Walter Wegmüller
Tarot |
Label :
Die Kosmischen Kuriere |
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Quel est le secret des allemands ? Qu'est-ce qu'ils prenaient ces gens là, dans les années 70, pour réussir à nous chier du génie en continu sur près d'une décennie ? À cette époque, la Germanie était un laboratoire géant où tout pouvait s'expérimenter sans censure, où toute la musique à venir ou presque était en gestation, où les projets les plus fous pouvaient naître... et réussir ! Combien d'Icare ont là-bas réussi à s'approcher autant du Soleil pour en ressortir juste un peu plus bronzés que d'ordinaire ? Le disque Tarot de Walter Wegmüller est symptomatique de ces temps. Voyez plutôt : double disque déjà, album concept en plus, avec comme idée folle d'adapter le jeu de tarot divinatoire (diseuses de bonne aventure, tout ça) en musique, en créant une piste musicale par carte. Et cerise sur un gâteau déjà suffisamment garni pour garantir quasi-certainement l'échec : le super-groupe que rassemble Wegmüller pour l'accompagner dans son voyage au pays des symboles : Manuel Göttsching, Harald Grosskopf (respectivement guitare et batterie d'Ash Ra Tempel), deux mecs de Wallenstein, d'autres potes de Walter et même Klaus Schulze himself au moog, mister kosmische comme on l'appelle dans le milieu. Une fine équipe placée sous l'étendard du label The Cosmic Couriers. Voilà, le décor est planté, à ce stade l'auditeur averti commence à se demander de quelle façon au juste cet étrange objet bâtard qu'est Tarot va bien pouvoir exploser en plein vol.
Tenter le double-disque, élaborer un concept album, croire à l'utopie qui dit que mettre plein de grands talents au même endroit on obtient une somme géniale ; prises séparément, ces prises de risques suffiraient à causer l'effondrement chez pas mal de musiciens. Sans même parler de cumuler les trois... Pour ne rien arranger, il faut préciser que le Walter a décidé de jouer sur tous les fronts, faisant de chacun de ces 22 morceaux une piste ayant son ambiance, son style propre. Ainsi passe-t-on allègrement d'une introduction façon rock à gros bras, où la troupe fait rouler ses muscles en fond tandis qu'un narrateur-présentateur nous introduit chacun des participants (en finissant par Wegmüller himself, sur la piste correspondant à la carte du Fou, pas innocent comme choix) à des expérimentations sonores bordéliques (l'inquiétant "Das Glückrad", la Roue de Fortune), des méditations cosmiques, du creepy en barre ("Die Prüfung", le Pendu), de l'hispanisant susurré guitare sèche à l'appui ("Der Teufel", le Diable ici charmeur et enjôleur), du serein trompeur ("Der Zerstörung", l'Etoile, qui prend les airs d'une composition apaisée au piano avant d'être déchirée en morceaux sur sa fin), de l'épopée moyenâgeuse ("Der Hohepriester", le Pape et sa partie de flûte venue d'une autre époque) et bien sûr des jams psychées (incroyable "Die Welt", le Monde, conclusion épique à enchaîner directement avec le Schwingungen d'Ash Ra Tempel pour obtenir un trip parfait). J'en passe. La carte de la mort elle-même ("Der Tod") est représentée par un long sifflement crescendo, sur fond de légers drones, censé peut-être symboliser l'ascension aux cieux ? Et sur chaque piste, rituel nécessaire, Walter narre un court texte pour accompagner la description musicale de la carte – à l'exception de "Der Weise" (l'Ermite), ballade poignante composée par Klaus Schulze qu'il interprète de sa petite voix.
