Jackson C. Frank
Jackson C. Frank |
Label :
Columbia |
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"Le plus connu des musiciens folk sixties dont personne n'aie jamais entendu parler."
Ainsi s'exprime très justement un journaliste dans un article dédié à la mémoire de Jackson C. Frank, mort en 1999 après avoir porté toute sa vie durant un double fardeau.
Le premier est celui, tragique, qui lui coûta sa santé physique et a fortiori mentale. À l'âge de 11, dans son école, Jackson est victime d'un accident incendiaire qui tua la grande majorité de sa classe. Lui, le jeune garçon un peu timide qui s'était destiné à devenir chanteur ténor, se retrouve à l'hôpital avec la moitié du corps brûlé, mains y compris. À quelque chose malheur est bon ; c'est durant ces sept mois de convalescence qu'il apprend la guitare grâce à un de ses professeurs ; c'est aussi l'argent de l'assurance qui lui permit à 21 ans de se se payer un ticket pour l'Angleterre, afin d'aller réaliser le rêve américain des Beach Boys (sur "Little Deuce Coupe") en partant dépenser sa nouvelle petite fortune en voitures de sport.
Le deuxième fardeau que Frank dut traîner avec lui pendant plus de 30 ans débute alors, lorsqu'une fois arrivé à Londres une mélodie se met à lui trotter dans la tête. Lorsqu'il parvient à poser des notes de guitare sur cette idée et que lui vient des paroles, Jackson C. Frank s'apprête sans s'en rendre compte à composer un des plus grands hymne folk de l'histoire : "Blues Run The Game". Plus personnelle qu'aucune de ses futures compositions, cette chanson évoquant un homme hanté par son passé, partant en bateau pour ' l'Angleterre, bébé ou peut-être pour l'Espagne' avec de l'argent plein les poches et une profonde mélancolie, deviendra le miroir dans lequel se reflèteront nombre de jeunes artistes de l'époque, dont un certain Nick Drake... En attendant, la tête pleine de nouveaux rêves, Jackson oublie les bagnoles et use de son affabilité contagieuse pour s'intégrer à la scène folk locale, au milieu de laquelle il rencontre Art Garfunkel et Paul Simon. Ce dernier, impressionné par les compositions toutes fraîches du jeune Frank, lui propose de produire un album.
L'enregistrement ne prend pas plus de trois heures. Les dix morceaux de Jackson C. Frank sont déjà pensés et couchés sur papier lorsque Frank pousse la porte du studio. Timide et nerveux à l'idée qu'on le regarde enregistrer, il joue caché derrière un paravent. Derrière cette infime barrière, un culte est en train de naître ; un culte qui deux ans durant permettra l'ascension de Frank, mais qui à long terme le détruira... Tout, comme bien souvent dans ces histoires, était réuni pour que l'album se vende très bien. Une protest-song à la Dylan ("Don't Look Back", inspirée d'un meurtre raciste en Alabama), un morceau traditionnel réarrangé ("Kimbie"), une ode nostalgique au "home sweet home" américain ("Yellow Walls"), un blues ("Here Comes The Blues"), une perle intemporelle ("Milk & Honey", reprise par les trois quarts des folkeux ayant vécu), un voyage dans les contrées de John Fahey ("My Name Is Carnival), une chanson sérieuse (sic) contrebalançant une chanson comique au texte absurde (le diptyque "I Want To Be Alone (Dialogue)" / "Just Like Anything"), et l'inévitable 'break-up song' ("You Never Wanted Me").
Portées par la voix chaleureuse de Frank, ces compositions illuminèrent 1965 et l'album se vendit plutôt bien, notamment grâce au soutien de John Peel, décidément sur tous les bons coups. Surfant sur la vague du folk, qui menaçait à l'époque de détrôner l'emprise Beatles/Stones sur Londres, Frank fricote avec tous les grands noms américains et anglais de la folk et tourne au Royaume-Uni. Aux anges, le guitariste met sur pied un projet de second album en 1968, mettant son espoir et ses dernières économies dans l'enregistrement de ces nouvelles chansons. Seulement voilà, la vie se fait chienne et le public se détourne de Jackson, plus décidé à s'enivrer au son des guitares tonitruantes des étoiles montantes du hard-rock qu'à dodeliner de la tête au son d'une gratte mélancolique.
Lorsqu'il se rend compte au bout de quelques semaines que les gens ont simplement arrêté d'acheter ses nouvelles chansons, Frank sombre dans un profonde déprime, abandonnant tout plan de deuxième album, laissant de côté ses nouvelles compositions.
La suite (et fin) de l'histoire est triste. La raconter serait sombrer dans le sordide gratuit... Mais après plus de 45 ans, cet unique album résonne toujours aussi bien, touchant juste en éveillant les sentiments les plus primaires. Une guitare et une voix, on a rarement fait mieux pour exprimer la beauté simple du folk, pour parler de liberté, d'amour et de mélancolie. Que ce disque ait été trop puissant pour la personnalité fragile de son auteur, incapable de faire aussi bien par la suite, c'est certain. Reste derrière la tragédie humaine un héritage immortel porté par les Nick Drake, John Martyn, Paul Simon, Bert Jansch, Sandy Denny... la liste est sans fin et, Dieu merci, elle ne fait que s'agrandir.
