Laetitia Sadier
Something Shines |
Label :
Drag City |
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Il était une fois une petite fille haute comme trois pommes. Elle habitait dans la petite ferme d'un petit village en haut d'une petite colline. Cette petite colline était dominée par une haute montagne au pied de laquelle se dressait une immense forteresse de pierre. Cette forteresse sans visage oppressait le petit village en le couvrant de taxes et en empêchant ses petits habitants de penser comme ils le voulaient. Alors, à mesure que la forteresse grandissait, le village rapetissait. La famille de la petite fille haute comme trois pommes était très triste de ne pas pouvoir penser comme elle l'entendait et faire des économies. Il n'était pas rare de voir les parents pleurer doucement dans les écuries, auprès des petits chevaux. Un beau matin, n'y tenant plus, la petite fille se leva aux aurores, prit un petit sac de cailloux et s'en alla marcher vers la haute forteresse. Une fois parvenue jusqu'aux murailles grises, la jeune fille ouvrit son petit sac pour y prendre ses petits cailloux, et les jeta de toutes ses forces contre le grand mur. La forteresse ne trembla pas. Décidée, la petite fille haute comme trois pommes rentra chez elle. Depuis, dès le lendemain ainsi que tous les matins qui suivirent, elle retournait à la forteresse pour y lancer son petit sac de petits cailloux.
Ce conte, qui n'a pas encore de fin, rappelle (grossièrement certes) la démarche artistique de Laetitia Sadier. Vétérante du défunt Stereolab, tête de Monade et depuis 2010 maîtresse de sa propre carrière solo, Laetitia porte en elle un combat politique permanent ; un engagement de gauche qu'elle ne manque pas de retranscrire dans les paroles de ses chansons. Qu'elle critique la société du spectacle qui dissimule son linge sale derrière de belles paillettes, qu'elle interroge les riches - qui ont besoin des pauvres pour l'être, ou qu'elle fustige un système qui nous pousse à être en concurrence constante les uns contre les autres, la chanteuse demeure - et ce depuis toujours - fidèle à ses valeurs. Le plus étrange dans sa démarche, et ce qui fait toute son originalité, c'est l'ambivalence qui se dessine dans l'écart entre le fond (les messages forts, engagés) et la forme bien plus apaisée (cet écrin chatoyant et luxuriant qu'est la production made-in Sadier, prégnante sur Something Shines). Original quand on pense historiquement aux styles musicaux qui se firent les porte-drapeaux de grandes luttes sociales ou politiques ; on en ressort l'ascétisme musical des protest-songs du folk, l'urgence grinçante du punk et son cousin hardcore ou encore le terrorisme sonore primal de la noise... Rien qui s'apparente à une caresse d'une telle douceur. En résulte une sérénité contagieuse, une façon de s'éveiller en douceur aux questionnements de Laetitia qui deviennent séduisants par la force des choses.
Le conte de la petite fille haute comme trois pommes n'a pas de conclusion ; Laetitia est loin d'avoir fini son combat tranquille. Peut-être que les habitants du village s'inspireront de son exemple pour prendre part, eux aussi, à la lutte. A l'image de la myriade d'artistes qui sont venus sur Something Shines apporter leur patte. Peut-être qu'un jour la forteresse s'écroulera sur elle-même et qu'alors, les villageois danseront avec la petite fille haute comme trois pommes. Alors, enfin, "Life Will Be Winning" ! En attendant, reste cette inébranlable volonté de rester droit, sans fléchir, sans violence et sans barbarie.
Ce conte, qui n'a pas encore de fin, rappelle (grossièrement certes) la démarche artistique de Laetitia Sadier. Vétérante du défunt Stereolab, tête de Monade et depuis 2010 maîtresse de sa propre carrière solo, Laetitia porte en elle un combat politique permanent ; un engagement de gauche qu'elle ne manque pas de retranscrire dans les paroles de ses chansons. Qu'elle critique la société du spectacle qui dissimule son linge sale derrière de belles paillettes, qu'elle interroge les riches - qui ont besoin des pauvres pour l'être, ou qu'elle fustige un système qui nous pousse à être en concurrence constante les uns contre les autres, la chanteuse demeure - et ce depuis toujours - fidèle à ses valeurs. Le plus étrange dans sa démarche, et ce qui fait toute son originalité, c'est l'ambivalence qui se dessine dans l'écart entre le fond (les messages forts, engagés) et la forme bien plus apaisée (cet écrin chatoyant et luxuriant qu'est la production made-in Sadier, prégnante sur Something Shines). Original quand on pense historiquement aux styles musicaux qui se firent les porte-drapeaux de grandes luttes sociales ou politiques ; on en ressort l'ascétisme musical des protest-songs du folk, l'urgence grinçante du punk et son cousin hardcore ou encore le terrorisme sonore primal de la noise... Rien qui s'apparente à une caresse d'une telle douceur. En résulte une sérénité contagieuse, une façon de s'éveiller en douceur aux questionnements de Laetitia qui deviennent séduisants par la force des choses.
Le conte de la petite fille haute comme trois pommes n'a pas de conclusion ; Laetitia est loin d'avoir fini son combat tranquille. Peut-être que les habitants du village s'inspireront de son exemple pour prendre part, eux aussi, à la lutte. A l'image de la myriade d'artistes qui sont venus sur Something Shines apporter leur patte. Peut-être qu'un jour la forteresse s'écroulera sur elle-même et qu'alors, les villageois danseront avec la petite fille haute comme trois pommes. Alors, enfin, "Life Will Be Winning" ! En attendant, reste cette inébranlable volonté de rester droit, sans fléchir, sans violence et sans barbarie.
Pas mal 13/20 | par X_Wazoo |
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