Father John Misty
Pure Comedy |
Label :
Sub Pop / Bella Union |
||||
"Oh, great, that's just what they all need
Another white guy in 2017
Who takes himself so goddam seriously."
Josh Tillman le dit lui-même avec sa pointe d'humour sarcastique bien à lui, et pourtant OUI ce Pure Comedy c'est sûrement ce dont on avait besoin en cette année 2017. Father John Misty en est à son 3è album – un double si l'on prend le format vinyle ; après un Fear Fun assez impressionnant empli d'humour et un I Love You, Honeybear emballant et grandiloquent empli d'amour, Papa John abat sa carte maîtresse qui risque de tout chambouler.
Tout commence avec la sortie en Janvier du single éponyme faisant office d'ouverture à l'œuvre et d'un mini-documentaire de 25 minutes, Pure Comedy (The Film) en noir & blanc produit par Grant James & Josh, témoignant de l'élaboration de l'album. Mélange d'images de Los Angeles, parfois en feu (effets spéciaux, pas du vrai), de moments "intimes" pris chez lui notamment lorsqu'il écrit ses paroles sur sa terrasse dans son peignoir, une tasse et une cigarette en main, de ballades en voiture ou encore lorsqu'il peint ce qui deviendra l'une des 4 versions de la pochette et bien évidemment et le plus intéressant, les sessions studio où Josh & ses musiciens ont enregistré les bases des chansons en 1 ou 2 prises pour chaque instrument et voix – allons à l'essentiel, soyons le plus instinctif et gardons ce qui est le plus "vrai". Accroupis sur son siège pour jouer du piano, sifflant ses nouvelles mélodies, dessinant sur une feuille de papier avant une prise, posé derrière ses micros pour graver sa voix et ses accords de guitare en même temps sur les bandes analogiques du studio United Recording, derrière la console pour écouter le résultat, dansant au milieu du studio, allongé au sol pour écouter ses bandes et crier "THAT'S IT !!" lorsque la révélation se fait – on pourrait croire à l'émergence d'un nouveau Brian Wilson accompagné de ses problèmes connus. Moments les plus frissonnants, l'enregistrement de ces fabuleux chœurs pour "Ballad Of The Dying Man" et l'ensemble de cordes pour "Leaving LA", j'aurais beau regarder ce mini-film plusieurs fois, je me ferais toujours avoir et le résultat sur disque est sublime ; ces personnes peuvent être fier d'avoir réalisé ces "petits" moments marquants. La vidéo se termine par deux minutes et demie d'improvisation voix/clavier par Josh sur les aventures de l'ingénieur du son Trevor Spencer qui se trouve derrière lui devant sa console. Ce qui est frappant et troublant avec ce mini-film, c'est que l'on peut déjà ressentir le potentiel de l'œuvre, on sent que quelque chose de grand se prépare, l'envie est là, la sortie du disque se fait désirer, l'attente se fait de plus en plus grande, la hype grandit comme ils disent là-bas, il y a quelque chose de spécial dans l'air et je pense que Josh et son équipe le sentaient aussi. Et après la sortie de trois autres singles "Two Wildly Different Perspectives" / "Ballad Of The Dying Man" / "Total Entertainment Forever" et deux performances remarquées et remarquables au Saturday Night Live, Pure Comedy, l'album, sort au mois d'Avril.
Première chose que l'on remarque après la pochette (sur laquelle je reviendrai plus tard) et avant de lancer le disque, c'est cet essai de plus ou moins 1800 mots inscrit à l'intérieur du digipack pour le CD et du gatefold pour le vinyle. Genre de proses que Bob Dylan aimait écrire pour accompagner ses œuvres au lieu d'y mettre ses paroles (Father John Misty pensera bien au livret de paroles, essentiel pour ce genre d'album) et c'est loin d'être la seule similitude entre les deux Messieurs. Ce qu'on peut y lire est tout d'abord une interprétation de la vie par Josh – en référence aux premières paroles qui ouvriront le disque – et les différents thèmes qu'il abordera durant les 75 minutes de musique : notre condition passée, présente et future, les différents types de dangers auxquels nous devons faire face, les questions que l'on peut se poser sur nous-même et sur ceux et ce qui nous entoure... il est assez difficile de tout résumer, il est plus aisé de découvrir par soi-même ce petit bout de poésie. En lisant ce texte j'ai su que Pure Comedy avait vraiment tout pour me plaire, il suffisait à la musique de m'en convaincre définitivement. Petit détail qui m'a fait tilt, c'est étrange, mais il y a une sorte de logique dans la discographie de Father John Misty, Fear Fun avait 12 chansons, trois ans plus tard I Love You, Honeybear en comptait 11, deux ans plus tard ce Pure Comedy en a 13... cela ne m'étonnerais même pas que le 4è disque sorte dans un an et ait 10 ou 14 chansons. Pour le moment j'introduis mon CD dans mon "vieux" baladeur, casque vissé sur les oreilles, livret en main, j'appuie sur PLAY.
- "Pure Comedy"
Générique de show TV, bruit de studios et on se lance.