Ainsi s'exprime très justement un journaliste dans un article dédié à la mémoire de Jackson C. Frank, mort en 1999 après avoir porté toute sa vie durant un double fardeau.
Le premier est celui, tragique, qui lui coûta sa santé physique et a fortiori mentale. À l'âge de 11, dans son école, Jackson est victime d'un accident incendiaire qui tua la grande majorité de sa classe. Lui, le jeune garçon un peu timide qui s'était destiné à devenir chanteur ténor, se retrouve à l'hôpital avec la moitié du corps brûlé, mains y compris. À quelque chose malheur est bon ; c'est durant ces sept mois de convalescence qu'il apprend la guitare grâce à un de ses professeurs ; c'est aussi l'argent de l'assurance qui lui permit à 21 ans de se se payer un ticket pour l'Angleterre, afin d'aller réaliser le rêve américain des Beach Boys (sur "Little Deuce Coupe") en partant dépenser sa nouvelle petite fortune en voitures de sport.
Le deuxième fardeau que Frank dut traîner avec lui pendant plus de 30 ans débute alors, lorsqu'une fois arrivé à Londres une mélodie se met à lui trotter dans la tête. Lorsqu'il parvient à poser des notes de guitare sur cette idée et que lui vient des paroles, Jackson C. Frank s'apprête sans s'en rendre compte à composer un des plus grands hymne folk de l'histoire : "Blues Run The Game". Plus personnelle qu'aucune de ses futures compositions, cette chanson évoquant un homme hanté par son passé, partant en bateau pour ' l'Angleterre, bébé ou peut-être pour l'Espagne' avec de l'argent plein les poches et une profonde mélancolie, deviendra le miroir dans lequel se reflèteront nombre de jeunes artistes de l'époque, dont un certain Nick Drake... En attendant, la tête pleine de nouveaux rêves, Jackson oublie les bagnoles et use de son affabilité contagieuse pour s'intégrer à la scène folk locale, au milieu de laquelle il rencontre Art Garfunkel et Paul Simon. Ce dernier, impressionné par les compositions toutes fraîches du jeune Frank, lui propose de produire un album.
L'enregistrement ne prend pas plus de trois heures. Les dix morceaux de Jackson C. Frank sont déjà pensés et couchés sur papier lorsque Frank pousse la porte du studio. Timide et nerveux à l'idée qu'on le regarde enregistrer, il joue caché derrière un paravent. Derrière cette infime barrière, un culte est en train de naître ; un culte qui deux ans durant permettra l'ascension de Frank, mais qui à long terme le détruira... Tout, comme bien souvent dans ces histoires, était réuni pour que l'album se vende très bien. Une protest-song à la Dylan ("Don't Look Back", inspirée d'un meurtre raciste en Alabama), un morceau traditionnel réarrangé ("Kimbie"), une ode nostalgique au "home sweet home" américain ("Yellow Walls"), un blues ("Here Comes The Blues"), une perle intemporelle ("Milk & Honey", reprise par les trois quarts des folkeux ayant vécu), un voyage dans les contrées de John Fahey ("My Name Is Carnival), une chanson sérieuse (sic) contrebalançant une chanson comique au texte absurde (le diptyque "I Want To Be Alone (Dialogue)" / "Just Like Anything"), et l'inévitable 'break-up song' ("You Never Wanted Me").
Portées par la voix chaleureuse de Frank, ces compositions illuminèrent 1965 et l'album se vendit plutôt bien, notamment grâce au soutien de John Peel, décidément sur tous les bons coups. Surfant sur la vague du folk, qui menaçait à l'époque de détrôner l'emprise Beatles/Stones sur Londres, Frank fricote avec tous les grands noms américains et anglais de la folk et tourne au Royaume-Uni. Aux anges, le guitariste met sur pied un projet de second album en 1968, mettant son espoir et ses dernières économies dans l'enregistrement de ces nouvelles chansons. Seulement voilà, la vie se fait chienne et le public se détourne de Jackson, plus décidé à s'enivrer au son des guitares tonitruantes des étoiles montantes du hard-rock qu'à dodeliner de la tête au son d'une gratte mélancolique.
Lorsqu'il se rend compte au bout de quelques semaines que les gens ont simplement arrêté d'acheter ses nouvelles chansons, Frank sombre dans un profonde déprime, abandonnant tout plan de deuxième album, laissant de côté ses nouvelles compositions.
La suite (et fin) de l'histoire est triste. La raconter serait sombrer dans le sordide gratuit... Mais après plus de 45 ans, cet unique album résonne toujours aussi bien, touchant juste en éveillant les sentiments les plus primaires. Une guitare et une voix, on a rarement fait mieux pour exprimer la beauté simple du folk, pour parler de liberté, d'amour et de mélancolie. Que ce disque ait été trop puissant pour la personnalité fragile de son auteur, incapable de faire aussi bien par la suite, c'est certain. Reste derrière la tragédie humaine un héritage immortel porté par les Nick Drake, John Martyn, Paul Simon, Bert Jansch, Sandy Denny... la liste est sans fin et, Dieu merci, elle ne fait que s'agrandir.
Intemporel ! ! ! 20/20 | par X_Wazoo |
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