Alpha
ComeFromHeaven |
Label :
Melankolic |
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A l'instar des Cocteau Twins, nul autre groupe n'a pu semer tant de Beauté dans le monde sans jamais récolter plus que d'élogieux succès critique et public, certes initié mais déclinant et resté (relativement) confidentiel. Pourtant, tout prédisposait Alpha au succès public massif : musique accessible feutrée down-tempo née en pleine vague trip-hop, signature sur le label Melankolic de Massive Attack via Virgin, références soignées et cultes, voix et arrangements de très haute volée voire même de nombreux emprunts de leur hymne "Sometime Later" dans des pubs tv... Et pourtant...
Composé de deux cerveaux aux qualités complémentaires et indissociables, Alpha assoit son panache sur leur union dans le songwriting. D'un côté, le mélomane compulsif Andy Jenks, puisant ses influences dans le grand classicisme pop sixties des Lee Hazlewood, Burt Bacharach, Scott Walker et consors, insufflant le climat, les idées d'ambiances et les axes de progression des chansons ; de l'autre, Corin Dingley, l'architecte/arrangeur de génie qui sait dépeindre en quelques secondes seulement l'identité sonore si reconnaissable de Alpha. Soit réunis à deux donc, le penseur, l'initiateur des chansons et ensuite le metteur en sons de studio. En outre, s'il est bel et bien un point sur lequel Alpha excelle, c'est dans l'interprétation des titres chantés. Ainsi, dans le processus d'écriture, les deux compères soumettent leurs titres instrumentaux à un trio de chanteurs paroliers dont ils ne retiennent que la meilleure interprétation. Et, en toute franchise, combien de formations pop peuvent se targuer d'avoir ne serait-ce qu'un excellent interprète (notamment taillé pour la scène) ? Très peu finalement. Alpha, c'est très simple, en détient trois sur Come From Heaven en les personnes de Helen White (timbre naïf et timide), Wendy Stubbs (au timbre plus velouté et toujours en activité actuellement avec Corin Dingley) et Martin Barnard (voix hautement fragile et désespérément parlante). Trois âmes aux voix terriblement humaines insufflant des émotions inouïes, soulevant des sentiments très enfouis en chacun de nous. ‘Humaines' est le terme qui revient le plus souvent à l'esprit quand il s'agit de leurs voix.
ComeFromHeaven est l'album d'ouverture de Alpha, mêlant suavité et luxuriance des sonorités (toutes dans des tons chauds), dynamiques tout en langueur du couple batterie (ou boite à rythmes)/cordes (en averses), arrangements et identité sonore splendides et hors du commun très 60's, influences de musiques de films (avec samples prélevés à Francis Lai) ou de jazz, le tout flanqué d'une ahurissante modernité down tempo qu'il convient d'appeler 'trip-hop'. 'Trip-pop', l'on concèdera ici davantage. L'énorme qualité de Alpha réside dans son époustouflante signature sonore immédiatement indentifiable entre mille, en quelques mesures. Les featurings, nombreux, faisant la part belle aux mentors cités précédemment, sont insérés très intelligemment et ne donnent pas lieu à un collage abrupt mais plutôt à une fonte minutieusement épurée dans l'ambiance générale des morceaux, d'ailleurs souvent créés à partir de simples boucles de piano, basse, synthés ou orgues.