"The comedy of man starts like this:
Our brains are way too big for our mothers' hips
So nature, she devised this alternative:
We emerged half-formed and hope whoever greets us on the other end
Is kind enough
To fill us in
And, babies, that's pretty much how it's been ever since"
Piano/voix, rien de plus pour entrer en scène si ce n'est quelques petits effets analogiques bien discrets. Batterie et basse arrivent délicatement, légers chœurs et ça s'accélère au rythme de la narration de plus en plus passionnée – Josh vit sa chanson. Le constat de départ est posé, les thèmes qui seront abordés par la suite sont, en quelque sorte, résumés en six minutes et demie : la vie, la mort, les religions, le divertissement, la famille, les ennemis, le monde du business
"Where did they find these goons they elected to rule them?
What makes these clowns they idolize so remarkable?"
et la politique évidemment, écrit en 2016, il aurait été difficile pour lui de ne pas en parler et c'est souvent en période trouble que les meilleures œuvres sont réalisées – To Pimp A Butterfly de Kendrick Lamar en 2015 ou encore American Idiot de Green Day en 2004, pour ne prendre que 2 exemples marquants. Les cuivres entrent en scène et propulsent le morceau.
"Comedy
It's like something that a madman would conceive"
crie presque Josh à la manière d'un Jim Morrison, avant que le tout s'apaise et nous entraine dans des bras douillets avec deux petits accords de piano.
- "Total Entertainment Forever"
La piste qui bouge le plus, celle à l'ambiance la plus joyeuse et aussi celle qui prouve que la production de Jonathan Wilson est essentielle et remarquable. Tout sonne comme il faut, ça aurait pu sonner comme une fanfare avec les cuivres, mais tout est à sa place.
"Bedding Taylor Swift
Every night inside the Oculus Rift
After mister and the missus finish dinner and the dishes"
L'Amérique est choquée, il ose s'attaquer à l'inattaquable figure qu'est Taylor Swift, alors que la plupart n'ont pas compris ce qu'elle représentait et qu'ils ont sûrement tous utilisé leur système VR pour tester le porno en réalité augmentée... la recherche du plaisir dans le faux et le tout fabriqué.
"When the historians find us we'll be in our homes
Plugged into our hubs
Skin and bones
A frozen smile on every face
As the stories replay
This must have been a wonderful place"
La société du divertissement qui aura gagné, peut-être pas pour les bonnes raisons surtout si on ne sait pas y mettre des limites.
- "Things That Would Have Been Helpful To Know Before The Revolution"
Post réchauffement climatique, l'hypothèse de ce que l'on deviendra et comment on réagira. C'est de nouveau le piano, la batterie et la voix qui dirigent le morceau avant l'arrivée des cuivres et des violons assez calmes qui se changeront en une tempête sonore quasi horrifique – passage très cinématographique pour imager la descente en enfer de notre société.
"There are some visionaries among us
developing some products
To aid us in our struggle to survive
On this godless rock that refuses to die"
L'espoir est là, autour de nous, il suffit de le saisir. C'est tout bête, mais il faut parfois se le répéter pour s'en remémorer.
- "Ballad Of The Dying Man"
Peut-être la chanson la plus actuelle. L'histoire d'un homme mourant accro à internet et plus précisément aux réseaux sociaux qui, une fois sur son lit de mort et juste avant son dernier souffle, a plus envie de savoir ce qu'il va manquer une fois parti au lieu de penser à ceux qu'il va laisser, qui imagine quel commentaire il pourrait laisser pour "vivre encore un petit peu plus".
"Eventually the dying man takes his final breath
But first checks his news feed to see what he's 'bout to miss
And it occurs to him a little late in the game
We leave as clueless as we came
From rented heavens to the shadows in the cave"
Et cette strophe nous amène au climax avec les splendides chœurs que j'ai évoqué plus haut en parlant du mini-film, ces voix rajoutent de l'intensité bienvenue, du drame à l'histoire contée en totale contradiction avec la douce voix de Father derrière.
- "Birdie" / "Leaving LA"
Je mets ces deux chansons ensemble car si l'on prend en compte le format vinyle elles forment la Face B et surtout le meilleur moment du disque. Avec "Birdie" on a un constat ironique sur notre société, la technologie et la politique, un Homme qui conseille à un Oiseau de ne pas s'attarder sur notre monde qui devient de plus en plus difficile à vivre et qui tend à essayer d'uniformiser le tout – comment on doit penser, ce que l'on peut dire ou non, ce que l'on peut faire ou non, ce qui est de nouveau autorisé, ce qui est désormais interdit, comment on doit agir etc etc vous voyez le topo au jour le jour tout autour de vous. Le contraste entre les passages au piano, bien sombre, assez oppressant avec effets fantomatiques analogiques et ceux plus clairs à la guitare acoustique avec chœurs discrets caressant l'ouïe qui pourrait être de vraies berceuses est saisissant.
Avec "Leaving LA", dont sont tirés les premiers vers de cette chronique, on atteint la magie et la maîtrise des longs morceaux essentiels de Bob Dylan – 10 couplets, 13 minutes 13 au compteur, long sur le papier, mais heureusement jamais chiant. Utilisation de la guitare acoustique comme simple accompagnement à la voix, l'autodérision des paroles prime sur la composition, nul besoin d'être un génie de la guitare lorsque l'on a ces mots à la bouche. La beauté pure dans la simplicité.
