Bedhead
What Fun Life Was |
Label :
Trance Syndicate |
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Le premier album des discrets texans Bedhead est l'un de mes gros coups de coeur de ces derniers mois, et peut-être années, ça c'est le temps qui me le dira. Connaissant peu la mouvance slow-core des années 90 constituée de Low ou de Codeine, j'ai écouté ce disque en sachant que j'entrais dans l'univers d'un des groupes emblématiques de ce courant. Car Bedhead est le genre de formation méconnue mais respectée et influente (beaucoup de groupes dits "post rock" à commencer par Mogwai, et peut-être Notwist ou Logh par la voix atone doivent être tombés sous le charme). Aujourd'hui, les texans continuent à explorer la même veine mélancolique et un peu âpre avec The New Year. En écoutant ce premier LP, je me suis vite demandé pourquoi " slow-core ", car le " noyau " de la musique de Bedhead, du moins dans ce disque, n'est pas la lenteur, ou du moins n'est elle vraiment pas systématique. Pour parler de Bedhead, je parlerais de clair-obscur, de ces longues errances pour trois guitares qui s'entrelacent à la recherche d'une lumière diffuse comme la lumière d'un soleil hivernal entre les branches nues, au petit matin. Puis surviennent de temps à autres ces décharges salvatrices presque gratuites, carillonantes, pleines de maladresse et d'intensité. Au milieu de tout ça une petite voix amorphe et douce essaie de se faire entendre, pour presque toujours renoncer.
L'expression " La faiblesse est une force " ne peut que très bien coller à ce disque sans équivalence connue dans mes pérégrinations musicales. Au début, deux éléments m'ont considérablement dérangé dans le son : cette petite voix comateuse tellement sous-mixée que les paroles en deviennent très souvent incompréhensibles, et au contraire cette batterie aux cymbales envahissantes, allant jusqu'à écraser, au cours de la pourtant belle explosion finale de " Bedside Table ", les guitares, la basse, bref : tout. Mais au milieu de ces sonorités dérangeantes restait quelque chose qui me fascinait déjà et m'a poussé à réécouter le disque encore et encore. Les guitares. Elles déroulent des entrelacs sublimes, se confondent tout le temps car elles ne mordent jamais sur les plates-bandes de l'autre, et finissent par esquisser des petites mélodies intemporelles, berceuses agrémentées d'un glockenspiel ("Crushing"), montée orageuse qui n'explosera pas vraiment (la longue et fascinante "Powder"), ou sursaut pop d'une fraîcheur désarmante avec "To The Ground", arpeges tourbillonants et immédiatement séduisants, sans aucun effet de production racoleur. Parfois elles pourraient être remplacées par une section de cuivres fière, en témoigne le jeu tonitruant de "Living Well". Sauf que le parti pris est que les mélodies doivent être d'une richesse inversement proportionnelle à l'économie de moyens dont les musiciens font preuve. Il est certain que les guitaristes ne possèdent pas une grande technique, mais leur manière de faire s'entrecroiser les notes, aussi simplement qu'avec invention et application, et tout ça sans aucun effet, a de quoi forcer mon respect. Ce jeu me semble temporairement et stylistiquement entre le Velvet et Mogwai, dont Bedhead a forcément inspiré le jeu des écossais.
Alors je suis revenu sur la voix, qui m'est devenu fort attachante. Chanter de manière aussi effacée, c'est comme chanter alors qu'on aurait voulu faire autre chose. Mais l'envie de dire est plus forte que tout. Le bon compromis est de demander à l'auditeur de faire un effort pour comprendre les textes, ou comprendre pourquoi il n'y comprend rien, du moins. J'en suis persuadé, Matt Kadane est quelqu'un d'immensément pudique. Es-ce par pudeur ou par horreur à l'idée d'asséner un message à l'auditeur qu'il semble autant dans sa bulle? Et puis le jeu de batterie est comme la guitare. Simple sans simplisme, régulier comme un métronome. Le tout semble enregistré en prise directe et finit doucement par bouleverser... Les décharges bruyantes sont toujours portées par une sorte d'héroïsme naïf, comme si elles jouaient pour une dernière fois, grandiloquence sabordée par la voix marmonée qui semble toujours se contrefoutre de se faire une place au milieu de ces enchevêtrements de cordes de guitares caressées ou frappées, cette batterie volontairement trop présente.
