Brett Anderson
Wilderness |
Label :
Drowned In Sound |
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Quel destin fascinant que celui de Brett Anderson.
Doté d'un physique unique, d'une voix androgyne et d'un grand talent d'auteur, il a incarné pendant quelques années l'archétype du dandy british. Alors que chaque chanteur anglais possédant de l'attitude est affublé à tort de ce qualificatif, on ne pouvait pas trouver meilleur qualificatif pour cette personnalité, influencée par Bowie, les Smiths, James Dean et un célèbre Irlandais habitué du Savoy, dont l'héritage s'avère inépuisable.
Flamboyant, Brett l'a été, avant d'être rattrapé par la réalité. Une addiction au crack et à l'héroïne destructrice, une inspiration qui s'éloignait en même temps que la jeunesse fougueuse. La suite de sa carrière faisait peine à voir. Des disques de Suede de moins en moins bons, une échappée avec The Tears proche de l'auto-caricature, et un premier album solo sirupeux et mièvre. Comme s'il ne savait plus où il en était, toujours hanté par les démons de ses débuts aussi étincelants qu'éphémères. Dans mon cœur, Brett rejoignait la case de ces artistes irrémédiablement attachés aux années 90, qui nous ont donné tout ce qu'ils pouvaient très rapidement.
Et ce jusqu'à ce qu'on me conseille l'écoute de ce Wilderness, qui a finalement dépassé toutes mes espérances. L'alchimie est de retour.
Oubliés les postures androgynes, les déhanchés cambré le micro au creux des reins. Brett est désormais un homme blessé. Une étoile déchue, un musicien tombé dans l´oubli et dépassé par le personnage qu´il a été. Son visage creusé porte les stigmates de ses excès d'antan, sa voix a perdu ses accents grandioses et est désormais cassée et grave, comme un témoignage de l´âge qui l'a rattrapé. Elle n´en reste pas moins saisissante.
Et lorsque retentissent les premières mesures de "A Different Place", on est subjugué par la tristesse incommensurable qui est exprimée. Seulement accompagnée d'un piano, d'un violoncelle vibrant et d'une guitare sèche, la voix de Brett se fait déchirante. Il y expose ses plaies de façon sobre, sans aucune fioriture, semblant avoir abandonné toutes ses vaines idées de gloire, pour finalement toucher à l'essentiel. Le dépouillement installe un véritable malaise qu'on retrouve sur la totalité des morceaux, notamment "The Empress" et "Clowns", nus à l'extrême.
L'inspiration est aussi revenue au niveau des textes. Il ne s'agit plus de théâtraliser sa personne. Brett adopte désormais un réalisme cinglant, comme sur le romantique "Blessed", un des sommets de l'album, ou le terrible "Funeral Mantra", l'occasion pour l'auteur d'aborder avec froideur et fatalisme la mort ainsi que l'impossibilité d'apprendre de ses erreurs.
Ces 30 minutes de plongée dans l'intimité de Brett Anderson sont fascinantes, douloureuses mais d'une beauté désespérée à glacer le sang. On ne soupçonnait pas chez cet ex-amoureux de l'électricité un tel talent de composition pure, qui plus est sans s´associer à Bernard Butler. Car à aucun moment on ne ressent de longueur. Mieux: on retient son souffle pendant toute la durée de l'album, envoûté par ce disque qui a tout d'une catharsis.
Ces neuf diamants noirs font de Wilderness un véritable chef-d'œuvre, en même temps qu'une renaissance pour Brett Anderson. Après les errances qui ont suivi la fuite de la jeunesse, notre dandy a enfin dépassés ses illusions, fait la paix avec les fantômes de Suede et Dog Man Star pour s'affirmer comme un auteur-compositeur fascinant, aussi ombrageux que gracieux. Et c'est finalement le destin de chaque dandy: dépasser l'euphorie optimiste de la jeunesse avant de revenir doucement à la réalité, avec amertume. Il est grand temps de le réévaluer dans nos esprits et de se pencher sur ce disque, malheureusement sorti dans l´indifférence.
De profundis en 1897, Wilderness en 2008.
Mais laisson à Brett Anderson le mot de la fin.
