Robbie Basho
Zarthus |
Label :
Vanguard |
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Depuis son tout premier disque, The Seal of the Blue Lotus en 1965, on le sait : Robbie Basho est un mystique. Il a absorbé et digéré l'art de la transe indienne par le raga, communié avec les esprits amérindiens, parcouru les grandes plaines américaines en rêve et chanté la gloire des Appalaches. Il a changé son nom pour celui d'un grand poète japonais du XVIIème, Matsuo Basho, révéré tisseur de haikus. Il a pris pour habitude d'entamer et de conclure ses disques en jouant délicatement des harmoniques, instaurant là comme une espèce de rituel au cours duquel Robbie salue paisiblement les esprits qu'il convoque par ses accordages spécifiques. Quand on comprend tout cela, ce qui constitue l'identité musicale et spirituelle de Robbie Basho, on conçoit plus facilement ce qui rend Zarthus si puissant. Et ce qui en fait un des plus sérieux candidats au titre de meilleur album du moustachu stellaire.
Car Zarthus (contraction de Zarathustra) c'est le disque des retrouvailles, celui où Basho renoue vigoureusement avec ses racines indiennes et rencontre la musique et la culture Perse, après plusieurs années passées à arpenter le territoire américain (sur Song for the Stallion et Voice of the Eagle notamment). De fait, il s'agit du plus mystique des Basho – la pochette annonçait déjà la "couleur", si j'ose dire hum – et pour la première fois on entend l'incroyable, emphatique et chaleureux organe du guitariste accompagner ses méditations orientales.
Dès l'introduction on ressent l'ampleur chemin parcouru depuis ses premiers disques joliment verbeux. Trois minutes même pas, pas une seule note en trop, une voix féminine qui nous murmure à l'oreille, un crescendo qui s'achève dans une célérité furieuse, plus violent et terrassant à lui seul que tout ce qu'a pu faire Basho auparavant. Mais ce ne sont que 3 pauvres minutes perdues dans une immense fresque de trois quarts d'heure qui ne cesse de se dérouler devant nos tympans ébahis. À peine a-t-on l'occasion de se remettre sur pattes que le guitariste nous assène tout simplement le raga le plus intense de sa carrière (et il y a de la concurrence vous pouvez me croire) : "Khoda é Gul é Abe". Près de dix minutes d'introspection acoustique de plus en plus fiévreuse ponctuée par les frappes étouffées d'un joueur de mridangam : ici encore plus qu'ailleurs, Robbie Basho semble avoir dix doigts à sa main droite, Shiva réincarné. Heureusement, les trois pièces suivantes font en quelque sorte office de répit ; pianotant comme grattant, Robbie se fait éthéré, pensif, chante paisiblement l'amour de Dieu (Allah en l'occurrence, puisqu'il célèbre la Perse) de cette voix dont quelqu'un d'avisé disait qu'elle avait le pouvoir de dompter un lion.
Mais ces vapeurs narcotiques sont là pour nous préparer à la véritable moelle du disque ; une deuxième face qui aura aussi bien pu faire fuir l'auditeur que le faire tomber en pâmoison devant tel monolithe. Et pour cause : "Rhapsody in Druz", avec vingt minutes au compteur, est une ballade au piano. Zéro guitare. Mais attention, cette pièce est à la ballade ordinaire ce que Il N'Y A Plus Rien de Ferré est au slogan de manif : un pic inatteignable, un cap de non-retour, une péninsule sans borne. Si on appelait la guitare de John Fahey une guitare primitive, alors Robbie Basho vient tout juste d'inventer le piano primitif : un jeu intuitif, autodidacte. Et passionné, oui. Le moustachu ne fait que plaquer fougueusement ses accords de façon répétée, en chantant ses textes vibrants. Le tout est décomposé en pas moins de 13 sections différentes. Quant à la qualité du morceau... je ne sais pas trop quoi vous dire. Lorsqu'on tombe sur quelque chose comme ça, avec une telle emphase, de telles vocalises jetées à la face du ciel, il peut y avoir cette espèce de ressenti étrange, cette voix qui te susurre à l'oreille "ça ne peut pas marcher tu sais ? C'est trop, beaucoup trop, c'est ridicule, on pourrait en faire un sketch, ça va se casser la tronche". Là on a le choix entre écouter la voix de la raison... ou se plonger dans celle de Basho. Pour qui fera le second choix, attention à ne pas en ressortir anéanti. Quand arrive la dernière ligne droite, où Basho chante "Bonjour mon Dieu, voici mon cœur" (en français dans le texte), je ne suis déjà plus qu'une petite chose ratatinée sur son siège, terrassé, écrabouillé, trop chamboulé même pour parvenir à verser une larme de circonstance.