- "A Bigger Paper Bag"
Léger roulement de batterie qui permet de contraster avec les deux précédentes pistes. Le son devient plus jazzy, un violon et un orgue font irruption, on est en fin de soirée.
"I've got the world by the balls, am I supposed to behave?
What a fraud
What a con
You're the only one I love"
Ode sarcastique au narcissisme des puissants et à l'égoïsme de tout un chacun, mais bizarrement il commence par attaquer ceux qui aiment la boisson (Josh ayant arrêté l'alcool et d'autres substances dangereuses il y a quelques années, il doit parler en connaissance de cause). Après, mettre ces deux types de personnes ensemble, je ne suis pas sûr que ce soit vraiment juste même si l'un comme l'autre ne pensent vraiment qu'à leur gueule et tant pis si ceux qui les entourent en pâtissent de leur faute.
- "When The God Of Love Returns There'll Be Hell To Pay"
(Haha ce titre). La plus belle chanson piano/voix du disque. C'est le retour des chœurs angéliques.
"You must not know the first thing
About us human beings
We're the Earth's most soulful predators
Maybe try something less ambitious the next time you get bored
Oh, my Lord"
Il fait évidemment référence à la religion et ô combien nous sommes un cas désespéré désespérant, mais "It's just Human, Human nature", alors on s'y fait.
- "Smoochie"
Voilà l'espoir tant attendu sur une musique calme et joyeuse – la Lap-Steel Guitar et le xylophone dans le fond y sont pour beaucoup.
"You stand alongside
And say something to the effect that
'Everything'll be alright soon'."
L'espoir retrouvé auprès de l'être aimé, comme quoi il n'est pas si loin que çà. Une chanson dans l'esprit du précédent disque.
- "Two Wildly Different Perspectives"
Sons de piano et de cymbales inversés, accords de piano et petit ensemble de cordes graves, l'heure n'est toujours pas à la rigolade. Father John Misty se fait affronter deux côtés avec des idées bien différentes ("One side says: [...] The other says:"), évidemment ce titre est politique.
- "The Memo"
Critique de l'art pictural moderne, du monde de la musique, du monde des sports, des participants aux téléréalité qui pensent être le centre du monde (narcisse le retour) et des dangers des réseaux sociaux où la plupart des personnes pensent aussi être plus importantes que les autres et où la méchanceté gratuite et la plus cruelle est autorisée.
"But your feedback's important
To us"
Une strophe suffit à emmener cette douce chanson dans une ambiance macabre grâce à un break avec des voix digitalisées, robotiques féminines et masculines – encore une fois une très bonne idée de production, All Hail Jonathan Wilson – qui accompagne la voix grave de Josh et les accords de piano suivant son rythme. Et Tillman repart en guitare/voix d'une manière assez enjouée pour terminer la chanson avec un piano et une contrebasse discrète.
- "So I'm Growing Old On Magic Mountain"
Durant mes premières écoutes je trouvais que l'avoir mise en avant-dernière était un mauvais choix, surtout dû au côté apaisé de la chanson et à cette sublime coda qui occupe toute la seconde moitié du morceau (donc 5 minutes sur 10) et qui aurait été parfaite pour clôturer le disque – enfin c'était ce que je pensais au départ – avec nappes de synthés et la mélodie piano/guitare acoustique/batterie/basse qui continue jusqu'à s'éteindre petit à petit, les notes de piano résonnent les dernières pour disparaître sous les douces nappes de synthés flottant dans l'air. Coda qui sert de lumière au bout du tunnel, surtout grâce aux notes délicates de piano, il y a de la beauté dans la tristesse et ceci le prouve ; ce sont des notes d'espérances pour nous éveiller. Father John Misty évoque la peur de grandir, de vieillir ("The slower, the better"), la peur d'oublier la plupart de ses souvenirs, il veut profiter de chaque instant et le plus longtemps possible :
"For now any young thing in my path
I'll hold their face so long inside my hands
And the longer, the better"
S'il descend de sa montagne il pense que tout va se finir – la mort – et en même temps, s'il ne se décide pas à le faire, il n'y aura aucun futur pour lui :
"So the longer I stay here
The longer there's no future
So I'm growing old on magic mountain"
C'est notre malédiction.
- "In Twenty Years Or So"
C'est celle-ci qu'au départ j'aurais interchangé avec la précédente, mais en réalité elle est à la bonne place, c'est parfait ainsi grâce à ces paroles mais aussi pour son instrumentation intimiste au départ, comme si le Father John nous avait balancé en pleine face le constat de notre époque et ses conséquences présentes et à venir (l'extinction qu'on nous annonce de notre espèce dans les prochaines années) et que pourtant il nous disait par la même occasion qu'au final nous allons nous en sortir – encore et toujours cette question d'espoir – qu'il suffit d'accepter sa condition, de faire avec et d'arrêter de se préoccuper du superflu. Tout s'arrête, petit silence, les archers frottent les cordes des violons pour la dernière fois, 4 petits coups de cloche.