"I made this album with the purest of intentions: to create a beautiful suite of songs untethered by second-guessing markets and playlists and music biz bullshit. I have no record company, no publisher and a smaller audience but I have never been more confident and focused about what I am doing as an artist"
Doté d'un physique unique, d'une voix androgyne et d'un grand talent d'auteur, il a incarné pendant quelques années l'archétype du dandy british. Alors que chaque chanteur anglais possédant de l'attitude est affublé à tort de ce qualificatif, on ne pouvait pas trouver meilleur qualificatif pour cette personnalité, influencée par Bowie, les Smiths, James Dean et un célèbre Irlandais habitué du Savoy, dont l'héritage s'avère inépuisable.
Flamboyant, Brett l'a été, avant d'être rattrapé par la réalité. Une addiction au crack et à l'héroïne destructrice, une inspiration qui s'éloignait en même temps que la jeunesse fougueuse. La suite de sa carrière faisait peine à voir. Des disques de Suede de moins en moins bons, une échappée avec The Tears proche de l'auto-caricature, et un premier album solo sirupeux et mièvre. Comme s'il ne savait plus où il en était, toujours hanté par les démons de ses débuts aussi étincelants qu'éphémères. Dans mon cœur, Brett rejoignait la case de ces artistes irrémédiablement attachés aux années 90, qui nous ont donné tout ce qu'ils pouvaient très rapidement.
Et ce jusqu'à ce qu'on me conseille l'écoute de ce Wilderness, qui a finalement dépassé toutes mes espérances. L'alchimie est de retour.
Oubliés les postures androgynes, les déhanchés cambré le micro au creux des reins. Brett est désormais un homme blessé. Une étoile déchue, un musicien tombé dans l´oubli et dépassé par le personnage qu´il a été. Son visage creusé porte les stigmates de ses excès d'antan, sa voix a perdu ses accents grandioses et est désormais cassée et grave, comme un témoignage de l´âge qui l'a rattrapé. Elle n´en reste pas moins saisissante.
Et lorsque retentissent les premières mesures de "A Different Place", on est subjugué par la tristesse incommensurable qui est exprimée. Seulement accompagnée d'un piano, d'un violoncelle vibrant et d'une guitare sèche, la voix de Brett se fait déchirante. Il y expose ses plaies de façon sobre, sans aucune fioriture, semblant avoir abandonné toutes ses vaines idées de gloire, pour finalement toucher à l'essentiel. Le dépouillement installe un véritable malaise qu'on retrouve sur la totalité des morceaux, notamment "The Empress" et "Clowns", nus à l'extrême.
L'inspiration est aussi revenue au niveau des textes. Il ne s'agit plus de théâtraliser sa personne. Brett adopte désormais un réalisme cinglant, comme sur le romantique "Blessed", un des sommets de l'album, ou le terrible "Funeral Mantra", l'occasion pour l'auteur d'aborder avec froideur et fatalisme la mort ainsi que l'impossibilité d'apprendre de ses erreurs.
Ces 30 minutes de plongée dans l'intimité de Brett Anderson sont fascinantes, douloureuses mais d'une beauté désespérée à glacer le sang. On ne soupçonnait pas chez cet ex-amoureux de l'électricité un tel talent de composition pure, qui plus est sans s´associer à Bernard Butler. Car à aucun moment on ne ressent de longueur. Mieux: on retient son souffle pendant toute la durée de l'album, envoûté par ce disque qui a tout d'une catharsis.
Ces neuf diamants noirs font de Wilderness un véritable chef-d'œuvre, en même temps qu'une renaissance pour Brett Anderson. Après les errances qui ont suivi la fuite de la jeunesse, notre dandy a enfin dépassés ses illusions, fait la paix avec les fantômes de Suede et Dog Man Star pour s'affirmer comme un auteur-compositeur fascinant, aussi ombrageux que gracieux. Et c'est finalement le destin de chaque dandy: dépasser l'euphorie optimiste de la jeunesse avant de revenir doucement à la réalité, avec amertume. Il est grand temps de le réévaluer dans nos esprits et de se pencher sur ce disque, malheureusement sorti dans l´indifférence.
De profundis en 1897, Wilderness en 2008.
Mais laisson à Brett Anderson le mot de la fin.
"I made this album with the purest of intentions: to create a beautiful suite of songs untethered by second-guessing markets and playlists and music biz bullshit. I have no record company, no publisher and a smaller audience but I have never been more confident and focused about what I am doing as an artist"
Exceptionnel ! ! 19/20 | par Vamos |
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