Lumière matinale tamisée du soleil, partiellement filtrée par la brume et aux rayons rasants, "My Things" ouvre l'écrin tout en douceur. La boucle de notes rattrapée par des cordes voluptueuses en fait la contemplation exaltée devant un paysage statique et reposant. Le côté jazzy de Alpha est parfaitement illustré ensuite par "Rain" au phrasé très 'duveté soul' de Wendy Stubbs, au rythme de batterie très entraînant puis par le chaloupé et groovy "Back" aux frappes de batterie qu'on jurerait amorties par des pinceaux. Il existe un côté un brin enfantin chez Alpha qu'ils me confiaient, notamment en usant d'extraits de contes lus pour les marmots, lors de notre entrevue. Il est ici pleinement assumé par la mélodie très premier degré mais redoutablement entêtante de "Delaney". Mélodie mutine et joyeuse, très évidente, rarement donnée à jouer à un groupe sans tomber dans la niaiserie, ce dont Alpha se débarrasse ici avec toute sa classe. C'est alors sans compter sur le côté Bristolien (leur origine) qui ressort avec d'autant plus de naturel comme en attestent les instrumentaux "Orange Apple" et "Hazeldub". Le premier, fascinant de bout en bout, revêt sa panoplie réglementaire trip-hop : infrabasses aux variations abyssales doublées d'une rythmique plus sèche, habillée d'arrangements scintillants de grande élégance : violoncelle, sons enveloppants puis mise en avant d'une pluie de cordes virant à la fusion, libérant d'intenses chaleurs. Le orange passant alors au rouge passion, charnel, dans une orgie de cordes en suspend conférant un état amoureux proche de l'évanouissement, de l'extase. "Hazeldub" est une ballade instrumentale rythmée exotique en pleine nature dont les merveilles se découvrent à chaque virage et donnant lieu à un ravissement final, fin de ballade, incarné par des voix béates. L'isolée "Slim", à la boucle entêtante de piano presque abrupte à l'oreille tant elle est courte, touche au sublime dans la luxuriance de cordes et de montée de beats. La voix timide de Helen White explose de tout son lyrisme sur sa déclaration ("Gave myself to you, no one can deny, I'm still waiting till you be so content to feel, can't despise myself, leave me break my heart, can't control the pain..."). Le titre éponyme de l'album est une montée rapide et orgasmique de cordes vers l'extase physique et cérébrale, d'autant plus renforcée par le bruit d'un avion à réaction hachurant le ciel sonore. L'Extase, avez-vous vous une idée de ce que c'est ? Avec son dérèglement des sens... A nouveau, la pertinence de Alpha est l'insertion de ce bruit improbable ailleurs mais qui ici, prend toute sa dimension symbolique. "Nyquil" développe une lenteur sans cesse balancée entre mélancolie statique dubitative et étincelles d'espoir tantôt vaines, tantôt exaltées avec une Wendy Stubbs toute en justesse de ton. "With", plus inquiet laisse la voie à "Firefly" chanté par Martin Barnard, rongé par le doute et la résignation.
Titres phares fonctionnant en diptyques masculin et féminin, "Sometime Later" et "SomewhereNotHere" respectivement à la troisième plage et à la clôture de l'album, renvoient à ce que Lee Hazelwood a pu faire de mieux à l'époque. A savoir une chanson originale baptisée "My Autumn's Done Come", ici foncièrement plagiée (écoutez et vous saurez) en même temps que transcendée dans ses interprétations par Martin Barnard ("Sometime Later") et Wendy Stubbs ("SomewhereNotHere"). Impossible de savoir quelle est la version la plus intense et donc à raison de savoir trancher, Corin Dingley et Andy Jenks se sont résolus à en conserver les deux... Plagiat effectivement du thème général de "My Autumn's Done Come", mais par contre ré-arrangé à leur image avec ce parfait savoir-faire d'ornementation des espaces sonores. Ces deux titres à la classe inégalée cristallisent l'apothéose de leur art à marier les influences révérencées à des arrangements soniques dignes de l'ère electronica. Telle ne fut pas notre déception de n'avoir su que très récemment que le motif de fond n'était pas original mais celui du bon vieux Lee... ComeFromHeaven mérite non pas le qualificatif 'intemporel' mais bel et bien 'exceptionnel' rien pour les emprunts (scandaleusement) non crédités sur l'album, du titre de Hazelwood.