"It's a miracle to be alive
One more time
There's nothing to fear"
Avant de conclure, je reviens sur cette pochette réalisée par Ed Steed pour les dessins, un Artiste travaillant pour The New Yorker habitué à critiquer les aspects les plus primitifs de l'être humain via ses dessins ; il était plus qu'évident que le chemin des deux Artistes se croise à un moment donné. Josh Tillman s'est occupé de la peinture qui sert de ciel ; 4 sont disponibles : la classique bleu foncé avec le croissant de lune (la plus jolie personnellement), l'orange clair avec le soleil, la rouge avec la lune et le soleil et la bleu ciel avec l'arc-en-ciel, les petits nuages et le soleil tout riquiqui ; le jeu étant que si vous précommandiez le CD ou la version normale du double LP, vous ne pouviez choisir la version, c'était un jeu de pur hasard – seuls ceux ayant optaient pour la version double vinyle coloré deluxe avaient le droit aux différentes peintures interchangeables. Plus que les belles peintures, ce sont les dessins d'Ed Steed qui importe ici et il y en a une tonne, tous directement inspirés des paroles : un joueur de golf prêt à taper la balle avec une jambe appartenant à son caddie en lieu et place d'un club, le pape jouant avec des maracas, verre de vin à ses côtés, un rituel païen, des sportifs et leurs supporters écervelés, le culte du corps bien sculpté, des évadés de prison, un squelette pissant sur des flammes, la photo de John & Yoko pour le magazine Rolling Stone, une vache entière cuite au barbecue, des paparazzis, des faux journalistes, un clown triste, des adultes jouant à la gue-guerre, le système éducatif qui se noie, la mort distribuant des prospectus, 3 hommes regardant des magazines porno sans rien ressentir, Father John Misty lui-même (?), visage horrifique, dirigeant une barque avec des animaux musiciens, un voleur cow-boy, Mickey triste, trump et sa mèche rebelle, un homme fusée, des braconniers se photographiant au côté de leur proie fraiche, un ours prêt à dévorer un chasseur prêt à fusiller un vautour prêt à attraper une souris prête à se faire prendre au piège de la tapette, au loin des voyageurs arrivants à cheval, en caravane et en bateau de croisière, derrière les collines la forêt, la campagne, la ville, les usines, la grande roue, les satellites etc. la pochette arrière est tout autant fournie en détails, re-trump, Jésus, le Che, Abraham Lincoln, un mafioso, une nonne frappant un homme nu, du BDSM, un musicien devant son pupitre prêt à se tirer une balle dans le ciboulot, une catcheuse, des manifestants, un couple d'amoureux isolé en hauteur regardant le spectacle qui se déroule sous leurs pieds... vous pouvez aisément passer les 75 minutes que dure le disque à regarder tous ces petits dessins ; Ed Steed a réalisé un énorme travail, bravo Monsieur.
J'ai mis longtemps à écrire cette chronique, des mois entiers à me demander ce que je pouvais dire tellement il m'était difficile d'y mettre des mots, c'est le type d'œuvre qui vous touche profondément pour une ou plusieurs raisons et dont il est difficile de donner les causes, parce qu'on aura irrémédiablement l'impression de se dévoiler égoïstement plutôt que de parler du disque (Sleeper de Ty Segall étant l'exemple le plus récent pour ma part). Je ne pouvais pas juste dire que c'était presque le meilleur disque que j'avais entendu en 2017 sans vraiment rendre justice à la poésie de Father John Misty, je voulais que mon écrit soit à la hauteur de sa création dans le sens où il fallait que je rende compte de la portée de ses mots parce que ce genre d'Artiste réfléchi devient de plus en plus rare... c'est sûrement totalement con de ma part d'avoir eu ce blocage pendant si longtemps, mais comme Josh, il faut parfois oser (quel beau mot) et tant pis si on rate, si on SE rate, on aura essayé. Peut-être même que la majorité d'entre vous ne liront même pas ce paragraphe, parce que j'ai été trop long ou trop chiant ou tout simplement parce que le personnage de Father John Misty ne vous intéresse pas ou vous insupporte, mais qu'importe, ceux qui seront là en ayant fait tout le chemin ont de la volonté et ce disque, qui peut être qualifié de long, est sûrement fait pour eux. Il fait définitivement partie de ces œuvres à ressentir. Les paroles méritent d'être épluchées voire même étudiées, il faut lire et écouter Father John Misty comme on doit lire et écouter Bob Dylan ou encore Randy Newman avec lequel il partage aussi des similitudes, notamment sur le type d'humour utilisé pour faire passer des messages. Pure Comedy est une œuvre intelligente, ironique, satirique, absurde et sérieuse, emplie de piano, de guitares, de cordes, de cuivres et de chœurs angéliques et passionnés ; c'est un album à redécouvrir sur plusieurs années pour comprendre et/ou interpréter les paroles autrement, avec plus de recul, avec une autre perspective, avec notre propre expérience, notre propre maturité, avec l'évolution de nos sociétés. C'est cohérent, raffiné, toujours aussi lucide, malgré le manque d'enthousiasme, mais c'est une belle tristesse, c'est engagé, introspectif, expressif, empli de sentiments contraires, d'amour et de haine et pourtant toujours avec de l'espoir au bout du chemin. Pure Comedy est un album riche et essentiel, l'un des témoins d'une époque charnière.
Another white guy in 2017
Who takes himself so goddam seriously."
