Julian Cope
Jehovahkill |
Label :
Island |
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Julian Cope pour moi, c'est avant-tout un écrivain. Un gars qui ne s'est pas fait prier pour arroser de bon goût les pages enflammées de son Krautrocksampler et de son Japrocksampler (sans compter tous ses divers articles), ouvrages qu'on aurait tort de placer dans la très vaste collection des dictionnaires du rock à l'usage du néophyte. Guerrier errant du rock, Cope dans ses écrits n'en fait qu'à sa tête ; il ne cause pas de l'Histoire du Rock, mais de son histoire, de ses passions, de ses haines, de ses choix souvent judicieux, parfois douteux – jetez un coup d'oeil à ses Top 50 – toujours servis par une plume constamment galvanisée. Sérieusement, jamais un type ne m'aura autant donné envie d'écouter de la musique, la faculté qu'il a de prendre une poignée de boue et d'en faire un lingot d'or détenant le secret du sens de la vie paraît inépuisable. Et tant pis si une fois sur deux je reste perplexe à l'écoute dudit objet. La simple lecture des fantasmes du Cope contient son lot d'émotions. Voilà, cette chronique de Jehovahkill, successeur discographique du double Peggy Suicide pourrait aussi bien s'arrêter là, tant Julian compose, interprète, enregistre comme il écrit. Beaucoup, passionnément, à la folie.
Une fois extrait des affres sonores d'années 80 n'ayant pas épargné ses premiers essais discographiques (cf l'aventure Teardrop Explodes), les disques de Cope se seront révélés exactement à l'image de sa plume : des influences pléthoriques célébrées de façon tonitruante autour d'un grand feu de joie. Même le plus anecdotique d'entre eux (au hasard Droolian, collection foutraque de bluettes parue dans le but de financer le bail d'un Roky Erickson taulard) contient son lot d'instantanés fendards. Et ce Jehovahkill n'est pas en reste, grand festival kaleidoscopique de krautrock, psyché, folk (bref, les principales obsessions du bonhomme) mené par une voix dont les tons rauques rappellent vaguement Nick Cave – mais alors un Nick Cave complètement explosé ayant troqué son costume de crooner contre celui de maître de cérémonie du Grand Cirque Psyché. Cope a cette capacité, trop rare (regardez la pelleté de revivalistes médiocres sans cesse renouvelée), de redonner vraiment vie à la musique dont il s'inspire, à l'exalter par tous les moyens – quitte à friser le grand-guignol par moments. Il ne s'agit pas non plus de dire que chaque piste ici présente est fantastique, car malgré des sommets évidents du style de l'entêtante ritournelle crescendo de "Soul Desert", l'insouciance insaisissable d'un "Mystery Trend", le "Upwards at 45°" échevelé, on a de l'autre côté un truc comme "Slow Rider", peut-être la piste la plus médiocre enregistrée par Julian, qui a au moins la décence de ne pas s'éterniser. Mais tout de même. Notre érudit instable a beau partir dans toutes les directions, force est de constater qu'il fait souvent mouche de la plus belle des manières. Il n'y a qu'à l'écouter se prendre pour une star de la house sur "Poet Is Priest" et... c'est tellement bon ! Si un certain Screamadelica avait eu une telle folie, nul doute que je l'écouterais encore aujourd'hui.
Cette folie a d'ailleurs failli lui coûter beaucoup, au Julian dont le label (Island) a d'abord refusé de publier le disque. Mais Cope a tenu bon, disant qu'il était parfaitement heureux du résultat, et a finalement obtenu la possibilité d'avoir de nouvelles sessions d'enregistrement, donnant un disque qui – en plus d'avoir gardé ses 11 anciens morceaux intacts – a été agrémenté de 5 chansons supplémentaires pour un objet hybride entre le simple et le double album (3 faces), nicely done Julian. Il est amusant de voir que si l'amour de Cope pour le krautrock était visible bien que retenu dans les 11 premières pistes de Jehovahkill, c'est un véritable festival en hommage aux Neu!, Harmonia, Can et consorts qui s'amorce dès la longue jam "The Subtle Energies Commission", sans oublier ses collègues du néo-psychédélisme Spacemen 3 ou le Brian Jonestown Massacre à venir ("Fa-Fa-Fa-Fine" et "Fear Loves This Place") tandis qu'en forme de grand final "The Tower" irradie l'épique, nous refaisant le coup de "Safesurfer" (sur Peggy Suicide) tandis que Cope se la joue guitar-hero shamanique, psalmodiant sur fond de rythmique à la Future Days.