ComeFromHeaven ou la bande-son de l'Amour exalté, embrasé de mille feux ardents, enivré jusqu'à faire vaciller les amants, la fièvre alimentant la passion de l'Absolu, jusqu'à en perdre la tête, la vénération de l'Extase proche du vertige, de la transe cool. Et nous autres humains, nous sommes les témoins vivants au dix-septième ciel de tant de Beauté sur le monde, et c'est déjà beaucoup.
Composé de deux cerveaux aux qualités complémentaires et indissociables, Alpha assoit son panache sur leur union dans le songwriting. D'un côté, le mélomane compulsif Andy Jenks, puisant ses influences dans le grand classicisme pop sixties des Lee Hazlewood, Burt Bacharach, Scott Walker et consors, insufflant le climat, les idées d'ambiances et les axes de progression des chansons ; de l'autre, Corin Dingley, l'architecte/arrangeur de génie qui sait dépeindre en quelques secondes seulement l'identité sonore si reconnaissable de Alpha. Soit réunis à deux donc, le penseur, l'initiateur des chansons et ensuite le metteur en sons de studio. En outre, s'il est bel et bien un point sur lequel Alpha excelle, c'est dans l'interprétation des titres chantés. Ainsi, dans le processus d'écriture, les deux compères soumettent leurs titres instrumentaux à un trio de chanteurs paroliers dont ils ne retiennent que la meilleure interprétation. Et, en toute franchise, combien de formations pop peuvent se targuer d'avoir ne serait-ce qu'un excellent interprète (notamment taillé pour la scène) ? Très peu finalement. Alpha, c'est très simple, en détient trois sur Come From Heaven en les personnes de Helen White (timbre naïf et timide), Wendy Stubbs (au timbre plus velouté et toujours en activité actuellement avec Corin Dingley) et Martin Barnard (voix hautement fragile et désespérément parlante). Trois âmes aux voix terriblement humaines insufflant des émotions inouïes, soulevant des sentiments très enfouis en chacun de nous. ‘Humaines' est le terme qui revient le plus souvent à l'esprit quand il s'agit de leurs voix.
ComeFromHeaven est l'album d'ouverture de Alpha, mêlant suavité et luxuriance des sonorités (toutes dans des tons chauds), dynamiques tout en langueur du couple batterie (ou boite à rythmes)/cordes (en averses), arrangements et identité sonore splendides et hors du commun très 60's, influences de musiques de films (avec samples prélevés à Francis Lai) ou de jazz, le tout flanqué d'une ahurissante modernité down tempo qu'il convient d'appeler 'trip-hop'. 'Trip-pop', l'on concèdera ici davantage. L'énorme qualité de Alpha réside dans son époustouflante signature sonore immédiatement indentifiable entre mille, en quelques mesures. Les featurings, nombreux, faisant la part belle aux mentors cités précédemment, sont insérés très intelligemment et ne donnent pas lieu à un collage abrupt mais plutôt à une fonte minutieusement épurée dans l'ambiance générale des morceaux, d'ailleurs souvent créés à partir de simples boucles de piano, basse, synthés ou orgues.