Josh Tillman le dit lui-même avec sa pointe d'humour sarcastique bien à lui, et pourtant OUI ce Pure Comedy c'est sûrement ce dont on avait besoin en cette année 2017. Father John Misty en est à son 3è album – un double si l'on prend le format vinyle ; après un Fear Fun assez impressionnant empli d'humour et un I Love You, Honeybear emballant et grandiloquent empli d'amour, Papa John abat sa carte maîtresse qui risque de tout chambouler.
Tout commence avec la sortie en Janvier du single éponyme faisant office d'ouverture à l'œuvre et d'un mini-documentaire de 25 minutes, Pure Comedy (The Film) en noir & blanc produit par Grant James & Josh, témoignant de l'élaboration de l'album. Mélange d'images de Los Angeles, parfois en feu (effets spéciaux, pas du vrai), de moments "intimes" pris chez lui notamment lorsqu'il écrit ses paroles sur sa terrasse dans son peignoir, une tasse et une cigarette en main, de ballades en voiture ou encore lorsqu'il peint ce qui deviendra l'une des 4 versions de la pochette et bien évidemment et le plus intéressant, les sessions studio où Josh & ses musiciens ont enregistré les bases des chansons en 1 ou 2 prises pour chaque instrument et voix – allons à l'essentiel, soyons le plus instinctif et gardons ce qui est le plus "vrai". Accroupis sur son siège pour jouer du piano, sifflant ses nouvelles mélodies, dessinant sur une feuille de papier avant une prise, posé derrière ses micros pour graver sa voix et ses accords de guitare en même temps sur les bandes analogiques du studio United Recording, derrière la console pour écouter le résultat, dansant au milieu du studio, allongé au sol pour écouter ses bandes et crier "THAT'S IT !!" lorsque la révélation se fait – on pourrait croire à l'émergence d'un nouveau Brian Wilson accompagné de ses problèmes connus. Moments les plus frissonnants, l'enregistrement de ces fabuleux chœurs pour "Ballad Of The Dying Man" et l'ensemble de cordes pour "Leaving LA", j'aurais beau regarder ce mini-film plusieurs fois, je me ferais toujours avoir et le résultat sur disque est sublime ; ces personnes peuvent être fier d'avoir réalisé ces "petits" moments marquants. La vidéo se termine par deux minutes et demie d'improvisation voix/clavier par Josh sur les aventures de l'ingénieur du son Trevor Spencer qui se trouve derrière lui devant sa console. Ce qui est frappant et troublant avec ce mini-film, c'est que l'on peut déjà ressentir le potentiel de l'œuvre, on sent que quelque chose de grand se prépare, l'envie est là, la sortie du disque se fait désirer, l'attente se fait de plus en plus grande, la hype grandit comme ils disent là-bas, il y a quelque chose de spécial dans l'air et je pense que Josh et son équipe le sentaient aussi. Et après la sortie de trois autres singles "Two Wildly Different Perspectives" / "Ballad Of The Dying Man" / "Total Entertainment Forever" et deux performances remarquées et remarquables au Saturday Night Live, Pure Comedy, l'album, sort au mois d'Avril.
Première chose que l'on remarque après la pochette (sur laquelle je reviendrai plus tard) et avant de lancer le disque, c'est cet essai de plus ou moins 1800 mots inscrit à l'intérieur du digipack pour le CD et du gatefold pour le vinyle. Genre de proses que Bob Dylan aimait écrire pour accompagner ses œuvres au lieu d'y mettre ses paroles (Father John Misty pensera bien au livret de paroles, essentiel pour ce genre d'album) et c'est loin d'être la seule similitude entre les deux Messieurs. Ce qu'on peut y lire est tout d'abord une interprétation de la vie par Josh – en référence aux premières paroles qui ouvriront le disque – et les différents thèmes qu'il abordera durant les 75 minutes de musique : notre condition passée, présente et future, les différents types de dangers auxquels nous devons faire face, les questions que l'on peut se poser sur nous-même et sur ceux et ce qui nous entoure... il est assez difficile de tout résumer, il est plus aisé de découvrir par soi-même ce petit bout de poésie. En lisant ce texte j'ai su que Pure Comedy avait vraiment tout pour me plaire, il suffisait à la musique de m'en convaincre définitivement. Petit détail qui m'a fait tilt, c'est étrange, mais il y a une sorte de logique dans la discographie de Father John Misty, Fear Fun avait 12 chansons, trois ans plus tard I Love You, Honeybear en comptait 11, deux ans plus tard ce Pure Comedy en a 13... cela ne m'étonnerais même pas que le 4è disque sorte dans un an et ait 10 ou 14 chansons. Pour le moment j'introduis mon CD dans mon "vieux" baladeur, casque vissé sur les oreilles, livret en main, j'appuie sur PLAY.
- "Pure Comedy"
Générique de show TV, bruit de studios et on se lance.
