Algiers
Algiers |
Label :
Matador |
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[Attention, cette chronique contient le récit entièrement fantasmé d'une époque que le chroniqueur n'a point vécu. La lecture de celle-ci sera susceptible de choquer les élites érudites les plus chatouilleuses de ces lieux.]
En bon parasite, le post-punk a le chic pour survivre d'année en année, en pervertissant les genres pour mieux s'en nourrir. Pas plus tard qu'il y a deux semaines, les Mbongwana Star avaient déjà réussi le pari improbable de mêler la chaleur festive de la musique traditionnelle congolaise à la menace polaire propre aux productions post-punk. Il faut dire que que de tout temps ce style s'est développé en intégrant dans sa matrice ses voisins de palier (funk, disco, pop, kraut, indus, jazz, new-wave, pourquoi pas prog, etc). Sa naissance date d'alors que la météorite punk achevait de consumer ses dernières braises. Au vu de ce qui suivit, il ne serait pas exagéré que de parler de scène post-apocalyptique ; la diversité explosive des formations donnent encore aujourd'hui du grain à moudre aux auditeurs et musiciens de tout poil (trouvez-moi des points communs entre This Heat, Joy Division, Gang of Four, The Pop Group, Magazine et les Raincoats). Comme des rescapés sur un terrain en ruine, les explorateurs du post-punk s'accrochèrent à ce sur quoi ils parvenaient à refermer leurs griffes affamées, et qu'ils s'approprièrent avec tout le génie instinctif de l'Homme dos au mur, poussé jusque dans ses derniers retranchements. Forcé de survivre en innovant ou de mourir en embrassant le disco. On a a vu le post-punk prospérer, inspirer des genres auxquels il avait lui-même emprunté jusqu'à hériter au début des années 2000 de son propre revival. Une initiative garnie d'une myriade de groupes qui pensèrent prendre le relai de leurs aînés alors qu'ils s'appliquèrent pour la plupart à prendre l'affaire à l'envers, s'appliquant à reproduire certains gimmicks et certaines sonorités au lieu de poursuivre leurs recherches soniques. Heureusement, quelques villages gaulois résistent encore et toujours à la monotonie en s'entêtant à renouveler la formule et à tenter de s'extraire de leur condition (citons en exemple les prolifiques Liars ou les trop rares These New Puritans). C'est sur un de ces collectifs de keupons d'après-guerre qu'on va se pencher. Hier ça nous venait de Kinshasa, aujourd'hui ça nous arrive tout droit du Seigneur.
Avant le cataclysme, Algiers était probablement un groupe de gospel. Du genre à chanter la gloire du Créateur tous les dimanches matins à l'Eglise en soutane bleu et jaune, les mains tendues vers le ciel, le visage crispé par l'extase. Après le cataclysme, Algiers est devenu un groupe de post-punk. Du genre à gronder la colère de Dieu tous les samedis soirs devant l'échafaud en toge noir et rouge, le doigt accusateur pointé vers les pêcheurs qu'ils sermonnent, le visage tordu par une grimace de sainte terreur. Le son des américains est celui d'une foi durcie par l'aridité d'un monde désolé. Et sinon concrètement ? Algiers c'est d'abord un organe possédé. Selon les moments, Franklin James Fischer pousse sa plainte vibrante d'un amer pessimisme, ou bien feule et halète comme un James Brown en fin de route. Derrière, le paysage est désolé. Des boîtes à rythmes qui étouffent, des chœurs hantés dont on se demande parfois s'ils ne proviennent pas d'un clavier bidouillé, une guitare bipolaire – tantôt froide et métallique, tantôt brûlante d'urgence contenue. Tout cela groove salement l'air de rien, mais d'un groove menaçant à tout instant de se raidir pour de bon, un groove qui vit chaque nouvelle mesure comme autant de soubresauts reculant l'inévitable.
Ainsi le post-punk s'est-il emparé du gospel d'Algiers pour mieux survivre à ses dépens, le subvertissant tout en révélant une face insoupçonnée du genre – lequel, ça je vous laisserai décider. Malgré toutes ces louanges, il est frustrant de constater que le groupe passe ses trois premières pistes à se réveiller petit à petit... un peu comme le Viet-Cong en début d'année, cet Algiers est un diesel qui prend son temps pour s'extraire de son marécage, avant de briller finalement d'un beau noir de jais sur les huit morceaux restants ! Mais avant de se prononcer définitivement sur ce disque, gardons bien à l'esprit qu'il s'agit ici d'un premier album à la formule déjà rodée, laissant entrevoir un sacré potentiel (si j'ose dire) qui ne manquera pas de nous faire fantasmer un futur post-apocalyptique fascinant de noirceurs impies.
