Akira Yamaoka

Silent Hill – Original Soundtracks

Silent Hill – Original Soundtracks

 Label :     King 
 Sortie :    vendredi 05 mars 1999 
 Format :  Bande Originale / CD   

Il existe une ville à laquelle seuls nos souvenirs peuvent nous mener. On n'y entre jamais de son plein gré, toujours à la recherche de quelque chose... ou de quelqu'un. On a tôt fait de se perdre dans le dédale de ruelles, désorienté par l'épais brouillard qui semble régner en permanence. Des flocons de neige tombent sur le bitume, même à la fin de l'été. Mais est-ce bien de la neige ? Ne serait-ce pas plutôt... de la cendre ? Un horrible sentiment commence à s'insinuer dans l'esprit du voyageur égaré. Les rayons du Soleil ont-ils jamais percé les nuages qui couvrent cette ville ? A-t-elle jamais été habitée par autre chose que ces créatures terrifiantes ? Comment expliquer ces énormes crevasses donnant sur le vide absolu qui coupent les avenues ? Ces questions s'évanouissent vite dès lors que le sol se transforme en grillage recouvert de rouille et de sang, que la faible lumière cède la place à la pénombre et que tout n'est plus que métal suintant...
Cette ville, c'est Silent Hill. Penser au fait qu'elle ne se trouve que dans le jeu vidéo du même nom semble aussitôt la rendre moins inquiétante, moins... sérieuse. Silent Hill est pourtant un titre qui se débarrasse vite de sa condition de jeu vidéo pour devenir une expérience unique. Et ce, notamment grâce au travail d'Akira Yamaoka, qui signe la bande-son de A à Z, des bruitages à la musique. Le thème principal, la première chose que l'on entend, est un titre de folk joué à la guitare et à la mandoline. Ces notes sont parmi les plus enjouées de l'album, bien que ce terme ne puisse pas vraiment s'appliquer à une seule seconde des quatre mille trois-cent vingt six qui composent le disque (ce qui fait un peu plus de soixante-douze minutes). Ce thème étrange fait une formidable porte d'entrée à l'univers cauchemardesque mais néanmoins onirique de Silent Hill. On sent la mélodie atrocement lourde de sentiments, écrasante de souvenirs, en témoignent ces sanglots qui surgissent à la fin, à la fois proches et tellement lointains. Et c'est alors qu'on pénètre pour de bon dans le monde tourmenté de Silent Hill. Sans prévenir, "All" nous inflige la musique la plus intolérable qui soit, qui va durer pendant plus d'une heure, tout au long des quarante-deux titres. Des percussions métalliques sauvages et aliénantes résonnent, ne couvrant qu'à moitié le lugubre souffle du vent dans les rues abandonnées de la ville. Quelques échos épars de machineries rejoignent un sifflement surgi des entrailles du sol. Et de nouveau, ces rythmes fous, d'une puissance tétanisante, qui enserrent l'esprit et empêchent de raisonner, piétinant l'espoir et détruisant toute volonté. On tente d'abord de résister, mais malgré les quelques plages ambiantes qui offrent des accalmies de trop courte durée, le cauchemar se nourrit de lui-même et s'étire sans fin, faisant fi de la notion de temps. Recroquevillé, dégoulinant de sueur, on accueille les notes de guitares de "Tears of..." comme une première bouffée d'air après l'atroce "My Heaven". On est à la piste trente-sept, et ça y est, c'est terminé. Le soulagement est à la hauteur de la terreur dans laquelle on a été plongé. "Tears of...", par sa mélancolie toute simple de retenue, ne peut qu'appeler les larmes, celles que l'on verse en sortant d'une épreuve innommable, réalisant qu'enfin, tout est fini. Les derniers morceaux, dans un esprit similaire, pansent quelque peu les blessures subies plus tôt. Sur "Killing Time", titre de lo-fi un peu glauque mais aux guitares chaudes, on réalise que rien ne sera plus jamais comme avant. On aura beau se dire que tout est terminé, Silent Hill marque au fer rouge quiconque la traverse, et visiter ce monde parallèle ne serait-ce qu'une seule fois donne une autre couleur à la réalité. "She", malgré ses atours quelque peu kitsch, poursuit dans cette même optique avec un folk rock crado au solo déjà entendu, trop familier. Il se jette alors sur "Esperándote", sans doute le morceau le plus étonnant, puisqu'enregistré en Argentine ; oui, c'est un tango. Et l'un des plus tristes qu'il m'ait été donné d'entendre... Que penser alors de "Silent Hill (Otherside)", le morceau final, n'arrivant qu'après cinq minutes de silence ? Dans un style encore lo-fi, il cache une ironie grinçante qui ne parvient absolument pas à minimiser l'horreur que l'on vient de vivre. Malgré ça, malgré le Soleil qui continuera à briller dans le ciel, malgré tout ce qu'on pourra écouter d'autre ensuite, Silent Hill existera toujours en nous, quelque part, prête à ressurgir...


Exceptionnel ! !   19/20
par Jumbo


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