"The comedy of man starts like this:
Our brains are way too big for our mothers' hips
So nature, she devised this alternative:
We emerged half-formed and hope whoever greets us on the other end
Is kind enough
To fill us in
And, babies, that's pretty much how it's been ever since"
Piano/voix, rien de plus pour entrer en scène si ce n'est quelques petits effets analogiques bien discrets. Batterie et basse arrivent délicatement, légers chœurs et ça s'accélère au rythme de la narration de plus en plus passionnée – Josh vit sa chanson. Le constat de départ est posé, les thèmes qui seront abordés par la suite sont, en quelque sorte, résumés en six minutes et demie : la vie, la mort, les religions, le divertissement, la famille, les ennemis, le monde du business
"Where did they find these goons they elected to rule them?
What makes these clowns they idolize so remarkable?"
et la politique évidemment, écrit en 2016, il aurait été difficile pour lui de ne pas en parler et c'est souvent en période trouble que les meilleures œuvres sont réalisées – To Pimp A Butterfly de Kendrick Lamar en 2015 ou encore American Idiot de Green Day en 2004, pour ne prendre que 2 exemples marquants. Les cuivres entrent en scène et propulsent le morceau.
"Comedy
It's like something that a madman would conceive"
crie presque Josh à la manière d'un Jim Morrison, avant que le tout s'apaise et nous entraine dans des bras douillets avec deux petits accords de piano.
- "Total Entertainment Forever"
La piste qui bouge le plus, celle à l'ambiance la plus joyeuse et aussi celle qui prouve que la production de Jonathan Wilson est essentielle et remarquable. Tout sonne comme il faut, ça aurait pu sonner comme une fanfare avec les cuivres, mais tout est à sa place.
"Bedding Taylor Swift
Every night inside the Oculus Rift
After mister and the missus finish dinner and the dishes"
L'Amérique est choquée, il ose s'attaquer à l'inattaquable figure qu'est Taylor Swift, alors que la plupart n'ont pas compris ce qu'elle représentait et qu'ils ont sûrement tous utilisé leur système VR pour tester le porno en réalité augmentée... la recherche du plaisir dans le faux et le tout fabriqué.
"When the historians find us we'll be in our homes
Plugged into our hubs
Skin and bones
A frozen smile on every face
As the stories replay
This must have been a wonderful place"
La société du divertissement qui aura gagné, peut-être pas pour les bonnes raisons surtout si on ne sait pas y mettre des limites.
- "Things That Would Have Been Helpful To Know Before The Revolution"
Post réchauffement climatique, l'hypothèse de ce que l'on deviendra et comment on réagira. C'est de nouveau le piano, la batterie et la voix qui dirigent le morceau avant l'arrivée des cuivres et des violons assez calmes qui se changeront en une tempête sonore quasi horrifique – passage très cinématographique pour imager la descente en enfer de notre société.
"There are some visionaries among us
developing some products
To aid us in our struggle to survive
On this godless rock that refuses to die"
L'espoir est là, autour de nous, il suffit de le saisir. C'est tout bête, mais il faut parfois se le répéter pour s'en remémorer.
- "Ballad Of The Dying Man"
Peut-être la chanson la plus actuelle. L'histoire d'un homme mourant accro à internet et plus précisément aux réseaux sociaux qui, une fois sur son lit de mort et juste avant son dernier souffle, a plus envie de savoir ce qu'il va manquer une fois parti au lieu de penser à ceux qu'il va laisser, qui imagine quel commentaire il pourrait laisser pour "vivre encore un petit peu plus".
"Eventually the dying man takes his final breath
But first checks his news feed to see what he's 'bout to miss
And it occurs to him a little late in the game
We leave as clueless as we came
From rented heavens to the shadows in the cave"
Et cette strophe nous amène au climax avec les splendides chœurs que j'ai évoqué plus haut en parlant du mini-film, ces voix rajoutent de l'intensité bienvenue, du drame à l'histoire contée en totale contradiction avec la douce voix de Father derrière.
- "Birdie" / "Leaving LA"
Je mets ces deux chansons ensemble car si l'on prend en compte le format vinyle elles forment la Face B et surtout le meilleur moment du disque. Avec "Birdie" on a un constat ironique sur notre société, la technologie et la politique, un Homme qui conseille à un Oiseau de ne pas s'attarder sur notre monde qui devient de plus en plus difficile à vivre et qui tend à essayer d'uniformiser le tout – comment on doit penser, ce que l'on peut dire ou non, ce que l'on peut faire ou non, ce qui est de nouveau autorisé, ce qui est désormais interdit, comment on doit agir etc etc vous voyez le topo au jour le jour tout autour de vous. Le contraste entre les passages au piano, bien sombre, assez oppressant avec effets fantomatiques analogiques et ceux plus clairs à la guitare acoustique avec chœurs discrets caressant l'ouïe qui pourrait être de vraies berceuses est saisissant.
Avec "Leaving LA", dont sont tirés les premiers vers de cette chronique, on atteint la magie et la maîtrise des longs morceaux essentiels de Bob Dylan – 10 couplets, 13 minutes 13 au compteur, long sur le papier, mais heureusement jamais chiant. Utilisation de la guitare acoustique comme simple accompagnement à la voix, l'autodérision des paroles prime sur la composition, nul besoin d'être un génie de la guitare lorsque l'on a ces mots à la bouche. La beauté pure dans la simplicité.
- "A Bigger Paper Bag"
Léger roulement de batterie qui permet de contraster avec les deux précédentes pistes. Le son devient plus jazzy, un violon et un orgue font irruption, on est en fin de soirée.