En bon parasite, le post-punk a le chic pour survivre d'année en année, en pervertissant les genres pour mieux s'en nourrir. Pas plus tard qu'il y a deux semaines, les Mbongwana Star avaient déjà réussi le pari improbable de mêler la chaleur festive de la musique traditionnelle congolaise à la menace polaire propre aux productions post-punk. Il faut dire que que de tout temps ce style s'est développé en intégrant dans sa matrice ses voisins de palier (funk, disco, pop, kraut, indus, jazz, new-wave, pourquoi pas prog, etc). Sa naissance date d'alors que la météorite punk achevait de consumer ses dernières braises. Au vu de ce qui suivit, il ne serait pas exagéré que de parler de scène post-apocalyptique ; la diversité explosive des formations donnent encore aujourd'hui du grain à moudre aux auditeurs et musiciens de tout poil (trouvez-moi des points communs entre This Heat, Joy Division, Gang of Four, The Pop Group, Magazine et les Raincoats). Comme des rescapés sur un terrain en ruine, les explorateurs du post-punk s'accrochèrent à ce sur quoi ils parvenaient à refermer leurs griffes affamées, et qu'ils s'approprièrent avec tout le génie instinctif de l'Homme dos au mur, poussé jusque dans ses derniers retranchements. Forcé de survivre en innovant ou de mourir en embrassant le disco. On a a vu le post-punk prospérer, inspirer des genres auxquels il avait lui-même emprunté jusqu'à hériter au début des années 2000 de son propre revival. Une initiative garnie d'une myriade de groupes qui pensèrent prendre le relai de leurs aînés alors qu'ils s'appliquèrent pour la plupart à prendre l'affaire à l'envers, s'appliquant à reproduire certains gimmicks et certaines sonorités au lieu de poursuivre leurs recherches soniques. Heureusement, quelques villages gaulois résistent encore et toujours à la monotonie en s'entêtant à renouveler la formule et à tenter de s'extraire de leur condition (citons en exemple les prolifiques Liars ou les trop rares These New Puritans). C'est sur un de ces collectifs de keupons d'après-guerre qu'on va se pencher. Hier ça nous venait de Kinshasa, aujourd'hui ça nous arrive tout droit du Seigneur.
Avant le cataclysme, Algiers était probablement un groupe de gospel. Du genre à chanter la gloire du Créateur tous les dimanches matins à l'Eglise en soutane bleu et jaune, les mains tendues vers le ciel, le visage crispé par l'extase. Après le cataclysme, Algiers est devenu un groupe de post-punk. Du genre à gronder la colère de Dieu tous les samedis soirs devant l'échafaud en toge noir et rouge, le doigt accusateur pointé vers les pêcheurs qu'ils sermonnent, le visage tordu par une grimace de sainte terreur. Le son des américains est celui d'une foi durcie par l'aridité d'un monde désolé. Et sinon concrètement ? Algiers c'est d'abord un organe possédé. Selon les moments, Franklin James Fischer pousse sa plainte vibrante d'un amer pessimisme, ou bien feule et halète comme un James Brown en fin de route. Derrière, le paysage est désolé. Des boîtes à rythmes qui étouffent, des chœurs hantés dont on se demande parfois s'ils ne proviennent pas d'un clavier bidouillé, une guitare bipolaire – tantôt froide et métallique, tantôt brûlante d'urgence contenue. Tout cela groove salement l'air de rien, mais d'un groove menaçant à tout instant de se raidir pour de bon, un groove qui vit chaque nouvelle mesure comme autant de soubresauts reculant l'inévitable.
Ainsi le post-punk s'est-il emparé du gospel d'Algiers pour mieux survivre à ses dépens, le subvertissant tout en révélant une face insoupçonnée du genre – lequel, ça je vous laisserai décider. Malgré toutes ces louanges, il est frustrant de constater que le groupe passe ses trois premières pistes à se réveiller petit à petit... un peu comme le Viet-Cong en début d'année, cet Algiers est un diesel qui prend son temps pour s'extraire de son marécage, avant de briller finalement d'un beau noir de jais sur les huit morceaux restants ! Mais avant de se prononcer définitivement sur ce disque, gardons bien à l'esprit qu'il s'agit ici d'un premier album à la formule déjà rodée, laissant entrevoir un sacré potentiel (si j'ose dire) qui ne manquera pas de nous faire fantasmer un futur post-apocalyptique fascinant de noirceurs impies.
Bon 15/20 | par X_Wazoo |
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