Jeffrey Lewis

Paris [Folk You Festival (au Divan Du Monde)] - samedi 13 juin 2015

Avant d'entamer la fin de ce report, faisons un point si vous le voulez bien : qu'est-ce donc que l'Antifolk, chers indé-crottables ?
À en croire John & Betty, ce serait une folk americana dopée aux harmonies vocales et délivrée avec une économie de moyen. Si on s'en réfère à Julie Doiron en revanche, ce serait plutôt une folk électrique brillant par sa candeur et sa simplicité. Black Yaya hausserait les épaules, peu importe tant qu'on lui laisse l'espace suffisant pour foutre ses peintures et inviter ses potes. Jeffrey Lewis ? Jeffrey c'est encore autre chose... Jeffrey semble n'être jamais vraiment revenu du punk ; je ne sais pas à quoi ça peut bien ressembler sur disque, mais en live c'est bien ça : un punk fendard, jouissif, avec un sourire jusqu'aux oreilles.

Ouais parce que c'est bien ça, la première chose qui frappe quand on voit débarquer Jeffrey et ses deux compagnes d'infortune – une bassiste/claviériste angrodyne au visage poupin, et une autre cachée derrière sa batterie – cet énorme sourire aux grandes dents qui lui barre le visage jusqu'aux oreilles. Un air goguenard qui se retrouve dans sa façon de chanter ; penché sur son micro, il débite ses textes très vite, déclamant plus qu'autre chose ses paroles bourrées de vannes et de commentaires mi-figue mi-raisin sur des sujets de société divers, tandis que lui s'envole sous speed, s'emporte et nous balance son mélange personnel d'émotion et de sarcasme. On ne sait jamais vraiment si l'ami Jeffrey se moque de tout le monde, y compris lui-même, ou s'il est désespérément sincère, le cœur à nu. C'est peut-être pour ça qu'il a l'air si immensément cool sur scène ce soir là, c'est peut-être de là que lui vient son foutu charisme de branleur stellaire ?

Ce festoche folk se finit donc par un bon gros punk, mené certes par une guitare (électro)acoustique. C'est pas moi qui vais aller me plaindre, tant toute la salle sautille d'un seule et même bond avec ce bon Jeffrey qui nous nargue en balançant ses slogans devenus célèbres ("No LSD Tonight", "What Would Pussy Riot Do") et rivalisant d'inventivité pour faire vivre ses chansons. Exemple parmi d'autres : pour " I Saw A Hippie Girl On 8th Avenue ", le chanteur s'assied auprès de son projo (qui jusque là diffusait des motifs psychédéliques genre les animations lumineuses du lecteur Windows multimédia) pour nous raconter sa petite histoire naïve, qu'il illustre au moyen de diapos... Un punk antifolk tellement sérieux qu'il a préparé sa présentation Powerpoint, sous vos applaudissements mesdames et messieurs.

C'est sur une reprise de Herman Düne, le fameux "Sunny Sunny Cold Cold Day", que s'achève le dernier concert de ce Folk You Festival. L'occasion, classique mais efficace, de rameuter tous les musiciens sur scène pour chanter la rengaine en chœur. Ils sont tous là, les John & Betty, les Black Yaya, les Julie Doiron (qui devra se retirer après que sa fillette de 4 ans ait décidé de se taper l'incruste sur scène). Je me demandais plus haut ce qui rassemblait tous ces musiciens hétéroclites au sein de cette étiquette biscornue d'antifolk ; je crois bien avoir trouvé là, parmi ce petit groupe de joyeux ahuris entonnant d'une même voix la chanson d'un des leurs, un beau fragment de réponse.


Excellent !   18/20
par X_Wazoo


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