"I've got the world by the balls, am I supposed to behave?
What a fraud
What a con
You're the only one I love"
Ode sarcastique au narcissisme des puissants et à l'égoïsme de tout un chacun, mais bizarrement il commence par attaquer ceux qui aiment la boisson (Josh ayant arrêté l'alcool et d'autres substances dangereuses il y a quelques années, il doit parler en connaissance de cause). Après, mettre ces deux types de personnes ensemble, je ne suis pas sûr que ce soit vraiment juste même si l'un comme l'autre ne pensent vraiment qu'à leur gueule et tant pis si ceux qui les entourent en pâtissent de leur faute.
- "When The God Of Love Returns There'll Be Hell To Pay"
(Haha ce titre). La plus belle chanson piano/voix du disque. C'est le retour des chœurs angéliques.
"You must not know the first thing
About us human beings
We're the Earth's most soulful predators
Maybe try something less ambitious the next time you get bored
Oh, my Lord"
Il fait évidemment référence à la religion et ô combien nous sommes un cas désespéré désespérant, mais "It's just Human, Human nature", alors on s'y fait.
- "Smoochie"
Voilà l'espoir tant attendu sur une musique calme et joyeuse – la Lap-Steel Guitar et le xylophone dans le fond y sont pour beaucoup.
"You stand alongside
And say something to the effect that
'Everything'll be alright soon'."
L'espoir retrouvé auprès de l'être aimé, comme quoi il n'est pas si loin que çà. Une chanson dans l'esprit du précédent disque.
- "Two Wildly Different Perspectives"
Sons de piano et de cymbales inversés, accords de piano et petit ensemble de cordes graves, l'heure n'est toujours pas à la rigolade. Father John Misty se fait affronter deux côtés avec des idées bien différentes ("One side says: [...] The other says:"), évidemment ce titre est politique.
- "The Memo"
Critique de l'art pictural moderne, du monde de la musique, du monde des sports, des participants aux téléréalité qui pensent être le centre du monde (narcisse le retour) et des dangers des réseaux sociaux où la plupart des personnes pensent aussi être plus importantes que les autres et où la méchanceté gratuite et la plus cruelle est autorisée.
"But your feedback's important
To us"
Une strophe suffit à emmener cette douce chanson dans une ambiance macabre grâce à un break avec des voix digitalisées, robotiques féminines et masculines – encore une fois une très bonne idée de production, All Hail Jonathan Wilson – qui accompagne la voix grave de Josh et les accords de piano suivant son rythme. Et Tillman repart en guitare/voix d'une manière assez enjouée pour terminer la chanson avec un piano et une contrebasse discrète.
- "So I'm Growing Old On Magic Mountain"
Durant mes premières écoutes je trouvais que l'avoir mise en avant-dernière était un mauvais choix, surtout dû au côté apaisé de la chanson et à cette sublime coda qui occupe toute la seconde moitié du morceau (donc 5 minutes sur 10) et qui aurait été parfaite pour clôturer le disque – enfin c'était ce que je pensais au départ – avec nappes de synthés et la mélodie piano/guitare acoustique/batterie/basse qui continue jusqu'à s'éteindre petit à petit, les notes de piano résonnent les dernières pour disparaître sous les douces nappes de synthés flottant dans l'air. Coda qui sert de lumière au bout du tunnel, surtout grâce aux notes délicates de piano, il y a de la beauté dans la tristesse et ceci le prouve ; ce sont des notes d'espérances pour nous éveiller. Father John Misty évoque la peur de grandir, de vieillir ("The slower, the better"), la peur d'oublier la plupart de ses souvenirs, il veut profiter de chaque instant et le plus longtemps possible :
"For now any young thing in my path
I'll hold their face so long inside my hands
And the longer, the better"
S'il descend de sa montagne il pense que tout va se finir – la mort – et en même temps, s'il ne se décide pas à le faire, il n'y aura aucun futur pour lui :
"So the longer I stay here
The longer there's no future
So I'm growing old on magic mountain"
C'est notre malédiction.
- "In Twenty Years Or So"
C'est celle-ci qu'au départ j'aurais interchangé avec la précédente, mais en réalité elle est à la bonne place, c'est parfait ainsi grâce à ces paroles mais aussi pour son instrumentation intimiste au départ, comme si le Father John nous avait balancé en pleine face le constat de notre époque et ses conséquences présentes et à venir (l'extinction qu'on nous annonce de notre espèce dans les prochaines années) et que pourtant il nous disait par la même occasion qu'au final nous allons nous en sortir – encore et toujours cette question d'espoir – qu'il suffit d'accepter sa condition, de faire avec et d'arrêter de se préoccuper du superflu. Tout s'arrête, petit silence, les archers frottent les cordes des violons pour la dernière fois, 4 petits coups de cloche.
