Far
At Night We Live |
Label :
Vagrant |
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A l'automne 2008, deux tragédies frappent le rock de Sacramento : 1. Chi Cheng, bassiste des Deftones, est victime d'un grave accident de voiture qui le plongera dans un interminable coma affecté de complications et d'états semi-comateux, nécessitant une hospitalisation qui durera plus de trois ans et demi... Et 2. Far refait surface avec une reprise de merde du chanteur Ginuwine. Rapprochement à nuancer, certes, mais pas sans lien... Chi a fini par rentrer chez lui pour se remettre de sa longue absence (été 2012, NDLR), mais il est moins sûr qu'on se remette un jour de la réapparition du groupe de Jonah Matranga.
L'info est donc lâchée en 2008, le groupe se remet au charbon, mais leur "Pony" (ça me rappelle quelque chose...) est incontestablement ce qu'il a fait de plus détestable. Strictement contraire à l'esprit du Far qu'on avait laissé dix ans plus tôt, au point d'apparaître comme une blague de mauvais goût. Rappelons que Ginuwine, c'est du érainebi ! Et malgré le symbole que peut évoquer le quatuor, considéré comme emo avant l'emo et ingrédient essentiel à l'éclosion d'un courant rock moderne des années 2000, c'est donc en toute logique que At Night We Live sort deux ans plus tard, dans les bacs, mais surtout dans une indifférale générence. Enfin quelque chose comme ça. Dommage, car l'album est justement dédié à Chi Cheng...
Le premier extrait de l'opus, "Dear Enemy", a bien calmé les appréhensions. Même s'il est sans nul doute taillé pour la radio dans un format minimaliste couplet-refrain-couplet-etc., son riff macho bien graisseux trempé dans l'huile des frites pas changée depuis dix ans et son pont instrumental sans gêne contrebalancent la grandiloquence de son refrain spatio-temporel. De quoi se réjouir après la fumisterie "Pony". Puis, une fois l'album acquis, on entre sur le tic-tac d'un gros "Defeaning" qui semble donc justement remettre les pendules à l'heure de façon définitive. On sent que la formule est légèrement modifiée, "au goût du jour" et un peu moins personnelle, mais le son reste gros et le rock efficace. Vient alors "If You Cared Enough" et le doute s'installe à nouveau : le petit riff minimaliste est typique du groupe, mais le rythme semble plutôt piqué au rock FM 2.0. Et le refrain bisou-bisou de nous faire basculer dans la consternation. L'album va alors se révéler petit à petit comme un semi-ratage, voire selon l'humeur du jour, un ratage tout court.
Pour l'admirateur de Far, un titre sur deux - rigoureusement - est extrêmement dur à avaler, basculant trop souvent dans la popounette radiophonique. On peut aimer Jimmy Eat World à petites doses, comme c'est mon cas, mais seulement exécuter par Jimmy Eat World... Les projets pop de Matranga, New End Original et Gratitude, ont incontestablement déteint sur Far sans aucune retenue, donc pour le pire. C'est alors bien méchant à dire, mais c'est comme si le groupe tentait de faire de At Night We Live son White Pony : le coït de la rage metal et de l'aérien pop, les deux ou trois tubes hybrides incontournables, la longue plage intense finale... Mais hélas, le tout avec dix ans de retard et l'efficacité de Good Charlotte ! Suffit de se repasser la demi-teinte "Give Me A Reason" pour se faire une raison ou "Are You Sure?" pour en être tout à fait certain... voire l'effroyable "Burns" pour en avoir plein les couilles, mais là on s'égare... Tout ça nous plante trop régulièrement en plein territoire guimauve, quelque part entre le pop-rock eunuque de Coldplay et le punk-pop US insupportadolescent, genre New Found Glory.
La prod' a bien du muscle, mais face à celle de Dave Sardy, celle du guitariste Shaun Lopez ne fait littéralement pas "le poids", et les arrangements sont au raz des pâquerettes. Où sont passé les guitares calmes mais brûlantes des couplets de "Not Really Here" ? L'écorchure de la voix de Matranga ? Tout transpire le bien conventionnel et gentil, là où "Nestle" voire "Joining The Circus" (histoire de citer également l'autre excellent album du groupe) étaient de petites pièces sournoises de tension. Pas de chansons boiteuse comme "Celebrate Her" (bis), qu'on pouvait presque rapprocher des titres tordus d'Alice In Chains. "When I Could See" et son riff oppressant semble s'évertuer à retrouver vainement cet esprit sombre de Far, sorte de compromis de ses deux autres opus ; "The Ghost That Kept On Haunting" étant donc un "Pink Maggit" du pauvre vaguement comestible, dont la tension évoque plutôt le Placebo de Without You I'm Nothing.
