La Route Du Rock
Saint-Malo [Fort De Saint-Père] - samedi 19 août 2017 |
Pour ma huitième Route du Rock, ma seule entorse à la règle "le Fort (de Saint-Père), rien que le Fort" aura été pour la conférence de Christophe Brault. Après le shoegaze l'an dernier, le ludique conférencier auteur d'un ouvrage instructif sur le rock garage s'attaque au punk avec toujours autant de brio - et de air guitar. Avec des extraits sonores allant des Stooges à Discharge en passant par Richard Hell, Eddie & The Hotrods, les Buzzcocks et Black Flag, il a encore réussi à me faire découvrir plein de choses sur un sujet que je pensai connaître, et surtout à donner du sens à cette histoire. Et je ne parle même pas de ses intermèdes hilarants sur le look punk et sur les "bigoudis" de Chris Bailey, le blondinet chanteur des Saints. Encore un beau tour de force en deux trop courtes heures.
Mais revenons au Fort : après une première soirée de haute volée, je reprends mes mauvaises habitudes et traîne à l'apéro avec vue sur la magnifique plage du Sillon. Quand j'arrive pour prendre la navette, il est 18 heures passées et je sais qu'avec une telle file d'attente, je vais rater Cold Pumas, l'autre petit groupe de shoegaze prometteur de cette édition. Plus gênant encore, j'arrive dans le fort à la fin du deuxième morceau du set de Parquet Courts sur la grande scène, et je me retrouve coincé sur le côté de la scène, à ne voir Austin Brown, le guitariste-clavier-sosie de Thurston Moore, que sur l'écran géant au dessus de ma tête. Comme Car Seat Headrest la veille, les New-yorkais ont décidé de lâcher les watts pour secouer le public, qui n'en demandait pas tant : le pogo est déjà bien lancé quand j'arrive. Mais j'ai beau adorer ce groupe et leurs morceaux ravageurs, j'ai toujours une petite frustration lors de leurs prestations live : le son et l'interprétation sont souvent un poil approximatifs. Des ronflements de basse et quelques tout petits pains font perdre un peu d'efficacité à des morceaux pourtant imparables. Et quand ils finissent par s'embarquer dans une version à rallonge de leur jouissive bossa-nova noisy "One Man, No City", ils finissent par se faire tirer l'oreille par la direction qui est obligée de décaler le reste du programme de dix minutes. Pas toujours très pro, mais très enthousiaste. Un très bon set pour se mettre dans le bain.
L'ambiance se plombe un chouia quand arrivent mes chouchous écossais : Arab Strap. Contrairement à la plupart de leurs fans qui ne les espéraient plus depuis leur départ en retraite en 2006, j'ai déjà eu le privilège de les voir en juin au festival Nos Primavera de Porto, où ils remplaçaient Grandaddy. Je n'ai donc plus l'émotion des retrouvailles, mais je n'en ai pas besoin : leur musique est un concentré d'émotions, à l'intersection des divagations éthylico-sexuelles du chanteur Aidan Moffat et des sublimes mélodies de guitares mogwaiesques de Malcolm Middleton. Accompagnés d'une violoniste, d'un guitariste, d'un bassiste et d'un batteur, ainsi que des boîtes à rythmes avec lesquelles le truculent chanteur donne des connotations électro à certains morceaux, les deux compères revisitent leur répertoire avec un plaisir qui contraste avec la mélancolie profonde qui émane de leur musique. Le temps fort de ma soirée, et sur la petite scène des remparts qui plus est.
Après une telle démonstration, la pop psyché des jeunots anglais de Temples apparaît bien fadasse, aussi talentueux soient-ils. Je choisis donc d'aller me chercher un burger. La foule étant moins dense que la veille, je m'octroie même le luxe d'une pinte de Grimbergen. Je finis tout de même par revenir devant la grande scène en essayant de comprendre ce phénomène étrange : ces gamins mignonnets lookés à mort ont beau représenter une vision aseptisée et cliché du mouvement psychédélique de la fin des années 60, leurs mélodies me collent à la tronche encore plus sûrement que celle de Jacco Gardner ou de Pond, pour rester dans la même catégorie. Certes, j'ai eu un peu plus de mal à rentrer dans leur deuxième album du fait d'une production boursouflée qui ferait passer Tame Impala pour du Steve Albini, mais ce concert me fait réaliser que je suis déjà accro à certaines de leurs pop songs, notamment "Mystery Of Pop", malgré son côté Abba très marqué. Bref, pas mon groupe préféré de la soirée, mais un beau moment de pop consensuelle et festive comme la Route du rock sait en proposer. Et une préparation parfaite pour la tête d'affiche de la soirée : The Jesus & Mary Chain.
