Robbie Basho
The Falconer's Arm I |
Label :
Takoma |
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Nous sommes en l'an de grâce 1967, Robbie Basho a 27 ans (en paraît 20 de plus) et est au sommet de sa productivité. Rien qu'en cette année, il aura publié son premier disque vocal – le judicieusement nommé Basho Sings! – ainsi que l'intégralité du diptyque Falconer's Arm I & II, sans oublier un inédit d'une beauté stupéfiante, "The Thousand Incarnations Of The Rose" qui trouvera sa place sur la compilation Contemporary Guitar, Spring 67 regroupant la crème du label Takoma. Marquant une rupture franche avec son essai précédent, où l'on découvrait un Basho laissant de côté les fresques hindoues pour révéler un chant puissant rappelant le jeune Buckley d'alors, le moustachu à douze cordes revient à ses premiers amours pour nous concocter un premier Falconer's Arm intégralement instrumental, où nulle envolée de gorge emphatique ne pointera le bout de son vibrato. Un retour aux méandres labyrinthiques acoustiques pour Basho, qui livre là sans le savoir son quasi dernier disque instrumental. Il faudra attendre son ultime album, 17 ans plus tard, pour retrouver le mutisme d'un homme qui faisait si bien résonner le bois de son instrument. Et ce présent Falconer's Arm I, comme chacun des disques de l'ami Robbie qui aura croisé ma route jusqu'ici, m'aura laissé une première impression marquante, très imagée, que je vais tâcher de retranscrire ci-dessous.
La première chose à m'avoir frappé à l'abord de l'album, c'est la distance que met Basho avec le micro. Comme s'il avait voulu préserver nos sens d'un flot de notes trop important, pour nous laisser le loisir d'observer d'un peu plus loin les nuances et les motifs de son tissage continu. Ou alors, presque comme si l'enregistrement avait été fait à son insu... Je me revois très bien, les yeux clos, pousser timidement et discrètement la porte de l'église, en m'assurant de bien rester dans l'ombre pour ne pas déranger celui qui est à l'origine de cette musique incroyable. Je le vois depuis ma cachette ; il est assis au sol, me tourne le dos et fait face à l'autel, la tête relevée, comme s'il ne regardait pas ses propres doigts et qu'il entendait s'adresser directement à Dieu (ou quelque autre entité transcendantale) par l'intermédiaire des douze cordes qu'il pince furieusement. Ainsi placé, je ne peux pas voir ses mains, mais je suis persuadé que pour parvenir à jouer ce qu'il joue il doit en avoir deux paires, au bas mot. Assis là, à jouer ses ragas hindous dans une église chrétienne avec son étrange toge orientale et ses bottes de cow-boy, Robbie Basho offre une image illustrant à la perfection ce qui fait sa plus grande particularité : son éclectisme. Non pardon, pas son éclectisme, plutôt une espèce de syncrétisme sauvage, vorace, absorbant tout ce qui passe à sa portée – country, raga, folk, blues... – pour l'unifier dans une matrice qu'il crée à l'instinct, passant de l'un à l'autre d'un simple mouvement de poignet. Une démarche qui ressemble à s'y méprendre à sa version propre de l'association libre ; ici nulle intellectualisation, rien d'autre qu'une spontanéité exaltée. Et tandis que j'assiste bouche bée au spectacle d'une Shiva réincarnée tourbillonnant rien que pour moi ; je réalise ce que j'entends là sont moins les notes elles-mêmes que l'écho de ces notes. Avant d'atteindre mes tympans interdits, du fait de la distance, ces notes seront entrées en résonance avec l'acoustique de l'église, se répercutant sur les vitraux, rebondissant sur la statue du petit Jésus sur la croix, chatouillant au passage la Vierge Marie – qui rougit joliment pour la forme. Tremblant comme une feuille ballotée aux quatre vents par le souffle des peintures épiques du Basho qui n'a toujours pas remarqué ma présence, je baisse les yeux sur mes mains, y apercevant un micro. Je ne me souviens pas l'avoir sorti de ma sacoche, ni d'avoir activé l'enregistreur. Saperlipopette, il faut croire que j'ai été pris par l'instinct, moi aussi.