Et la main lourde sur les harmonies vocales n'arrangent rien. L'une des forces de Water & Solutions, à peu d'exceptions près, était justement de ne pas systématiquement gonfler les parties mélodiques d'harmonies à la tierce ; méthode d'enjolivement de base qui peut s'avérer autant éblouissante d'efficacité qu'absolument rebutant. Même les titres les plus calmes et doux de Far diffusaient ainsi dans leur aspect brut une odeur de fièvre. Ici, la quasi-totalité des propulsions émotionnelles atterrissent dans la barbe-à-papa... La théorie se démontre d'ailleurs parfaitement au travers du viril "Better Surrender", rare titre à sauver, de facture power pop et un arrière-goût de Weezer : les refrains ne sont pas doublés d'harmonies, on sent toute la différence, et Matranga en profite pour se lâcher un peu...
On pourrait également sauver le furieux "Fight Song #16,233,241" et son rythme haletant s'il n'était pas aussi affublé d'un refrain guimauve et d'un gros artifice studio pour couper le son (d'une grossièreté inimaginable de la part de Far!) à supplier que quelqu'un se dévoue pour débrancher le groupe de son coma artificiel. Et, bien malheureusement pour eux comme pour nous, la belle chanson éponyme, très aérienne et accrocheuse, écrite pour/sur Chi Cheng, se contente d'une formule couplet-refrain sans surprise, comme de paroles pas très imagées : un monde où "there is no car crash, there is no blood" nous dit-on durant l'envolée du pont... mouaif... Jolie, franchement très agréable à écouter, mais molle et pas poignante du tout. S'efforcer à vouloir faire un super-tube super-émouvant est souvent la meilleure façon de se super-planter...
Comme quoi se réveiller après un long sommeil affecte les sens, amaigris l'organisme, distille le talent. Imaginez donc Chi Cheng après plus de trois ans d'inconscience : "Hein? Un noir à la maison blanche!!!" ; "Tweet-quoi ?!" ; "C'est qui ça, Justin Bibron???"... On ne sait pas s'il faut en rire ou en pleurer, mais il est clair que la convalescence doit demander une certaine dose de courage.
Cerise sur la merde de iench', le groupe a eu l'idée aussi mauvaise que commerciale de glisser "Pony" en ghost track. Ce qui, bien évidemment, fout en l'air toute la saveur atmosphérique laissée par la plage finale. P*tain de bordel de m..., ma déception 2010.
L'info est donc lâchée en 2008, le groupe se remet au charbon, mais leur "Pony" (ça me rappelle quelque chose...) est incontestablement ce qu'il a fait de plus détestable. Strictement contraire à l'esprit du Far qu'on avait laissé dix ans plus tôt, au point d'apparaître comme une blague de mauvais goût. Rappelons que Ginuwine, c'est du érainebi ! Et malgré le symbole que peut évoquer le quatuor, considéré comme emo avant l'emo et ingrédient essentiel à l'éclosion d'un courant rock moderne des années 2000, c'est donc en toute logique que At Night We Live sort deux ans plus tard, dans les bacs, mais surtout dans une indifférale générence. Enfin quelque chose comme ça. Dommage, car l'album est justement dédié à Chi Cheng...
Le premier extrait de l'opus, "Dear Enemy", a bien calmé les appréhensions. Même s'il est sans nul doute taillé pour la radio dans un format minimaliste couplet-refrain-couplet-etc., son riff macho bien graisseux trempé dans l'huile des frites pas changée depuis dix ans et son pont instrumental sans gêne contrebalancent la grandiloquence de son refrain spatio-temporel. De quoi se réjouir après la fumisterie "Pony". Puis, une fois l'album acquis, on entre sur le tic-tac d'un gros "Defeaning" qui semble donc justement remettre les pendules à l'heure de façon définitive. On sent que la formule est légèrement modifiée, "au goût du jour" et un peu moins personnelle, mais le son reste gros et le rock efficace. Vient alors "If You Cared Enough" et le doute s'installe à nouveau : le petit riff minimaliste est typique du groupe, mais le rythme semble plutôt piqué au rock FM 2.0. Et le refrain bisou-bisou de nous faire basculer dans la consternation. L'album va alors se révéler petit à petit comme un semi-ratage, voire selon l'humeur du jour, un ratage tout court.