Ce qui se produit ici est pour moi magnifique. Car derrière ces harmonies parfaites, ces explosions si évidentes et libératrices, ce son si direct et un peu maladroit, se dévoile mine de rien un grand groupe qui ne triche à aucun moment, que ce soit au niveau du son ou de l'emballage. Il n'y a rien, que du blanc, un blanc modeste qui renvoie à la grâce dans ce qu'elle a de plus brut.
L'expression " La faiblesse est une force " ne peut que très bien coller à ce disque sans équivalence connue dans mes pérégrinations musicales. Au début, deux éléments m'ont considérablement dérangé dans le son : cette petite voix comateuse tellement sous-mixée que les paroles en deviennent très souvent incompréhensibles, et au contraire cette batterie aux cymbales envahissantes, allant jusqu'à écraser, au cours de la pourtant belle explosion finale de " Bedside Table ", les guitares, la basse, bref : tout. Mais au milieu de ces sonorités dérangeantes restait quelque chose qui me fascinait déjà et m'a poussé à réécouter le disque encore et encore. Les guitares. Elles déroulent des entrelacs sublimes, se confondent tout le temps car elles ne mordent jamais sur les plates-bandes de l'autre, et finissent par esquisser des petites mélodies intemporelles, berceuses agrémentées d'un glockenspiel ("Crushing"), montée orageuse qui n'explosera pas vraiment (la longue et fascinante "Powder"), ou sursaut pop d'une fraîcheur désarmante avec "To The Ground", arpeges tourbillonants et immédiatement séduisants, sans aucun effet de production racoleur. Parfois elles pourraient être remplacées par une section de cuivres fière, en témoigne le jeu tonitruant de "Living Well". Sauf que le parti pris est que les mélodies doivent être d'une richesse inversement proportionnelle à l'économie de moyens dont les musiciens font preuve. Il est certain que les guitaristes ne possèdent pas une grande technique, mais leur manière de faire s'entrecroiser les notes, aussi simplement qu'avec invention et application, et tout ça sans aucun effet, a de quoi forcer mon respect. Ce jeu me semble temporairement et stylistiquement entre le Velvet et Mogwai, dont Bedhead a forcément inspiré le jeu des écossais.
Alors je suis revenu sur la voix, qui m'est devenu fort attachante. Chanter de manière aussi effacée, c'est comme chanter alors qu'on aurait voulu faire autre chose. Mais l'envie de dire est plus forte que tout. Le bon compromis est de demander à l'auditeur de faire un effort pour comprendre les textes, ou comprendre pourquoi il n'y comprend rien, du moins. J'en suis persuadé, Matt Kadane est quelqu'un d'immensément pudique. Es-ce par pudeur ou par horreur à l'idée d'asséner un message à l'auditeur qu'il semble autant dans sa bulle? Et puis le jeu de batterie est comme la guitare. Simple sans simplisme, régulier comme un métronome. Le tout semble enregistré en prise directe et finit doucement par bouleverser... Les décharges bruyantes sont toujours portées par une sorte d'héroïsme naïf, comme si elles jouaient pour une dernière fois, grandiloquence sabordée par la voix marmonée qui semble toujours se contrefoutre de se faire une place au milieu de ces enchevêtrements de cordes de guitares caressées ou frappées, cette batterie volontairement trop présente.
Ce qui se produit ici est pour moi magnifique. Car derrière ces harmonies parfaites, ces explosions si évidentes et libératrices, ce son si direct et un peu maladroit, se dévoile mine de rien un grand groupe qui ne triche à aucun moment, que ce soit au niveau du son ou de l'emballage. Il n'y a rien, que du blanc, un blanc modeste qui renvoie à la grâce dans ce qu'elle a de plus brut.
Exceptionnel ! ! 19/20 | par Sam lowry |
Note : le disque a été réédité en Février 2001 sur le label Touch and Go.
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