J'aimerais bien que mon fantasme de l'histoire soit la version officielle. Ça collerait tellement bien à mon ressenti du disque, m'enfin. Mais le savait-il ? Avait-il eu l'intuition qu'il tirait là son chapeau à l'acoustique pure, qu'on ne retrouverai qu'occasionnellement sur ses travaux ultérieurs ? J'aime à croire que oui. Que c'est cette résolution qui le poussa à enregistrer ici ce qui restera, à mon humble avis, comme son plus intense et son plus luxuriant hommage à sa mère guitare. Un adieu en forme de grand feu d'artifice.
La première chose à m'avoir frappé à l'abord de l'album, c'est la distance que met Basho avec le micro. Comme s'il avait voulu préserver nos sens d'un flot de notes trop important, pour nous laisser le loisir d'observer d'un peu plus loin les nuances et les motifs de son tissage continu. Ou alors, presque comme si l'enregistrement avait été fait à son insu... Je me revois très bien, les yeux clos, pousser timidement et discrètement la porte de l'église, en m'assurant de bien rester dans l'ombre pour ne pas déranger celui qui est à l'origine de cette musique incroyable. Je le vois depuis ma cachette ; il est assis au sol, me tourne le dos et fait face à l'autel, la tête relevée, comme s'il ne regardait pas ses propres doigts et qu'il entendait s'adresser directement à Dieu (ou quelque autre entité transcendantale) par l'intermédiaire des douze cordes qu'il pince furieusement. Ainsi placé, je ne peux pas voir ses mains, mais je suis persuadé que pour parvenir à jouer ce qu'il joue il doit en avoir deux paires, au bas mot. Assis là, à jouer ses ragas hindous dans une église chrétienne avec son étrange toge orientale et ses bottes de cow-boy, Robbie Basho offre une image illustrant à la perfection ce qui fait sa plus grande particularité : son éclectisme. Non pardon, pas son éclectisme, plutôt une espèce de syncrétisme sauvage, vorace, absorbant tout ce qui passe à sa portée – country, raga, folk, blues... – pour l'unifier dans une matrice qu'il crée à l'instinct, passant de l'un à l'autre d'un simple mouvement de poignet. Une démarche qui ressemble à s'y méprendre à sa version propre de l'association libre ; ici nulle intellectualisation, rien d'autre qu'une spontanéité exaltée. Et tandis que j'assiste bouche bée au spectacle d'une Shiva réincarnée tourbillonnant rien que pour moi ; je réalise ce que j'entends là sont moins les notes elles-mêmes que l'écho de ces notes. Avant d'atteindre mes tympans interdits, du fait de la distance, ces notes seront entrées en résonance avec l'acoustique de l'église, se répercutant sur les vitraux, rebondissant sur la statue du petit Jésus sur la croix, chatouillant au passage la Vierge Marie – qui rougit joliment pour la forme. Tremblant comme une feuille ballotée aux quatre vents par le souffle des peintures épiques du Basho qui n'a toujours pas remarqué ma présence, je baisse les yeux sur mes mains, y apercevant un micro. Je ne me souviens pas l'avoir sorti de ma sacoche, ni d'avoir activé l'enregistreur. Saperlipopette, il faut croire que j'ai été pris par l'instinct, moi aussi.
J'aimerais bien que mon fantasme de l'histoire soit la version officielle. Ça collerait tellement bien à mon ressenti du disque, m'enfin. Mais le savait-il ? Avait-il eu l'intuition qu'il tirait là son chapeau à l'acoustique pure, qu'on ne retrouverai qu'occasionnellement sur ses travaux ultérieurs ? J'aime à croire que oui. Que c'est cette résolution qui le poussa à enregistrer ici ce qui restera, à mon humble avis, comme son plus intense et son plus luxuriant hommage à sa mère guitare. Un adieu en forme de grand feu d'artifice.
Parfait 17/20 | par X_Wazoo |
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