Pour l'admirateur de Far, un titre sur deux - rigoureusement - est extrêmement dur à avaler, basculant trop souvent dans la popounette radiophonique. On peut aimer Jimmy Eat World à petites doses, comme c'est mon cas, mais seulement exécuter par Jimmy Eat World... Les projets pop de Matranga, New End Original et Gratitude, ont incontestablement déteint sur Far sans aucune retenue, donc pour le pire. C'est alors bien méchant à dire, mais c'est comme si le groupe tentait de faire de At Night We Live son White Pony : le coït de la rage metal et de l'aérien pop, les deux ou trois tubes hybrides incontournables, la longue plage intense finale... Mais hélas, le tout avec dix ans de retard et l'efficacité de Good Charlotte ! Suffit de se repasser la demi-teinte "Give Me A Reason" pour se faire une raison ou "Are You Sure?" pour en être tout à fait certain... voire l'effroyable "Burns" pour en avoir plein les couilles, mais là on s'égare... Tout ça nous plante trop régulièrement en plein territoire guimauve, quelque part entre le pop-rock eunuque de Coldplay et le punk-pop US insupportadolescent, genre New Found Glory.
La prod' a bien du muscle, mais face à celle de Dave Sardy, celle du guitariste Shaun Lopez ne fait littéralement pas "le poids", et les arrangements sont au raz des pâquerettes. Où sont passé les guitares calmes mais brûlantes des couplets de "Not Really Here" ? L'écorchure de la voix de Matranga ? Tout transpire le bien conventionnel et gentil, là où "Nestle" voire "Joining The Circus" (histoire de citer également l'autre excellent album du groupe) étaient de petites pièces sournoises de tension. Pas de chansons boiteuse comme "Celebrate Her" (bis), qu'on pouvait presque rapprocher des titres tordus d'Alice In Chains. "When I Could See" et son riff oppressant semble s'évertuer à retrouver vainement cet esprit sombre de Far, sorte de compromis de ses deux autres opus ; "The Ghost That Kept On Haunting" étant donc un "Pink Maggit" du pauvre vaguement comestible, dont la tension évoque plutôt le Placebo de Without You I'm Nothing.
Et la main lourde sur les harmonies vocales n'arrangent rien. L'une des forces de Water & Solutions, à peu d'exceptions près, était justement de ne pas systématiquement gonfler les parties mélodiques d'harmonies à la tierce ; méthode d'enjolivement de base qui peut s'avérer autant éblouissante d'efficacité qu'absolument rebutant. Même les titres les plus calmes et doux de Far diffusaient ainsi dans leur aspect brut une odeur de fièvre. Ici, la quasi-totalité des propulsions émotionnelles atterrissent dans la barbe-à-papa... La théorie se démontre d'ailleurs parfaitement au travers du viril "Better Surrender", rare titre à sauver, de facture power pop et un arrière-goût de Weezer : les refrains ne sont pas doublés d'harmonies, on sent toute la différence, et Matranga en profite pour se lâcher un peu...
On pourrait également sauver le furieux "Fight Song #16,233,241" et son rythme haletant s'il n'était pas aussi affublé d'un refrain guimauve et d'un gros artifice studio pour couper le son (d'une grossièreté inimaginable de la part de Far!) à supplier que quelqu'un se dévoue pour débrancher le groupe de son coma artificiel. Et, bien malheureusement pour eux comme pour nous, la belle chanson éponyme, très aérienne et accrocheuse, écrite pour/sur Chi Cheng, se contente d'une formule couplet-refrain sans surprise, comme de paroles pas très imagées : un monde où "there is no car crash, there is no blood" nous dit-on durant l'envolée du pont... mouaif... Jolie, franchement très agréable à écouter, mais molle et pas poignante du tout. S'efforcer à vouloir faire un super-tube super-émouvant est souvent la meilleure façon de se super-planter...
Comme quoi se réveiller après un long sommeil affecte les sens, amaigris l'organisme, distille le talent. Imaginez donc Chi Cheng après plus de trois ans d'inconscience : "Hein? Un noir à la maison blanche!!!" ; "Tweet-quoi ?!" ; "C'est qui ça, Justin Bibron???"... On ne sait pas s'il faut en rire ou en pleurer, mais il est clair que la convalescence doit demander une certaine dose de courage.
Cerise sur la merde de iench', le groupe a eu l'idée aussi mauvaise que commerciale de glisser "Pony" en ghost track. Ce qui, bien évidemment, fout en l'air toute la saveur atmosphérique laissée par la plage finale. P*tain de bordel de m..., ma déception 2010.
Mauvais 5/20 | par X_YoB |
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