La résurrection est décidément une spécialité écossaise cette année, et la Route du rock a su encore une fois en profiter. Un paquet de légendes du shoegaze resurgies du néant sont passées par le Fort de Saint-Père ces dernières années : après My Bloody Valentine en 2013, Slowdive en 2014, Ride en 2015 et Lush en 2016, la boucle semble bouclée avec cette sulfureuse fratrie écossaise, les premiers à avoir poussé le volume de leurs pédales d'effets pour saloper leur surf-pop (sans l'accélérer comme les Ramones) et rappeler que s'ils sont fans des Beach Boys, ils viennent tout de même d'une ville industrielle. La scène est soigneusement compartimentée : au centre, le batteur. À sa droite, un bassiste et un guitariste sosie de Benjamin Biolay. À sa gauche, parqué comme un vieux fauve à la crinière grise dans un espace délimité par la batterie, deux amplis Orange, deux retours et un ventilateur, le frangin William. Et devant tout ce beau monde, le frangin Jim qui, bien que semblant un peu dans le cirage, inonde la scène de sa classe prolétaire et martyrise son pied de micro dans des accès de rage soudains et éphémères. Comme le disait quelques heures plus tôt Christophe Brault des Clash, il y a des gens qui ont la gueule de l'emploi et dont ça aurait été dommage qu'ils fassent autre chose que rock star. Les deux frangins Reid sont de ceux-là. Ils ont beau avoir pris cher, ils viennent de sortir un album qui tient la route et dont certaines des chansons illuminent cette soirée presque autant que leurs classiques intemporels. Certes, on est loin des concerts légendaires des années 80 décrits par leur manager Alan McGee dans son autobiographie, et la participation timide de Bernadette Denning (la petite amie de William, merci les Inrocks pour l'info) sur "Always Sad" ne constitue pas le moment le plus rock'n'roll de ce concert. Mais ça fait quand même quelque chose de les voir jouer "Just Like Honey" ou "Head On".
La qualité de la prestation des frères Reid est confirmée peu de temps après par effet de contraste : j'attendais beaucoup des sulfureux Black Lips après les avoir découvert au Arte Concert Festival en avril dernier, mais comparés aux maîtres du son écossais qui viennent de quitter la grande scène, ils passent pour une bande de rigolos débutants incapables de régler un ampli. Et comme il y a déjà beaucoup de monde devant la petite scène, difficile de s'approcher, d'autant qu'il règne une ambiance de pogo vaguement généralisé et fortement alcoolisé. Je m'éclipse donc avant la fin de leur grand guignol, avec d'autant moins de regrets que j'avais déjà décidé bien avant d'arriver à Saint-Malo de zapper Future Islands après avoir écouté le début d'un de leurs albums, et de sacrifier le show de Soulwax dans la foulée : il faut que je garde un peu d'énergie pour le dimanche. J'ai déjà eu mon compte de bonnes vibes pour ce soir, et largement plus que sur n'importe laquelle des soirées de l'édition 2016.
Mais revenons au Fort : après une première soirée de haute volée, je reprends mes mauvaises habitudes et traîne à l'apéro avec vue sur la magnifique plage du Sillon. Quand j'arrive pour prendre la navette, il est 18 heures passées et je sais qu'avec une telle file d'attente, je vais rater Cold Pumas, l'autre petit groupe de shoegaze prometteur de cette édition. Plus gênant encore, j'arrive dans le fort à la fin du deuxième morceau du set de Parquet Courts sur la grande scène, et je me retrouve coincé sur le côté de la scène, à ne voir Austin Brown, le guitariste-clavier-sosie de Thurston Moore, que sur l'écran géant au dessus de ma tête. Comme Car Seat Headrest la veille, les New-yorkais ont décidé de lâcher les watts pour secouer le public, qui n'en demandait pas tant : le pogo est déjà bien lancé quand j'arrive. Mais j'ai beau adorer ce groupe et leurs morceaux ravageurs, j'ai toujours une petite frustration lors de leurs prestations live : le son et l'interprétation sont souvent un poil approximatifs. Des ronflements de basse et quelques tout petits pains font perdre un peu d'efficacité à des morceaux pourtant imparables. Et quand ils finissent par s'embarquer dans une version à rallonge de leur jouissive bossa-nova noisy "One Man, No City", ils finissent par se faire tirer l'oreille par la direction qui est obligée de décaler le reste du programme de dix minutes. Pas toujours très pro, mais très enthousiaste. Un très bon set pour se mettre dans le bain.