Ainsi m'achève... pouf pouf, ainsi s'achève Zarthus, en un bras tendu fièrement vers le firmament, dans le but tacite de chatouiller l'index de Dieu (ça ou bien offrir sa force à Sangoku, je ne sais plus) et tenter de s'imprégner de son amour. Ce faisant, c'est bien nous autre simples auditeurs mortels qu'il recouvre de ce qu'il nomme sa "Fabric d'Amour". Zarthus, c'est l'ultime accomplissement de la face spirituelle de Basho, et la réalisation de ses rêves d'Orient qui le hantent depuis le tout début. Ainsi transfiguré, Robbie s'octroiera quatre ans de pause avant de reparaître avec un véritable disque monde, pour ne pas citer Terry Pratchett, résumant et transcendant en un seul disque l'ensemble de son parcours : son album américain.
Car Zarthus (contraction de Zarathustra) c'est le disque des retrouvailles, celui où Basho renoue vigoureusement avec ses racines indiennes et rencontre la musique et la culture Perse, après plusieurs années passées à arpenter le territoire américain (sur Song for the Stallion et Voice of the Eagle notamment). De fait, il s'agit du plus mystique des Basho – la pochette annonçait déjà la "couleur", si j'ose dire hum – et pour la première fois on entend l'incroyable, emphatique et chaleureux organe du guitariste accompagner ses méditations orientales.
Dès l'introduction on ressent l'ampleur chemin parcouru depuis ses premiers disques joliment verbeux. Trois minutes même pas, pas une seule note en trop, une voix féminine qui nous murmure à l'oreille, un crescendo qui s'achève dans une célérité furieuse, plus violent et terrassant à lui seul que tout ce qu'a pu faire Basho auparavant. Mais ce ne sont que 3 pauvres minutes perdues dans une immense fresque de trois quarts d'heure qui ne cesse de se dérouler devant nos tympans ébahis. À peine a-t-on l'occasion de se remettre sur pattes que le guitariste nous assène tout simplement le raga le plus intense de sa carrière (et il y a de la concurrence vous pouvez me croire) : "Khoda é Gul é Abe". Près de dix minutes d'introspection acoustique de plus en plus fiévreuse ponctuée par les frappes étouffées d'un joueur de mridangam : ici encore plus qu'ailleurs, Robbie Basho semble avoir dix doigts à sa main droite, Shiva réincarné. Heureusement, les trois pièces suivantes font en quelque sorte office de répit ; pianotant comme grattant, Robbie se fait éthéré, pensif, chante paisiblement l'amour de Dieu (Allah en l'occurrence, puisqu'il célèbre la Perse) de cette voix dont quelqu'un d'avisé disait qu'elle avait le pouvoir de dompter un lion.
Mais ces vapeurs narcotiques sont là pour nous préparer à la véritable moelle du disque ; une deuxième face qui aura aussi bien pu faire fuir l'auditeur que le faire tomber en pâmoison devant tel monolithe. Et pour cause : "Rhapsody in Druz", avec vingt minutes au compteur, est une ballade au piano. Zéro guitare. Mais attention, cette pièce est à la ballade ordinaire ce que Il N'Y A Plus Rien de Ferré est au slogan de manif : un pic inatteignable, un cap de non-retour, une péninsule sans borne. Si on appelait la guitare de John Fahey une guitare primitive, alors Robbie Basho vient tout juste d'inventer le piano primitif : un jeu intuitif, autodidacte. Et passionné, oui. Le moustachu ne fait que plaquer fougueusement ses accords de façon répétée, en chantant ses textes vibrants. Le tout est décomposé en pas moins de 13 sections différentes. Quant à la qualité du morceau... je ne sais pas trop quoi vous dire. Lorsqu'on tombe sur quelque chose comme ça, avec une telle emphase, de telles vocalises jetées à la face du ciel, il peut y avoir cette espèce de ressenti étrange, cette voix qui te susurre à l'oreille "ça ne peut pas marcher tu sais ? C'est trop, beaucoup trop, c'est ridicule, on pourrait en faire un sketch, ça va se casser la tronche". Là on a le choix entre écouter la voix de la raison... ou se plonger dans celle de Basho. Pour qui fera le second choix, attention à ne pas en ressortir anéanti. Quand arrive la dernière ligne droite, où Basho chante "Bonjour mon Dieu, voici mon cœur" (en français dans le texte), je ne suis déjà plus qu'une petite chose ratatinée sur son siège, terrassé, écrabouillé, trop chamboulé même pour parvenir à verser une larme de circonstance.
Ainsi m'achève... pouf pouf, ainsi s'achève Zarthus, en un bras tendu fièrement vers le firmament, dans le but tacite de chatouiller l'index de Dieu (ça ou bien offrir sa force à Sangoku, je ne sais plus) et tenter de s'imprégner de son amour. Ce faisant, c'est bien nous autre simples auditeurs mortels qu'il recouvre de ce qu'il nomme sa "Fabric d'Amour". Zarthus, c'est l'ultime accomplissement de la face spirituelle de Basho, et la réalisation de ses rêves d'Orient qui le hantent depuis le tout début. Ainsi transfiguré, Robbie s'octroiera quatre ans de pause avant de reparaître avec un véritable disque monde, pour ne pas citer Terry Pratchett, résumant et transcendant en un seul disque l'ensemble de son parcours : son album américain.
Excellent ! 18/20 | par X_Wazoo |
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