Mono

Paris [La Locomotive] - mercredi 05 décembre 2007

Beaucoup discutent quant aux influences de Mono. A savoir si le groupe se détache suffisamment de Mogwaï, son modèle. Mais Mono est avant tout un groupe qui a hérité de la culture japonaise et ça se voit. C'est essentiellement en live que Mono prend toute sa dimension.
Alors que le structure : 'mélodie ralentie + montée en puissance + tempête sonore', de rigueur dans le post-rock, sert de squelette aux plages instrumentales, étendues parfois sur près d'un quart d'heure, on décèle malgré tout une volonté de s'attarder sur des aspects du style, souvent délaissé par ailleurs. Les mélodies ne sont pas des superpositions, mais des dialogues avec un discours alterné, souvent en mode mineur, les cordes étant grattées une à une pour un haïku mélancolique. Cette attention et cette minutie à jouer de la guitare évoquent le théâtre des marionnettes au Japon, art ancestral dont l'impression est renforcée par le fait que les guitaristes démarrèrent le show assis.
Cette absence de posture affichée et en avant confirme le caractère évanescent de l'œuvre. Les musiciens sont au service de la musique : un rock tendu, triste, et qui dépeint des états d'âmes. Aucune émotion sur les visages, hormis celui d'une concentration intense, impassibilité d'autant plus trouble qu'elle dénote par rapport à l'intensité de la chanson qui peut atteindre des climax rugueux. A l'image de la bassiste qui refuse de montrer son visage caché derrière les franges au moment les plus rageurs et tortueux.
Et pourtant le cran monte, monte, jusqu'à exploser, et les musiciens se laissent porter par cette vague, tout en restant assis, en se contraignant presque, victimes de soubresauts, sans que leurs visages ne trahissent quoi que ce soit. Cette alternance entre intensité et poésie rappelle les films de Kitano, avec ses moments de violence qui surprennent au milieu de la rêvasserie et de la paresse. Et témoigne de la contradiction actuelle de la société japonaise. Ces passions fougueuses qui sont masquées sous le voile de la pureté, d'un mode de vie qui se doit d'être lisse, linéaire et sans accroc, du poids des traditions. Ne pas s'exposer en montrant ses émotions, mais les déguiser : par le théâtre, par les tatouages des Yakusas, par le maquillage.
Et Mono en s'attardant sur les accalmies insiste sur cette dualité : la musique née de l'émotion et l'émotion effectivement transmise ou communiquée. Jusqu'à propager et transmettre tremblements, crispations ou spasmes.
Si bien qu'en réalité ces japonais sont complètement habités par la musique qu'ils jouent, se mettant alors debout, poussant du pied leurs chaises, se jetant à terre vers les pédales d'effets pour des distorsions frissonnantes. Dès lors, et malgré la convenance du style, toujours étiré, Mono affiche une réelle personnalité. Il ne reste plus qu'à se délecter de leurs morceaux très longs, ne cédant jamais à la facilité, aux apogées plus subtiles que frontales, et ne livrant ses secrets qu'au prix d'une attention sans faille. Au regret cependant de l'heure tardive (du à une programmation, certes exceptionnelle avec High On Fire et Pelican, mais du coup très chargée)...


Parfait   17/20
par Vic


Proposez votre chronique !





Recherche avancée
En ligne
290 invités et 0 membre
Au hasard Balthazar
Sondages
Selon vous, quel intérêt les side-projects offrent-ils au rock indé ?