de remarquer que le morceau évoque presque un titre de LONE, jeune producteur qui a justement été fortement inspiré par la musique de 808 State. Intéressant donc de voir comment les maîtres ont inspirés les élèves, qui à leurs tour inspirent les maîtres...
Bref, l'album continue avec deux titres déjà dévoilés dans les EPs, "The Ludwig Question" et "Cannonball Waltz", tous deux assez similaires dans l'esprit de "Tokyo Tokyo" : simplistes et répétitifs, pas très efficaces pour le coup. "Huronic", construit à partir d'une TR-808, évoque à la fois le meilleur d'Aphex Twin et Luke Vibert. C'est finalement un nouveau retour aux sources, et le titre fait directement le lien avec les premières production du combo, sur les albums Newbuild et Quadrastate, pads "lushs", TB-303 qui "bouillonne" dans le fond sonore, le tout accompagné de petites séquences typiques de 808 State au synthé SH-101... "Landau", le morceau suivant est assez similaire dans l'esprit, avec une production identique. "Westland" étonne par sa construction rythmique étrange, tandis que "Trinity" ravit par sa production nostalgique qui évoque les musiques de jeux vidéos SEGA des années 90 et rentre directement dans le vif du sujet. "Ujala" représente la vision house minimale de 808 State, samples vocaux féminins "fantastiques" à l'appui. L'ensemble, bien que sympathique (le retour du Mini Moog au premier plan), reste tout de même assez anecdotique. "Carbonade" poursuit la veine Rephlexienne (dans le sens Aphex Twin du terme) ou IDM (c'est selon), avec un méli-mélo finement construit de rythmiques vintages et de phrases de synthés analogiques au son si particulier. "Pulcenta", titre assez court, évoque à nouveau de la musique de jeu vidéo et s'enchaîne sur "Angol Argol", titre hypnotique dans la lignée des productions plus ambients présentes sur Gorgeous. Les trois derniers morceaux, "Bushy Bushy", "13 13" et "Crab Claw" sont tous assez anecdotiques, et évoquent des ébauches de titres non terminés.
En résumé, Transmission Suite sent un peu le pétard mouillé. Il est d'autant plus difficile de cacher sa déception au vu du temps qu'il a fallu au groupe pour retourner en studio. On a beau se dire que si les deux membres restants, tous deux pères de famille, ont davantage saisi cette occasion comme une manière de s'amuser à nouveau, le goût de fade et d'inachevé persiste et reste dur à avaler. On est une fois de plus à des années lumières de l'entièreté du catalogue de 808 State, quoique par sa production minimaliste et son côté "brut de pomme", on pourrait rapprocher ce nouveau disque à Newbuild, en laissant cependant de côté le côté acid malsain et foutraque qui faisait toute la force de ce premier opus. On regrette aussi l'absence de collaborations vocales, une marque de fabrique du groupe depuis Ninety, qui auraient peut-être pu rendre certains morceaux moins insipides et fluidifier l'écoute de l'ensemble. L'album étant assez homogène et globalement tourné vers le minimalisme, l'ennui se créée facilement au bout d'un certain temps. Quelques morceaux assez géniaux sauvent de justesse l'ensemble ("Skylon" définitivement le meilleur moment du disque, "Huronic", "Landau", "Trinity" et "Carbonade"), mais il y a beaucoup trop de morceaux mous et sans saveur. En faisant un effort, et en se servant de Transmission Suite comme d'une porte d'entrée dans l'univers (foisonnant) de 808 State, il est facile de prendre ce disque comme une alternative rafraîchissante dans la musique électronique actuelle (trop uniforme à mon goût) : le disque est foutraque, comme toujours pour le groupe, minimaliste et différent de tout ce qui se fait aujourd'hui. Cela étant dit, il est difficile de l'apprécier à sa pleine mesure quand on connaît et apprécie sur le bout des doigts l'oeuvre du groupe... Comme je le disait plus haut, les élèves ont dépassé le maître, ce qui n'empêche pas ce dernier de faire l'idiot dans la cours de récréation...
Finalement, je salue davantage le retour de 808 State sur le devant de la scène musicale que l'oeuvre qui leur permet de faire ce retour. J'espère d'ailleurs qu'on leur donnera enfin l'occasion de véritablement pouvoir se produire en France, car le groupe en live, c'est une toute autre histoire...
Pas mal 13/20 | par EmixaM |
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