Lumière matinale tamisée du soleil, partiellement filtrée par la brume et aux rayons rasants, "My Things" ouvre l'écrin tout en douceur. La boucle de notes rattrapée par des cordes voluptueuses en fait la contemplation exaltée devant un paysage statique et reposant. Le côté jazzy de Alpha est parfaitement illustré ensuite par "Rain" au phrasé très 'duveté soul' de Wendy Stubbs, au rythme de batterie très entraînant puis par le chaloupé et groovy "Back" aux frappes de batterie qu'on jurerait amorties par des pinceaux. Il existe un côté un brin enfantin chez Alpha qu'ils me confiaient, notamment en usant d'extraits de contes lus pour les marmots, lors de notre entrevue. Il est ici pleinement assumé par la mélodie très premier degré mais redoutablement entêtante de "Delaney". Mélodie mutine et joyeuse, très évidente, rarement donnée à jouer à un groupe sans tomber dans la niaiserie, ce dont Alpha se débarrasse ici avec toute sa classe. C'est alors sans compter sur le côté Bristolien (leur origine) qui ressort avec d'autant plus de naturel comme en attestent les instrumentaux "Orange Apple" et "Hazeldub". Le premier, fascinant de bout en bout, revêt sa panoplie réglementaire trip-hop : infrabasses aux variations abyssales doublées d'une rythmique plus sèche, habillée d'arrangements scintillants de grande élégance : violoncelle, sons enveloppants puis mise en avant d'une pluie de cordes virant à la fusion, libérant d'intenses chaleurs. Le orange passant alors au rouge passion, charnel, dans une orgie de cordes en suspend conférant un état amoureux proche de l'évanouissement, de l'extase. "Hazeldub" est une ballade instrumentale rythmée exotique en pleine nature dont les merveilles se découvrent à chaque virage et donnant lieu à un ravissement final, fin de ballade, incarné par des voix béates. L'isolée "Slim", à la boucle entêtante de piano presque abrupte à l'oreille tant elle est courte, touche au sublime dans la luxuriance de cordes et de montée de beats. La voix timide de Helen White explose de tout son lyrisme sur sa déclaration ("Gave myself to you, no one can deny, I'm still waiting till you be so content to feel, can't despise myself, leave me break my heart, can't control the pain..."). Le titre éponyme de l'album est une montée rapide et orgasmique de cordes vers l'extase physique et cérébrale, d'autant plus renforcée par le bruit d'un avion à réaction hachurant le ciel sonore. L'Extase, avez-vous vous une idée de ce que c'est ? Avec son dérèglement des sens... A nouveau, la pertinence de Alpha est l'insertion de ce bruit improbable ailleurs mais qui ici, prend toute sa dimension symbolique. "Nyquil" développe une lenteur sans cesse balancée entre mélancolie statique dubitative et étincelles d'espoir tantôt vaines, tantôt exaltées avec une Wendy Stubbs toute en justesse de ton. "With", plus inquiet laisse la voie à "Firefly" chanté par Martin Barnard, rongé par le doute et la résignation.
Titres phares fonctionnant en diptyques masculin et féminin, "Sometime Later" et "SomewhereNotHere" respectivement à la troisième plage et à la clôture de l'album, renvoient à ce que Lee Hazelwood a pu faire de mieux à l'époque. A savoir une chanson originale baptisée "My Autumn's Done Come", ici foncièrement plagiée (écoutez et vous saurez) en même temps que transcendée dans ses interprétations par Martin Barnard ("Sometime Later") et Wendy Stubbs ("SomewhereNotHere"). Impossible de savoir quelle est la version la plus intense et donc à raison de savoir trancher, Corin Dingley et Andy Jenks se sont résolus à en conserver les deux... Plagiat effectivement du thème général de "My Autumn's Done Come", mais par contre ré-arrangé à leur image avec ce parfait savoir-faire d'ornementation des espaces sonores. Ces deux titres à la classe inégalée cristallisent l'apothéose de leur art à marier les influences révérencées à des arrangements soniques dignes de l'ère electronica. Telle ne fut pas notre déception de n'avoir su que très récemment que le motif de fond n'était pas original mais celui du bon vieux Lee... ComeFromHeaven mérite non pas le qualificatif 'intemporel' mais bel et bien 'exceptionnel' rien pour les emprunts (scandaleusement) non crédités sur l'album, du titre de Hazelwood.
ComeFromHeaven ou la bande-son de l'Amour exalté, embrasé de mille feux ardents, enivré jusqu'à faire vaciller les amants, la fièvre alimentant la passion de l'Absolu, jusqu'à en perdre la tête, la vénération de l'Extase proche du vertige, de la transe cool. Et nous autres humains, nous sommes les témoins vivants au dix-septième ciel de tant de Beauté sur le monde, et c'est déjà beaucoup.
Exceptionnel ! ! 19/20 | par Cocteaukid |
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