Un bras d'honneur à son label plus tard, le voilà à la rue (pour cause de délit de faciès probablement, il faut dire que le bougre ne ressemble pas des masses à Bono), avec un disque qui bien sûr ne se sera pas vendu – mais était-ce seulement son intention ? De même, avait-il dans l'idée de faire de ses bouquins des best-sellers ? Il y a fort à parier que non ; l'oeuvre de Julian Cope, peu importe l'angle sous laquelle on l'examine, semble avoir été posée là pour les curieux, suffisamment diversifiée et explosée pour que chacun y trouve son compte en piochant par-ci par-là, gardant le sublime pour laisser de côté le médiocre. Et si la carrière de Cope aura côtoyé l'un comme l'autre des extrêmes, il ne fait aucun doute que ce Jehovahkill est de ceux qui tutoient les sommets. Presque aussi long que Peggy Suicide, tout aussi bon.
Une fois extrait des affres sonores d'années 80 n'ayant pas épargné ses premiers essais discographiques (cf l'aventure Teardrop Explodes), les disques de Cope se seront révélés exactement à l'image de sa plume : des influences pléthoriques célébrées de façon tonitruante autour d'un grand feu de joie. Même le plus anecdotique d'entre eux (au hasard Droolian, collection foutraque de bluettes parue dans le but de financer le bail d'un Roky Erickson taulard) contient son lot d'instantanés fendards. Et ce Jehovahkill n'est pas en reste, grand festival kaleidoscopique de krautrock, psyché, folk (bref, les principales obsessions du bonhomme) mené par une voix dont les tons rauques rappellent vaguement Nick Cave – mais alors un Nick Cave complètement explosé ayant troqué son costume de crooner contre celui de maître de cérémonie du Grand Cirque Psyché. Cope a cette capacité, trop rare (regardez la pelleté de revivalistes médiocres sans cesse renouvelée), de redonner vraiment vie à la musique dont il s'inspire, à l'exalter par tous les moyens – quitte à friser le grand-guignol par moments. Il ne s'agit pas non plus de dire que chaque piste ici présente est fantastique, car malgré des sommets évidents du style de l'entêtante ritournelle crescendo de "Soul Desert", l'insouciance insaisissable d'un "Mystery Trend", le "Upwards at 45°" échevelé, on a de l'autre côté un truc comme "Slow Rider", peut-être la piste la plus médiocre enregistrée par Julian, qui a au moins la décence de ne pas s'éterniser. Mais tout de même. Notre érudit instable a beau partir dans toutes les directions, force est de constater qu'il fait souvent mouche de la plus belle des manières. Il n'y a qu'à l'écouter se prendre pour une star de la house sur "Poet Is Priest" et... c'est tellement bon ! Si un certain Screamadelica avait eu une telle folie, nul doute que je l'écouterais encore aujourd'hui.
Cette folie a d'ailleurs failli lui coûter beaucoup, au Julian dont le label (Island) a d'abord refusé de publier le disque. Mais Cope a tenu bon, disant qu'il était parfaitement heureux du résultat, et a finalement obtenu la possibilité d'avoir de nouvelles sessions d'enregistrement, donnant un disque qui – en plus d'avoir gardé ses 11 anciens morceaux intacts – a été agrémenté de 5 chansons supplémentaires pour un objet hybride entre le simple et le double album (3 faces), nicely done Julian. Il est amusant de voir que si l'amour de Cope pour le krautrock était visible bien que retenu dans les 11 premières pistes de Jehovahkill, c'est un véritable festival en hommage aux Neu!, Harmonia, Can et consorts qui s'amorce dès la longue jam "The Subtle Energies Commission", sans oublier ses collègues du néo-psychédélisme Spacemen 3 ou le Brian Jonestown Massacre à venir ("Fa-Fa-Fa-Fine" et "Fear Loves This Place") tandis qu'en forme de grand final "The Tower" irradie l'épique, nous refaisant le coup de "Safesurfer" (sur Peggy Suicide) tandis que Cope se la joue guitar-hero shamanique, psalmodiant sur fond de rythmique à la Future Days.
Un bras d'honneur à son label plus tard, le voilà à la rue (pour cause de délit de faciès probablement, il faut dire que le bougre ne ressemble pas des masses à Bono), avec un disque qui bien sûr ne se sera pas vendu – mais était-ce seulement son intention ? De même, avait-il dans l'idée de faire de ses bouquins des best-sellers ? Il y a fort à parier que non ; l'oeuvre de Julian Cope, peu importe l'angle sous laquelle on l'examine, semble avoir été posée là pour les curieux, suffisamment diversifiée et explosée pour que chacun y trouve son compte en piochant par-ci par-là, gardant le sublime pour laisser de côté le médiocre. Et si la carrière de Cope aura côtoyé l'un comme l'autre des extrêmes, il ne fait aucun doute que ce Jehovahkill est de ceux qui tutoient les sommets. Presque aussi long que Peggy Suicide, tout aussi bon.
Parfait 17/20 | par X_Wazoo |
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