L'ambiance se plombe un chouia quand arrivent mes chouchous écossais : Arab Strap. Contrairement à la plupart de leurs fans qui ne les espéraient plus depuis leur départ en retraite en 2006, j'ai déjà eu le privilège de les voir en juin au festival Nos Primavera de Porto, où ils remplaçaient Grandaddy. Je n'ai donc plus l'émotion des retrouvailles, mais je n'en ai pas besoin : leur musique est un concentré d'émotions, à l'intersection des divagations éthylico-sexuelles du chanteur Aidan Moffat et des sublimes mélodies de guitares mogwaiesques de Malcolm Middleton. Accompagnés d'une violoniste, d'un guitariste, d'un bassiste et d'un batteur, ainsi que des boîtes à rythmes avec lesquelles le truculent chanteur donne des connotations électro à certains morceaux, les deux compères revisitent leur répertoire avec un plaisir qui contraste avec la mélancolie profonde qui émane de leur musique. Le temps fort de ma soirée, et sur la petite scène des remparts qui plus est.
Après une telle démonstration, la pop psyché des jeunots anglais de Temples apparaît bien fadasse, aussi talentueux soient-ils. Je choisis donc d'aller me chercher un burger. La foule étant moins dense que la veille, je m'octroie même le luxe d'une pinte de Grimbergen. Je finis tout de même par revenir devant la grande scène en essayant de comprendre ce phénomène étrange : ces gamins mignonnets lookés à mort ont beau représenter une vision aseptisée et cliché du mouvement psychédélique de la fin des années 60, leurs mélodies me collent à la tronche encore plus sûrement que celle de Jacco Gardner ou de Pond, pour rester dans la même catégorie. Certes, j'ai eu un peu plus de mal à rentrer dans leur deuxième album du fait d'une production boursouflée qui ferait passer Tame Impala pour du Steve Albini, mais ce concert me fait réaliser que je suis déjà accro à certaines de leurs pop songs, notamment "Mystery Of Pop", malgré son côté Abba très marqué. Bref, pas mon groupe préféré de la soirée, mais un beau moment de pop consensuelle et festive comme la Route du rock sait en proposer. Et une préparation parfaite pour la tête d'affiche de la soirée : The Jesus & Mary Chain.
La résurrection est décidément une spécialité écossaise cette année, et la Route du rock a su encore une fois en profiter. Un paquet de légendes du shoegaze resurgies du néant sont passées par le Fort de Saint-Père ces dernières années : après My Bloody Valentine en 2013, Slowdive en 2014, Ride en 2015 et Lush en 2016, la boucle semble bouclée avec cette sulfureuse fratrie écossaise, les premiers à avoir poussé le volume de leurs pédales d'effets pour saloper leur surf-pop (sans l'accélérer comme les Ramones) et rappeler que s'ils sont fans des Beach Boys, ils viennent tout de même d'une ville industrielle. La scène est soigneusement compartimentée : au centre, le batteur. À sa droite, un bassiste et un guitariste sosie de Benjamin Biolay. À sa gauche, parqué comme un vieux fauve à la crinière grise dans un espace délimité par la batterie, deux amplis Orange, deux retours et un ventilateur, le frangin William. Et devant tout ce beau monde, le frangin Jim qui, bien que semblant un peu dans le cirage, inonde la scène de sa classe prolétaire et martyrise son pied de micro dans des accès de rage soudains et éphémères. Comme le disait quelques heures plus tôt Christophe Brault des Clash, il y a des gens qui ont la gueule de l'emploi et dont ça aurait été dommage qu'ils fassent autre chose que rock star. Les deux frangins Reid sont de ceux-là. Ils ont beau avoir pris cher, ils viennent de sortir un album qui tient la route et dont certaines des chansons illuminent cette soirée presque autant que leurs classiques intemporels. Certes, on est loin des concerts légendaires des années 80 décrits par leur manager Alan McGee dans son autobiographie, et la participation timide de Bernadette Denning (la petite amie de William, merci les Inrocks pour l'info) sur "Always Sad" ne constitue pas le moment le plus rock'n'roll de ce concert. Mais ça fait quand même quelque chose de les voir jouer "Just Like Honey" ou "Head On".
La qualité de la prestation des frères Reid est confirmée peu de temps après par effet de contraste : j'attendais beaucoup des sulfureux Black Lips après les avoir découvert au Arte Concert Festival en avril dernier, mais comparés aux maîtres du son écossais qui viennent de quitter la grande scène, ils passent pour une bande de rigolos débutants incapables de régler un ampli. Et comme il y a déjà beaucoup de monde devant la petite scène, difficile de s'approcher, d'autant qu'il règne une ambiance de pogo vaguement généralisé et fortement alcoolisé. Je m'éclipse donc avant la fin de leur grand guignol, avec d'autant moins de regrets que j'avais déjà décidé bien avant d'arriver à Saint-Malo de zapper Future Islands après avoir écouté le début d'un de leurs albums, et de sacrifier le show de Soulwax dans la foulée : il faut que je garde un peu d'énergie pour le dimanche. J'ai déjà eu mon compte de bonnes vibes pour ce soir, et largement plus que sur n'importe laquelle des soirées de l'édition 2016.
Excellent ! 18/20 | par Myfriendgoo |
Photos par François Medaerts
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