"It's a miracle to be alive
One more time
There's nothing to fear"
Avant de conclure, je reviens sur cette pochette réalisée par Ed Steed pour les dessins, un Artiste travaillant pour The New Yorker habitué à critiquer les aspects les plus primitifs de l'être humain via ses dessins ; il était plus qu'évident que le chemin des deux Artistes se croise à un moment donné. Josh Tillman s'est occupé de la peinture qui sert de ciel ; 4 sont disponibles : la classique bleu foncé avec le croissant de lune (la plus jolie personnellement), l'orange clair avec le soleil, la rouge avec la lune et le soleil et la bleu ciel avec l'arc-en-ciel, les petits nuages et le soleil tout riquiqui ; le jeu étant que si vous précommandiez le CD ou la version normale du double LP, vous ne pouviez choisir la version, c'était un jeu de pur hasard – seuls ceux ayant optaient pour la version double vinyle coloré deluxe avaient le droit aux différentes peintures interchangeables. Plus que les belles peintures, ce sont les dessins d'Ed Steed qui importe ici et il y en a une tonne, tous directement inspirés des paroles : un joueur de golf prêt à taper la balle avec une jambe appartenant à son caddie en lieu et place d'un club, le pape jouant avec des maracas, verre de vin à ses côtés, un rituel païen, des sportifs et leurs supporters écervelés, le culte du corps bien sculpté, des évadés de prison, un squelette pissant sur des flammes, la photo de John & Yoko pour le magazine Rolling Stone, une vache entière cuite au barbecue, des paparazzis, des faux journalistes, un clown triste, des adultes jouant à la gue-guerre, le système éducatif qui se noie, la mort distribuant des prospectus, 3 hommes regardant des magazines porno sans rien ressentir, Father John Misty lui-même (?), visage horrifique, dirigeant une barque avec des animaux musiciens, un voleur cow-boy, Mickey triste, trump et sa mèche rebelle, un homme fusée, des braconniers se photographiant au côté de leur proie fraiche, un ours prêt à dévorer un chasseur prêt à fusiller un vautour prêt à attraper une souris prête à se faire prendre au piège de la tapette, au loin des voyageurs arrivants à cheval, en caravane et en bateau de croisière, derrière les collines la forêt, la campagne, la ville, les usines, la grande roue, les satellites etc. la pochette arrière est tout autant fournie en détails, re-trump, Jésus, le Che, Abraham Lincoln, un mafioso, une nonne frappant un homme nu, du BDSM, un musicien devant son pupitre prêt à se tirer une balle dans le ciboulot, une catcheuse, des manifestants, un couple d'amoureux isolé en hauteur regardant le spectacle qui se déroule sous leurs pieds... vous pouvez aisément passer les 75 minutes que dure le disque à regarder tous ces petits dessins ; Ed Steed a réalisé un énorme travail, bravo Monsieur.
J'ai mis longtemps à écrire cette chronique, des mois entiers à me demander ce que je pouvais dire tellement il m'était difficile d'y mettre des mots, c'est le type d'œuvre qui vous touche profondément pour une ou plusieurs raisons et dont il est difficile de donner les causes, parce qu'on aura irrémédiablement l'impression de se dévoiler égoïstement plutôt que de parler du disque (Sleeper de Ty Segall étant l'exemple le plus récent pour ma part). Je ne pouvais pas juste dire que c'était presque le meilleur disque que j'avais entendu en 2017 sans vraiment rendre justice à la poésie de Father John Misty, je voulais que mon écrit soit à la hauteur de sa création dans le sens où il fallait que je rende compte de la portée de ses mots parce que ce genre d'Artiste réfléchi devient de plus en plus rare... c'est sûrement totalement con de ma part d'avoir eu ce blocage pendant si longtemps, mais comme Josh, il faut parfois oser (quel beau mot) et tant pis si on rate, si on SE rate, on aura essayé. Peut-être même que la majorité d'entre vous ne liront même pas ce paragraphe, parce que j'ai été trop long ou trop chiant ou tout simplement parce que le personnage de Father John Misty ne vous intéresse pas ou vous insupporte, mais qu'importe, ceux qui seront là en ayant fait tout le chemin ont de la volonté et ce disque, qui peut être qualifié de long, est sûrement fait pour eux. Il fait définitivement partie de ces œuvres à ressentir. Les paroles méritent d'être épluchées voire même étudiées, il faut lire et écouter Father John Misty comme on doit lire et écouter Bob Dylan ou encore Randy Newman avec lequel il partage aussi des similitudes, notamment sur le type d'humour utilisé pour faire passer des messages. Pure Comedy est une œuvre intelligente, ironique, satirique, absurde et sérieuse, emplie de piano, de guitares, de cordes, de cuivres et de chœurs angéliques et passionnés ; c'est un album à redécouvrir sur plusieurs années pour comprendre et/ou interpréter les paroles autrement, avec plus de recul, avec une autre perspective, avec notre propre expérience, notre propre maturité, avec l'évolution de nos sociétés. C'est cohérent, raffiné, toujours aussi lucide, malgré le manque d'enthousiasme, mais c'est une belle tristesse, c'est engagé, introspectif, expressif, empli de sentiments contraires, d'amour et de haine et pourtant toujours avec de l'espoir au bout du chemin. Pure Comedy est un album riche et essentiel, l'un des témoins d'une époque charnière.
Exceptionnel ! ! 19/20 | par Beckuto |
Si vous voulez voir le mini-documentaire sur l'élaboration de l'album : Pure Comedy (The Film)
https://youtu.be/cejjqC1oyQM
https://youtu.be/cejjqC1oyQM
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