Diamanda Galas
La Serpenta Canta |
Label :
Mute |
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Tout comme on évite de parler de sodomie lors d'un premier rendez-vous amoureux, il sera bon de ne pas écouter du Diamanda Galas lors de la première nuit. La raison en est simple, sa voix a le pouvoir de fermer les cuisses et d'assécher les muqueuses.
La Serpenta Canta est un double album live dans lequel la cantatrice laisse libre cours à son goût prononcé pour le jazz, alternant reprises de standards et compositions personnelles. Seule sur scène face à son piano, je pensais naïvement que l'exercice de l'hommage canaliserait la folie destructrice de cette femme, j'étais dans l'erreur. Pourtant "Ain't No Grave Can Hold My Body Down" laissait augurer les meilleures choses : morceau rythmé, entraînant, porté par cette voix si particulière mais ici orientée vers le swing plutôt que la performance, on se surprendrait presque à claquer des doigts en sifflotant. Presque j'ai dit, car chez Diamanda Galas, il subsiste toujours quelque chose qui vous glace le sang.
D'ailleurs, les dix minutes suivantes de "Burning Hell" sont bien là pour rappeler que, jazz ou pas, reprise ou pas, tout sera transfiguré par des sentiments tels que la peur, la haine, la colère et l'angoisse, et que rien ne saurait contenir ses penchants pour le dissonant, le malaise musical, la folie vocale.
Ce double album s'avère donc d'une écoute éprouvante, certaines des chansons présentes n'étant que hurlements et notes lugubres, le piano n'étant au final qu'un ornement funèbre, le linceul d'une voix que l'on croit toujours devoir se rompre tant les sons que Diamanda en extrait sont inhumains. "I'm So Lonesome I Could Cry" et "Lonely Woman" ébranlent les nerfs au plus profond, mais lorsque la chanteuse laisse s'exprimer tout son blues et qu'elle ne le défigure pas, qu'elle l'expose nu, on découvre alors la magie que peut créer cette voix unique. "Blue Spirit Blues" procure des frissons, mais ce ne sont plus ceux de la peur. C'est cette voix rauque et animale, rampante... "I Put A Spell On You" est méconnaissable mais Galas l'hérétique en fait une interprétation rare, s'enfonçant peu à peu dans la démence de l'hystérie démoniaque, contrebalançant la surprenante douceur mélancolique de "At The Dark End Of The Street", chanson habitée par une ambiance gospel pleine de ferveur et de grâce.
Néanmoins, en dépit de ces morceaux de bravoure, le fait que l'artiste privilégie les morceaux lents n'aide en rien l'auditeur à encaisser le tout d'une seule traite. Les rayons de soleil sont rares, pâles et froids ("Dead Cat On The Line") et les sourires esquissés ne s'étirent que pour supporter les horreurs que débitent la chanteuse ("Baby's Insane", chanson écrite à l'origine en duo avec Jon Paul Jones. )
Je mets toutefois de côté deux morceaux majeurs, selon moi, qui rehaussent et pimentent l'ensemble : le très rythmé et dansant "Frenzy", fourré à la sensualité avec de vrais morceaux de groove dedans, et le glaçant "See That My Grave Is Kept Clean", noir et épais comme un café turc, tendu par une émotion prête à engloutir le monde, entre l'accablement d'un Job et la détresse d'un Christ sur la croix fustigeant son Père. Rarement le sentiment d'abandon s'est fait aussi prégnant dans une chanson.
Au final, il m'est difficile de dire que ce Serpenta Canta est un incontournable. Le style de la dame est tel que seuls les auditeurs les plus aguerris, ou les plus inconscients, toléreront un tel déferlement de noirceur. Cela dit, les amateurs de jazz trouveront peut-être un certain plaisir à jouer le jeu de l'intertextualité en redécouvrant des classiques du genre, et les ignorants dans mon genre deviendront de bienheureux fidèles le temps de cet enregistrement. Un investissement de choix...
La Serpenta Canta est un double album live dans lequel la cantatrice laisse libre cours à son goût prononcé pour le jazz, alternant reprises de standards et compositions personnelles. Seule sur scène face à son piano, je pensais naïvement que l'exercice de l'hommage canaliserait la folie destructrice de cette femme, j'étais dans l'erreur. Pourtant "Ain't No Grave Can Hold My Body Down" laissait augurer les meilleures choses : morceau rythmé, entraînant, porté par cette voix si particulière mais ici orientée vers le swing plutôt que la performance, on se surprendrait presque à claquer des doigts en sifflotant. Presque j'ai dit, car chez Diamanda Galas, il subsiste toujours quelque chose qui vous glace le sang.
D'ailleurs, les dix minutes suivantes de "Burning Hell" sont bien là pour rappeler que, jazz ou pas, reprise ou pas, tout sera transfiguré par des sentiments tels que la peur, la haine, la colère et l'angoisse, et que rien ne saurait contenir ses penchants pour le dissonant, le malaise musical, la folie vocale.
Ce double album s'avère donc d'une écoute éprouvante, certaines des chansons présentes n'étant que hurlements et notes lugubres, le piano n'étant au final qu'un ornement funèbre, le linceul d'une voix que l'on croit toujours devoir se rompre tant les sons que Diamanda en extrait sont inhumains. "I'm So Lonesome I Could Cry" et "Lonely Woman" ébranlent les nerfs au plus profond, mais lorsque la chanteuse laisse s'exprimer tout son blues et qu'elle ne le défigure pas, qu'elle l'expose nu, on découvre alors la magie que peut créer cette voix unique. "Blue Spirit Blues" procure des frissons, mais ce ne sont plus ceux de la peur. C'est cette voix rauque et animale, rampante... "I Put A Spell On You" est méconnaissable mais Galas l'hérétique en fait une interprétation rare, s'enfonçant peu à peu dans la démence de l'hystérie démoniaque, contrebalançant la surprenante douceur mélancolique de "At The Dark End Of The Street", chanson habitée par une ambiance gospel pleine de ferveur et de grâce.
Néanmoins, en dépit de ces morceaux de bravoure, le fait que l'artiste privilégie les morceaux lents n'aide en rien l'auditeur à encaisser le tout d'une seule traite. Les rayons de soleil sont rares, pâles et froids ("Dead Cat On The Line") et les sourires esquissés ne s'étirent que pour supporter les horreurs que débitent la chanteuse ("Baby's Insane", chanson écrite à l'origine en duo avec Jon Paul Jones. )
Je mets toutefois de côté deux morceaux majeurs, selon moi, qui rehaussent et pimentent l'ensemble : le très rythmé et dansant "Frenzy", fourré à la sensualité avec de vrais morceaux de groove dedans, et le glaçant "See That My Grave Is Kept Clean", noir et épais comme un café turc, tendu par une émotion prête à engloutir le monde, entre l'accablement d'un Job et la détresse d'un Christ sur la croix fustigeant son Père. Rarement le sentiment d'abandon s'est fait aussi prégnant dans une chanson.
Au final, il m'est difficile de dire que ce Serpenta Canta est un incontournable. Le style de la dame est tel que seuls les auditeurs les plus aguerris, ou les plus inconscients, toléreront un tel déferlement de noirceur. Cela dit, les amateurs de jazz trouveront peut-être un certain plaisir à jouer le jeu de l'intertextualité en redécouvrant des classiques du genre, et les ignorants dans mon genre deviendront de bienheureux fidèles le temps de cet enregistrement. Un investissement de choix...
Sympa 14/20 | par Arno Vice |
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