Il l'a donc fait. Ce cinglé de Wegmüller a réussi son pari. Moi-même, à l'abord du disque, je n'y croyais pas vraiment, m'attendant plutôt à une bouillabaisse grandiloquente dans laquelle il faudrait péniblement jouer au chercheur d'or pour en tirer les rares pépites. Mais non, les pépites sont là, rassemblées en un beau tas bien accessible (pour peu qu'on se donne la peine) avec un joli ruban en sus pour emballer le tout. Il n'y a qu'à tendre les bras. Le Walter était même jusqu'au-boutiste au point d'inclure un jeu de tarot dans le packaging de chacun des vinyls. Faisant de Tarot un objet rare qui s'arrache aujourd'hui à prix d'or sur le net (de 200€ à plus de 800€ en ce moment même). En plus d'être un témoignage inestimable de l'esprit de l'époque, j'irai même jusqu'à dire qu'il en constitue le parfait archétype : un grand disque capable de passer avec célérité d'un style à l'autre tout en saupoudrant chacune de ses parties d'un panache effronté. Un disque insolent, siphonné et visionnaire.
Tenter le double-disque, élaborer un concept album, croire à l'utopie qui dit que mettre plein de grands talents au même endroit on obtient une somme géniale ; prises séparément, ces prises de risques suffiraient à causer l'effondrement chez pas mal de musiciens. Sans même parler de cumuler les trois... Pour ne rien arranger, il faut préciser que le Walter a décidé de jouer sur tous les fronts, faisant de chacun de ces 22 morceaux une piste ayant son ambiance, son style propre. Ainsi passe-t-on allègrement d'une introduction façon rock à gros bras, où la troupe fait rouler ses muscles en fond tandis qu'un narrateur-présentateur nous introduit chacun des participants (en finissant par Wegmüller himself, sur la piste correspondant à la carte du Fou, pas innocent comme choix) à des expérimentations sonores bordéliques (l'inquiétant "Das Glückrad", la Roue de Fortune), des méditations cosmiques, du creepy en barre ("Die Prüfung", le Pendu), de l'hispanisant susurré guitare sèche à l'appui ("Der Teufel", le Diable ici charmeur et enjôleur), du serein trompeur ("Der Zerstörung", l'Etoile, qui prend les airs d'une composition apaisée au piano avant d'être déchirée en morceaux sur sa fin), de l'épopée moyenâgeuse ("Der Hohepriester", le Pape et sa partie de flûte venue d'une autre époque) et bien sûr des jams psychées (incroyable "Die Welt", le Monde, conclusion épique à enchaîner directement avec le Schwingungen d'Ash Ra Tempel pour obtenir un trip parfait). J'en passe. La carte de la mort elle-même ("Der Tod") est représentée par un long sifflement crescendo, sur fond de légers drones, censé peut-être symboliser l'ascension aux cieux ? Et sur chaque piste, rituel nécessaire, Walter narre un court texte pour accompagner la description musicale de la carte – à l'exception de "Der Weise" (l'Ermite), ballade poignante composée par Klaus Schulze qu'il interprète de sa petite voix.
Il l'a donc fait. Ce cinglé de Wegmüller a réussi son pari. Moi-même, à l'abord du disque, je n'y croyais pas vraiment, m'attendant plutôt à une bouillabaisse grandiloquente dans laquelle il faudrait péniblement jouer au chercheur d'or pour en tirer les rares pépites. Mais non, les pépites sont là, rassemblées en un beau tas bien accessible (pour peu qu'on se donne la peine) avec un joli ruban en sus pour emballer le tout. Il n'y a qu'à tendre les bras. Le Walter était même jusqu'au-boutiste au point d'inclure un jeu de tarot dans le packaging de chacun des vinyls. Faisant de Tarot un objet rare qui s'arrache aujourd'hui à prix d'or sur le net (de 200€ à plus de 800€ en ce moment même). En plus d'être un témoignage inestimable de l'esprit de l'époque, j'irai même jusqu'à dire qu'il en constitue le parfait archétype : un grand disque capable de passer avec célérité d'un style à l'autre tout en saupoudrant chacune de ses parties d'un panache effronté. Un disque insolent, siphonné et visionnaire.
Parfait 17/20 | par X_Wazoo |
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